-Méthode de récolte de la faune
Introduction générale
Quelque soit le canevas d’une étude donnée sur le milieu hyporhéique des cours d’eau, ce dernier ne peut être présenté sans énoncer Orghidan (1959) dont la toute première utilisation de ce terme lui revient et qui décrit cette interface comme un nouvel environnement souterrain contenant un biotope distinctif.
Donc, la reconnaissance de la zone hyporhéique en tant que composante intégrale des cours d’eau a élargi l’étendue spatiale de l’écosystème lotique pour inclure une dimension verticale (Ward, 1989), et la faune distinctive qui l’occupe a été découverte dans les années 1900, et l’intérêt initial s’est focalisé sur la description, la taxonomie, et les implications biogéographiques de ces découvertes (revu par Danielopol, 1982).
Le problème global de la perte irrémédiable de la biodiversité dans les habitats aquatiques (Claret et al., 1999), et qui sont d’avantage à surveiller vu le manque de données sur ce milieu (Marmonnier et al., 1993) ; nous a motivé à entamer cette étude.
Bien que la biodiversité soit conventionnellement considérée comme étant la richesse et la diversité des espèces dans un sens taxonomiques (Körner, 1993 ; Richardson & Cowling, 1993 ; Naeem et al., 1994 ; Naeem, 1998) des mesures fonctionnelles ont aussi été évoqués à cause des liens forts entre la biodiversité des espèces et des différents processus des écosystèmes (Chapin et al, 1992 ; Walker, 1992 ; Lawton, 1994 ; Johnson et al., 1996). En utilisant l’approche fonctionnelle, on peut comparer les assemblages interstitiels à une échelle locale mais aussi régionale, et faire un inventaire de la biodiversité dans ce milieu (Claret et al., 1999).
Selon Belaidi et al. (2004), la zone hyporhéique détient une forte hétérogénéité structurelle dépendante plus souvent de la géomorphologie de la rivière, de la circulation de l’eau dans le milieu hyporhéique et des échanges entre les eaux de surface et les eaux souterraines. Toujours selon cet auteur, la zone interstitielle dans l’oued Tafna a été peu investiguée en comparaison avec les eaux de surface principalement à cause des difficultés d’échantillonnage (le substrat est formé de bloc et de sédiment grossier cimentés par l’argile).
La biodiversité au sein de la zone hyporhéique
Il est généralement admis que la biodiversité d’un écotone est plus élevée que celles des communautés adjacentes (Leopold, 1933 ; Naiman et al, 1988a,b). Le cas des écotones superficiels/souterrains semblent plutôt différents, la densité et la biodiversité sont usuellement beaucoup plus importantes dans les environnements de surface que dans ceux souterrains. Par conséquent, l’écotone surface/souterrain ne correspond pas à une zone plus riche, mais à une zone d’une biodiversité intermédiaire entre deux parties adjacentes (Gibert et al., 1990) .
Maridet et Philippe (1995) en étudiant la distribution verticale des invertébrés benthiques constatent une grande concentration d’organismes (85% à 94% des organismes totaux) au niveau de la strate 0-15cm. Un pourcentage de 19% à 60% est noté au dessous de 15cm. En conséquence, ces écotones superficiel/souterrain peuvent ne pas correspondre à une zone plus riche mais plutôt à une zone de biodiversité intermédiaire entre les systèmes adjacents.
La distribution et la nature des peuplements dépendent de plusieurs facteurs du milieu et de leurs interactions (Cummins et Lauff, 1968 ; Marmonier et Creuzé Des Châtelliers, 1991, Creuzé Des Châtelliers et al, 1992 ; Dole-Olivier et Marmonier, 1992a et 1992b ; Marmonier et al, 1992 ; Maridet et al, 1992 ; Marmonier et al, 1993 ; Bournaud et al, 1996…etc).
Géomorphologie du cours d’eau
La signification de l’échange hydrologique qui est spatialement variable et la nature géologique hétérogène façonnent les communautés d’invertébrés de subsurface (Brunke & Gonser, 1997 ; Stanford & Ward, 1993 ; Boulton et al., 1998 ; Hahn & Friedrich, 1999 ; Dumas et al., 2001 ; Malard et al., 2003 ; Griebler & Mosslacher, 2003 ; Hahn, 2006 ; Schmidt et al., 2007 ; Hahn & Fuchs, 2009). Fraser & Williams (1998) et Poole & al. (2006) ont mis la lumière sur l’importance des interactions existant entre les eaux souterraines et les eaux de surface ; qui sont spatio-temporellement hétérogènes ; sur les assemblages hyporhéiques et les échanges qui peuvent s’y produire. En effet, le fonctionnement de la surface et de l’hyporhéique sont clairement interdépendant. La zone hyporhéique est une source de nutriments pour les eaux de surface où la production primaire est stimulée, et qui en retour approvisionne en source de carbone organique labile pour la respiration de l’hyporhéique (Jones & Grimm, 1995). Avec l’augmentation du mélange des eaux souterraines avec celles de surface, la zone hyporhéique est devenue un site potentiellement important de rétention, de métabolisme et de minéralisations (Bencala, 1993 ; Hendricks, 1993 ; White, 1993).
Les facteurs physicochimiques
L’hyporhéos5 est fortement structuré par tous les processus hydrobiogéochimiques, on rencontre des organismes épigés pigmentés et oxygèno-dépendants en surface et des organismes hypogés dépigmentés s’accommodant du manque d’O2 en profondeur (Guerin, 2006). Il faut noter qu’à l’inverse des eaux souterraines, les concentrations élevées en matière organique, issues du cours d’eau sont typiques de l’hyporhéique (Schmidt & Hahn, 2012). La zone hyporhéique peut emmagasiner trois fois plus de matière organique que la surface benthique (Valett et al., 19990). La recharge des eaux souterraines par le milieu superficiel, apporte de l’oxygène dissous, de la matière organique et des nutriments dont a continuellement besoin la faune ubiquiste qui comprend les stygophiles et la faune hyporhéique, mais ceci rend la vie des stygobies, qui ne sont pas des êtres compétitifs ; difficile ou même impossible (Schmidt & Hahn, 2012). Notant que généralement, la variation de la température, de la matière organique et de l’oxygène dissous diminuent avec le temps de résidence et la distance du passage dans la subsurface (Malard et al., 2001).
Les perturbations environnementales
Les dynamiques d’assemblages des animaux dans les couches superficielles d’un cours d’eau sont fortement influencées par l’hydrologie des eaux superficielles, avec les crues qui modifient la distribution spatiale (Williams & Hynes, 1974; Poole & Stewart, 1976; Danielopol, 1976) et la composition ainsi que la structure des assemblages des invertébrés qui s’y trouvent (Marmonnier & Creuzé des Châtelliers, 1991).
Dans les sédiments fluviaux, les dynamiques de distribution de la faune sont un aspect important lié aux perturbations environnementales (Hynes, 1983). Souvent, les mouvements des invertébrés épigés (organismes benthiques et planctoniques) sont liés aux inondations et aux sécheresses (Dole-Olivier & Marmonnier, 1992c), un phénomène qui a permit une meilleure compréhension des séquences de recolonisation des assemblages benthiques (Williams & Hynes, 1976 ; Delucchi, 1987, 1989 ; Scrimgeour et al., 1988 ; Scrimgeour & Winterbourn, 1989).
L’hyporéal est considéré donc comme une zone de refuge et de nurserie donc facteur de survie du benthos des cours d’eau temporaire (Berthélemy, 1968, 1973 ; Williams et Hynes, 1976, 1977 ; Williams, 1977).
Etude du milieu physique
Aperçu du bassin versant de la Tafna
Présentation du bassin versant
Le bassin versant de la Tafna est situé au Nord Ouest algérien. Il étale la quasi-totalité de son réseau hydrographique sur la wilaya de Tlemcen, le tiers restant déborde sur une partie du territoire marocain (fig n° 5).
Il est limité au Nord par les monts de Traras, au Sud par les monts de Tlemcen, à l’Est par Djebel Sebaâ chioukh et à l’Ouest par les monts de Béni Snassen du Maroc.
Les réseaux hydrographiques
La Tafna, cours principal de ce bassin, long de 170 km draine une superficie de 7245 km².,et présente une orientation SE-NW qui devient SW-NE puis S-N. Il prend sa source dans les monts de Tlemcen à une altitude de 1100 m au niveau de la grotte de Ghar Boumaâza. Cet oued prend le parcours qui se distingue par les trois étapes suivantes :
Tout d’abord, après avoir pris naissance à la grotte, il suit son cours drainant les versants Sud des monts de Tlemcen et les hautes vallées encaissées creusées dans des terrains jurassiques jusqu’à Bordj Sidi Medjahed en recevant en cours les eaux de l’oued Khémis et de l’oued Sebdou. L’oued arrive ensuite dans le bassin tertiaire puis une vallée argileuse (Gentil, 1903) en recevant en cours de route les apports de plusieurs petits affluents. Cette eau est ensuite retenue dans le barrage de Béni Bahdel ; jusqu’ici c’est la haute Tafna.
Aperçu de l’oued Khémis
Affluent rive gauche de la Tafna, cet oued naît dans le versant Nord-Ouest des Monts de Tlemcen à 1050 m d’altitude, long de 36 Km et présentant une orientation SE-NW, il est alimenté surtout par des sources pérennes.
L’oued Khémis court au fond d’une vallée extrêmement encaissée étroite creusé dans des terrains rocailleux et calcaires appelés les gorges du Khémis qui sont par ailleurs très fertile.
Hydrologie générale
L’hétérogénéité de ce bassin se retrouve aussi dans son bioclimat, ses oueds sont de type méditerranéen, leur régime hydrologique englobe deux périodes :
– Une période de hautes eaux hivernales où le débit varie considérablement en fonctions des précipitations qui présentent une variabilité interannuelle importante, cette période peut comprendre des épisodes de violentes crues.
– Une période de basse eau dite étiage, dont les débits de base des oueds sont réduits vu l’irrégularité des précipitations combinées aux hautes températures estivales induisant ainsi une forte évaporation de l’eau, ce qui provoque l’assèchement généralement à partir des zones de piémonts. Ceci est surtout en fonction du numéro d’ordre du cours d’eau et du type d’alimentation (Taleb, 2004), seules, les zones de sources subsistent avec un écoulement permanent.
En effet, les Monts de Tlemcen généreusement arrosés et ce vu leur haute altitude, ce sont d’énormes réservoirs d’eaux issues des précipitations, et qui s’en échappent sous forme de sources, ce qui confère à cette zone amont du bassin une stabilité du point de vue débit et un approvisionnement quasi-continu.
Par contraste, l’aval du bassin bénéficie de moins de précipitations qui sont trop irrégulières et surtout saisonnières. Ce qui perturbe l’écoulement et donc la constance du débit et se traduit par la succession des saisons de crues et d’étiages.
Climatologie régionale
La région de Tlemcen est à climat méditerranéen qui est un climat de transition entre la zone tempéré et la zone tropicale. Ce climat est défini aux termes des précipitations (Di Castri, 1973) et de la température (Aschmann, 1973), il est caractérisé par ; une haute variabilité saisonnière (Paskoff, 1973; Daget & Michel-Villag, 1975) ; des étés chauds et secs et des hivers frais et humide (Köppen, 1923).
Les précipitations sont concentrées sur la saison fraîche à jours courts avec de longues sécheresses estivales (Emberger, 1955). D’autre part, les précipitations intra et inter-annuelles sont très variables (Paskoff, 1973; Nahal, 1981), induisant ainsi une grande hétérogénéité climatique non seulement durant l’espace mais aussi durant le temps (Mount, 1995). Les rivières qui sont influencés par cette hétérogénéité dans la température et dans le régime des précipitations sont considérées entant que rivières méditerranéennes (Gasith & Resh, 1999).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : La biodiversité hyporhéique
I. Introduction : L’hyporhéique ; un milieu, plusieurs définitions
II. La biodiversité au sein de la zone hyporhéique
III. Les différents types de faune interstitielle du sous écoulement
IV. Facteurs influençant la répartition de la faune dans l’hyporhéique
A. Géomorphologie du cours d’eau
B. Les facteurs physicochimiques
C. Les facteurs biotiques
D. Les perturbations environnementales
Chapitre II : Etude du milieu physique
Aperçu du bassin versant de la Tafna
A. Présentation du bassin versant
B. Les réseaux hydrographiques
– Aperçu de l’oued Khémis
– Aperçu de l’oued Sikkak
– Aperçu de l’oued Chouly
C. Géologie
– Le bassin amont
– Le bassin aval
D. Hydrologie et hydrogéologie
E. Pédologie
F. Climatologie régionale 25 Etude climatique
a. Température
b. Précipitations
c. Diagramme ombrothermique de Bagnouls et Gaussen (1953)
G. Description et localisation des stations étudiées
– Description et localisation des stations étudiées
– Description et localisation des sources
Chapitre III : Matériels et méthodes
A. Protocole d’échantillonnage
B. Analyse physicochimique
– La température
– Le potentiel d’Hydrogène
– La conductivité électrique
– Le gradient hydraulique
C. Prélèvements faunistiques
– Méthode de récolte de la faune
La faune hyporhéique
La faune des sources
– Tri et détermination
– Indice de diversité de Shannon H’
– Traitements statistiques
Test Kriskal-Wallis
Analyse factorielle des correspondances (AFC)
Chapitre IV: Résultats et Interprétations
I. Interprétation des résultats physicochimiques
A. Evolution spatio-temporelle du gradient hydraulique (VHG)
B. Evolution spatio-temporelle de la température
C. Evolution spatio-temporelle du potentiel d’Hydrogène (pH)
D. Evolution spatio-temporelle de la conductivité (Ec)
II. Résultats faunistiques
A. Composition faunistique
– Composition faunistique globale
– Composition faunistique de chaque station (hyporhéique et sources confondus)
Station de l’oued Tafna T0
Station de l’oued Khémis K0
Station de l’oued Chouly C0
Station de l’oued Sikkak SS
B. Variations spatio-temporelles de la faune
– Structure spatio-temporelle de la faune de l’hyporhéique
Richesse spécifique
Abondance relative de la faune des stations étudiées
Indice de diversité de Shannon H’
– Structure spatio-temporelle de la faune des sources
Richesse spécifique
Abondance relative
Indice de diversité de Shannon H’
– Abondance relative globale des taxons prélevés
Au niveau de l’hyporhéique
– Abondances spatio-temporelles des taxons stygobies
– Abondances relatives spatiale des Crustacés Isopodes
– Abondances spatio-temporelles des taxons stygobies
– Abondance spatio-temporelle globale de la faune interstitielle
– Abondances spatio-temporelles d’autres taxons
Au niveau des sources
– Abondances spatio-temporelles de la faune des source
– Abondances spatiales des taxons stygobies au niveau des sources
– Abondances temporelles des taxons stygobies
C. Variabilité spatiale globale de la faune – hyporhéique et sources (AFC)
D. Variabilité spatiale de la faune de l’hyporhéique
E. Variabilité temporelle globale de la faune des stations l’hyporhéique
Discussion
Conclusion
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