Études expérimentales
L’étude expérimentale des structures sous séisme reste une voie d’étude majeure. En effet, l’expérimentation permet une analyse précise du mode de rupture des structures. Selon la compléxité de la structure étudiée et de la sollicitation, plusieurs techniques expérimentales existent : table vibrante, mur de réaction, expérimentations sur un élément de structure. Les objectifs d’un test expérimental sont multiples. Cela peut être simplement la validation d’un équipement ou d’une structure : savoir si oui ou non il reste fonctionnel pendant et/ou après un chargement sismique. Cela concerne généralement des ouvrages assurant des fonctions de sécurité ou de survie : hôpitaux, centrales nucléaires, réseaux d’approvisionnement en énergie, en eau potable, réseaux de télécommunication. Le résultat de ce type d’analyse est binaire : oui ou non, le système est-il validé ? D’autres essais sont réalisés pour valider un modèle numérique. En effet, tout modèle numérique doit être confronté à des résultats expérimentaux pour en valider le domaine d’application. Ces essais nécessitent une instrumentation plus riche enfin d’identifier le comportement intégral de la structure, la réponse globale de la structure ne suffit pas pour la validation d’un modèle. De même que les modèles numériques, l’élaboration de norme et de règles de constructions doivent s’appuyer sur des résultats réels pour assurer leur véracité et leur sécurité.
Essais sur table vibrante
L’expérimentation sur table vibrante est l’approche naturelle de l’étude sismique des structures. En effet, la structure est soumise à des accélérations réelles appliquées à sa base. La structure est fixée sur plaque épaisse et massive, considérée comme rigide, maintenue par des vérins verticaux et/ou horizontaux selon les degrés de liberté de la table (FIG.1.1). En contre partie, les vérins doivent être reliés à une masse importante pour reprendre les efforts sans induire de vibrations aux alentours. Évidemment, les vérins doivent être alimentés par un groupe hydraulique pouvant fournir le débit nécessaire aux vitesses et déplacements exigés. Tous ces éléments sont critiques dans le dimensionnement de la plateforme d’essai. La capacité de la table sismique se définit par plusieurs paramètres : la masse pouvant être embarquée, le nombre de degrés de liberté, la vitesse maximale, l’accélération maximale, l’amplitude de déplacement, la plage de fréquence utile. Le tableau TAB.1.1 résume les caractéristiques principales des plus grandes tables sismiques. Par exemple, la table Miki au Japon permet de tester en taille réelle un bâtiment en béton armé de six étages (FIG.1.2). Si la quantité d’information fournit par un tel essai est conséquente, le coût d’une telle campagne expérimentale est prohibitif. Ainsi, pour réduire les coûts et pouvoir tester des ouvrages plus importants, la structure n’est pas testée en taille réelle mais réduite. L’opération ne consiste pas simplement à réduire les dimensions de la structure : il faut que l’essai soit représentatif de la structure réelle. Ainsi, des principes d’équivalence (en contrainte, vitesse ou accélération) permettent d’obtenir le facteur de similarité. Pour obtenir cette équivalence en accélération (la plus utilisée en dynamique non-linéaire), il faut augmenter la masse volumique des matériaux de l’inverse du facteur de réduction. Ceci s’effectue d’un point de vue expérimental en ajoutant des masses ponctuelles réparties sur la structure. Cependant, la chaine expérimentale (du signal imposé à la maquette) est complexe et la réponse de l’ensemble table/maquette est difficilement prévisible. En effet, les vérins hydrauliques utilisés offrent de très bonnes performances en termes d’efforts, vitesses et amplitudes de course mais provoquent aussi une forte distortion du signal. Le comportement de l’ensemble table/maquette dépend de sa masse (donc de la masse de la structure, celle de la table étant parfaitement connue) et de la raideur. Or cette dernière change durant l’essai de manière plus ou moins conséquente. Ainsi, il est très difficile d’imposer à la structure l’excitation voulue. Il est donc nécessaire d’évaluer le comportement pour pouvoir l’inverser et imposer un signal transformé, qui au final, sera proche de l’excitation voulue.
Essais pseudo-dynamiques (sur mur de réaction)
Certaines structures de génie civil possèdent des éléments élancés avec des concentrations de masses ponctuelles. Dans ce cas, les efforts sismiques se concentrent dans ces endroits. Il est ainsi possible d’appliquer la sollicitation là où la masse se concentre au lieu d’appliquer l’accéleration au pied de la structure (FIG.1.3). Ici un mur de réactions et des vérins (autant que de degrés de liberté sollicités) remplaçent la table sismique. L’utilisation de vérins dynamiques permet de tester la structure en temps réel et ainsi de prendre en compte expérimentalement la dissipation et autres phénomènes visqueux. Toutefois les déplacements peuvent être importants (notament en tête de structure) et nécessitent donc des vérins hydrauliques à course longue. Or, pour exercer le déplacement en temps réel sur une longue course, le compresseur hydraulique doit posséder un débit important. Ces limitations techniques peuvent être contournées en effectuant les essais en temps dilaté [DM85] [BP94] [PVP+06] [Peg96] [PP00]. Ce type d’essai, appelé essai pseudo-dynamique, prend en compte les effets dynamiques grâce à un calcul mené en parallèle de l’essai. De nombreux schémas numériques sont developpés pour réaliser les essais pseudo-dynamiques. L’équation de la dynamique s’écrit :
M · a+C· v+R(u) = −M · a sol (1.1)
où les matrices M et C sont respectivement les matrices de masse et d’amortissement, les vecteurs a, v l’accélération et la vitesse de la structure. asol est l’accélération sismique. R représente les forces au sein de la structure quand celle-ci est soumise au déplacement u. C’est la détermination de ces forces qui s’avère délicate pour les structures non linéaires. Cette méthode propose de les déterminer expérimentalement tandis que les forces d’inertie et d’amortissement sont calculées. Les forces d’inertie sont facilement connues : la masse est aisée à maîtriser lors de la construction d’une structure. Par contre, l’amortissement est plus délicat à identifier (cependant un amortissement de Rayleigh est couramment utilisé). L’essai réalisé est donc finalement quasi-statique, le rôle de la dynamique est pris en compte numériquement et appliqué lentement. Le choix d’un schéma numérique permet de réécrire l’équation de la dynamique sous la forme d’un problème statique équivalent. L’équation EQ.(1.2) illustre le calcul du pas de temps n+1 en connaissance les données au pas de temps n :
M˜ · an+1 = −M · a sol n+1 +F˜ (R(un), vn,C) (1.2)
où M˜ est une pseudo-matrice de masse construite avec les matrices de masse, amortissement et raideur et de paramètres propres au schéma d’intégration. Le choix du schéma numérique est primordial car il doit permettre la convergence de la simulation sans itération qui engendrerait un surchargement de la structure. Ce surchargement est préjudiciable car il provoque un endommagement excessif voire la rupture de la structure de manière prématurée.
Simulations numériques
Analyses statiques équivalentes
Les premiers dimensionnements de structure pour les sollicitations sismiques sont en général effectués en simulant les charges dynamiques par des charges statiques équivalentes. Ces méthodes ont l’avantage de proposer des solutions simples et peu coûteuses en temps de calcul. Elles constituent souvent les normes parasismiques, on voit donc apparaître des coefficients de sécurité plus ou moins forfaitaires et empiriques.
Méthode des forces de remplacement
La méthode des forces de remplacement est la première méthode numérique pour estimer la résistance sismique d’un bâtiment [DJF02]. Selon, l’emplacement géographique de la structure et la géologie du massif de construction (argile, sable, rocher …), des spectres normalisés de séisme sont définis. Les spectres normalisés expriment les accélérations à prendre en compte en fonction de la période propre de la structure. Ainsi, en connaissant la fréquence propre de la structure étudiée (de nombreuses méthodes permettent le calcul ou l’estimation de cette fréquence), on obtient l’accélération dimensionnante. Cette accélération donne la force horizontale équivalente au chargement sismique (FIG.1.6). Pour tenir compte d’une éventuelle superposition de sollicitation (vent, charges supplémentaires, neige …), cette force tient compte des charges quasi-permanentes avec des facteurs de probabilité de concomitance. Cette force globale est ensuite répartie verticalement sur les différents étages de la structure. Ainsi, la résistance de la structure étudiée vis-à-vis d’un chargement sismique est déterminée par la résistance à ce chargement statique. Cette méthode ne tient compte que de la première fréquence propre de la structure. Or la réponse globale de la structure est une superposition d’un grand nombre de modes propres plus ou moins excités par le contenu fréquentiel du séisme.
Méthode des spectres de réponse
La méthode des spectres de réponse [VFF94] propose un enrichissement de la méthode en tenant compte des principaux modes propres de la structure. Grâce au spectre normalisé du séisme, chaque mode propre est associé à une accélération dimensionnante.
Ainsi, les différentes forces équivalentes sont déterminées, et combinées pour former la force statique équivalente. Les deux méthodes exposées ci-dessus prennent en compte uniquement le comportement élastique de la structure. Or, pendant le chargement sismique, la structure s’endommage et les fréquences propres chutent considérablement (FIG.1.7). Ce changement de fréquence propre influence l’accélération spectrale à prendre en compte pour le dimensionnement. De plus, l’étude d’une même structure avec ces deux méthodes montre des différences de plus de 20%. Il parait donc nécessaire de développer des méthodes plus fiables, optimisant la conception de la structure en diminuant les coefficients de sécurité et prenant en compte les non-linéarités de la structure.
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Table des matières
Introduction
1 Méthode d’analyse du comportement sismique des structures
1 Études expérimentales
1.1 Essais sur table vibrante
1.2 Essais pseudo-dynamiques (sur mur de réaction)
1.3 Essais en centrifugeuse
2 Simulations numériques
2.1 Analyses statiques équivalentes
2.2 Analyses dynamiques non-linéaires
3 Méthodes hybrides
2 Méthodes d’analyse hybride
1 Introduction
2 Méthodes hybrides par décomposition de domaine
2.1 Méthodes primales
2.2 Méthode duale
2.3 Méthode mixte explicite
3 Méthode hybride par analyse (semi-)globale
3.1 Analyse semi-globale
3.2 Méthode globale
4 Bilan des méthodes existantes
5 Analyse hybride dans Castem
5.1 Élément hybride dans Cast3m
5.2 Méthode par pénalisation
6 Conclusion
3 Modélisation de l’endommagement du béton pour des analyses sismiques
1 Introduction
2 Observations expérimentales pour le comportement du béton
2.1 Essais monotones
2.2 Essais cycliques
2.3 Sollicitations spécifiques
2.4 Caractéristiques du comportement à prendre en compte pour des chargements sismiques
3 Modélisation du comportement cyclique du béton
3.1 Choix de l’échelle de représentation
3.2 Modèles « mesoscopiques »
3.3 Modèles macroscopiques
4 Modèle d’endommagement avec anisotropie induite
4.1 Cadre thermodynamique
4.2 Comportement monotone du modèle
4.3 Comportement cyclique du modèle
5 Modèle d’endommagement anisotrope adapté aux chargements cycliques
5.1 Endommagement actif
5.2 Première application : Poteau en bi-flexion
5.3 Autre application de l’endommagement actif : estimation de l’ouverture des fissures
6 Application : SMART2008
6.1 Présentation du Benchmark
6.2 Modélisation adoptée
6.3 Phase 1 : Test à l’ »aveugle » (Blind test)
6.4 Phase 2 : Recalage des modes propres
6.5 Conclusion
7 Conclusion et perspectives
4 Modèle d’endommagement anisotrope avec déformations permanentes
1 Anélasticité induite par l’endommagement
1.1 Identification des fonctions d’anélasticité : gD et gH
1.2 Comportement au point de Gauss
1.3 Positivité de la dissipation
2 Modèle couplé plasticité-endommagement anisotrope pour chargements cycliques
2.1 Potentiel de Gibbs du modèle couplé
2.2 Fonction critère et fonction de consolidation
2.3 Plasticité : pseudo-potentiel et loi d’évolution
2.4 Endommagement : pseudo-potentiel et loi d’évolution
2.5 Positivité de la dissipation
2.6 Identification des paramètres
2.7 Variante non linéaire de la fonction de consolidation
2.8 Domaine élastique du modèle couplé
3 Conclusion et perspectives
Conclusion
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