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Etiologie
L’hypothyroïdie a de multiples étiologies. Elle peut être d’origine iatrogène, ou apparaître de manière spontanée.
L’une des premières causes de l’hypothyroïdie d’origine iatrogène est une thyroïdectomie totale ou partielle, qui est souvent le traitement de la maladie de Basedow, d’un goitre homogène ou d’un goitre nodulaire. Ensuite, la radiothérapie comme traitement de la maladie de Basedow, de Hodgkin ou du cancer du larynx, est souvent responsable d’une insuffisance thyroïdienne. Enfin, une hypothyroïdie peut être consécutive à la prise de certains médicaments. Ainsi, l’amiodarone ou iode sont souvent révélateurs d’une pathologie thyroïdienne préexistante. Les antithyroïdiens de synthèse et les sels de lithium utilisés en psychiatrie sont aussi susceptibles de provoquer une hypothyroïdie.
Une hypothyroïdie peut également apparaître spontanément.
L’étiologie la plus fréquente d’hypothyroïdie spontanée est la thyroïdite auto-immune. Cette pathologie se traduit souvent elle-même par une maladie auto-immune. Dans les deux cas, il existe des anticorps anti-thyropéroxydase (ou anti-TPO). Une carence iodée est également une cause d’hypothyroïdie spontanée. Elle existe surtout dans les populations défavorisées et peu dans nos régions occidentales et riches. Ensuite, une hypothyroïdie peut être due à un trouble de l’hormonogenèse par déficit enzymatique. Une anomalie congénitale du développement morphologique de la glande thyroïde, allant de l’ectopie à l’athyréose, est également responsable d’une hypothyroïdie spontanée. Enfin, l’hypothyroïdie centrale est une atteinte de l’hypophyse avec défaut de sécrétion de la TSH. (2)
Symptômes et complications
Les symptômes de l’hypothyroïdie infra clinique ne sont pas spécifiques. Une altération de la fonction cognitive et de la mémoire peut être observée chez les patients souffrant d’insuffisance thyroïdienne. L’anxiété et un syndrome dépressif peuvent apparaître du fait de la déficience thyroïdienne. Il est également fréquent de noter un trouble lipidique ainsi qu’une dysfonction de l’endothélium. Chez les patients jeunes souffrant d’hypothyroïdie infra clinique non traitée, la fonction cardiaque peut être altérée. On observe donc une réduction des fonctions diastolique et systolique, une rigidité des artères avec une hypertension artérielle. Ces troubles conduisent à une altération de la qualité de vie. (5, 7)
Les symptômes de l’hypothyroïdie avérée ou manifeste sont en général vagues et non spécifiques. Il est fréquent d’observer une intolérance au froid, une constipation, une sécheresse cutanéomuqueuse. De plus, on peut également noter une diminution du rythme cardiaque, une raucité de la voix et parfois une altération des capacités mentales. Dans les cas les plus extrêmes, les symptômes peuvent aller jusqu’au coma et l’arrêt cardiaque. (8)
Dans tous les stades de la maladie, une asthénie, une prise pondérale et une infiltration des téguments et des phanères sont fréquemment observées.
Traitement
Le traitement de l’hypothyroïdie infra clinique est recommandé chez les patients ayant un taux de TSH supérieur ou égal à 10 milli unités par litre. En effet, le traitement permet d’éviter une éventuelle évolution vers une hypothyroïdie franche. Il permet également d’éviter aux patients d’être trop symptomatiques et de présenter des troubles cardiovasculaires. Pour des taux de TSH inférieurs, le choix de la mise en place d’un traitement dépend des symptômes, des risques cardiovasculaires, de la présence ou non d’anticorps anti-TPO. (9)
Le traitement consiste à supplémenter en thyroxine (T4) de synthèse appelée lévothyroxine. Il se présente sous forme orale en comprimés. La demi-vie de ce médicament est de 7 jours ce qui donne une concentration sanguine stable au bout de 35 jours.
Il est recommandé de débuter le traitement entre 25 et 50 microgrammes par jour. Ensuite, il faut doser la TSH deux à trois mois après l’instauration du traitement. Si la TSH est toujours élevée, il est recommandé d’augmenter la dose de lévothyroxine, de 12,5 à 25 microgrammes selon la tolérance du patient. Si la TSH est basse, il faut au contraire diminuer les doses de traitement. (2)
Hypothyroïdie pendant la grossesse
Modification de la fonction thyroïdienne pendant la grossesse
La physiologie thyroïdienne est modifiée pendant la grossesse par trois principaux facteurs. En premier lieu, pendant la grossesse, la femme est en état d’hyperœstrogénie. Cet état est responsable d’une augmentation de la concentration sanguine en protéines de transport et notamment en thyroxine-binding globulin (TBG), augmentant ainsi les taux circulants de T3 et T4 liées à la TBG. Cette augmentation apparaît dès les premières semaines de gestation avec un plateau vers la 20e semaine. Ce renforcement de la liaison des protéines thyroïdiennes induit une augmentation des besoins en hormones thyroïdiennes. Ainsi, la glande thyroïde augmente sa production de 40% au premier mois et de 75% au troisième. Ensuite, la concentration de la TBG double ou triple lors du deuxième trimestre de grossesse. La TBG revient à son taux habituel quatre à six semaines après l’accouchement.
Le deuxième facteur est la diminution de la disponibilité en iode. En effet, la filtration glomérulaire de la femme enceinte augmente, entraînant une augmentation de la clairance rénale en iodure. Ainsi, il existe une perte en iode par le rein gravide. De plus, la baisse du taux de iodure plasmatique induit une augmentation compensatoire de la clairance thyroïdienne jusqu’à 50ml/min et s’accompagne d’une élévation du captage d’iodure par la glande thyroïde. La deuxième raison expliquant la diminution de la disponibilité en iode est la nécessité pour la femme enceinte de fournir un stock d’iode au fœtus car celui-ci est incapable de fabriquer son propre stock.
Enfin, l’hormone chorio-gonadotrophine (HCG) sécrétée par les cellules trophoblastiques du placenta, a une homologie structurale avec la TSH lui conférant un effet thyréostimulant. Elle se lie au récepteur de la TSH et stimule donc la production thyroïdienne et la croissance de l’épithélium thyroïdien. L’action compétitive de l’HCG sur le récepteur de la TSH explique la diminution du taux de TSH au premier trimestre de la grossesse. Au cours de la grossesse, elle revient dans les valeurs de base au fur et à mesure de la baisse de sécrétion d’HCG, soit vers 18 – 20 semaines de grossesse. (10, 11)
Impact de l’hypothyroïdie sur la grossesse
L’hypothyroïdie, qu’elle soit avérée ou fruste, peut être responsable de complications obstétricales si elle n’est pas traitée.
En premier lieu, une augmentation de l’infertilité a été prouvée. En effet, un article de Poppe montre que l’hypothyroïdie auto-immune est responsable d’endométriose et de syndrome des ovaires polykystiques, aboutissant à une diminution ou à une absence de la fertilité. Il existe ainsi, un taux plus élevé de fausses couches chez les femmes hypothyroïdiennes par rapport aux femmes euthyroïdiennes. (12) Cependant, il a également été prouvé une association entre la présence d’anticorps antithyroïdiens type anti-TPO et le risque de fausse couche, même en cas d’euthyroïdie. (11)
Au niveau des complications obstétricales, il est fréquent d’observer une anémie, une hypertension gravidique, une prééclampsie, des avortements spontanés et un décollement placentaire. Les femmes souffrant d’hypothyroïdie présentent un risque accru d’accouchement prématuré, de retard de croissance in utero. Une augmentation des morts fœtales et périnéales apparaît en cas d’hypothyroïdie non traitée. Des anomalies congénitales et une détresse respiratoire néonatale peuvent également être observées. (11, 13, 14)
Dans une étude de 2002, Abalovich et al ont étudié seize grossesses débutées chez des femmes présentant une hypothyroïdie avérée et 35 débutées chez des femmes présentant une hypothyroïdie fruste. Pour ces grossesses au traitement inadapté, un taux de 60% d’avortement pour les hypothyroïdies avérées et 71,4% pour les hypothyroïdies frustes a été trouvé. De la même manière, les grossesses ont abouti dans, respectivement, 20% et 7,2% des cas à un accouchement prématuré. (15)
Une étude de 2003 a montré que les patientes souffrant d’hypothyroïdie fruste ont trois fois plus de risque que leurs grossesses se compliquent d’un décollement placentaire (relative risk 3.0, 95% confidence interval 1.1-8.2). Il a également été montré un risque presque deux fois plus élevé d’accoucher prématurément avant 34 semaines d’aménorrhée (relative risk 1.8, 95% confidence interval 1.1-2.9). (16)
Une étude de 2005 montre que les femmes hypothyroïdiennes traitées ont plus de risque de présenter une hypertension gravidique ou une prééclampsie (2,3% et 4,3% respectivement contre 1,2% et 2,6% dans le groupe témoin, soit p=0,03). (17)
Une étude de 2009 a mis en évidence un risque élevé de restriction de croissance in utero en cas d’hypothyroïdie avérée avec un taux de 22% contre 6,8% dans le groupe témoin. Dans cette étude, les patientes souffrant d’hypothyroïdie auto-immune ont significativement plus de risque d’accoucher prématurément avec 16% contre 8% dans le groupe témoin (p<0,005). L’étude montre aussi 14,3% de grands prématurés dans le groupe de patientes hypothyroïdiennes contre 5,7% dans le groupe témoin, soit un p<0,05. (18)
Impact de l’hypothyroïdie maternelle sur l’enfant
Le développement de la thyroïde fœtale ne débute qu’entre la 10ème et la 12ème semaine de grossesse et les hormones thyroïdiennes ne sont sécrétées qu’à partir de 18 ou 20 semaines de grossesse. Or, ces hormones sont indispensables au développement cérébral du fœtus dès les premières semaines de grossesse. En effet, elles sont nécessaires à la neurogenèse, la migration neuronale, la myélinisation, la synaptogenèse, la formation des axones et la régulation de la neurotransmission. En début de grossesse, les besoins en hormones thyroïdiennes sont essentiellement assurés par la mère. (11)
C’est pour cela que l’hypothyroïdie maternelle non traitée et non équilibrée est à risque pour le développement neurologique du futur enfant à naître. Les fœtus de mères hypothyroïdiennes présentent des scores moins élevés sur l’échelle d’évaluation comportementale néonatale que les fœtus de mères saines. (19)
Dans les populations carencées en iode, les nouveau-nés de mères non supplémentées pendant la grossesse souffrent de troubles neurologiques. Le quotient intellectuel des enfants de mères hypothyroïdiennes non traitées est significativement inférieur à celui des enfants de mères substituées en iode. Une étude de 2001 réalisée chez des enfants de huit ans, montre un quotient intellectuel moyen de 107 quand la TSH est inférieure au 98ème percentile contre 97 quand la TSH est supérieure au 99,85ème percentile (p=0,003). (20) Cependant, ces données sont controversées, certaines études ne montrent aucune différence de quotient intellectuel entre un enfant de mère hypothyroïdienne traitée ou non et un enfant de mère avec un statut thyroïdien normal. (21) Il est donc difficile de conclure sur l’évolution psychomotrice de l’enfant à naître en cas d’hypothyroïdie maternelle.
Recommandations des Sociétés Savantes pour la prise en charge de l’hypothyroïdie pendant la grossesse
Une hypothyroïdie non surveillée pendant la grossesse peut engendrer des complications obstétricales, fœtales et néonatales. Des recommandations internationales sur la prise en charge de ces futures mères ont donc été diffusées.
La Société d’Endocrinologie pour la Pratique Clinique recommande, tout d’abord, un diagnostic ciblé de l’hypothyroïdie à la première visite prénatale ou au moment du diagnostic de la grossesse.
Ce diagnostic doit se faire en cas de :
– Antécédent d’hyperthyroïdie, d’hypothyroïdie, de thyroïdite du post-partum, de thyroïdectomie
– Antécédent familial de maladie thyroïdienne
– Goitre
– Anticorps thyroïdiens
– Signes cliniques d’une dysfonction thyroïdienne : anémie, cholestérol élevé, hyponatrémie
– Diabète de type 1
– Maladie auto-immune
– Infertilité féminine
– Irradiation de la tête ou du cou
– Antécédent de fausse couche ou d’accouchement prématuré
Si une hypothyroïdie est diagnostiquée avant la grossesse, il est souhaitable d’ajuster la dose de thyroxine pré conceptionnelle pour maintenir un taux de TSH inférieur ou égal à 2,5 mU/ml, afin de permettre la conception dans un état d’euthyroïdie. Ensuite, la dose de thyroxine nécessite habituellement d’être augmentée entre la 4e et la 6e semaine de grossesse, et peut exiger une augmentation de 30 à 50%.
Si une hypothyroïdie manifeste est diagnostiquée pendant la grossesse, les tests de la fonction thyroïdienne doivent être normalisés aussi vite que possible avec une TSH maintenue inférieure à 2,5 mU/ml au premier trimestre ou inférieure aux valeurs normales en fonction des trimestres.
Les femmes présentant une thyroïdite auto-immune, c’est-à-dire avec des anticorps anti-TPO, mais euthyroïdiennes en début de grossesse, risquent de développer une hypothyroïdie. Leur fonction thyroïdienne doit donc être contrôlée pour que la TSH ne s’élève pas au-dessus de la normale.
Le traitement a montré une amélioration des issues obstétricales, mais n’a pas prouvé une modification du développement neurologique de l’enfant à long terme. Cependant, comme les bénéfices potentiels surpassent les risques potentiels, il est recommandé de traiter les femmes en hypothyroïdie fruste.
Après l’accouchement, la plupart des hypothyroïdiennes nécessitent une diminution du dosage de thyroxine par rapport à celui reçu pendant la grossesse. (22)
La Société Anglaise d’Endocrinologie recommande d’éduquer les services de consultations prénatales pour cibler un dosage de TSH entre 0,5 et 2,0 mU/l, et d’inculquer aux sages-femmes et aux généralistes la nécessité d’augmenter les doses de thyroxine dans les premiers stades de la grossesse. (23-25)
Description de l’étude
Objectif de l’étude
Ce travail avait pour but d’évaluer la prise en charge de l’hypothyroïdie pendant la grossesse, au Centre Hospitalier Universitaire de Caen.
Le second objectif de cette étude était de comparer les complications obstétricales des femmes hypothyroïdiennes avec celles de femmes non hypothyroïdiennes, afin de déterminer si la prise en charge actuelle permet d’éviter tout risque supplémentaire de complications liées à l’hypothyroïdie.
Hypothèses
Les recommandations actuelles, sur la prise en charge de l’hypothyroïdie pendant la grossesse, ne sont pas respectées.
Cette prise en charge défectueuse augmente le risque de complications obstétricales.
Méthodes
Choix de l’étude
L’étude était rétrospective par analyse des dossiers obstétricaux informatiques, à l’aide du logiciel 4D, de femmes hypothyroïdiennes et non hypothyroïdiennes. Il s’agissait donc d’une étude cas-témoin.
Choix de la population et de la période
L’analyse concernait 266 patientes hypothyroïdiennes ayant accouché entre janvier 2008 et juillet 2012. Les goitres et les hyperthyroïdies ont été d’emblée exclus de l’étude. Le seul critère d’inclusion était une hypothyroïdie cotée dans le dossier informatique, qu’elle soit antérieure à la grossesse ou découverte pendant celle-ci.
Etaient retrouvées ainsi, 247 hypothyroïdies antérieures à la grossesse et 19 hypothyroïdies découvertes pendant la grossesse. L’échantillon concerné présentait 7 grossesses gémellaires et une grossesse triple. Cet échantillon est appelé le groupe « cas ».
Une seconde analyse concernait 266 patientes non hypothyroïdiennes ayant accouché au cours de la même période. Ces patientes ont été choisies au hasard avec comme seul critère de non-inclusion, une hypothyroïdie. L’échantillon comportait 4 grossesses gémellaires et une grossesse triple. Ce groupe est appelé groupe « témoin ».
Critères d’analyse
L’étude s’est intéressée aux caractéristiques et antécédents des patientes, au déroulement de leur grossesse et de l’accouchement, ainsi qu’à l’état de l’enfant à la naissance. Pour le groupe « cas », il a été également recherché la posologie du traitement, ainsi que le dosage des hormones thyroïdiennes et de la TSH. (Annexe I)
Il est à préciser certains critères étudiés. La variable FIV, supposait une grossesse qui n’est pas spontanée, cela peut être une insémination artificielle, une stimulation hormonale ou une fécondation in vitro. La variable accouchement prématuré signifiait un accouchement avant 37 semaines d’aménorrhée (un accouchement à 36 SA + 6 jours rentre dans ce critère). La détresse respiratoire supposait une nécessité d’oxygénation ou de réanimation néonatale. Enfin, les variables concernant la mention de l’hypothyroïdie, du dosage du traitement ou de l’augmentation du dosage, faisaient référence au contenu des consultations de grossesse et de la page de garde du dossier informatique.
Logiciels et méthodes statistiques
Les dossiers informatiques étaient issus du logiciel 4D. Les données recueillies ont été transcrites et analysées à l’aide du logiciel Excel. Le test du « Chi² », le test de Student et le test de Mann-Whitney ont été élaborés grâce à l’outil BiostaTGV. Les résultats sont considérés comme significatifs lorsque p est inférieur à 0,05 avec un intervalle de confiance à 95%.
Résultats de l’étude
Profil de la population
Age
La moyenne d’âge du groupe « cas » était de 31,6 ans +/- 5,2 ans. Les femmes hypothyroïdiennes étaient âgées de 17 à 45 ans.
La moyenne d’âge du groupe « témoins » était de 29,1 ans +/- 5,7 ans. Les femmes de ce groupe avaient entre 16 et 45 ans.
Indice de masse corporelle
Les femmes du groupe « cas » avaient un indice de masse corporelle (IMC) moyen à 24,5 kg/m² (+/- 5,4), ce qui était semblable à l’IMC moyen des femmes en âge de procréer (24,5 kg/m²).
Antécédents médicaux
Dans les antécédents médicaux des patientes du groupe « cas », il était référencé :
-10 hypertensions artérielles,
-5 diabètes,
-2 cardiopathies,
-2 lupus
-une patiente était séropositive au virus d’immunodéficience humaine.
Dans les antécédents médicaux des patientes du groupe « témoin », seuls l’hypertension artérielle et le diabète ont été recherchés. Ainsi, ont été retrouvées deux femmes hypertendues, et une diabétique. A noter également la découverte d’un cancer du sein pendant la grossesse d’une des femmes du groupe « témoin ».
Il y avait significativement plus d’antécédent d’hypertension dans le groupe « cas » par rapport au groupe « témoin » (p=0,036).
Antécédents obstétricaux
Dans le groupe « cas », 72,6% des patientes n’avaient jamais eu de fausses couches, 19,9% avaient dans leur antécédent une fausse couche. 4,9% des patientes avaient eu deux fausses couches, 1,9% en avaient connu trois et 0,8%, soit deux patientes avaient subi plus de trois fausses couches (4).
Dans le groupe « témoin », 80,1% des patientes n’avaient jamais eu de fausses couches, 15,0% avaient dans leur antécédent une fausse couche. 12,4% des patientes avaient eu deux fausses couches, 1,1% en avaient connu trois et 0,4% soit une patiente avait subi plus de trois fausses couches (4).
Le taux de fausses couches était significativement plus élevé chez les hypothyroïdiennes que dans le groupe « témoin » (p=0,015).
Critique de l’étude
Points positifs
L’atout majeur de cette étude est de n’avoir jamais été encore réalisée au CHU de Caen.
L’étude a été réalisée sur 266 patientes hypothyroïdiennes et 266 patientes non hypothyroïdiennes soit un total de 532 sujets. Il s’agit d’un nombre important ce qui rend l’étude exploitable.
De plus, les patientes ont été choisies au hasard, ce qui rend l’étude reproductible.
Points négatifs
Cette étude est critiquable par le défaut d’informations retrouvées dans les dossiers, concernant notamment le type d’hypothyroïdie, les dosages des hormones thyroïdiennes et le dosage du traitement. En effet, l’étiologie de l’hypothyroïdie ainsi que la dose de lévothyroxine en début de grossesse n’étaient pas déterminées dans plus de cinquante pour cent des dossiers. Il était difficile de savoir si la patiente était traitée avant la grossesse, pour environ 30 % d’entre elles. Pour plus de 60% des dossiers, l’évolution des doses de lévothyroxine n’était pas déterminée. Enfin, dans plus de 70% des dossiers, aucune information concernant le bilan thyroïdien au cours de la grossesse n’a été retrouvée.
Ce défaut d’informations est difficile à interpréter. Il peut résider dans un manque d’intérêt pour la maladie ou simplement dans le fait qu’aucun renseignement ne soit retranscrit alors qu’il a été demandé aux patientes.
Analyse des résultats
Profil de la population
La différence entre l’âge moyen des patientes hypothyroïdiennes et celui des patientes du groupe « témoin » est significative (p < 0,001). Cependant, l’indice de masse corporelle et la parité ne sont pas significativement différents entre les deux groupes et les diagrammes de ces deux variables étaient semblables. Le profil des populations des deux groupes est donc considéré comme comparable.
Antécédents médicaux
Il y a significativement plus d’hypertension artérielle dans le groupe « cas » que dans le groupe « témoin » (p=0,036). Cette différence est également retrouvée dans la littérature. Selon une étude de Wilson et al l’augmentation des hypertensions chez les patientes hypothyroïdiennes avec 10,9% en cas d’hypothyroïdie infra clinique est significative (p=0,016). (26) D’autres études confirment cette différence. (11, 13, 14) Cependant, pour certains auteurs, le taux d’hypertension artérielle n’est pas augmenté chez les femmes hypothyroïdiennes. (27)
Antécédents obstétricaux
Le nombre de fausses couches est significativement plus élevé dans le groupe de patientes hypothyroïdiennes que dans celui des femmes non hypothyroïdiennes (p=0,015). La revue de la littérature réalisée par Poppe et al en 2000, retrouve cette différence significative sur les patientes atteintes de thyroïdite auto immune, avec 53% de fausses couches chez les patientes hypothyroïdiennes contre 23% chez les patientes témoin. (12) Dans une étude réalisée par Wang en 2012 (27), l’incidence d’avortement spontané dans le groupe d’hypothyroïdie infra clinique est de 15,48% contre 8,86% en cas de taux normal de TSH (p=0,03). (28)
Aucune autre différence n’est retrouvée dans l’étude.
Etude de la fertilité des femmes hypothyroïdiennes
Le taux de grossesses spontanées n’est pas significativement différent entre les deux groupes de population de l’étude. Cependant, plusieurs études de la littérature montrent une hypofertilité chez les patientes atteintes d’hypothyroïdie infra clinique, surtout si elle est due à une maladie auto immune. L’étude de Poppe précédemment citée montre une association entre l’hypothyroïdie d’origine auto-immune et l’endométriose, avec une prévalence entre 25 et 44% chez les patientes hypothyroïdiennes contre une prévalence entre 14 et 9% chez les patientes témoins.
La même étude montre également une prévalence de syndrome des ovaires polykystiques de 27% en cas d’hypothyroïdie auto-immune contre 8% dans le groupe « témoin ». (12) L’étude de Scoccia et al réalisée en 2012 (29) compare les fécondations in vitro entre les patientes hypothyroïdiennes et les patientes euthyroïdiennes. Une diminution significative du taux d’implantation de l’œuf est retrouvée en cas d’hypothyroïdie (p=0,001). Le taux de grossesse effective est également significativement diminué (p=0,004). (30)
Etude de l’hypothyroïdie
Le groupe « cas » est majoritairement composé d’hypothyroïdies antérieures à la grossesse. Moins de cinquante pour cent des hypothyroïdies ont une étiologie connue. La cause la plus retrouvée est une hypothyroïdie suite à une thyroïdectomie diagnostique. La deuxième est la présence d’anticorps antithyroïdiens. Ces étiologies correspondent à celles définies dans la plupart des études de la littérature.
Plus de la moitié des patientes présentant une hypothyroïdie antérieure à la grossesse sont traitées avant celle-ci avec une dose de lévothyroxine moyenne de 55,2 microgrammes. Dans une étude de Abalovich et al réalisée en 2002, 63 patientes sur 114 sont traitées avant la grossesse, ce qui représente environ 55%, soit une proportion similaire à celle retrouvée dans notre étude. (15)
Une fois la grossesse débutée, la dose moyenne de traitement est de 83,7 microgrammes, déterminée chez plus de la moitié des patientes. Cette posologie de lévothyroxine en début de grossesse est supérieure à celle antérieure à la grossesse avec une augmentation de 50,9% Cela correspond aux recommandations précisant que le traitement doit être augmenté entre la quatrième et la sixième semaine de grossesse, augmentation pouvant aller de 30 à 50%. L’augmentation du traitement en début de grossesse est présente chez 14,3% des patientes du groupe « cas ». Cela signifie que moins d’un sixième des patientes est correctement suivi en début de grossesse. Ce chiffre est à relativiser compte-tenu du nombre de cas pour lesquels les doses du traitement sont indéterminées, plus de soixante pour cent dans notre étude.
En fin de grossesse, le traitement moyen s’élève à 97,1 microgrammes lorsqu’il est déterminé, soit chez plus de 74% des patientes. On remarque que le nombre de patientes avec traitement élevé augmente en fonction de l’âge de grossesse. (Figure 7)
L’adaptation du traitement est déterminée dans moins de cinquante pour cent des cas, avec environ un quart d’augmentation et environ 3% de diminution du traitement. Dans une étude de Alexander et al, 85% des patientes ont nécessité une augmentation de traitement durant les dix premières semaines de gestation. La dose de lévothyroxine était augmentée de 29% en moyenne.(31)
Pour vérifier l’efficacité de l’adaptation du traitement, nous avons recherché les dosages de TSH, T3 et T4 en début et en milieu de grossesse. Malheureusement, le nombre de dossiers, dans lesquels ces renseignements étaient notifiés, était insuffisant pour se rendre compte de la fonction thyroïdienne au cours de la grossesse.
Pour essayer d’évaluer l’intérêt que portent les soignants pour l’hypothyroïdie pendant la grossesse, nous avons recherché la mention, dans les dossiers obstétricaux informatiques, de l’hypothyroïdie comme antécédent médical, des posologies de traitement et de l’adaptation de ce traitement au cours de la grossesse. Cette recherche montre qu’une majorité des dossiers fait mention de l’hypothyroïdie (91,73%) ainsi que de la dose de lévothyroxine (80,45%). Par contre, un peu plus d’un quart des dossiers seulement montrent une adaptation du traitement conforme aux recommandations nationales et internationales (26,69%).
Il semblerait donc qu’un petit nombre d’hypothyroïdies serait suivie correctement pendant la grossesse, au CHU de Caen. Cependant, cette hypothèse est difficile à valider car la recherche s’est exclusivement intéressée 34
aux dossiers informatiques. Or, toutes les informations ne sont pas nécessairement inscrites dans ce dossier, elles peuvent être dans le dossier papier ou dans les courriers. La question est de savoir si les recommandations de bonne pratique pour le suivi des patientes hypothyroïdiennes sont mal connues ou s’il existe un défaut dans la rédaction du dossier informatique.
Pour finir, l’analyse des résultats concernant l’hypothyroïdie ne montre aucune différence de complications obstétricales, qu’elle soit prise en charge conformément aux recommandations ou non. Ces résultats ne coïncident pas avec ceux retrouvés dans la littérature. En effet, l’étude d’Abalovitch et al de 2002, montre que, lorsque le traitement est adéquat, les accouchements prématurés et les fausses couches sont significativement diminués. (15)
Déroulement de la grossesse
Dans notre étude, les complications obstétricales ne sont pas significativement différentes entre les populations du groupe « cas » et du groupe « témoin » alors que des différences existent dans la littérature.
L’hypertension artérielle n’est pas significativement augmentée chez les patientes hypothyroïdiennes par rapport aux femmes témoin. Ce résultat est contraire à celui retrouvé dans la littérature. Selon une étude de Wilson et al, l’augmentation des hypertensions chez les patientes hypothyroïdiennes avec 10,9% en cas d’hypothyroïdie infra clinique est significative (p=0,016). (26) (11, 13, 14) Cependant, certaines études montrent des résultats contraires, sans aucune différence significative. (27)
Le nombre de prééclampsies n’est pas significativement supérieur chez les patientes hypothyroïdiennes. Plusieurs études de la littérature ont montré une différence. En effet, Nor Azlin et al retrouvent une association entre l’hypothyroïdie auto-immune et la prééclampsie, avec 15,4% de prééclampsie. (32) (33-36)
Les retards de croissance intra utérin ne sont pas significativement augmentés dans le groupe « cas » par rapport au groupe « témoin ». Les études retrouvées dans la littérature montrent une différence significative plutôt sur l’hypotrophie néonatale. Stagnaro-Green retrouve dans une étude de 2009 (18), 22% de faible poids de naissance des nouveau-nés de mères avec hypothyroïdie avérée contre 6,8% dans le groupe « témoin » (p<0,02). Il n’y avait par contre aucune différence significative de poids chez les nouveau-nés de mères avec hypothyroïdie infra clinique.
Aucune différence significative de diabète gestationnel n’existe dans l’étude. Ce résultat n’est pas cohérent avec la littérature. Une étude serbe de 2010 montre que les femmes hypothyroïdiennes développent un diabète gestationnel plus fréquemment que les autres femmes (p=0,022). (37) Enfin, une tendance significative est retrouvée pour les décollements placentaires dans l’étude (p=0,061). Une étude de 2005 par Casey et al montre que les femmes hypothyroïdiennes ont trois fois plus de risque d’avoir un décollement placentaire que les autres. (16) Plus de décollements placentaires ont été retrouvés chez les patientes hypothyroïdiennes dans une étude de 2011 réalisée par Cohen et al (p=0,002) (38) ainsi que dans celle de Nor Azlin (32).
Déroulement de l’accouchement
L’étude retrouve une différence significative d’accouchement prématuré chez les patientes hypothyroïdiennes avec 16,92% contre 8,27% dans le groupe « témoin » (p=0,0027). Cette différence est également retrouvée dans la littérature. L’étude de Casey montre ainsi un risque deux fois plus élevé d’accoucher prématurément pour les femmes hypothyroïdiennes. (16) Stagnaro-Green reprend une étude de Glinoer et al qui révèle exactement la même augmentation de risque (p<0,005) (18) Pas d’augmentation significative pour Wang. (27)
Une augmentation du nombre de césariennes est aussi retrouvée dans l’étude. En effet, 65 patientes hypothyroïdiennes ont subi une césarienne contre seulement 40 chez les patientes euthyroïdiennes, soit 24,44% contre 15,04% (p=0,0065). On peut remarquer que le pourcentage de césarienne dans le groupe « témoin » est inférieur au pourcentage moyen retrouvé dans la littérature, environ 20%. Les études de la littérature retrouvent également cette différence significative. Matalon et al (20) retrouvent 20,1% de césariennes chez les patientes hypothyroïdiennes, contre 11,5% chez les patientes témoins soit p<0,001. L’étude de Cohen et al (38) retrouve également la même différence significative (p<0,001). De la même manière Nor Azlin et al (32) retrouvent une association entre l’hypothyroïdie auto-immune et la césarienne.
Dans notre étude, les hémorragies du post-partum sont plus nombreuses dans le groupe « témoin » que dans le groupe « cas ». L’étude de Wang et al ne retrouve pas d’association entre l’hypothyroïdie et les hémorragies du post-partum. (27)
Etat de l’enfant à la naissance
Les poids des nouveau-nés sont semblables dans les deux populations. L’étude retrouve une majorité de nouveau-nés avec un poids compris entre le 50e et le 90e percentile. Les nouveau-nés hypotrophes avec un poids inférieur au dixième percentile sont plus nombreux dans le groupe « témoin » que dans le groupe « cas ». Au contraire, certaines études retrouvent un taux d’hypotrophie plus important chez les patientes hypothyroïdiennes. (18)
Dans notre étude, aucune augmentation de détresse respiratoire néonatale n’est détectée dans la population « cas ». Ce résultat correspond à ceux retrouvés dans la littérature. Cohen et al ne montrent pas de différence significative de score d’Apgar inférieur à 7, à une minute (p=0,846) et cinq minutes (p=0,198). (38)
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Table des matières
Introduction
1. Revue de la littérature
1.1. Hypothyroïdie
1.1.1. Anatomie de la thyroïde
1.1.2. Métabolisme des hormones thyroïdiennes
1.1.3. Définition de l’hypothyroïdie
1.1.4. Epidémiologie
1.1.5. Facteurs de risque
1.1.6. Etiologie
1.1.7. Symptômes et complications
1.1.8. Traitement
1.2. Hypothyroïdie pendant la grossesse
1.2.1. Modification de la fonction thyroïdienne pendant la grossesse
1.2.2. Impact de l’hypothyroïdie sur la grossesse
1.2.3. Impact de l’hypothyroïdie maternelle sur l’enfant
1.2.4. Recommandations pour la prise en charge de l’hypothyroïdie pendant la grossesse
2. Etude
2.1. Description de l’étude
2.1.1. Objectif de l’étude
2.1.2. Hypothèses
2.1.3. Méthodes
2.2. Résultats de l’étude
2.2.1. Profil de la population
2.2.2. Antécédents médicaux
2.2.3. Antécédents obstétricaux
2.2.4. Etude de la grossesse
2.2.5. Déroulement de la grossesse
2.2.6. Déroulement de l’accouchement
2.2.7. Etat de l’enfant à la naissance
3. Discussion
3.1. Critique de l’étude
3.1.1. Points positifs
3.1.2. Points négatifs
3.2. Analyse des résultats
3.2.1. Profil de la population
3.2.2. Antécédents médicaux
3.2.3. Antécédents obstétricaux
3.2.4. Etude de la fertilité des femmes hypothyroïdiennes
3.2.5. Etude de l’hypothyroïdie
3.2.6. Déroulement de la grossesse
3.2.7. Déroulement de l’accouchement
3.2.8. Etat de l’enfant à la naissance
3.2.9. Conclusion de l’étude
3.3. Proposition d’un protocole de suivi des femmes hypothyroïdiennes pendant leur grossesse
Conclusion
Bibliographie
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