Méthode TRAC dans le Domaine Temporel
Dans cette section, nous présentons le principe de la méthode de retournement temporel avec conditions absorbantes, dite TRAC, dans le cas d’un opérateur hyperbolique linéaire général tout d’abord, puis nous l’appliquons à deux exemples, tels que l’équation des ondes et le système de Maxwell.
Principe général dans le domaine temporel
Notre nouvelle méthode, que nous dénommons TRAC de l’anglais Time Reversed Absorbing Condition, soit condition absorbante retournée temporellement, permet de « recréer le passé » sans connaître la source qui a émis les signaux rétropropagés. Ceci a été rendu possible en combinant des techniques de retournement temporel et des conditions aux limites absorbantes. Après avoir enlevé une petite région contenant la source, nous avons introduit des conditions absorbantes retournées en temps (TRAC). Décrivons cette approche. Nous considérons une onde incidente U I qui illumine une inclusion D caractérisée par des propriétés physiques différentes de celles de son milieu environnant. Notons ∂D le bord de cette inclusion. Le champ total U T peut être décomposé en un champ incident et un champ diffracté US , soit UT := UI +US . Nous considérons le problème en dimension d où d = 1, 2, 3 et nous supposons que le champ total vérifie le problème hyperbolique linéaire (ou système d’équations), dont l’opérateur est noté L, que nous écrirons
L(UT) = 0 dans Rd,
(UT − UI)(t, « x) satisfait une condition de radiation à l’infini .
conditions initiales homogènes.
Le champ diffracté satisfait une condition de radiation à l’infini qui assure l’unicité de la solution. Pour l’équation des ondes, nous utilisons de manière classique une condition de Sommerfeld, ou de Silver-Müller pour les équations de Maxwell, cf. § 2.1.2 et 2.1.3, ou [AKNT11]. Notons ΓR la surface qui englobe D, sur laquelle nous avons positionné les transducteurs permettant l’enregistrement du champ diffracté, et Ω le domaine borné délimité par le bord ΓR. Nous supposons que l’onde incidente U I est engendrée par une source ponctuelle telle qu’après un temps Tf , le champ total UT est négligeable dans le domaine borné Ω, cf. Figure 2.1.
Soit V un champ qui vérifie le problème hyperbolique linéaire L(V ) = 0. Nous notons VR le champ retourné en temps correspondant, qui vérifie alors la même équation physique, VR := V (Tf − t, « x). Nous supposons que nous avons enregistré la valeur du champ total UT sur le bord ΓR qui entoure le domaine Ω. Rappelons que le champ direct se propage dans le milieu infini et n’est pas perturbé par le bord ΓR. Notre but est d’écrire un problème aux limites dont la solution est le champ total retourné en temps. Les propriétés physiques de l’inclusion ou sa position exacte sont inconnues. Les seules données que nous avons sont les propriétés physiques du milieu environnant, c’est-à-dire l’opérateur L à l’extérieur de D. Nous le noterons L0. Ainsi, UT R vérifie l’équation suivante
L0(UT R ) = 0 dans (0, Tf ) × Ω\D
Nous imposons des conditions de Dirichlet sur ΓR égales au retourné temporel des champs enregistrés, et des conditions initiales homogènes. Le point-clé est que le problème aux limites ci-dessus est sous-déterminé, en effet il nous manque la condition aux limites sur le bord de l’inclusion D de façon à définir un problème aux limites bien posé pour le champ retourné en temps UT R dans Ω \ D. Lors de la résolution de problèmes inverses, ni la forme, ni la position de l’inclusion D ne sont connues et souvent nous ne connaissons pas non plus le type de condition aux limites (dur ou mou) vérifié sur le bord de l’inclusion.
Retournement temporel sur le champ total
Pour l’étape de retournement temporel, nous comparons deux méthodes : la méthode que nous appellons “classique” et notre méthode avec conditions absorbantes retournées en temps. Pour cette dernière, nous devons introduire une frontière artificielle xB et travailler dans le domaine tronqué Ω :=]xB, xR[, alors que dans le cas classique nous gardons Ω :=]0, xR[ en entier.
Remarquons que pour l’équation de Helmholtz, cela n’a pas de sens de parler de retournement du temps, puisque le temps n’apparaît pas. Cependant, l’équivalent du retournement temporel est la conjugaison de phase. Par la suite, nous employons abusivement la notion de retournement en temps lorsqu’il s’agit de conjugaison de phase.
Systèmes d’équations pour le retournement temporel
Pour procéder au cas classique, nous supposons que nous avons enregistré la valeur du champ total au point xR où se situe notre émetteur-récepteur. En revanche, nous n’avons aucun contrôle sur ce qui se passe en 0, c’est pourquoi nous avons plusieurs possibilités. Une première idée nous vient de la physique. Nous imposons une condition aux limites absorbante. Ceci modélisera le fait que l’onde sort à l’infini, comme lors d’une expérience de retournement temporel physique. Le système devient alors :
−ω2w − c2w′′ = 0 dans ]0, xR[
w = uT en xR
iωw − cw′ = 0 en 0 .
Notre deuxième idée est de prendre le problème direct retourné en temps. La condition aux limites absorbante en x = 0 est alors retournée temporellement sans être la condition TRAC. Cela revient en fait à faire le retournement temporel du champ incident en imposant en xR la valeur enregistrée.
Remarque sur le caractère exact ou approché de la solution obtenue par la méthode TRAC
En dimension 1, la solution du problème de retournement temporel avec la méthode TRAC correspond exactement au champ diffracté retourné en temps dans le domaine restreint Ω \ B, lorsque le sous-domaine B englobe l’objet. Ceci est dû au fait qu’en dimension 1, la condition aux limites absorbante choisie est exacte pour le champ diffracté. Dans le cas fréquentiel, les formules analytiques obtenues, (3.1.8) pour le problème direct et (3.1.14) pour le problème de retournement temporel avec TRAC, montrent en effet que nous retrouvons exactement le champ diffracté retourné en temps. Par transformation de Fourier inverse, nous pouvons démontrer que le champ reconstitué par la méthode TRAC dans le domaine temporel est aussi exactement le champ diffracté retourné en temps dans le domaine restreint Ω \ B, lorsque le sous-domaine B englobe l’objet.
En revanche, en dimension supérieure, nous sommes amenés à travailler avec des conditions aux limites absorbantes approchées, plus faciles à mettre en œuvre numériquement. Notamment, nous nous intéressons uniquement à des conditions aux limites absorbantes de type Bayliss-Turkel d’ordre 1, cf. équation (1.3.5) pour nos tests en dimension 2. Ainsi, la solution obtenue par la méthode TRAC est une approximation du retourné temporel du champ diffracté que nous cherchons à reconstituer dans le domaine restreint Ω \ B, lorsque le sous-domaine B englobe l’objet. Pour avoir une solution qui soit exactement le retourné temporel du champ diffracté, il faudrait utiliser une condition aux limites absorbante exacte pour le champ diffracté sur la frontière ∂B.
RECRÉER LE PASSÉ AVEC LA MÉTHODE TRAC
Dans cette section, nous présentons un premier exemple. Cet exemple a pour vocation d’illustrer la méthode TRAC décrite en détail dans le chapitre 2. Pour nos résultats numériques, nous travaillons avec une équation des ondes scalaire en dimension 2. Les détails sur le choix des paramètres et de discrétisation seront développés dans les § 5.2 pour l’équation des ondes et 5.3 pour l’équation de Helmholtz. Pour l’instant, nous proposons de montrer sur un exemple les performances de la méthode TRAC et comment interpréter les planches de graphiques.
Nous montrons deux séries de graphiques. La première planche 5.1 présente l’évolution des champs directs sur un objet totalement réfléchissant (de type mou), en forme de poisson. Chaque champ évolue sur une ligne de la Figure 5.1 dans le sens des temps croissants de la gauche vers la droite. La première ligne 5.1a présente le champ incident, soit le champ qui se propage dans le milieu sans inclusion. La source est ponctuelle, située à environ cinq longueurs d’onde au-dessus du domaine, et lorsque l’onde arrive dans le milieu, elle est presque plane. Sur la deuxième ligne 5.1b, nous montrons le champ total, c’est-à-dire le champ résultant du champ incident lorsque celui-ci atteint l’inclusion réfléchissante. Finalement, la troisième ligne 5.1c nous donne une représentation du champ diffracté par l’inclusion. Cela revient à soustraire le champ incident du champ total. Nous voyons alors une onde se créer au niveau du poisson, puis diverger vers l’infini. À la fin de la simulation, c’est-à-dire sur les images de droite de chacune des lignes, il ne reste plus de signal dans le domaine de calcul. Ceci correspond à l’hypothèse où les conditions initiales lors du retournement temporel sont nulles. Notons par ailleurs que le champ diffracté, en Figure 5.1c n’est pas tout à fait une onde sphérique divergeant vers l’infini, mais peut satisfaire une condition de radiation à l’infini. Sur le bord du domaine de calcul sont représentés par des points noirs les récepteurs sur lesquels est enregistré le champ diffracté .
La deuxième planche 5.2 compare le retournement temporel exact en 5.2a à quatre retournements temporels numériques obtenus à partir des mesures sur la ligne d’émetteursrécepteurs :
• retournement temporel avec TRAC dans le cas où le sous-domaine B englobe correctement tout le poisson, cf. Figure 5.2b;
• retournement temporel avec TRAC dans le cas où le sous-domaine B n’englobe pas correctement tout le poisson, la queue reste dans le domaine de calcul Ω \ B, cf. Figure 5.2c;
• retournement temporel classique, cf. Figure 5.2d;
• retournement temporel avec une condition de Neumann homogène sur le bord de B dans le cas où le sous-domaine B englobe correctement tout le poisson, cf. Figure 5.2e. Notons par ailleurs que le champ retourné en temps exact est en fait obtenu en prenant les images du champ diffracté direct dans le sens des temps décroissants. Il n’y a pas de simulations numériques correspondant au retournement temporel exact. Nous le présentons à titre de référence qui montre ce que nous souhaiterions reconstituer.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Retournement Temporel
1.1.1 Petite histoire du Retournement Temporel
1.1.2 Principe du Retournement Temporel
1.2 Reconstruction de signaux
1.2.1 L’expérience initiale
1.2.2 Reconstitution numérique du séisme de Sumatra
1.2.3 Regard mathématique sur la limite de diffraction
1.3 Condition aux limites absorbante et méthode TRAC
1.3.1 Conditions aux limites absorbantes
1.3.2 Méthode TRAC
1.4 Applications de la méthode TRAC
1.4.1 Première application : Redatuming
1.4.2 Deuxième application : identification d’objets
1.5 Structure de la thèse
Méthode de Retournement Temporel avec Conditions aux limites Absorbantes (TRAC) : Principe et Faisabilité
2 Principe de la Méthode TRAC
2.1 Méthode TRAC dans le Domaine Temporel
2.1.1 Principe général dans le domaine temporel
2.1.2 Principe dans le cas de l’équation des ondes scalaire
2.1.3 Principe dans le cas des équations de Maxwell
2.2 Méthode TRAC dans le Domaine Fréquentiel
2.2.1 Principe général dans le domaine fréquentiel
2.2.2 Principe dans le cas de l’équation de Helmholtz
2.2.3 Principe dans le cas des équations de Maxwell harmoniques
3 Premiers pas : Méthode TRAC en dimension 1
3.1 Un peu de théorie avec l’équation de Helmholtz
3.1.1 Problème direct
3.1.2 Retournement temporel sur le champ total
3.1.3 Comparaison par résolution numérique
3.2 Premiers tests numériques pour l’équation d’onde
3.2.1 Problème direct
3.2.2 Retournement temporel numérique en 1D
3.2.3 Critères d’identification
3.3 Remarque sur le caractère exact ou approché de la solution obtenue par la méthode TRAC
4 Stabilité de la méthode TRAC
5 Recréer le passé avec la méthode TRAC
5.1 Premier exemple : le Poisson
5.2 Plus de tests pour l’équation des ondes
5.2.1 Système d’équations et paramètres physiques
5.2.2 Discrétisation des problèmes direct et TR
5.2.3 Résultats numériques
5.3 Quelques tests pour l’équation de Helmholtz
5.3.1 Équations et paramètres physiques
5.3.2 Discrétisation des problèmes direct et TR
5.3.3 Résultats numériques
Conclusion