Historique
L’histoire des sulfamides débuta en 1932 lorsque deux chimistes allemands, Klarer et Mietzsch, ont préparé un colorant rouge, le prontosil porteur d’une fonction sulfonamide. En 1935, un médecin allemand (G. Domagk) découvrit que ce colorant, présentait des propriétés antibactériennes in vivo, lorsqu’il était administré à des animaux de laboratoire, mais qu’il était incapable de tuer des bactéries en culture dans un tube à essai. Peu après une équipe de l’Institut Pasteur de Paris a démontré que ce colorant était inactif in vitro. L’activité thérapeutique s’exprime in vivo, après scission de la molécule et libération de l’acide para-aminobenzoïque (PABA). Cette molécule servira comme structure de base à la synthèse des sulfonamides (figure 1) (Graham, 2003).
Le sulfonamide fut alors directement obtenu par synthèse chimique et devient la première substance antibactérienne d’origine artificielle à être active vis-à-vis d’une gamme étendue d’infections (Goldstein, 2006). De nombreuses molécules ont été synthétisées ultérieurement, présentant toute une activité comparable mais des propriétés pharmacologiques (absorption, solubilité, et tolérance digestive) et toxicologiques différentes. Certaines activités métaboliques des sulfamides ont également été exploitées, en particulier dans la synthèse de diurétiques ou d’hypoglycémiants (Graham, 2003 ; Awadallah et al., 2015).
Métabolisme des sulfamides
Les sulfamides sont essentiellement métabolisés dans le foie, générant ainsi des métabolites intermédiaires (figure 2). La transformation des sulfamides se fait majoritairement par oxydation, les autres voies de transformation étant mineures (hydroxylation ou conjugaison). Les N-acétylsulfamides obtenus sont inactifs. L’excrétion des produits métabolisés est essentiellement urinaires, ce qui leurs fait un traitement de base contre les infections urinaires (Abdallah et al., 2014).
Spectre d’action des sulfamides
Les sulfamides ont un spectre d’action large, mais actuellement de nombreuses espèces sont devenues résistantes (Graham, 2003 ; Kung et al., 2015).
Espèces sensibles
❖ Bactéries à Gram positif
Staphylococcus aureus, Streptococcus pyogenes, Bacillus anthracis, Streptococcus pneumoniae, Actinomyces sp, Nocardia sp, Streptococcus du groupe viridans, Clostridium perfringens, Listeria monocytogenes, et Corynbacterium sp (Yala et al., 2001).
❖ Bactéries à Gram négatif
Les entérobactéries, Neisseria sp, Bordetella pertussis, Haemophilus influenzae, Pseudomonas sp, les Légionelles, Chalamydia sp, Mycobacterium leprae, Pasteurella sp, Vibrio cholerae, Brucella sp, Fraciella sp (Yala et al., 2001).
❖ Autres organismes
Les sulfamides ont une activité sur quelques champignons (Pneumocystis sp, Coccidioides sp, Paracoccidioides sp, Histoplasma sp, Phycomycosis sp), et sur certains parasites : Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, Plasmodium malariae, Toxoplasma gondii, Isospora sp, Cyclospora sp, poux, puces, morpions… (Goldstein, 2006).
Espèces résistantes
Résistance naturelle Toutes les bactéries qui sont auxotrophes pour l’acide folique sont naturellement résistantes aux sulfamides. Exemples : les entérocoques, les lactobacilles, et Streptococcus feacalis (Yala et al., 2001 ; Prescott et al., 2007).
Résistance acquise
Cocci à Gram positif
● Le staphylocoque paraît doué d’un grand pouvoir d’adaptation aux antibiotiques. À ce jour, plus de 14 mutations du gène codant pour la dihydroptéroate synthétase (DHPS) ont été répertoriées, et sont responsables de la résistance de S. aureus aux sulfamides (Kung et al., 2015).
● La résistance de Streptococcus pneumoniae aux sulfamides est très variable.
Cocci à Gram négatif
● Les souches de Neisseria meningitidis et Neisseria gonorrhoeae ont développé une résistance notable aux sulfamides, dont la fréquence paraît en étroite relation avec les habitudes thérapeutiques (Goldstein, 2006).
Bacilles à Gram positif
● Bacillus cereus présente un haut degré de résistance aux antibiotiques, notamment aux sulfamides (Graham, 2003 ; Goldstein, 2006).
Bacilles à Gram négatif
● Les entérobactéries ont acquis une résistance aux sulfamides ;
● La résistance des Shigella sp aux sulfamides est très fréquente ;
● Les sulfamides sont inefficaces sur les rickettsies, et faiblement actifs sur les Chlamidiae sp (Goldstein, 2006).
Autres organismes
● La plupart des mycobactéries, les tréponèmes, les coxielles, les mycoplasmes, les leptospires sont résistants aux sulfamides (Goldstein, 2006).
Mécanisme d’action des sulfamides
Contrairement à l’Homme, la plupart des bactéries, sont capables d’effectuer la synthèse de l’acide folique. Cette synthèse se fait en deux étapes (figure 3) :
● La première étape aboutit à la formation de l’acide ptéroïque à partir de la ptéridine et du PABA. Cette réaction est catalysée par la dihydroptéroate synthétase (DHPS) et c’est à ce niveau qu’intervient le blocage par les sulfamides.
● Dans un deuxième temps, après addition d’une molécule d’acide glutamique, l’acide ptéroïque sera transformé en acide folique (Goldstein, 2006).
Les sulfamides agissent en tant qu’inhibiteurs de la DHPS en imitant le PABA qui est un des composants normaux de l’acide folique. La structure de la molécule de sulfamide ressemble tellement à celle du PABA (figure 4) que l’enzyme peut accepter cette substance dans son site actif ; une fois lié, le sulfamide empêche le PABA de venir s’y loger ; dans ce cas deux possibilités peuvent se produire :
❖ Soit, le sulfamide inhibe la DHPS ;
❖ Soit, la DHPS accepte le sulfamide et produit un analogue de l’acide folique contenant le motif sulfonamide à la place du PABA ; cela n’apporte rien à la cellule bactérienne, car cet analogue n’est pas accepté par l’enzyme suivante dans la cascade des réactions biosynthétiques, et dans les deux cas l’acide folique ne peut plus être synthétisé (Goldstein, 2006 ; Yang et al., 2015).
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Les sulfamides
1. Historique
2. Métabolisme des sulfamides
3. Spectre d’action des sulfamides
3.1. Espèces sensibles
3.2. Espèces résistantes
3.2.1. Résistance naturelle
3.2.2. Résistance acquise
4. Mécanisme d’action des sulfamides
5. Mécanismes de résistance des sulfamides
5.1. Résistance naturelle
5.2. Résistance acquise
5.2.1. Hyperproduction de PABA
5.2.2. Diminution de la perméabilité
5.2.3. Diminution de l’affinité des sulfamides pour la DHPS
5.2.4. Nouvelles DHPS codées par un plasmide
Chapitre II : Résistance aux antibiotiques
1. Définition de la résistance
1.1. Résistance naturelle (intrinsèque)
1.2. Résistance acquise
2. Mécanisme de résistance
2.1. Mécanisme d’élimination
2.2. Synthèse d’enzyme inactivant les antibiotiques
2.2.1. Les β-lactamases
2.2.2. Enzymes inactivant les aminosides
2.2.3. Enzymes inactivant les M.L.S
2.2.4. Enzymes inactivant les phénicoles
2.3. Modification de la cible
2.3.1. Modification des PLP
2.3.2. Modification de la cible ribosomale
2.3.3. Altération de la synthèse des acides nucléiques
3. Facteurs favorisant la résistance aux antibiotiques
4. Dissémination de la résistance aux antibiotiques
4.1. Mutations
4.2. Transfert horizontal des gènes de résistance
4.2.1. Différents modes de transfert horizontal
4.2.2 Structures génétiques conférant la mobilité des gènes de résistance
4.2.2.1. Les plasmides
4.2.2.2. Les éléments génétiques mobiles
Chapitre III : Mutations et génotoxicité
1. Mutation
1.1. Définition
1.2. Agents mutagènes
1.3. Mécanismes de réparation des mutations
1.3.1. Réparation immédiate par réversion directe de l’anomalie
1.3.2. Réparation par excision de bases ou d’oligonucléotides
1.3.3. Réparation des mésappariements
1.3.4. Réparation des cassures double-brin
2. Génotoxicité
2.1. Définition
2.2. Tests de génotoxicité
2.2.1. Test d’Ames
2.2.2. Autres tests
Chapitre IV : Les infections urinaires et les bactéries responsables
1. Les infections urinaires
1.1. Définition
1.2.Différents types d’infections urinaires
2. Les bactéries les plus fréquentes dans les infections urinaires
2.1. Les entérobactéries
2.1.1. Définition
2.1.2. Habitat
2.1.3. Pouvoir pathogène
2.1.4. Structure antigéniques
2.1.4. Résistance aux antibiotiques
2.2. Pseudomonas aeruginosa
2.2.1. Définition
2.2.2. Habitat
2.2.3. Pouvoir pathogène
2.2.4. Substances élaborées
2.2.5. Résistance aux antibiotiques
2.3. Les staphylocoques
2.3.1. Définition
2.3.2. Habitat
2.3.3. Pouvoir pathogène
2.3.4. Substances élaborées
2.3.5. Résistance aux antibiotiques
Conclusion