Constitution anatomique du cordon spermatique (1)
Le nom du cordon spermatique est donné au pédicule qui suspend le testicule et l’épididyme. Contenu à l’intérieur de la tunique fibreuse des bourses, le cordon spermatique se compose de tous les éléments qui vont au testicule et à l’épididyme ou qui en viennent. Ces éléments sont : le canal déférent, les artères spermatiques et déférentielles, les filets nerveux qui accompagnent ces artères et ce canal, les plexus veineux spermatiques antérieurs et postérieurs, les vaisseaux lymphatiques et le ligament de Cloquet. Tous ces éléments sont unis par un tissu cellulo-graisseux peu dense (Figure 1 et 2).
Les tumeurs mésenchymateuses
La localisation des sarcomes des tissus mous au niveau du cordon spermatique est très faible (15). Mais ils sont, de loin, les tumeurs malignes les plus fréquentes (90%) du cordon. Caractérisés par leurs polymorphismes histologiques mais surtout par leurs tendances à la récidive locale, les sarcomes du cordon spermatique sont dominés par les rhabdomyosarcomes (13). Toutes les variétés anatomopathologiques peuvent être rencontrées, des sarcomes indifférenciés jusqu’aux formes les plus différenciées.
a. Rhabdomyosarcomes : Ce sont des tumeurs malignes fréquentes du cordon spermatique chez les enfants et les adolescents. Mais elles ne sont pas exceptionnelles chez l’adulte (13). Les rhabdomyosarcomes se développent sur la partie scrotale du cordon. Macroscopiquement, elles se développent à partir des tissus musculaires striés, d’aspect blanc grisâtre, de consistance ferme et encapsulée. Histologiquement, elles sont divisées en trois variétés : rhabdomyosarcome polymorphe, alvéolaire et embryonnaire. Mais l’association est possible. L’évolution spontanée se fait vers l’envahissement des tissus voisins. Les métastases à distance se font par voie lymphatique et sanguine.
b. Léiomyosarcomes : Sarcome très rare, les léiomyosarcomes étaient retrouvés sept fois sur 18 sarcomes du cordon spermatique colligés en 28 ans dans une étude américaine (15). Ces tumeurs surviennent habituellement autour de la soixantaine. Il pourrait naître de la dégénérescence d’un léiomyome, ou primitivement de tissu musculaire lisse du cordon. Macroscopiquement, c’est une tumeur de couleur variable, d’aspect lobulé, ferme, bien limitée. Histologiquement, l’aspect est celui du léiomyome avec un nombre de mitoses élevées mais parfois le diagnostic est difficile même en microscopie électronique. Leur évolution est marquée par la grande fréquence de l’extension et de récidive locorégionale. La récidive locale se fait après exérèse chirurgicale, dans un délai de moins de trois ans. La dissémination métastatique, plus fréquente par voie sanguine, peut survenir après plusieurs années. Le pronostic est mauvais puisque la survie à cinq ans est de 10 à 15 % (16).
c. Liposarcomes : Les liposarcomes sont des tumeurs rares du cordon spermatique (7%) (17). Seulement 60 cas ont été rapportés avant l’année 2000 dans la littérature. Elles semblent se développer plus souvent chez le sujet âgé de plus de 50 ans (16). Ses localisations au cordon sont exceptionnelles chez l’enfant. La tumeur peut correspondre à la transformation maligne d’un lipome ou se développer directement à partir du tissu adipeux du cordon. Macroscopiquement la lésion est souvent volumineuse, polylobée, jaunâtre, ferme ou élastique, comportant des zones de nécrose hémorragique et de dégénérescence kystique. Histologiquement, les liposarcomes sont classés en cinq types (classification de HADJU) selon la prédominance tissulaire au sein de la tumeur : bien différencié, myxoïde, lipoblastique, fibroblastique, polymorphe (18). La dissémination métastatique se fait habituellement par voie hématogène. L’atteinte ganglionnaire est rare et se rencontre surtout dans les formes indifférenciées.
d. Fibrosarcomes : Ce sont des tumeurs dures et irrégulières, de couleur jaune brun, de volume parfois important. Depuis la première description par Fergusson en 1856, il y eut 27 cas publiés (16). Son pronostic est habituellement sévère.
PRISE EN CHARGE
Une biopsie exérèse de la tumeur sous anesthésie locorégionale a été réalisée par voie inguinale. Une tumeur indurée mesurant 20 x 10 mm de grand axe, a été énuclée après la libération des adhérences aux différentes tuniques du cordon spermatique et une ligature d’un pédicule propre à la tumeur (Figure 1). L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire a conclu à un adénocarcinome bien différencié du cordon spermatique (Figure 2). Des bilans recherchant une tumeur primitive ont été demandés pour confirmer la nature primitive ou non de l’adénocarcinome mais aussi pour rechercher une éventuelle extension, vus les antécédents de ce patient. Les fibroscopies digestives haute et basse n’ont pas retrouvé des lésions suspectes à part une compression extrinsèque au niveau du premier duodénum. Le dosage du PSA a été normal avec une valeur à 2,36 ng/ml. Un scanner thoraco-abdominal a permis de mettre en évidence une masse déformant la tête du pancréas sur les coupes sans injection. Après injection du produit de contraste, une image hypodense arrondie de 30 mm de diamètre, bien individualisée a été retrouvée (Figure 3). L’hypothèse d’un adénocarcinome métastatique du cordon spermatique d’origine pancréatique a été posée. L’exploration de la cavité abdominale par laparotomie a montré une tumeur de la tête du pancréas avec des adénopathies suspectes au niveau du pédicule hépatique, mésentérique supérieure et une dilatation des voies biliaires extra hépatiques. Le reste de la cavité abdominale a été sans particularité. Une dérivation bilio-digestive de type cholédoquo-duodénale associée à une anastomose gastro-jéjunale a été réalisée. Une biopsie à distance de la tumeur (ganglionnaire) a été effectuée et l’examen anatomopathologique a confirmé l’existence d’un adénocarcinome de la tête du pancréas. Le diagnostic final retenu a été un adénocarcinome de la tête du pancréas avec une localisation secondaire au niveau du cordon spermatique droit (stade IV de la classification TNM 6ème version : T4 N1 M1).
Diagnostic en cas d’adénocarcinome primitif inconnu
a. Circonstances de découverte : Plus rarement, comme le cas de notre patient, la tumeur primitive est inconnue. La circonstance de découverte sera marquée par la constatation d’une tuméfaction inguinale ou scrotale d’évolution progressive, au cours d’une autopalpation, d’un examen systématique ou lors d’un traumatisme. Dans d’autres cas, le patient amènera à consulter par le changement brutal du caractère d’une tumeur qu’il a connue, du canal inguinal ou scrotal. Elle doublera son volume en peu de temps, entraînant une modification de la peau scrotale. La symptomatologie sera marquée plutôt par une gêne liée à la pesanteur qu’une douleur (28). L’association à une altération de l’état général est fréquente. Devant une tumeur scrotale ou inguinale isolée, une exploration chirurgicale s’impose suivie d’un examen d’anatomie pathologique de la pièce opératoire qui confirmera le diagnostic.
b. Démarche diagnostique pour la recherche de la tumeur primaire : La rareté des adénocarcinomes primaires du cordon spermatique impose la recherche d’autres localisations d’un adénocarcinome qui pourra donner une localisation secondaire sur le cordon spermatique. Dans ce cas, la démarche diagnostique sera celle de la prise en charge des carcinomes primitifs inconnus (C A P I). A ce propos, des Standards, Options et Recommandations (S O R) ont été publiés par la Fédération française nationale des centres de lutte contre le cancer (29), ainsi que d’autres études récentes. Cette démarche diagnostique a pour but essentiel d’identifier les entités anatomo-cliniques de carcinome primitif inconnu accessible à un traitement spécifique. En dehors de ces entités anatomo-cliniques, la recherche de la tumeur primitive n’a pas de conséquence pronostique ou thérapeutique et un bilan exhaustif systématique est inutile (29, 30). Cette démarche se fait en plusieurs étapes.
L’interrogatoire : La première étape devant une suspicion des C A P I sera un ré-interrogatoire sur les antécédents néoplasiques (personnels ou familials), tabagisme et l’histoire de la maladie.
L’examen clinique : La deuxième étape sera un examen complet des téguments, de la cavité buccale, de la thyroïde avec un toucher pelvien et un examen des organes génitaux externes. Il recherche des signes en faveur d’une localisation d’un adénocarcinome donnant le plus souvent une métastase au niveau du cordon spermatique tel que la prostate, le tube digestif, le rein et le poumon.
Bilan complémentaire standard : Ces examens seront complétés par une radiographie du thorax et des dosages sériques des marqueurs : antigène spécifique prostatique (P S A), alpha-foétoprotéine (α F P) et hormone chorionique gonadotrope β (β H C G). Ceci pour éliminer les tumeurs germinales extragonadiques qui sont avec les lymphomes, le principal diagnostic différentiel des carcinomes primitifs de site inconnu, par ses grandes potentielles de curabilité (27).
Examen anatomopathologique conventionnel : L’examen anatomopathologique est l’élément clé qui permet l’orientation vers la tumeur primitive ainsi que son traitement (30). L’examen histologique conventionnel permet de poser le diagnostic d’un adénocarcinome bien, moyen, peu différencié et le carcinome épidermoïde.
Immunohistochimie : L’immunohistochimie aide à préciser le type histopathologique et pourra orienter vers la tumeur primitive mais aussi d’écarter un lymphome, un mélanome, un sarcome, une tumeur germinale, ou un mésothéliome qui est le principal diagnostic différentiel d’un adénocarcinome du cordon (23). Les S O R proposent alors une étude immunohistochimique, pour les adénocarcinomes avec les anticorps dirigés contre les CK7 et 20 qui permet d’individualiser : les tumeurs CK7–, CK20– (carcinomes hépatocellulaire, rénal, prostatique, neuroendocrines, et épidermoïde de la tête et du cou) ; les tumeurs CK7–, CK20+ (carcinomes colorectaux) ; les tumeurs CK7+, CK20– (adénocarcinomes pulmonaires et mammaires ; carcinomes endométriaux, mucineux ovariens, thyroïdiens, et cholangiocellulaires) ; les tumeurs CK7+, CK20+ (carcinomes pancréatiques, gastriques, mucineux ovariens, et urothéliaux) (29). L’utilisation seule de CK7 et CK20 n’est donc suffisant pour la détermination exacte de la tumeur primitive. Ainsi l’analyse croisée avec d’autres marqueurs et anticorps spécifiques sera indispensable. Les marqueurs les plus utilisés pour les adénocarcinomes bien ou moyennement différenciés sont: l’anticorps anti-vimentine, l’anticorps anti-antigène carcinoembryonnaire (ACE) ainsi qu’un ensemble d’anticorps spécifique à certains organes et à certaines tumeurs (l’antigène prostatique spécifique, l’anticorps anti-thyroglobuline, le facteur transcription thyroïdienne TTF-1, la protéine 15, l’uroplakine et les anticorps antiprotéines liés au récepteur d’œstrogène et de progestérone) (31). Mais le choix des marqueurs et anticorps ne devrait pas être empirique. Il sera basé sur les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Cependant, l’immunohistochimie a ses limites avec des marquages négatifs et des réactivités croisées de certains anticorps (30). Dans ce cas, le recours à la cytogénétique ou à la microscopie électronique contribuera au diagnostic.
Examens paracliniques recherchant la tumeur primitive : Après ces examens cliniques et immunohistochimique, des examens paracliniques seront à prescrire pour confirmer les hypothèses diagnostiques. Deux attitudes se sont opposées et succédées pour le bilan paraclinique effectué à la recherche de la tumeur initiale : soit la réalisation d’un bilan exhaustif, au besoin invasif ; soit la réalisation d’un bilan non exhaustif visant à identifier les tumeurs pouvant bénéficier d’un traitement spécifique (30). C’est en termes d’amélioration de la survie et/ou de la qualité de vie que ces attitudes doivent être évaluées. Schapira et al ont démontré qu’un bilan extensif incluant, selon les cas, lavement baryté, urographie intraveineuse, TDM du corps entier, fibroscopie bronchique, endoscopies digestives, et laparotomie ne mettait en évidence la tumeur primitive que chez quatre des 56 patients étudiés (32). L’absence d’impact sur la survie, la faible rentabilité, et le surcoût d’un bilan extensif ont conduit à proposer une démarche diagnostique plus simple. Les S O R et d’autres auteurs ont proposé une démarche diagnostique plus simple. Les bilans paracliniques seront demandés en fonction des donnés de l’interrogatoire, l’examen clinique, complet incluant les touchers pelviens chez les femmes, dosages de PSA, β HCG et AFP chez les hommes, biologie standard, radiographie pulmonaire. En cas d’une orientation vers une origine digestive, une recherche de sang dans les selles, une tomodensitométrie (TDM) abdominopelvienne et des endoscopies digestives seront à demander. En appliquant cette démarche, la tumeur primitive était identifiée dans 20 % des séries d’Abbruzzese (33). Selon cet auteur, le diagnostic de tumeur initiale était établi grâce à l’anatomie pathologique et l’immunohistochimie dans 32% des cas. La TDM thoracoabdominopelvienne était l’examen le plus pertinent, identifiant 30,5 % des tumeurs primitives. Cet examen mettait surtout en évidence des adénocarcinomes pancréatiques et des cancers du poumon non à petites cellules, dont le pronostic est peu modifié par les traitements orientés (33).
Chimiothérapie
Pour les patients ayant un cancer du pancréas métastatique, la chimiothérapie, bien que modérément efficace, a démontré un effet palliatif. La référence actuelle est le schéma de Burris avec Gemcitabine 1000 mg/m2 en perfusion de 30 min à J1 toutes les semaines, 7 semaines/8 puis 3 semaines/4 (niveau de recommandation : grade A). Les principaux éléments de surveillance seront la toxicité hépatique, le dosage du marqueur CA 19-9. La surveillance de la maladie se fera par la clinique et le scanner spiralé ainsi que la survie globale. En cas d’échec de la Gemcitabine, une étude de phase III comparant une chimiothérapie de type FOLFOX à un traitement purement symptomatique a montré une médiane de survie de 21 semaines dans le bras FOLFOX versus 10 semaines dans le bras purement symptomatique (p = 0,0077). La médiane de survie globale a été de 40 semaines versus 34 semaines à partir du diagnostic (p = 0,003).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I RAPPELS
I.1.RAPPELS ANATOMIQUES SUR LES CORDONS SPERMATIQUES
I.1.1.Constitutions anatomiques du cordon spermatique
I.1.2.Vascularisations du cordon spermatique
a. Vascularisations artérielles
b .Vascularisations veineuses
c .Vascularisations lymphatiques
I.2.RAPPELS NOSOGRAPHIQUES SUR L’ADENOCARCINOME DU PANCREAS
I.2.1.Epidémiologie
I.2.2. Facteurs de risque
I.2.3. Modes de révélation
I.2.4. Pronostic
I.2.5. Traitements
I.3. RAPPELS NOSOGRAPHIQUES SUR LES TUMEURS MALIGNES DU CORDON SPERMATIQUE
I.3.1. Les tumeurs mésenchymateuses
a. Rhabdomyosarcomes
b. Léiomyosarcomes
c. Liposarcomes
d. Fibrosarcomes
I.3.2. Les tumeurs malignes rares du cordon spermatique
Tumeurs épithéliales
Tumeurs dysembryoplasiques
I.3.3 Les tumeurs secondaires
DEUXIEME PARTIE : OBSERVATION
II OBSERVATION
II.1. Interrogatoire
II.2. Examen clinique
II.3. Examens paracliniques
II.3.1. Examens morphologiques
II.3.2. Examens biologiques
II.4. Prise en charge
II.5. Evolution
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION ET SUGGESTIONS
III DISCUSSION
III.1. Epidémiologie
III.2. Voie de dissémination
III.3. Diagnostic
III.3.1. Diagnostic en cas d’adénocarcinome primitif connu
a .Circonstances de découverte
b.Examen clinique
c.Examens morphologiques
d.Examen anatomo-pathologique
III.3. 2. Diagnostic en cas d’adénocarcinome primitif inconnu
a..Circonstances de découverte
b..Démarche diagnostique pour la recherche de la tumeur primaire
III.4. Traitements
III.4.1. Prise en charge de la localisation secondaire
a .Traitement chirurgical
b .Traitement complémentaire
III.4.2. Prise en charge de la tumeur primitive
a.Traitement chirurgical et prothèse
b .Chimiothérapie
III.5. Pronostic
IV SUGGESTIONS
CONCLUSION
REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE
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