Principe
Les méthodes itératives classiques (telles que Gauss-Seidel ou Jacobi) sont très efficaces durant les premières itérations pendant lesquelles elles réduisent rapidement les valeurs du résidu. Mais ensuite, la convergence ralentit dès lors qu’il s’agit de réduire les basses fréquences, qui pourraient être plus rapidement évaluées sur une grille grossière. Cette observation a mené au développement des méthodes multigrilles, qui reposent sur l’utilisation de plusieurs niveaux de calcul. Le principe est d’effectuer des itérations d’une méthode itérative ayant des bonnes propriétés de lissage des hautes fréquences sur le niveau de calcul le plus fin, afin d’évaluer ces hautes fréquences puis de restreindre le problème sur un ou plusieurs niveaux plus grossiers, comportant moins de degrés de liberté, et permettant de calculer les basses fréquences beaucoup plus efficacement. Selon la méthode employée pour la construction des différents niveaux de calcul, on distingue les approches algébriques et géométriques, qui seront décrites dans la suite du chapitre. Présentons tout d’abord plus en détail l’algorithme général de la méthode en commençant par sa version la plus simple, la méthode bigrille.
Multigrilles Algébriques (AMG)
Les multigrilles algébriques sont décrites en suivant Saad (Saad, 2003), c’est-à-dire à partir du mode de construction des matrices grossières et des opérateurs de transfert. Dans l’approche algébrique, ces constructions sont uniquement basées sur la matrice du système à résoudre. Elles sont donc totalement indépendantes du maillage. Nous décrivons brièvement cette construction à partir de l’équation 1.1, avec N le nombre de degrés de liberté du système. Notons aij le coefficient (i, j) de la matrice Ah et Vi l’ensemble des voisins du degré de liberté i défini par : ∀i ∈ {1, …, N}, Vi = {j ∈ {1, …, N} tel que aij 6= 0} (1.10) On définit ensuite Si l’ensemble des points auxquels le degré de liberté i est fortement connecté, c’est-à-dire dont les coefficients de la matrice sont particulièrement forts par rapport aux autres coefficients de la ligne correspondante : ∀i ∈ Vi, Si = {j ∈ {1, …, N} tel que |aij | ≥ α max k6=i |aik|}, 0 < α ≤ 1 (1.11) On construit ensuite, de manière itérative, grâce à ces deux ensembles un ensemble C contenant les degrés de liberté fortement couplés et qui formeront l’ensemble des degrés de liberté du niveau grossier. Cette stratégie est détaillée dans par Ruge et Stüben (Ruge et Stüben, 1987) et un exemple de construction de cet ensemble est décrit dans (Iwamura et al., 2003).
Multigrilles Géométriques (GMG)
Dans l’approche des multigrilles géométriques, les grilles grossières correspondent à des maillages construits sur la géométrie du domaine. Leur principale difficulté réside dans la construction de ces maillages, surtout lorsqu’ils sont non structurés et que le domaine est complexe. Différentes méthodes de construction peuvent être citées :
Grilles emboitées par élément Cette méthode repose sur le raffinement d’un maillage grossier qui est donc pris comme point de départ. Récemment utilisé par (Kimmritz et Richter, 2011) en mécanique des fluides, cette approche a également été utilisée dans les travaux de (Mocellin, 1999) pour résoudre des problèmes de mise en forme. Pour construire les différents niveaux, le maillage de départ est donc le maillage le plus grossier. Pour un cas 3D et un maillage tétraédrique, la figure 1.4 montre la stratégie de raffinement de tétraèdres, consistant à diviser chacun d’eux en 8 sous-tétraèdres qui composeront un niveau plus fin de calcul pour les multigrilles. Cette approche d’emboitement par élément a l’avantage d’engendrer des opérateurs de transfert très simples. En effet, les éléments de chacun des niveaux appartiennent par construction aux niveaux plus fins. Les opérateurs de transfert sont donc très simples à construire, précis et ne sont pas coûteux à utiliser. Cependant, plusieurs inconvénients sont à relever :
– Cette stratégie de raffinement des tétraèdres conduit nécessairement à la réduction de qualité des éléments. La figure 1.4 montre d’ailleurs un élément étiré en son centre.
– La nécessité de démarrer la génération des grilles à partir d’un maillage grossier est incompatible avec une utilisation industrielle, puisqu’il est alors difficile de traiter des géométries complexes qui sont généralement définies (en mise en forme) par le maillage le plus fin.
– Dans le cas de géométries complexes, la description géométrique de la frontière n’est en générale pas correcte. Bien qu’une méthode de projection des noeuds de surface soit proposée par (Mocellin, 1999) pour pallier à la différence de volume provenant de la méthode de raffinement, cela entraîne de nouvelles dégradations de la qualité du maillage.
Grilles emboitées par noeud Pour pallier aux limitations provenant de la méthode de déraffinement de maillage emboité par élément, (Rey, 2007) propose, à partir des travaux de (Carte et al., 2000) et (Coupez, 2000), de générer des grilles grossières emboitées par noeuds. Pour cela, à partir d’un maillage fin tridimensionnel initial Mh, défini par son ensemble de noeuds Ih et de ses tétraèdres Th, il utilise l’algorithme de déraffinement de maillage décrit sur l’algorithme 1 afin de générer un maillage grossier MH respectant la géométrie initiale et qui a une taille de maille C fois plus grande. Cela revient, pour chaque noeud i de Ih, à calculer la longueur moyenne lh(i) des arêtes qui lui sont connectées et à chercher à obtenir sur le maillage MH, pour tout i de IH, lH(i) ≈ Clh(i).
Grilles indépendantes Afin de mailler avec précision la géométrie du domaine à tous les niveaux, l’utilisation de maillages indépendants s’impose, même si elle nécessite la construction d’opérateurs plus complexes. Dans (Feng et al., 1997), les auteurs développent une méthode multigrille basée sur des maillages non structurés et indépendants pour la résolution de problèmes linéaires et non linéaires de la mécanique du solide. Celle-ci fournit des résultats très encourageants sur diverses applications en 2D et 3D. Par exemple, avec les maillages indépendants présentés sur la figure 1.6, la résolution du problème élastique comportant 81 500 degrés de liberté par la méthode multigrille permet une accélération d’un facteur 5,5 par rapport au solveur itératif par gradient conjugué.
Discrétisation spatiale
Pour la discrétisation du problème, la méthode des éléments finis est utilisée. Les simulations de mise en forme traitant des grandes déformations, des remaillages fréquents sont nécessaires pour mener la simulation à son terme. L’élément tétraédrique est donc choisi pour sa flexibilité vis à vis du maillage et du remaillage des géométries complexes (Coupez, 1994). Introduit par (Arnold et al., 1984), l’élément P1+/P1 est utilisé ici pour sa compatibilité avec la formulation mixte et parce qu’il permet de vérifier la condition de Brezzi-Babuska (Babuška, 1973), assurant à notre problème discret l’existence et l’unicité de la solution (vh, ph) ∈ (Vh x Ph). Le champ de vitesse est ainsi approximé par une interpolation linéaire à partir des sommets du tetraèdre et enrichi par une fonction bulle linéaire par morceaux sur les quatre sous-tétraèdres formés par les sommets et le centre de gravité du tétraèdre (figure 2.1a). La pression est interpolée linéairement (figure 2.1b).
Remaillage de surface et couplage avec le volume
Un des avantages du remaillage topologique est qu’il permet de remailler simultanément sur le volume et la surface du domaine Ω tout en respectant la géométrie. L’idée consiste à créer, dans un premier temps, une couche d’éléments virtuels connectés aux sommets du maillage surfacique et extérieurs au domaine. Pour cela, une duplication de chaque nœud frontière est réalisée afin de le relier à son double, en formant des tétraèdres virtuels qui ne contribuent pas au calcul du volume (ce qui permet de conserver le volume du domaine). La construction de cette couche d’éléments virtuels transforme les nœuds frontières en nœuds volumiques. Cela permet de déplacer ou supprimer des nœuds frontières afin d’introduire d’autres nœuds. On applique alors les opérations topologiques de volume résumées ci-dessus pour modifier le maillage surfacique (Coupez, 1991).
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Table des matières
Introduction générale
1 Méthodes Multigrilles
1.1 Présentation
1.1.1 Principe
1.1.2 Méthode bigrille
1.1.3 Méthodes multigrilles
1.2 Multigrilles Algébriques (AMG)
1.3 Multigrilles Géométriques (GMG )
1.3.1 Grilles emboitées par élément
1.3.2 Grilles emboitées par noeud
1.3.3 Grilles indépendantes
1.4 Bilan et approche retenue
2 FORGE R
2.1 Modélisation du problème mécanique
2.1.1 Equations
2.1.2 Eléments Finis Mixtes
2.1.3 Discrétisation
2.2 Résolution numérique du problème mécanique
2.2.1 Système à résoudre
2.2.2 Méthode de résolution
2.3 Génération de maillage et remaillage
2.3.1 Mailleur topologique MTC
2.4 Calcul Parallèle
2.4.1 Stratégie SPMD
2.4.2 Partitionnement et remaillage
2.5 Simulations de référence
2.5.1 Ecrasement entre tas plats
2.5.2 Triaxe frottant avec repli
2.5.3 Laminage retour
2.5.4 Martelage rotatif
3 Méthode Multigrille pour FORGE R
3.1 Méthode multigrille hybride
3.1.1 Construction parallèle des maillages grossiers
3.1.2 Construction parallèle des opérateurs de transfert
3.1.3 Eléments complémentaires
3.2 Réglage du préconditionneur Multigrille
3.2.1 Lisseur
3.2.2 Facteur de déraffinement
3.2.3 Grille grossière
3.3 Extensions de la méthode multigrille
3.3.1 GMRES + Multigrille
3.3.2 Solveur Multigrille
3.4 Conclusion
4 Etude de performances et applications
4.1 Etude de performances
4.1.1 Complexité asymptotique
4.1.2 Calcul parallèle
4.2 Applications
4.2.1 Forgeage du Triaxe
4.2.2 Laminage retour
4.2.3 Martelage rotatif
4.3 Conclusion
Conclusions et Perspectives
Bibliographie
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