L’usage de la drogue n’est pas un phénomène nouveau dans l’histoire de l’humanité. Il remonte aux premiers hommes qui utilisaient déjà certaines plantes pour leurs vertus thérapeutiques, euphorisantes ou supposées magiques. L’utilisation efficace et rationnelle des médicaments est une question prioritaire dans de nombreux pays. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’usage rationnel des médicaments suppose que les patients reçoivent des médicaments adaptés à leur état clinique, dans des doses qui conviennent à leurs besoins individuels, pendant une période adéquate et au coût le plus bas pour eux-mêmes et leur collectivité [1]. Toujours selon les estimations de l’OMS, à l’échelle mondiale, plus de la moitié des médicaments sont prescrits, distribués ou vendus de manière inappropriée et la moitié des patients ne les prennent pas correctement. Un usage incorrect des médicaments avec des effets nocifs pour les patients entraîne une dilapidation des ressources. Cet usage incorrect peut prendre la forme d’une consommation exagérée ou inappropriée des médicaments sur prescription ou en vente libre [2]. Les prévalences de consommation déclarée de médicaments psychotropes chez les usagers de drogues sont plus importantes que celles des autres familles de médicaments. Elles sont associées à des niveaux élevés de mésusage [3, 4, 5]. Ces observations sont corroborées par les délivrances de médicaments psychotropes aux personnes recevant un traitement de substitution aux opiacés, évaluées sur les bases de données de l’Assurance maladie [6, 7, 8]. En outre, un lien statistique entre mésusage (usage « hors cadre médical 27 ») de médicaments surtout psychotropes et polyconsommation de substances illicites a été mis en évidence dans plusieurs études au plan international, en population générale, chez les adolescents ou chez les personnes en difficulté avec l’alcool [9, 10, 11, 12, 13, 14]. Avant les années 60, la toxicomanie était connue mais assez peu répandue, trouvant ses adeptes dans certains milieux artistiques ou chez des sujets appartenant aux professions médicales et paramédicales. La société à une vision plutôt négative des consommateurs de drogues. Elle ne voit que le désordre que ces personnes engendrent sur les places publiques avec les seringues qu’elles laissent traîner n’importe où, ainsi que la délinquance juvénile et la criminalité qui en résultent.
La population mondiale est composée majoritairement de jeunes [15]. Cette couche juvénile (bras valide et incontournable du développement), s’intéresse à la consommation de la drogue qui est un fléau se répandant progressivement et dangereusement dans nos villes et campagnes. Ce fléau se présente sous deux aspects indissociables l’un de l’autre et se traduit en termes d’économie de marché par la « demande » (consommation) et « l’offre » (production et trafic).
Définitions
Médicament
Un médicament est une substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique , ou métabolique. [16]
Mésusage
C’est l’utilisation intentionnelle (ou non) et inappropriée d’un médicament ou d’un produit médical non conforme à l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) ou à l’enregistrement ainsi qu’aux recommandations de bonnes pratiques (article R.5121 152 du code de la santé publique). Le mésusage et l’usage non médical sont des synonymes d’abus de drogue. Toutefois, une prescription inappropriée (par ex. la prescription systématique d’antibiotiques dans le cadre de pathologies simples telle qu’un simple mal de gorge) ou les erreurs de médication, si elles sont accidentelles ou non intentionnelles, ne doivent pas être classées dans la catégorie des abus de drogue.
Bon Usage
Le bon usage du médicament peut être défini simplement comme l’utilisation du bon médicament, à la bonne dose, pendant la durée nécessaire pour un patient donné qui le tolère correctement.
Dopage
C’est une forme d’utilisation (détournée) des médicaments à des fins de performance physique ou intellectuelle plutôt qu’à des fins thérapeutiques ou curatives. (Les cahiers de l’Ordre national des pharmaciens). On rencontre ce cas chez des étudiants ou lycéens à l’approche des examens : ils se droguent à certains médicaments pour pouvoir mémoriser un peu plus que la normale ; on rencontre également ce cas chez des sportifs à l’approche d’une compétition : dans le but d’atteindre des performances physiques sportives hors norme.
Abus
L’abus de drogue est défini comme «l’usage excessif persistant ou sporadique d’un médicament non conforme ou ne correspondant pas à une pratique médicale acceptable» [18]. L’usage nocif ou abus est entendu comme une consommation répétée d’une substance qui implique, ou peut impliquer, des dommages pouvant être de nature sanitaire (somatique ou psychique), sociale (incapacité de remplir des obligations : au travail, à l’école, en famille) ou judiciaire. Ils peuvent dépendre de contextes particuliers d’utilisation : conduite automobile, grossesse ou autre ; enfin, ces dommages peuvent être causés par l’usager à lui-même ou à un tiers. L’abus est une utilisation volontaire et en quantité excessive d’une substance pharmaceutique. Cette définition, de la même manière que pour l’usage, ne fait pas référence au caractère licite ou illicite des produits ; les épisodes d’abus ou d’utilisation nocive pour la santé peuvent se produire sur des périodes prolongées sans jamais évoluer vers la dépendance. Il existe néanmoins un continuum de l’abus à la dépendance, le passage de l’un à l’autre concernant en général le même produit. Cela est particulièrement vrai pour les produits entraînant facilement tolérance, syndrome de sevrage et modes d’utilisation compulsifs (cas de l’héroïne).L’accent est mis sur le fait que les dommages ne doivent pas être réduits aux dommages sanitaires (détérioration de l’état physique, complication de certaines maladies, voire décès prématurés).
Les effets nocifs s’expriment dans divers domaines tels que:
– la santé physique et mentale
-le bien-être général
– la qualité des relations conjugales, sociales, et familiales
– la situation professionnelle et financière
– les relations à l’ordre, à la loi, à la société,
Ce diagnostic est plus courant chez les sujets ayant commencé récemment à prendre la substance.
Données épidémiologiques
Les indices de santé publique allant jusqu’aux taux d’incidences à mortalité montrent que l’abus de prescription médicamenteuse a atteint un niveau épidémique. L’automédication est une pratique répandue de par le monde. Mais, en raison de sa prégnance dans ces sociétés, elle est particulièrement étudiée en sciences sociales dans les pays « du Sud ». En Afrique notamment, l’automédication réalisée avec des médicaments pharmaceutiques industriels s’associe à celle qui emploie des feuilles, des racines et des écorces végétales ; ainsi que certaines denrées alimentaires, pour constituer le premier mode de recours aux soins que pratiquent les individus face à un épisode morbide. Elle est présentée comme la partie immergée de l’« iceberg thérapeutique», une étape quasi obligatoire des itinéraires thérapeutiques, quelque soient les pathologies considérées. Le National Survey on Drug Use and Health (NSDUH) a estimé que plus de 16,7 millions de personnes âgées de 12 ans et plus aux Etats Unis ont abusé des prescriptions médicamenteuses en 2012 avec approximativement 2,1 millions de personnes souffrant des pathologies imputables aux mésusages de prescriptions de médicaments [19, 20]. Une vaste étude de population au Canada a révélé que près de 5% de la population avaientt abusé d’opioïdes au cours de l’année précédente [21]. La prévalence de l’abus de médicaments sur ordonnance semble varier en fonction de la disponibilité de médicaments potentiellement abusifs, notamment la prévalence de la disponibilité légale de ces médicaments, la proximité des zones produisant ces médicaments et la disponibilité d’autres substances [22]. Selon les estimations de l’OMS à l’échelle mondiale, plus de la moitié des médicaments sont prescrits, distribués ou vendus de manière inappropriée et la moitié des patients ne les prennent pas correctement car n’étant pas bien informé sur ces médicaments. Un usage incorrect des médicaments avec des effets nocifs pour les patients entraîne une dilapidation des ressources. Cet usage incorrect peut prendre la forme d’une consommation exagérée ou inappropriée des médicaments sur prescription ou en vente libre.
Facteurs étiologiques des mésusages
Le mésusage peut se retrouver dans l’échec de traitement en cas de maladies avérées mais aussi dans une consommation inadaptée de médicaments prescrits. En effet, dans ce dernier cas on peut avoir un mésusage tant du point de vue des doses absorbées (augmentation des doses), des fréquences d’utilisation (augmentation de la fréquence des prises) et de la durée que des modes d’administration (injection), entraînant ainsi une augmentation des concentrations plasmatiques du produit. Le mésusage se retrouve également dans la finalité de l’utilisation. En effet, les motivations et contextes du mésusage sont très variés : visées récréatives ou toxicomaniaques. Cependant ils peuvent être aussi à visée thérapeutiques mais dans ce cas ce n’est pas un mésusage. Et enfin, le mode d’obtention des médicaments s’inscrit dans un certain mésusage. L’approvisionnement en médicaments peut provenir de poly-prescriptions (nomadisme médical) ou de voies illicites de distribution comme le marché de rue qui représente la voie majoritaire d’acquisition illégale (trafic, don, échange), les vols, les falsifications d’ordonnance ou via internet par les cyber-pharmacies. Le trafic contribue malheureusement à détériorer la représentation d’un médicament utile, au profit d’une image de « mauvaise drogue ». Les études réalisées auprès de personnes visitant les centres de soins montrent que la principale source d’approvisionnement en médicaments détournés est le nomadisme médical ou la poly-médication qu’elle soit par prescription ou non. Ce mode d’approvisionnement permet d’obtenir une quantité importante de médicaments par la multiplication de prescriptions concomitantes sur une période de temps déterminée. Il existe un autre type de détournement de médicament qui est la falsification d’ordonnance. Elle consiste soit à modifier une prescription licite faite par un médecin sur un support adéquat (modification de la posologie et/ou de la durée de la prescription, ou rajout de médicaments non prescrits), soit à présenter une ordonnance volée ou fabriquée. Les falsifications peuvent être difficiles à identifier mais semblent représenter une faible part de l’ensemble des prescriptions médicales. Les médicaments de substitutions aux opioïdes (MSO) prescrits aux toxicomanes, font l’objet de mésusage sous forme de non respect des doses et dans leur manière d’administration, sous forme d’injections (C’est l’exemple du Subutex ® haut dosage). Le détournement de ces médicaments alimente le marché illicite.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
PARTIE II MESUSAGE DU MEDICAMENT
2-1 Définitions
2-1-1 Médicament
2-1-2 Mésusage
2-1-3 Bon Usage
2-1-4 Dopage
2-1-5 Abus
2-2 Quelques facteurs étiologiques du mésusage
2-2-1 Généralités
2-2-2 Automédication
2-2-3 Poly-médication et interactions médicamenteuses
2-2-4 Analphabétisme
2-2-5 Prescription et dispensation des médicaments
2-3 Impact de la mauvaise utilisation du médicament
2-4 Rôle du pharmacien dans la lutte contre le mésusage
2-4-1 La pharmacovigilance
2-4-2 Connaissance de médicaments responsables de mésusage, pouvantêtre obtenus sur simple demande au pharmacien
PARTIE III TOXICOMANIE
3-1 Définition
3-1-1 Drogue
3-1-2 Toxicomanie
3-1-3 Dépendance
3-1-4 Pharmacodépendance
3-1-5 Tolérance
3-1-6 Addiction
3-1-6-1 Pratiques addictives et intoxication
3-1-6-2 Principales substances addictives
3-1-6-3 Mécanismes d’action
3-2 Quelques Facteurs étiologiques de la toxicomanie
3-2-1 Addiction
3-2-2 Dépression, Mort d’une personne proche, échec
3-2-3 Mésusage de substances psychoactives
3-3 Conséquences de la Toxicomanie
3-3-1 Les complications sanitaires
3-3-1-1 La morbidité
3-3-1-2 Overdose
3-3-1-3 Les pathologies pulmonaires
3-3-1-4 Les pathologies dermatologiques
3-3-1-5 Les pathologies cardiovasculaires
3-3-1-6 Les affections ostéo-articulaires
3-3-1-7 L’état nutritionnel
3-3-1-8 L’infection à VIH
3-3-1-9La mortalité
3-3-2 Impacts sanitaires spécifiques à certains types de drogues
3-4 Rôle du pharmacien dans la lutte contre la toxicomanie
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES