Pourquoi la méthode de Monte Carlo (MMC) ?
Historiquement, la naissance de la méthode de Monte Carlo remonte au 18e siècle, quand le comte de Buffon proposa une méthode de calcul de π par un lancer d’aiguilles sur un plancher de parquet. De façon plus pragmatique, la méthode telle qu’elle est utilisée aujourd’hui prend ses sources aux travaux d’Ulam, Von Neumann, et Metropolis [Metropolis+1949] pendant la création des premières bombes atomiques. Sa praticabilité est fortement liée à l’apparition des premiers ordinateurs, puis à l’augmentation constante des moyens de calcul qui a suivi.
Le cœur de cette méthode repose sur l’approximation d’une espérance par une moyenne, en se basant sur le cadre théorique de la loi des grands nombres. Prenons l’exemple de l’espérance d’un lancer de dé. Une méthode déterministe pourrait consister à sommer les valeurs de chaque face, puis diviser ce résultat par le nombre de faces : 1/6 (1+2+3+4+5+6) = 3.5. Par la méthode de Monte Carlo, on se contentera de lancer le dé un grand nombre N de fois, puis de prendre la moyenne de ces N réalisations. La convergence du résultat se fera alors en 1/√N . Cette vitesse de convergence est souvent considérée comme « lente » au sens où un doublement de la précision demande de multiplier par quatre le nombre de réalisations. Elle a par contre le mérite d’être insensible à la dimension. Ainsi, augmenter le nombre de faces du dé, voire le nombre de dés, n’aura pas d’influence sur la vitesse de convergence, contrairement à ce que l’on observe communément avec les approches déterministes .
De nos jours, la méthode de Monte Carlo est utilisée dans un vaste ensemble de disciplines dès lors que la complexité des problèmes posés imposerait de trop fortes hypothèses simplificatrices pour permettre une résolution par des méthodes déterministes. Dans ces situations, l’approche statistique est utilisée soit seule, de façon autonome, soit couplée à des méthodes déterministes, soit en amont de calculs déterministes simplifiés afin de valider les approximations correspondantes.
Fondements théoriques de la Méthode de Monte Carlo
Cette section n’a pas vocation à poser un cadre théorique exhaustif. Pour aller plus loin, des ouvrages comme [Appel2015] ou [Dunn+2012] présentent le cadre théorique de la méthode de Monte Carlo avec plus de profondeur. L’intégralité de cette section est restreinte à l’espace probabilisable (R,B(R)) des nombres réels.
Eléments de probabilités et de statistiques
La méthode de Monte Carlo part de la possibilité d’estimer l’espérance d’une variable aléatoire à l’aide d’un échantillon de taille finie. La loi des grands nombres et le théorème central limite permettent alors de caractériser la précision de cette estimation. Nous allons commencer par définir rapidement ces objets et discuter leur articulation.
Variables aléatoires
Toute variable aléatoire X se définit à partir d’une expérience. La réalisation de l’expérience produit alors une valeur particulière x dans l’espace de définition de X (son univers ΩX ), que l’on appelle plus brièvement une « réalisation de X ». Cette variable aléatoire peut être discrète (par exemple Ω = {1,2,3,4,5,6} pour un lancer de dé), ou continue (par exemple Ω = [0,1] pour un nombre aléatoire réel uniforme compris entre 0 et 1, ou encore Ω = R pour une variable aléatoire gaussienne).
En général, on cherche à pondérer les différentes réalisations de cette variable aléatoire. Pour cela, on a recours à une mesure positive normée nommée probabilité. Pour une variable aléatoire discrète X, on associe ainsi à chaque élément x de ΩX une probabilité PX (x). Pour une variable aléatoire absolument continue Y , on utilise sa fonction densité de probabilité pY , définie pour tout élément y de ΩY telle que pY (y)d y est la probabilité qu’une réalisation de Y soit comprise dans l’intervalle d y autour de y.
Enfin, on représentera parfois la fonction de répartition d’une variable aléatoire. Fonction monotone croissante, il s’agit de la cumulée des probabilités des réalisations possibles d’une variable aléatoire sur son domaine de définition Ω. Cette fonction se montre particulièrement utile pour simuler une variable aléatoire .
Simuler une variable aléatoire
Pour une variable aléatoire donnée, la méthode de Monte Carlo consiste à faire un grand nombre de réalisations de cette variable pour estimer son espérance. Dans l’optique de réaliser une simulation numérique, il est donc crucial d’être capable d’effectuer des réalisations virtuelles de cette variable aléatoire. De très nombreuses méthodes existent pour simuler des variables aléatoires discrètes et continues [Madow1968]. Les outils informatiques classiques incluent d’office des générateurs aléatoires qui permettent de simuler une grande variété de distributions. En toute généralité, il est souvent nécessaire de savoir simuler une autre variable aléatoire à partir de ces générateurs aléatoires usuels.
Générateurs aléatoires
Un générateur aléatoire (RNG) est un processus capable de générer une suite de nombres n’ayant a priori aucun lien déterministe entre eux, mais distribués selon une loi statistique définie. En pratique, les seuls processus capables de produire de telles suites sont des mesures de grandeurs aléatoires par nature, comme par exemple la radioactivité. Des enregistrements de telles mesures peuvent ensuite être utilisés dans des simulations numériques. Cependant, ces séquences de nombres sont en général assez courtes et limitées en précision. Il est également possible de générer numériquement de telles séquences grâce à des algorithmes. Ces algorithmes étant déterministes par essence, la création de l’ »aléatoire » est un axe de recherche à part entière. Ce concept correspond au paradigme du générateur pseudo-aléatoire. L’intégralité des simulations présentées dans ce manuscrit sont basées sur le générateur pseudoaléatoire uniforme sur [0,1] de Mersenne Twister [Matsumoto+1998]. Cependant, les bibliothèques utilisées permettent de changer à loisir ce générateur particulier par d’autres parmi les plus référencés dans la littérature de Monte Carlo [James1990]. Cela permet de vérifier que le choix du n’a pas d’impact sur les résultats de simulations. De tels tests sont surtout utiles lorsque les exigences de précision demandent la réalisation d’échantillons de très grande taille, ce qui n’est le cas dans aucune des simulations ici discutées.
|
Table des matières
Introduction
1 Méthode de Monte Carlo et transferts thermiques
Pourquoi la méthode de Monte Carlo (MMC) ?
1.1 Fondements théoriques de la Méthode de Monte Carlo
1.2 Monte Carlo et transfert radiatif, une vision du transport des photons
1.3 Monte Carlo et diffusion : Feynman-Kac et moyennes sphériques
Monte Carlo, un outil de la complexité ?
2 Monte Carlo et transferts thermiques en géométrie complexe : l’apport de la synthèse d’image
Comment simuler des transferts thermiques couplés en géométrie complexe ?
2.1 Gestion de géométries complexes et synthèse d’image
2.2 Transferts thermiques couplés
Problématique
3 Formulation probabiliste d’un problème conducto-convecto-radiatif
La question du couplage, vers une formulation théorique
3.1 Un système couplé conduction-convection-rayonnement
3.2 Formulation intégrale par l’approche de Green
3.3 Formulation par l’approche de Feynman-Kac
3.4 Illustrations d’échantillonnages de chemins pour des propagateurs analytiques
Comment simuler ces chemins au-delà de configurations académiques ?
4 Une marche advecto-conducto-radiative compatible avec le ray-tracing
Quelle formulation probabiliste pour une compatibilité avec les outils de la synthèse d’image ?
4.1 Marches advecto-diffusives en géométrie quelconque
4.2 Vers une mise en œuvre dans un cas réel
Comportement du schéma numérique advecto-diffusif : de premiers éléments d’analyse
5 Comportement des algorithmes couplés
Quelles sont les limites à ces approches ?
5.1 Marches aléatoires couplées et longueur moyenne de chemin
5.2 Des limites de praticabilité
Praticabilité et limites des approches statistiques
6 Conclusions et Perspectives
Quelles pistes pour le futur de ces travaux ?
6.1 Ecoulement de Stokes et formulation en espace de chemins
6.2 Des ouvertures à la question du non-linéaire
6.3 Quel champ de vitesse ?
6.4 La perspective énergétique
6.5 Un dernier regard critique sur nos fondements théoriques
A Plus loin dans la construction des chemins conducto-advectifs
A.1 Le cas de l’orthogonalité vitesse – gradient de température
A.2 Chemins conducto-advectifs instationnaires
A.3 Une construction du nombre de pas moyen pour sortir d’une sphère
B Ecrit collectif : le Papier Thermique
Conclusion
Télécharger le rapport complet