Métabolisme et identité de la vitamine D

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Découverte de la vitamine D

A l’échelle de l’Homme, l’histoire de la vitamine D est indissociable de celle du rachitisme : il s’agit d’une maladie pédiatrique caractérisée par des déformations osseuses parfois majeures responsables d’une morbi-mortalité importante. Si cette maladie est ancienne avec une première description réalisée vers le 17ème siècle, sa prévalence et son incidence explosent au 19ème siècle. L’industrialisation et l’urbanisation induisent des modifications profondes du mode de vie des populations mais également des conditions atmosphériques. Au début du 20ème siècle, on estime que près de 90% de la population pédiatrique est atteinte de rachitisme en Amérique du Nord et en Europe. (3,4)
Face à cette situation, des innovations scientifiques voient le jour. Une des premières études épidémiologiques internationales est menée en 1890 pour déterminer la répartition mondiale du rachitisme. Le docteur Hess, s’inspirant d’études sur le modèle animal et d’écrits empiriques anciens, mène un essai préventif dans un quartier pauvre de New-York connu pour son taux de mortalité infantile élevé en distribuant pendant six mois de l’huile de foie de morue aux nourrissons. Après la découverte des bénéfices de l’administration de cette substance sur le rachitisme, des campagnes de prévention ont lieu à travers le monde. (figure 1) (3,4)
Figure 1 : Distribution d’huile de foie de morue au sein d’une école en Amérique en 1910 [extrait de (3)]
Les efforts des chercheurs aboutissent à la découverte de la structure biochimique de la vitamine D en 1928, commune aux stéroïdes et autres vitamines, par Adolf Windaus qui reçoit ainsi un prix Nobel. (3,4) L’histoire de la vitamine D sera profondément marquée par celle du rachitisme, et de manière plus générale par les maladies osseuses : l’unité internationale (UI) désigne la plus petite quantité administrée aux rats pour prévenir cette maladie. (5)
La vitamine D a donc eu un rôle moteur à l’échelle mondiale dans la santé humaine, dans la recherche scientifique et dans le développement du concept de « santé publique ».

Métabolisme et identité de la vitamine D

Description du métabolisme

La vitamine D est un sécostéroide : une partie de sa structure biochimique est commune au cholestérol et cette propriété lui confère un caractère liposoluble.
Il existe deux formes principales de vitamine D : la vitamine D2 dont l’origine se trouve dans les produits végétaux et la vitamine D3 dont l’origine est animale. La source alimentaire chez l’Homme est négligeable (environ 10%) : si un grand nombre de produits contiennent de la vitamine D, la teneur reste faible et insuffisante pour assurer les apports adéquats. Le transport de la vitamine D d’origine alimentaire s’effectue via les micelles puis les chylomicrons (grâce à son caractère liposoluble) permettant son absorption dans l’intestin grêle et son passage dans la circulation sanguine. La vitamine D-binding protein (DBP) assure ensuite le transfert jusqu’aux hépatocytes. (6)
La principale source provient de la synthèse cutanée, soit d’une production endogène. Elle représente environ 90% des apports et concerne exclusivement la vitamine D3. L’épiderme contient un précurseur appelé 7-déhydrocholestérol (ou provitamine D3) qui, sous l’action des rayonnements ultraviolets B (UVB) absorbés, est converti en prévitamine D3. Cette dernière est, à son tour, transformée par une isomérisation thermique en vitamine D3. La vitamine D3 endogène se lie directement à la DBP pour arriver jusqu’au foie. (6)
Les hépatocytes sont le siège d’une première hydroxylation sous l’influence de l’enzyme 25-hydroxylase. Cette étape est à l’origine de la conversion de la vitamine D en 25(OH)D. Cette forme est actuellement considérée comme inactive et sa production dépend de plusieurs cytochromes (CYP2R1, CYP27A1, CYP3A4 notamment). La vitamine 25(OH)D est ensuite transportée vers le rein. Ce transport s’effectue majoritairement via la DBP (90%) mais peut aussi se faire par liaison à l’albumine ou de manière « libre ». Dans les tubules proximaux rénaux, une deuxième hydroxylation a lieu via l’enzyme 1-alpha-hydroxylase qui permet la conversion en 1.25(OH)2D, forme active de la vitamine D. (6) Cette étape met principalement en jeu le cytochrome CYP27B1 et est étroitement régulée. Il existe un lien complexe entre la vitamine D et les parathyroïdes afin de réguler le métabolisme phosphocalcique. Ainsi, le cytochrome CYP27B1 est régulé par la parathormone (PTH). Une augmentation de la PTH provoquée par une hypocalcémie ou une diminution de la 1.25(OH)2D déclenche l’activation de la 1-alphahydroxylase. A contrario, une hypercalcémie, une hypophosphorémie ou une augmentation de la forme active de la vitamine D engendrent une diminution de la PTH et donc de l’activation du CYP27B1. Cette régulation est d’autant plus complexe que la calcémie, la phosphorémie ainsi que 1.25(OH)2D exercent aussi une influence directe sur le cytochrome CYP27B1. Il existe également d’autres facteurs d’influence, comme le Fibroblast Growth Factor 23 (FGF23), qui peuvent réguler la 1-alphahydroxylase, avec des actions inverses de la PTH. Le contrôle passe aussi par l’activation d’un cytochrome (CYP24A1) qui provoque une 24-hydroxylation permettant la conversion de 1.25(OH)2D en une forme considérée comme inactive 1.24.25(OH)3D (la forme 25(OH)D peut également être catabolisée en 24.25(OH)D). (7)
La forme active 1.25(OH)2D se lie aux récepteurs de la vitamine D (VDR) situés dans les cellules : ils appartiennent à la famille des récepteurs nucléaires. Ils agissent lors de cette liaison comme des facteurs de transcription et régulent des centaines de gènes. (7)
La capacité de synthèse endogène et la complexité de la régulation du métabolisme interrogent sur la nature biochimique de la vitamine D.

Double identité : vitamine et hormone

La vitamine D a été assimilée à la famille des « vitamines » du fait d’une structure biochimique commune. Son apport alimentaire et son rôle capital pour l’organisme, notamment dans la santé osseuse via la régulation phosphocalcique, ont été des arguments supplémentaires pour lui attribuer cette fonction. (8)
Cependant, des découvertes sur son métabolisme ont amené à se questionner sur la nature de cette entité. En effet, la production endogène via la synthèse cutanée va à l’encontre de la définition de « vitamine ». De plus, la régulation complexe de sa production fait décrire actuellement la vitamine D comme une hormone. Sa capacité à exercer un rétrocontrôle sur les cellules rénales à l’origine de sa production sous forme active laisse entrevoir la possibilité d’action autocrine (action d’une molécule sur les cellules à l’origine de sa production). 25(OH)D est considérée comme une pro-hormone car elle est biologiquement inactive, et 1.25(OH)2D comme une hormone à part entière.
La classification comme « vitamine » a longtemps perturbé la vision scientifique de la 1.25(OH)2D. La mise en évidence de son récepteur VDR dans un très grand nombre de tissus organiques laisse entrevoir des possibilités d’actions endocrines diffuses. D’autres éléments renforcent l’importance que pourrait jouer l’hormone-vitamine D dans l’organisme : la découverte d’une production locale dans certains tissus (placenta, intestin, etc.) de l’enzyme 1-alphahydroxylase suggère une possibilité d’action paracrine (action d’une molécule sur les tissus voisins à son site de production).(9)
La vitamine D est donc une hormone stéroïde dont la richesse du métabolisme suppose la possibilité de très nombreux champs d’action sur l’ensemble de l’organisme. Cette complexité laisse également entrevoir de multiples facteurs d’influence et des difficultés dans la recherche scientifique.

Regards sur la situation actuelle

Engouements scientifiques et populaires

La définition de la vitamine D comme « hormone » et les implications nombreuses dans son métabolisme expliquent, en grande partie, l’intérêt porté à la vitamine D au cours du 21ème siècle.
La situation épidémiologique joue également un rôle dans l’attention qui lui est conférée. On estime que la carence en vitamine D concerne aujourd’hui un milliard de personnes dans le monde et les maladies qui en découlent, comme le rachitisme ou l’ostéomalacie, sont en recrudescence y compris dans les pays dits « développés ». En effet, les modifications profondes du mode de vie ont impacté le statut en vitamine D des populations : diminution des activités extérieures et de l’exposition au soleil, modification des régimes alimentaires et des conditions atmosphériques, vieillissement des populations, polypathologies et polymédications peuvent altérer ses apports et son métabolisme. (10)
En Europe, la carence concerne, selon les études, 13% de la population et l’insuffisance près de 50%. (10) Un examen post-mortem en Allemagne a mis en évidence une ostéomalacie non diagnostiquée chez 25% des cas autopsiés. (11) A titre d’exemple, en France, une étude monocentrique prospective et descriptive a montré que, dans la population du Nord-Pas-de-Calais, les niveaux de vitamine D étaient insuffisants (selon les recommandations) pour près de 93% de la population adulte incluse (18 à 65 ans). Une carence était retrouvée chez 27% d’entre eux. (12) Les possibilités d’action de la vitamine D via son métabolisme et la situation épidémiologique engendrent la multiplication des recherches scientifiques et, donc, des publications. Entre 2003 et 2017, le nombre d’articles concernant cette molécule a été multiplié par cinq (voire par quinze pour ceux concernant la supplémentation) dans la base de recherche PUBMED. (figure 3) En 2018, plus d’une centaine d’essais cliniques randomisés (ECR) étaient inscrits sur le site de référence clinicaltrials.gov. (13) L’implication scientifique et la mise en lumière sur les possibilités d’action diffuse ont conduit à une augmentation de l’intérêt médical mais également populaire pour la vitamine D. En effet, cette dernière a été présentée comme « la vitamine du soleil », porteuse d’espoir et d’innovation, dont l’innocuité serait le principal atout.

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Table des matières

1. Introduction
2. Généralités et regards sur la situation actuelle
2.1. Généralités
2.1.1. Dès l’origine du monde
2.1.2. Découverte de la vitamine D
2.1.3. Métabolisme et identité de la vitamine D
2.1.3.1. Description du métabolisme
2.1.3.2. Double identité : vitamine et hormone
2.2. Regards sur la situation actuelle
2.2.1. Engouements scientifiques et populaires
2.2.2. Réaction des autorités de santé : rapport de la HAS
2.2.3. Controverses et oppositions à ce rapport : avis d’experts
2.2.4. Explications à l’absence de consensus
2.2.4.1. Multiplications des équivalences et synonymes
2.2.4.2. Dosages non standardisés et absence de schéma universel de supplémentation
2.2.4.3. Difficultés dans la détermination des seuils
3. Méthodologie
4. Résultats
4.1. Indications de dosage et de supplémentation
4.1.1. Généralités concernant le dosage
4.1.1.1. Techniques et limites du dosage
4.1.1.2. Prescription du dosage et de son remboursement
4.1.2. Indications de dosage remboursées
4.1.2.1. Pathologies osseuses : rachitisme, ostéomalacie et ostéoporose
4.1.2.2. Chirurgie bariatrique et maladies de malabsorptions
4.1.2.3. Transplantés rénaux et insuffisance rénale chronique
4.1.2.4. Chutes à répétition du sujet âgé
4.1.2.5. Médicaments selon RCP et autres thérapeutiques
4.1.3. Indications de supplémentation sans dosage
4.1.3.1. Pédiatrie : une supplémentation pour tous
4.1.3.2. Grossesse : pour la santé osseuse et néonatale
4.1.3.3. Adultes : selon les facteurs de risque
4.1.4. Situations en cours d’études méritant attention
4.1.4.1. Syndrome métabolique : diabète de type 2 et dyslipidémies
4.1.4.2. Maladies cardiovasculaires
4.1.4.3. Maladies respiratoires, infectieuses et allergiques
4.1.4.4. Cancers et mortalité
4.1.4.5. Maladies inflammatoires et auto-immunes
4.1.4.6. Maladies neurologiques et psychiatriques
4.2. A propos des modalités de supplémentation
4.2.1. Généralités
4.2.1.1. Mesures générales non médicamenteuses
4.2.1.2. Mesures médicamenteuses : généralités
4.2.1.3. Risque de toxicité
4.2.2. Situations générales
4.2.2.1. Pédiatrie : à tous les âges
4.2.2.2. Grossesse : au 7ème mois au minimum
4.2.2.3. Adultes avec dosage préalable : selon la pathologie
4.2.2.4. Adultes sans dosage préalable : selon les apports et les besoins
4.2.3. Situations particulières
4.2.3.1. Obésité
4.2.3.2. Lithiases rénales
4.2.3.3. Maladies génétiques
4.2.3.4. Maladies granulomateuses
4.2.3.5. Pathologies parathyroïdiennes
4.2.3.6. Hépatopathies
5. Résumé : outil synthétique d’aide à la prescription
6. Discussion
6.1. Perspectives
6.1.1. Amélioration de la conception du dosage et des études
6.1.1.1. Amélioration de la conception du dosage
6.1.1.2. Amélioration de la conception des études
6.1.2. Outils permettant une démarche personnalisée
6.1.2.1. La nécessité d’une démarche personnalisée
6.1.2.2. La création d’outils permettant une démarche personnalisée
6.1.3. Décisions de santé publique
6.1.3.1. Enrichissement alimentaire
6.1.3.2. Sensibilisation des populations
6.2. Une situation pathognomonique de la médecine générale : une situation complexe
7. Conclusion
8. Bibliographie

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