Méthode de Monte-Carlo et non-linéarités : de la physique du transfert radiatif à la cinétique des gaz

Contexte scientifique 

Le champ physico-mathématique dans lequel ce travail de thèse s’inscrit est celui des modélisations mésoscopiques des phénomènes de transport. Grossièrement, ces termes signifient qu’on a un phénomène physique conceptualisé comme issu des déplacements et des interactions désordonnés de très nombreuses particules, et qu’on le modélise mathématiquement via une fonction de distribution signifiant la distribution de ces particules dans l’espace de leurs possibles états (rassemblant leur position, leur vitesse, leur énergie interne,. . .) (on appelle cet espace l’espace des phases). Ces modélisations sont utiles quand celles basées sur les grandeurs macroscopiques locales usuelles (densité, vitesse moyenne, température, composition chimique,. . .) ne suffisent plus, ou qu’il faut les justifier. Leurs applications sont nombreuses :
— la lecture atomistique de la thermodynamique dans les gaz — historiquement la 1re modélisation de ce type, lors des travaux de Ludwig Boltzmann,
— l’interprétation atomistique de la mécanique des fluides, qui fournit des modèles de dépendance des propriétés des fluides (viscosité, diffusivité thermique, . . .) aux conditions thermodynamiques. Cela a été fait dans les gaz parfaits, et aussi dans les gaz denses et les liquides [25].
— le calcul des taux et des vitesses de réaction nucléaire, dans les réacteurs à fission ou dans les bombes, qui sont directement liés au flux de neutrons. C’est ce domaine disciplinaire qui a développé et rendu populaire la méthode de Monte-Carlo, dont il est question dans ce manuscrit [38, 81, 112, 113].
— le calcul du transfert radiatif de toute nature, et dans toute sorte d’applications : la protection radiologique, le génie des procédés combustifs [33, 62, 90, 95], le génie des procédés solaires [7, 29, 31, 44], le calcul des flux thermiques atmosphériques (indispensable à la météorologie et à la climatologie) [42], l’imagerie médicale [15, 87, 104],. . . De façon moins directe, la synthèse d’images photo-réalistes [92] en fait aussi partie.
— l’astrophysique ; d’une part par le transfert radiatif, nécessaire à la compréhension détaillée de l’émission lumineuse des étoiles ou des nuages interstellaires de gaz et de poussières ; mais d’autre part par la dynamique des amas d’étoiles et des galaxies (les étoiles sont alors les particules),
— la cinétique des gaz raréfiés. Celle-ci va du dimensionnement des protections thermiques pour les rentrées atmosphériques, équipant les engins spatiaux, jusqu’à toute la micro-fluidique [3, 93, 110, 111].
— la compréhension des comportements collectifs, en biologie [23, 60, 69],
— la physique des plasmas [14, 19, 79, 123]. Ses applications sont par exemple la fusion thermonucléaire contrôlée, le four à micro-ondes, ou le traitement de surfaces.
— la physique des solides, et en particulier la physique des semi-conducteurs [10, 88, 97, 106]. Les particules considérées sont alors des phonons ou des charges électriques libres.
— . . .

Nous nous restreignons dans cette thèse à ce qui obéit à l’équation de Boltzmann ; et ne serait-ce que parmi les applications précédemment listées cela fait déjà beaucoup. En fait l’équation de Boltzmann au sens large, c’est-à-dire par exemple linéaire ou non-linéaire, est constituante du sujet de cette étude. Cette équation s’écrit de façon générale :

D(f) = C(f)

Quelques illustrations 

Il est inhabituel de présenter les résultats d’un travail de thèse dès l’introduction du manuscrit, mais nous choisissons tout de même de dévoiler dès à présent quelques caractéristiques des algorithmes de calcul que nous avons finalement obtenus. La raison première de ce choix est didactique. Dans ce document, une place majoritaire est consacrée à la présentation de précédents travaux, ou même à la relecture du savoir-faire usuel. Ce qui sera alors expliqué pourra sembler éloigné de notre objet d’étude ; et même si ces redites seront orientées selon les besoins de notre progression logique, elles resteront centrées sur les thématiques originales de chaque auteur. Le lecteur devra donc nous faire confiance, pendant les 3 premiers chapitres, sur l’affirmation que le temps qu’il dépense dans ces pages est utile à la compréhension de notre proposition. De plus, lorsque nous rentrerons dans ce que cette thèse a de pleinement original, nous commencerons par un exemple très académique qui ne relève pas à proprement parler de la cinétique des gaz : cela fera encore un chapitre en apparence hors du sujet de ce manuscrit.

Équations de Boltzmann

La 1re équation de ce type est celle posée par Ludwig Boltzmann vers la fin du 19e siècle, lors de la construction de son modèle cinétique des gaz. C’est généralement celle-ci qu’on désigne sous le terme d’« équation de Boltzmann », comme nous le faisons dans ce manuscrit. Par la suite, la modélisation d’autres phénomènes physiques a donné lieu à l’établissement d’équations similaires, qui ont été regroupées sous le nom d’« équations de Boltzmann », dans un sens plus générique. Comme expliqué dans le chapitre d’introduction, toutes ces équations s’écrivent sous la forme :

D(f) = C(f) (1.1)

où f est la fonction de distribution des particules dont on considère le transport, D est la dérivée en suivant le mouvement, et C est un opérateur de collision.

Fonctions de distribution 

Fonctions de distribution, et approche mésoscopique 

Toutes les descriptions et les modèles physiques pour la cinétique des gaz ou le transfert radiatif, dont il sera question dans ce manuscrit, seront donc basés sur des fonctions de distribution, respectivement des molécules ou des photons. La définition de telles fonctions de distribution implique que l’on se place dans une description mésoscopique, et ce à 2 titres :
1. On suppose l’existence d’une échelle dite mésoscopique, intermédiaire entre le système à l’étude et les corpuscules le constituant, permettant de considérer une multitude de petites parties du système telles que :
— Chaque petite partie puisse être considérée comme ponctuelle, comparativement à l’extension totale du système. L’échelle mésoscopique s’oppose ainsi à l’échelle globale, où on ne considère que quelques observables d’état simples du système ou de certains de ses sous-volumes.
— Chaque petite partie soit assez étendue pour contenir de très nombreux corpuscules. De la sorte, le contenu de 2 parties centrées sur un même point du système est proportionnel au volume de ces parties. Cela signifie que la fonction de distribution ignore la granularité de la matière. L’échelle mésoscopique s’oppose ainsi à l’échelle microscopique, où on essaie de caractériser l’état de chaque corpuscule constituant le système.
2. L’espace de définition de la fonction de distribution est l’espace des états possibles pour les corpuscules constituant le système. Cet espace est appelé l’espace des phases. Souvent, il ne se limite pas à l’espace des positions. Une approche mésoscopique se rapproche en cela d’une approche microscopique, car on essaie de tenir compte de l’influence de toutes les variables d’état des corpuscules (bien qu’on ne considère pas les corpuscules individuellement).

Elle se distingue de même d’une approche macroscopique à l’échelle mésoscopique, où le système est décrit par les champs de certaines observables, définis uniquement sur l’espace des positions (l’espace ordinaire). Dans une telle approche, l’établissement des équations d’évolution nécessite plus que la simple application  des lois de la mécanique aux corpuscules, comme c’est le cas avec les approches purement mésoscopiques.

Il reste maintenant à :
— préciser les espaces des phases dans lesquels les molécules ou les photons vont se répartir,
— donner les expressions exactes des équations de Boltzmann, applicables à nos cas d’étude.

Fonction de distribution des molécules

Pour rester simple, dans ce travail nous nous limitons, en cinétique des gaz, aux gaz monoatomiques et mono-espèce. Un gaz est qualifié de monoatomique, à la base, quand ses molécules ne sont chacune constituée que d’un seul atome. Du point de vue de la thermodynamique, on qualifie un gaz de « monoatomique » quand ses molécules n’échangent pas d’énergie interne lors de leurs collisions — c’est-à-dire que leurs collisions préservent l’énergie cinétique. L’absence d’énergie interne observable des molécules est en pratique bel et bien liée à leur caractère monoatomique, du moins dans les conditions ambiantes de température et de pression. L’explication de cela, issue de la mécanique quantique, ne sera pas donnée ici. Mais à chaque fois que nous parlerons, dans la suite de ce manuscrit, du caractère monoatomique d’un gaz, ce sera pour signifier l’absence d’énergie interne aux molécules. Un gaz est qualifié de mono-espèce quand ses molécules sont toutes identiques, du point de vue de la composition chimique et isotopique. Cela implique en particulier que toutes les molécules ont la même masse.

Fonction de distribution des photons, et luminance

La physique moderne explique que l’énergie lumineuse est transportée par des particules appelées photons. L’état de ceux-ci est décrit par 4 variables :

— la position ~r,
— la direction de propagation ~u. La vitesse de propagation est imposée par le milieu, on ne peut pas faire accélérer ou ralentir un photon en lui « appliquant une force ».
— la fréquence ν de l’onde électromagnétique associée,
— le spin ~s, lié à la direction du champ électrique transporté par l’onde électromagnétique associée.

Le comportement des photons est descriptible par la mécanique quantique ; celle-ci postule que les photons ont un comportement hybride, à la fois corpusculaire, ondulatoire, et aléatoire. Dans ce manuscrit, à chaque fois que nous parlerons de transfert radiatif nous envisagerons le comportement des photons comme purement corpusculaire, ce qui impose quelques restrictions dans les cas d’étude :
— Les effets du spin des photons, c’est-à-dire les effets de la polarisation de la lumière, sont totalement négligés. Dans les applications impliquant du transfert radiatif, étudiées jusqu’ici par l’équipe où ce travail de thèse a eu lieu — chambres de combustion, transferts thermiques atmosphériques, procédés solaires, imagerie médicale —, ils avaient peu d’influence. Qui plus est, leur prise en compte dans une modélisation corpusculaire du transfert radiatif est en fait assez malaisée .
— Aucun phénomène d’interférence n’est observable.
— Les ondes électromagnétiques dans le système sont incohérentes.

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Table des matières

Introduction
Contexte scientifique
Problématique
Quelques illustrations
Organisation du manuscrit
1 Introduction technique
1.1 Équations de Boltzmann
1.1.1 Fonctions de distribution
1.1.1.1 Fonctions de distribution, et approche mésoscopique
1.1.1.2 Fonction de distribution des molécules
1.1.1.3 Fonction de distribution des photons, et luminance
1.1.2 Fonction de distribution et observables macroscopiques
1.1.3 Hypothèses, établissement, et conséquences de l’équation de Boltzmann
1.1.3.1 Hypothèses sur les molécules
1.1.3.2 Obtention de l’équation de Boltzmann
1.1.3.3 Distribution d’équilibre des molécules
1.1.4 Équation de transfert radiatif
1.2 Résolution des équations de Boltzmann le long d’un chemin balistique
1.2.1 Forme intégrale de l’équation de transfert radiatif
1.2.2 Forme intégrale de l’équation de Boltzmann
1.2.3 Conditions aux frontières
1.2.3.1 En transfert radiatif
1.2.3.2 En cinétique des gaz
1.3 La méthode de Monte-Carlo
1.3.1 Les bases de la méthode
1.3.2 Approche analogue et approche intégrale, et concept de variance nulle
1.3.2.1 Calcul de l’aire d’un étang .
1.3.2.2 Calcul d’une transmittivité dans une colonne de gaz uniforme
1.3.3 Événements rares, et indicateurs statistiques avancés
1.4 (∗) Suivi direct et suivi inverse des photons : un lien par l’adjonction
1.4.1 Principe
1.4.2 Remarques
1.5 (∗) Diffusion multiple
1.5.1 Description du problème
1.5.2 Formulation intégrale, et notations
1.5.3 Choix des variables aléatoires
1.5.4 Modification du probème : ajout d’absorption
1.5.5 Calcul de sensibilités
2 Algorithmes à Collisions Nulles
2.1 Les ACNs comme technique d’échantillonnage des libres parcours
2.1.1 Bref historique
2.1.2 La difficulté que l’on veut surmonter
2.1.3 Utilisation de collisionneurs fictifs
2.2 Fondements mathématiques
2.2.1 Validité de la formulation intégrale
2.2.2 Transformation en expression statistique
2.2.3 Partitionnement de l’énergie vs. roulette russe
2.2.4 ACNs et calcul de sensibilités
2.3 (∗) Mise en œuvre pratique des alternatives algorithmiques
2.3.1 Dans le cas d’étude du chapitre (absorption/émission seule)
2.3.2 Avec diffusion
2.4 (∗) Exemple académique
2.4.1 Introduction
2.4.2 Présentation du cas d’étude
2.4.3 Détails techniques sur le calcul effectué
2.4.4 Résultats et commentaires
2.5 ACNs et estimation de l’extinction
2.5.1 Intérêt (pour nous) de cette démarche
2.5.2 Situation du travail de Mathieu Galtier
2.5.3 Problématique spectrale des milieux gazeux
2.5.3.1 Complexité du coefficient d’absorption
2.5.3.2 Conséquences de cette complexité en calcul numérique du transfert radiatif
2.5.4 Estimation de l’extinction dans un ACN
2.6 Les algorithmes à collisions nulles dans la suite de ce manuscrit
3 Estimation d’une fonction non-linéaire d’une espérance
3.1 Introduction
3.1.1 Grandeurs dérivées de la fonction de distribution : le cas des photobioréacteurs
3.1.2 Problématique
3.2 Présentation de la technique utilisée
3.2.1 Cas d’un monôme ou d’un polynôme
3.2.2 Cas des fonctions analytiques
3.2.3 Parenthèse sur les sensibilités
3.3 (∗) Calcul de la productivité annuelle d’une centrale solaire à concentration
3.3.1 Contexte
3.3.2 Démarche
3.3.3 Résultats
3.4 (∗) Calcul de la productivité d’un photobioréacteur
3.4.1 Problématique
3.4.2 Modèle
3.4.3 Traitement mathématique
Conclusion

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