Méthode de détection des composants bactériens
Epidémiologie:
Les méningoencéphalites représentent une incidence annuelle de 2.2 pour 100 000 habitants dans les pays occidentaux et environ 1 300 cas/an en France [2]. Une analyse prospective faite en Californie [1,6] et aux USA [1,7] montre une incidence respective de 4.3 cas/ 100 000 habitants et de 7.3 hospitalisations/100 000 habitants. La littérature est pauvre concernant les méningoencéphalites bactériennes graves et leur importance dans les services de réanimation. Leur taux de fréquence s’élèverait à 0,27% selon une étude prospective faite en soins intensifs dans un hôpital de Montréal [5]. Dans l’étude Californienne, 60% des méningoencéphalites furent hospitalisés en réanimation et 47% dans une étude française [1,6]. Au Maroc, des études ont été faites sur les méningites bactériennes communautaires mais malheureusement il n’existe pas d’études sur les méningoencéphalites bactériennes et leur fréquence en réanimation.
Lesgermes :
Les méningoencéphalites se caractérisent par leur difficulté à retrouver souvent un agent étiologique certain. Les méningoencéphalites bactériennes représentent environ 20 à 25% des méningoencéphalites d’origine infectieuse [8]. Elles sont moins courantes que les formes virales mais plus graves avec un taux de mortalité élevée. Selon la littérature, le Mycobacterium tuberculosis et le Mycoplasma pneumoniae sont les agents bactériens les plus fréquents en France et en Occident. Lorsqu’il s’agit des méningoencéphalites bactériennes purulentes, le Neisseria meningitidis et le Streptococcus pneumoniae sont les plus souvent responsables, ce dernier étant le principal agent (65 à 73%) après l’âge de 25 ans. D’autres agents comme le Listeria monocytogène sont également à évoquer [1, 8-11]. Dans notre étude, un germe a été identifié que dans 7 cas sur 20. Il s’agissait en majorité du Neisseria meningitidis (71%) ensuite du Streptococcus pneumoniae (21%). Cinq cas de méningoencéphalites tuberculeuses (25%) ont été suspectées et traitées comme telles sur des arguments cliniques, biologiques et radiologiques. Dans 8 cas (40%) le germe est resté indéterminé.
L’âge et le sexe :
Plusieurs études décrivent une prédominance masculine et une corrélation entre la létalité et l’âge avancé. C’est notamment le cas des études menées à Taiwan et en France métropolitaine [1, 12]. La moyenne d’âge était respectivement de 48 ans et de 39,7 ans. L’étude menée en France métropolitaine par Mailles et al montre que les patients décédés étaient en moyenne plus âgés que les survivants avec une létalité maximale chez les patients âgés de plus de 65 ans [1]. Cependant, une étude réalisée en Pologne ne relève pas de relation significative entre l’âge, le genre et le pronostic de la maladie [13] ; ce qui rejoint les résultats de notre étude où l’âge moyen était de 40,15 ans avec une répartition égale de 10 hommes pour 10 femmes.
Le terrain:
L’appréciation du terrain est fondamentale car il permet de juger de la gravité de la maladie. Les méningoencéphalites sont plus graves en cas de pathologie associée comme le diabète, le VIH, le cancer, en cas de corticothérapie au long cours, de traitement immunosuppresseur, de pathologie sous jacente pouvant se décompenser ou dans le cas d’une affection nosocomiale [8, 14]. Les résultats de notre étude confirment les données de la littérature. En effet, parmi les 14 malades décédés, 11 avaient un terrain particulier. Un diabète (4 cas), une corticothérapie au long cours (2 cas), une HTA (1 cas) et une pneumopathie nosocomiale (3 cas).
La provenance:
Dans l’étude de Mailles et al, 86 à 90% des patients provenaient directement du domicile tandis que 10 à 14% provenaient d’un autre établissement [1]. Dans notre étude également, la majorité des patients provenaient du domicile et avaient transité par le service des urgences.
Démarche diagnostique:
Tableau clinique:
Dans la plupart des écrits, le tableau de méningoencéphalite est celui de la triade fièvre, céphalées et troubles de la conscience. Il peut y être associé des signes méningés et des signes de focalisation [5, 10,12]. Wei–Sheng Wang rapporte dans son étude faite à Taiwan la fièvre dans 84%, des troubles de la conscience dans 60%, de crises comitiales dans 40%, des céphalées dans 4% [12]. Les troubles de la conscience associés à la fièvre restent le tableau clinique prédominant comparable à notre série où nous avons 80% de fièvre, 90% de troubles de la conscience et 30% de crises comitiales. Dans une autre étude faite à l’université de Birmingham, Whitley R. J. et al retrouvent comme signes de focalisation, une parésie présente dans 30% et une atteinte des paires crâniennes dans 33% des cas [15]. Ces signes de focalisation sont retrouvés en moindre proportion dans notre série, respectivement 25% et 20%.
Place de la PL et analyse du LCR:
Le premier geste à réaliser dans un but diagnostique est la ponction lombaire qui permettra d’obtenir le LCR dont l’analyse biochimique, microbiologique et cytologique permettra de poser le diagnostic et de préciser l’origine étiologique.
Aspect du LCR
Il est assez rare de retrouver dans les données de la littérature des précisions concernant l’aspect du LCR [16]. Selon Pusponegoro, 73% des méningites bactériennes ont un aspect trouble [17]. Selon Roca, 65% des méningoencéphalites tuberculeuses ont un aspect normal [18]. Dans notre étude, 50% était trouble, 5% franchement purulent et 45% clair. Ce dernier peut s’expliquer par la fréquence élevée d’une antibiothérapie pré hospitalière et du nombre de méningoencéphalites d’origine tuberculeuse.
Cytologie
Une méningite purulente se définit par la présence de 500 éléments/mm3 à prédominance polynucléaire ± altérés. Une cytologie à globules blancs supérieurs à 100/mm3 est présente chez 99% des patients [16]. 10% des méningites bactériennes sont à prédominance lymphocytaire. Elles peuvent l’être également si la PL a été réalisée précocement ou lors d’une antibiothérapie précoce. Enfin le LCR peut être normal si la PL a été très précoce.
Biochimie
a. Glycorachie
La baisse de la glycorachie n’est pas spécifique des infections bactériennes. Le rapport entre la glycorachie et la glycémie est le plus souvent employé [16]. Dans notre étude, ce rapport avait une valeur moyenne de 0.41 semblable à une étude de Rabat (0,4±0,6) [21].
b. Protéinorachie
La protéinorachie est l’un des indicateurs les plus sensibles de l’atteinte du système nerveux central. Brivet a montré que la protéinorachie élevée était significativement associée à l’origine bactérienne. L’hyperprotéinorachie constituait l’un des critères pour retenir l’origine bactérienne si la microbiologie était négative [15]. Dans notre série, sa valeur moyenne était de 4.20 g/L plus élevée que dans l’étude de Brivet (2,5g/L) [20] et l’étude de Rabat (2,4g/L ± 1,32) [21].
c. Chlorurorachie
C’est l’hypochlorurorachie qui présente un intérêt clinique. En effet, une baisse rapide de la chlorurorachie dans les premiers jours est un signe de gravité. Tandis qu’un retour à la normale a une valeur pronostic favorable. Cette baisse est également rencontrée dans les méningites tuberculeuses [16]. Dans notre série, 6 cas d’hypochlorurorachie ont été retrouvés avec isolement dans 2 cas d’un méningocoque et d’un pneumocoque.
Place de la bactériologie et de la biologie :
Méthode de détection des composants bactériens
Le test aux antigènes solubles est un examen simple d’exécution et d’interprétation, rapide et les résultats ne sont peu ou pas modifiés par un traitement antibiotique préalable. Dans notre étude, la recherche d’antigènes solubles dans le LCR a été réalisée dans 3 cas et a été positive dans 2 cas/3.
La PCR
La PCR est probablement le test qui contribue le plus au diagnostic car sa sensibilité et sa spécificité est grande. Elle est d’un grand apport lorsque la culture est négative avec des anomalies cytologique ou biochimique du LCR. Elle joue également un rôle important pour la mise en évidence du Mycobacterium tuberculosis [29]. Néanmoins, dans notre étude, aucune PCR n’a été réalisée probablement faute de moyens.
Les hémocultures
Les hémocultures sont un autre examen bactériologique complémentaire permettant de mettre en évidence l’agent étiologique. Selon plusieurs auteurs, 50% des hémocultures prélevées sont positives en l’absence de traitement. Ce chiffre décroit fortement (<5%) si un traitement antibiotique est débuté précocement. Les hémocultures doivent donc être prélevées avant l’initiation de toute antibiothérapie .
Rôle de la CRP et la PCT
*La CRP, protéine de l’inflammation, synthétisée par le foie. Sa spécificité et sa sensibilité pour une infection bactérienne est respectivement de 67% et 75% [32].
*La PCT, pro hormone synthétisée par le tissu thyroïdien. Elle est augmentée dans les infections bactériennes et sa valeur semble corrélée à la sévérité de l’infection. Sa spécificité et sa sensibilité sont de 81% et 88% [32].
Place de la PL de contrôle
Trop peu d’études se sont intéressées à la nécessité de faire une PL de contrôle dans le cadre des méningites ou des méningoencéphalites bactériennes. L’évolution clinique après la prise en charge thérapeutique du patient prime. Si l’évolution clinique est favorable, il ne semble pas justifié de refaire un examen du LCR. En revanche, celui-ci est justifié en cas d’évolution défavorable après 48h de traitement antibiotique [33]. Dans notre série, la PL de contrôle a été faite dans 9 cas soit devant une absence d’évolution favorable soit pour réadapter une antibiothérapie.
Place de l’imagerie
L’imagerie a un triple intérêt : éliminer une contre-indication à la PL, rechercher des complications intracrâniennes comme une hydrocéphalie, des lésions ischémiques, un abcès cérébral ou un empyème et enfin de rechercher une porte d’entrée. Le risque d’engagement après la PL est mal évalué mais ne peut être négligeable. Néanmoins, la mortalité imputable à ce geste réalisé dans de bonnes conditions est probablement inférieure à celle d’un retard au traitement d’une méningoencéphalite grave. L’imagerie doit néanmoins être réalisée avant la PL lorsqu’il existe des signes neurologiques de localisation. Dans ce cas, une hémoculture et un traitement empirique (amoxicilline 2g en intraveineuse ± aciclovir) est recommandé avant le départ à la TDM [9]. La détection des complications par l’imagerie est de première importance pour adopter ou modifier les mesures thérapeutiques [34]. Le scanner est important et suffisant pour visualiser les structures osseuses de la base du crâne notamment la recherche de la porte d’entrée, une mastoïdite, une otite et des sinus paranasaux. Mais les lésions parenchymateuses sont difficiles à visualiser en tomodensitométrie en particulier les structures cérébrales sous-tentorielles [34]. L’IRM est d’une incomparable supériorité par rapport à la TDM en termes de sensibilité et de diversité des anomalies détectées [34]. Mais elle est moins fréquemment réalisée du fait de son accessibilité réduite.
CONCLUSION:
Malgré les progrès dans le traitement antibiotique, les méningoencéphalites bactériennes restent dotées d’un important taux de mortalité et de complications. Selon les résultats de notre étude, elles étaient, en réanimation, de pronostic péjoratif aussi bien chez l’adulte jeune que chez le sujet âgé. L’étiologie n’était souvent pas confirmée par les techniques usuelles. Néanmoins, le Neisseria meningitidis était le germe le plus fréquent et le taux de méningoencéphalites tuberculeuses n’était pas également négligeable. Les complications aussi bien neurologiques qu’infectieuses étaient fréquentes conduisant à un choc septique et à une défaillance multiviscérale. Le raccourcissement du délai symptômes/traitement est un facteur sur lequel il est possible d’influer. L’usage des techniques biologiques plus poussées pourrait également contribuer à la détermination de l’agent étiologique afin d’établir le plus rapidement possible un traitement antibiotique adéquat.
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Table des matières
INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
I. Type et lieu d’étude
II. Critères d’inclusion
III. Critères d’exclusion
IV. Recueil des données
V. Analyse statistique
RESULTATS ET ANALYSE
I. Données démographiques et épidémiologiques
1. L’âge et le sexe
2. La provenance
3. Le terrain
II. Eléments diagnostiques
1. Motifs d’admission
2. Tableau clinique à l’admission
3. Analyse du LCR
4. Les prélèvements bactériologiques
5. Les données biologiques
6. L’imagerie et la radiologie
III. Prise en charge en réanimation
Traitement antibiotique
Autres
IV. Evolution en réanimation
V. Evolution en dehors de la réanimation
DISCUSSION
I. Epidémiologie
1. Les germes
2. L’âge et le sexe
3. Le terrain
4. La provenance
II. Démarche diagnostique
1. Tableau clinique
2. Place de la PL et analyse du LCR
3. Place de la bactériologie et de la biologie
3.1. Méthode de détection des composants bactériens
3.2. La PCR
3.3. Les hémocultures
3.4. Rôle de la CRP et la PCT
4. Place de la PL de contrôle
III. Prise en charge thérapeutique
1. Le traitement curatif
1.1. L’antibiothérapie initiale
1.2. Traitement antituberculeux
2. Traitement d’une porte d’entrée
3. Traitement adjuvant et traitement des complications
IV. Evolution et pronostic
CONCLUSION
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