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Relations entre les phases dans le béton
Dans un contexte d’étude de la quantité d’eau incluse dans la microstructure d’un béton, les relations entre les différentes phases présentes au sein de la microstructure peuvent être explicitées. Une représentation simplifiée consiste à distinguer les phases suivant qu’elles soient solides, liquides ou gazeuses. Différentes grandeurs relatives à leur répartition dans le matériau étudié peuvent alors être définies [5].
• La porosité φ d’un milieu cimentaire contient les phases liquide et gazeuse présentes dans le matériau. Elle est définie comme le volume de pores accessibles à l’eau (ou pores capillaires) Vpores sur le volume total de matériau V , φ = Vpores (1.1).
La teneur en eau volumique θ d’un milieu poreux se définit comme le volume d’eau liquide Vw sur le volume total V , θ = Vw (1.2)
Le degré de saturation S correspond à la fraction du volume des pores contenant de l’eau. Évoluant de 0 (état sec) à 1 (état saturé), on peut l’exprimer comme le rapport du volume d’eau Vw inclus dans le matériau par le volume de pores Vpores, S = Vw (1.3)
La teneur en eau volumique s’exprime alors en fonction du degré de saturation et de la porosité selon θ = φS.
• La teneur en eau massique w correspond finalement à la masse d’eau meau présente dans le matériau, rapportée à la masse totale m de celui-ci. Elle peut s’exprimer en fonction de la masse volumique de l’eau ρeau, de la masse volumique du béton ρ et de la teneur en eau volumique θ, w = meau = ρeau θ (1.4)
Durabilité et teneur en eau du béton
Déformation différée du béton
En présence ou non d’une contrainte mécanique externe, le béton subit tout au long de sa vie certaines déformations différées pouvant nuire à sa durabilité. Celles-ci sont conventionnellement rassemblées en quatre catégories [7], avec comme point commun, le rôle prédominant de la présence d’eau au sein de l’espace poral du matériau.
• La déformation associée au retrait endogène re se définit comme la déformation différée d’un matériau cimentaire en l’absence de contrainte mécanique externe et en condition d’isolation hydrique avec l’environnement extérieur. La diminution du volume total trouve son origine dans la consommation progressive de l’eau au cours de la réaction d’hydratation avec le ciment. Le volume d’eau initial diminue lors de la synthèse des hydrates, sans observation aucune de baisse de la masse totale de l’échantillon.
• La déformation associée au retrait de dessiccation rd correspond à l’augmenta-tion de la déformation différée en l’absence de contrainte mécanique externe mais en présence d’échanges hydriques avec l’environnement. Dans une telle situation, l’équilibrage hydrique de l’échantillon avec son environnement est permis.
• Le fluage propre se définit comme la déformation différée d’un échantillon en condi-tion d’isolation hydrique avec l’environnement extérieur mais en présence d’une contrainte mécanique externe f constante, après retranchement de la déformation de retrait endogène.
• Finalement, le fluage de dessiccation diffère du fluage propre par la possibilité d’échanges hydriques entre le béton et son environnement. Ce phénomène se définit alors comme la déformation différée du matériau soumis à une contrainte mécanique externe f constante et au séchage.
Le fluage des structures en béton précontraint (cas des enceintes de confinement de cen-trales nucléaires) est un phénomène critique non seulement de par la relaxation de la précontrainte qu’il entraîne, mais également de par l’ouverture de fissures qu’elle pro-voque.
La Figure 1.5 schématise les quatre catégories de déformations différées du béton et l’évo-lution en fonction du temps de la déformation. f désigne ici la contrainte appliquée ou non à la structure, t le temps et la déformation. On note que dans chaque configuration évoquée, l’eau apparaît comme un moteur du processus de déformation du béton. Ici sim-plement évoqués, la présentation de l’ensemble des phénomènes, les mécanismes associés ainsi que leur modélisation sont détaillés dans de nombreux ouvrages [8] [?] [7].
Pathologies des bétons
Différentes pathologies du béton sont associées de près ou de loin à la présence d’eau au sein de l’espace poral du matériau ou dans l’environnement extérieur de la structure. Outre les pathologies liées aux agressions chimiques extérieures, on cite ici le cas des réactions de gonflements endogènes rassemblant réaction alcali-granulats et réaction sulfatique interne.
• La réaction alcali-granulats, alcali-réaction ou encore RAG, résulte de réactions entre la solution interstitielle du béton, alcaline, et certains types de granulats. Parmi les conséquences d’un tel phénomène, on cite comme critique pour la durabilité de l’ouvrage, le gonflement interne de la microstructure, avec l’apparition de fissures (Figure 1.7) ainsi que la chute des performances mécaniques. Parmi les conditions favorables à l’émergence de cette pathologie, on retrouve une nature particulière des granulats, une concentration élevée en espèces alcalines et un degré de saturation de la structure supérieur à 80% [11].
• La réaction sulfatique interne, formation différée d’ettringite ou encore RSI, appa-raît, pour certaines formulations particulières de béton, lorsque la température de l’ouvrage est supérieure à 65°C et que l’environnement externe du matériau est caractérisé par une humidité élevée. Les conséquences de cette réaction sont alors semblables à celles de la réaction alcali-granulats, à savoir, un gonflement de la microstructure entraînant une baisse notable des performances mécaniques [11].
On note que l’émergence de ces deux pathologies du béton est, entre autres, fortement dépendante de la quantité d’eau présente au sein des pores ou bien dans l’environnement de l’ouvrage.
Influence de la teneur en eau sur l’auscultation des ouvrages
En plus d’être étroitement liée à différents mécanismes nuisibles pour la durabilité d’un ouvrage en béton, la teneur en eau est également une grandeur d’influence sur de nombreuses techniques d’auscultation des structures. Lors de la conduite d’essais non destructifs, une information sur la quantité d’eau présente dans l’espace poral du matériau peut être utile à l’interprétation des données acquises [2]. On cite par exemple la mesure par propagation d’ondes ultrasonores dans un béton (estimation du module d’Young, estimation de la résistance à la compression) pour laquelle la vitesse de propagation de l’onde acquise est dépendante du degré de saturation du béton étudié [13]. De manière équivalente, lors de mesures radar (estimation du module d’Young, estimation du taux de fissuration, détection d’armatures), la position dans la structure est calculée à partir de la mesure du temps de propagation de l’onde, sous réserve d’une connaissance de la vitesse de propagation. Cette vitesse, là encore, est dépendante de la teneur en eau du béton [14] [15] [16] [17]. Finalement, dans le cadre de l’estimation du degré de corrosion des armatures présentes au sein d’un béton armé, les mesures de résistivité électrique effectuées entre l’extrémité d’une armature et la surface du béton dépendent, en plus du degré de corrosion, de la résistivité du béton d’enrobage et, a fortiori, de sa teneur en eau [18].
Pourquoi et comment déterminer la teneur en eau ?
Comme démontré précédemment, la teneur en eau d’un béton est un marqueur impor-tant de la durabilité de certains ouvrages de génie civil et une grandeur importante pour l’interprétation de mesures non destructives. Parmi les multitudes d’applications offertes par la connaissance de cette grandeur rappelées par A. Courtois [19], on retiendra :
• La possibilité de recaler les lois de comportement de retrait et de fluage afin d’amé-liorer le pronostic de durée de vie de l’ouvrage.
• L’évaluation du risque d’émergence de pathologies comme l’alcali-réaction ou la réaction sulfatique interne entraînant le gonflement de la structure.
• La preuve d’un degré de saturation minimal dans le béton garantissant une imper-méabilité à l’air lorsque celui-ci joue un rôle de barrière entre deux environnements.
• Une information quant à l’influence de l’humidité sur certains essais non-destructifs sensibles à la présence d’eau (mesures par ultrasons ou radar par exemple).
Ce champ des possibles peut néanmoins se retrouver limité par la capacité dont on dispose à mesurer la teneur en eau sur des ouvrages ne permettant pas le prélèvement d’échan-tillons. La méthode standardisée consistant en une mesure de la perte de masse d’un échantillon carotté et séché en étuve à 105°C ne peut en effet s’appliquer à l’étude de nombreuses structures de génie civil pour lesquelles l’intégrité de l’ouvrage doit être res-pectée. La méthode utilisée pour des mesures in-situ doit alors être adaptée selon le type et la fonction de l’ouvrage étudié, afin de tenir compte du critère non destructif de la mesure.
Dans ce contexte, les méthodes d’évaluation non destructives, reposant principalement sur l’analyse de phénomènes électromagnétiques sensibles à la présence d’eau en surface et à coeur du béton, nécessitent de relier les grandeurs mesurées (résistivité électrique, permittivité diélectrique) à la teneur en eau du béton par une calibration en laboratoire pratiqué sur des éprouvettes et donc limité aux ouvrages neufs [20] [21]. Pour les ouvrages plus anciens, interdisant les prélèvements de béton, les mesures non-destructives se ré-vèlent difficilement utilisables d’un point de vue quantitatif.
On note également une calibration unique pour chaque béton, avec une relation entre te-neur en eau et grandeurs mesurées fonction de la microstructure et donc de la formulation (granulat, type de ciment, rapport EC , etc.). Si cette étape de calibration n’a pas été prévue dès la mise en œuvre du béton, cette relation reste inconnue. Le principal verrou scien-tifique se situe alors dans la prédiction des propriétés électromagnétiques du béton afin de simuler et d’interpréter les mesures issues des méthodes d’évaluation non-destructives mises en œuvre sur ouvrage.
Dans un contexte de réponse aux besoins non satisfaits de caractérisation des gradients de teneur en eau du béton en profondeur (projet ANR ContINuS 1), l’étude présentée pro-pose de faire le lien entre les propriétés intrinsèques du matériau béton (porosité, teneur en eau, nature et quantité de granulats, etc.) et les grandeurs physiques mesurées (ici la permittivité diélectrique) par les méthodes d’auscultation électromagnétiques usuelles (radar, sondes capacitives, sondes coaxiales ouvertes, etc.).
Propriétés électromagnétiques dans les milieux poreux
La mesure de grandeurs électromagnétiques pour le contrôle non destructif consiste en l’étude de la réponse du milieu sondé à une excitation électromagnétique. Lors de la caractérisation des milieux cimentaires, la perméabilité magnétique µ de l’objet étudié ainsi que celle de ses constituants, sera supposée égale à celle du vide (µ0 = 4π 10−7 H/m). Tous les phénomènes d’aimantation dans le milieu seront alors négligés et la réponse du matériau à l’excitation se résumera aux phénomènes de conduction et de polarisation.
Conduction électrique
Un premier effet résultant de l’action d’un champ électrique sur un milieu poreux concerne le déplacement de charges libres lors d’un phénomène de conduction électrique. On parlera de conduction électronique ou ionique en fonction de la nature des charges déplacées (électrons ou ions). Au sein d’un milieu poreux tel qu’un matériau cimentaire, la concentration en espèces ioniques et la salinité de la solution interstitielle font de la conduction ionique le phénomène prédominant [22]. Lors de l’application d’un champ électrique variable défini par une fréquence suffisamment élevée, un retard dans le dé-placement des charges s’observe. Des pertes de conduction au profit de phénomènes de polarisation permettent alors de définir la conductivité d’un milieu comme une grandeur complexe dont la partie imaginaire permet de quantifier certains phénomènes de polari-sation. On note σ (S/m) la conductivité complexe, fonction de la pulsation ω de la source d’excitation, telle que, σ(ω) = σ0(ω) − iσ00(ω) (2.1)
La densité de courant de conduction −→ résultant du mouvement des charges libres s’ex- JC prime alors en fonction du champ →− par la loi d’Ohm telle que, E −→C = −→ (2.2)
Polarisation diélectrique
Sous l’effet d’un même champ électrique, les charges dites « liées », ne sont susceptibles de se déplacer que sur de très faibles distances. La conséquence de ces déplacements est la création d’un moment dipolaire localisé ou bien l’orientation parallèle au champ élec-trique incident du moment dipolaire permanent porté par une molécule polaire comme l’eau. En fonction de la nature des charges liées, on distingue différents types de polari-sation. La polarisation électronique concerne le déplacement sur une faible distance des électrons d’un matériau, lorsque le barycentre de leur charge ne coïncide plus avec celui des protons du noyau atomique [23]. L’impact du champ incident s’observe également sur les espèces ioniques lors d’un phénomène de polarisation ionique. La polarisation di-polaire concerne, elle, l’orientation des molécules polaires selon la direction du champ. Finalement, on parlera de polarisation interfaciale ou polarisation Maxwell-Wagner lors de la migration et de l’accumulation de charges à l’interface de deux milieux rencontrés dans un même matériau. La capacité d’un matériau à se polariser est alors définie grâce à la grandeur physique permittivité (F/m). Celle-ci possède une dépendance fréquentielle et les pertes de polarisation observées sur certaines gammes de fréquences permettent de lui définir une partie imaginaire. Le retard, ou déphasage, entre excitation et orientation des moments dipolaires dû aux frottements entre espèces polarisées au-delà d’une certaine fréquence, résulte dans la relaxation du phénomène de polarisation. Chaque phénomène de polarisation possédant une fréquence de relaxation propre, les pertes de polarisation s’étalent sur une plage fréquentielle très large [23] comme présenté Figure 2.1.
La permittivité s’exprime alors comme une grandeur complexe telle que, (ω) = 0(ω) − i 00(ω) (2.3)
Cette permittivité est généralement présentée normalisée par la permittivité du vide ( 0 = 8.85.10−12 F/m) et ainsi appelée permittivité relative r. On se permettra néanmoins dans la suite de l’étude d’appeler permittivité la permittivité relative r. Lors de la description de la permittivité d’un milieu hétérogène, on introduit la notion de permittivité effective eff , permittivité résultante assimilable à la grandeur apparente ou macroscopique associée au milieu.
Le déplacement des charges liées sous l’effet d’un champ électrique permet de définir une densité de courant de déplacement. D’après l’équation de Maxwell-Gauss pour le cas d’un matériau diélectrique isotrope on a,div→− = ρ (2.4).
Effet de la teneur en eau sur les propriétés électromagnétiques des milieux poreux
L’intérêt d’une mesure électromagnétique pour déterminer la teneur en eau d’un mi-lieu poreux se justifie dans le fort contraste de permittivité diélectrique existant entre la solution interstitielle, le gaz présent et la matrice solide du matériau. La quantité d’eau incluse impacte donc grandement la valeur de permittivité macroscopique mesurable sur un matériau cimentaire comme le béton. Une augmentation du phénomène de polarisation dipolaire contribue à l’élévation de la valeur de permittivité macro. La partie imaginaire de cette propriété est également impactée par l’accroissement des mécanismes de relaxation ainsi que par la présence d’espèces ioniques au sein de la phase liquide, responsables du mécanisme de conduction ionique [27]. De nombreux travaux présentent alors l’évolution de la permittivité mesurée sur des échantillons de béton à différentes saturations en eau [28] [15] [29] [30] [1] [31] [20]. La Figure 2.4 rapporte les résultats à 1 GHz en terme de partie réelle et imaginaire de la permittivité, en fonction de la saturation lors d’une étude menée par Robert et al. [32].
Comme pour l’étude du vieillissement des ouvrages en béton, des travaux rapportent une baisse de la valeur de permittivité de milieux cimentaires lors de la progression de la phase de cure due à la consommation d’eau par le ciment pendant la réaction d’hydratation [33] [34].
État de l’art du diagnostic des matériaux cimentaires par méthodes électromagnétiques
Il a été établi que le calcul de teneur en eau dans un matériau cimentaire peut être facilité par une mesure de ses grandeurs électromagnétiques. Les dispositifs et méthodes mis au point depuis plusieurs décennies dans le but d’une mesure robuste et fiable de la permittivité diélectrique ou de la résistivité électrique d’un tel milieu sont multiples. L’objectif de cette section n’étant pas d’en faire une liste exhaustive, une sélection des méthodes les plus répandues et leur principe de fonctionnement sont présentés. Parmi elles, certaines sont adaptées aux mesures en laboratoire et d’autres sont adaptables à des mesures sur site. Certaines permettent des acquisitions à fréquence fixe ou bien sur une large gamme de fréquences. Finalement, la comparaison de leurs caractéristiques justifiera le choix adopté pour l’étude.
Mesure de résistivité
La résistivité ρ d’un matériau cimentaire figure parmi les principales grandeurs phy-siques fortement dépendantes de la quantité d’eau incluse au sein de la structure poreuse. Le contraste existant entre la résistivité de la matrice solide et celle de la solution intersti-tielle riche en espèces ioniques peut dépasser plusieurs ordres de grandeurs. Les méthodes reposant sur une mesure de résistivité ou de conductivité sont ainsi utilisées pour étu-dier les processus susceptibles d’entraîner la corrosion des aciers de renforcement dans les bétons par transport d’espèces ioniques corrosives (diffusion des chlorures) ou bien pour l’estimation de la teneur en eau [20]. Les nombreuses techniques de mesure développées reposent sur des configurations géométriques et des positions d’électrodes d’injection et de mesures différentes. Azarsa et Gupta [35], parmi d’autres [36], présentent un panel des méthodes de mesures résistives utilisées pour l’évaluation de la durabilité des bétons.
Comparaison des caractéristiques et choix du dispositif
Le tableau 2.1 récapitule les principales caractéristiques associées à chaque dispositif en concordance avec les besoins de l’étude. Dans le cadre de celle-ci, la construction de schémas d’homogénéisation permettant de lier caractéristiques microscopiques et macro-scopiques dans les bétons nous contraint à travailler avec des outils de caractérisation adaptés aux échantillons de petites tailles (composants de la phase cimentaire, pâtes de ciment) comme de tailles plus grandes (mortiers, bétons). La possibilité d’effectuer des mesures sans conditionnement d’échantillon et opérant sur une plage de fréquence large a justifié le choix de l’utilisation de sondes coaxiales ouvertes. Le détail de leur principe de fonctionnement, de leur élaboration et de leur modélisation est présenté ci-après.
Mesure de la permittivité complexe par sonde coaxiale ouverte
De nombreuses configurations de dispositifs électromagnétiques en ligne de transmis-sion coaxiale ont été étudiées pour permettre la mesure de la permittivité complexe des milieux diélectriques dispersifs [55]. Les sondes coaxiales ouvertes ici présentées disposent d’un avantage certain quant à leur simplicité de mise en œuvre. Dans le passé, leurs pro-priétés ont été étudiées et appliquées à de nombreuses reprises à la caractérisation de milieux comme les liquides et tissus biologiques [56] [57] [58], les produits agricoles [59] [60], les sols [61] [62] [63] ou encore les bétons [64] [65] [54] [54] et même récemment la glace [66]. La possibilité de mesures très large bande et répétables en surface de matériaux plats font de ces dispositifs des outils potentiellement adaptés aux mesures sur bétons bruts de décoffrage. Cette section présente le mode de fonctionnement de ces outils, la conception de nouvelles sondes adaptées à la géométrie des matériaux cimentaires et la modélisation par éléments finis qui, combinée à un modèle de circuit électrique équivalent, permet de valider le fonctionnement des sondes comme outils de mesure de la permittivité.
Câble coaxial et théorie des lignes de transmission
La description du concept de mesure de permittivité par sonde coaxiale nécessite l’utilisation du principe physique de propagation d’un signal électrique dans un câble co-axial, concept inhérent à la théorie dite des lignes de transmission. L’architecture d’un câble coaxial se résume à deux structures cylindriques concentriques conductrices séparées l’une de l’autre par un matériau diélectrique de permittivité connue. L’âme désigne l’axe central métallique et la gaine l’élément conducteur distant du premier. Le diamètre des deux cylindres, a et b, respectivement, conditionne l’impédance du câble coaxial. Dans un tel système, seule la propagation des modes transverses électrique-magnétique (TEM) d’ondes électromagnétiques est possible le long du diélectrique. La composante électrique et magnétique du champ est donc exclusivement restreinte aux plans perpendiculaires à la direction de propagation de l’onde (champ nul selon l’axe de propagation) [55].
Pour comprendre et décrire la propagation d’un signal dans ces câbles, on utilise la théo-rie des lignes de transmission. Cette théorie s’apparente à l’analyse de circuits électriques classiques à la différence près que l’échelle de taille des composants ou bien la fréquence du courant électrique traversant le circuit y est différente. On considère, dans un circuit.
dV (x) = −(R + jωL)I(x) dx.
dI(x) = −(G + jωC)V (x) dx.
électrique classique, une longueur d’onde du signal nettement supérieure à la taille du dis-positif dans son intégralité. Ce n’est plus le cas lors de l’étude des lignes de transmission ; on considère dorénavant des fréquences ou des échelles de taille permettant d’observer plu-sieurs longueurs d’onde dans un même dispositif. Les tensions et courants existants dans un tel circuit deviennent alors des grandeurs dont l’amplitude et la phase peuvent varier sur la longueur totale [68]. La brique élémentaire d’une ligne de transmission se schématise par deux lignes conductrices parallèles. On modélise la propagation d’une onde électro-magnétique dans une ligne coaxiale comme dans une ligne de transmission. Le schéma électrique équivalent d’une portion infinitésimale de câble est alors constitué d’une in-ductance et d’une résistance en série, ainsi que d’un condensateur et d’une conductance en parallèle (Figure 2.11). Quand il est alimenté par un générateur de tension haute fré-quence, un signal alternatif parcourt le câble coaxial et on observe alors un stockage d’une partie de l’énergie incidente sous la forme d’un champ magnétique dans l’inductance et d’un champ électrique dans la capacité, puis d’une décharge de celles-ci dans le reste du câble au fur et à mesure de l’alternance du courant. Ainsi s’établit la propagation d’une onde électromagnétique le long du câble. Par application des lois de Kirchhoff sur le circuit électrique équivalent Figure 2.11, on obtient les équations des télégraphistes – équations différentielles du courant et de la tension sur la ligne de transmission,
@v(x, t) = −L @i(x, t) − Ri(x, t) (2.16).
@i(x, t) = −C @v(x, t) − Gu(x, t) (2.17).
Comparaison des résultats numériques et expérimentaux
L’analyseur de réseau vectoriel (VNA) utilisé dans cette étude opère sur des gammes fréquentielles réglables de 150 kHz à 6 GHz. Une étape de calibration du VNA précède chaque campagne de mesure. Elle consiste en la mesure du signal réfléchi sur trois charges différentes et calibrées : circuit ouvert, court-circuit et charge de 50 . Cette étape permet de s’affranchir des perturbations extérieures telles que la température. A l’instar des si-mulations numériques, l’acquisition des paramètres S11 s’effectue en sortie de la source de signal et un changement de plan de référence doit être appliqué pour rapporter les valeurs mesurées à l’interface sonde et échantillon. Cette étape s’effectue en court-circuitant l’ex-trémité de la sonde avec un matériau conducteur (matériau réflecteur supposé parfait). Le coefficient βl annulant le dépliement de la phase sur la longueur de la sonde est cher-ché et le plan ajusté. Finalement, une acquisition peut être effectuée sur un échantillon inconnu en s’assurant du bon contact entre la sonde et la surface lisse du matériau (les effets en sont décrits dans la section suivante). Cette procédure est utilisée pour calculer la permittivité complexe de deux échantillons témoins que sont l’eau pure et un bloc de poly(méthacrylate de méthyle) (PMMA). Ces deux échantillons, aux températures et aux fréquences de mesures ici définies sur [50MHz ; 1GHz], sont caractérisés par des permitti-vités environ égales à 80 + 0i et 2.7 + 0i, respectivement [78]. La sonde de rayon d’âme a = 6.5 mm est utilisée pour la mesure sur le PMMA et celle de rayon a = 1.2 mm est uti-lisée pour les mesures sur l’eau dont la valeur élevée de permittivité impose une fréquence de coupure faible pour les sondes de plus grand diamètre. Les valeurs de permittivité déduites sur cette plage fréquentielle sont alors comparées aux résultats de simulations numériques pour des échantillons de propriétés r = 80, σr = 0 et r = 2.7, σr = 0 S/m comme présenté Figure 2.29 et 2.30.
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Table des matières
1 Teneur en eau et durabilité des bétons
1.1 Introduction
1.2 Les structures en béton au service du producteur d’électricité
1.3 Généralités sur le béton
1.3.1 La formulation et la prise du béton
1.3.2 La structure du béton
1.3.3 Caractéristiques mécaniques du béton
1.3.4 Relations entre les phases dans le béton
1.4 Durabilité et teneur en eau du béton
1.4.1 Déformation différée du béton
1.4.2 Séchage du béton
1.4.3 Pathologies des bétons
1.5 Influence de la teneur en eau sur l’auscultation des ouvrages
1.6 Pourquoi et comment déterminer la teneur en eau ?
1.7 Conclusion
2 Mesures électromagnétiques pour la teneur en eau des bétons
2.1 Introduction
2.2 Propriétés électromagnétiques
2.2.1 Conduction électrique
2.2.2 Polarisation diélectrique
2.2.3 Interaction des ondes électromagnétiques avec l’eau
2.2.4 Effet de la teneur en eau sur les propriétés électromagnétiques des milieux poreux
2.3 État de l’art du diagnostic des matériaux cimentaires
2.3.1 Mesure de résistivité
2.3.2 Mesure de permittivité
2.3.3 Comparaison des caractéristiques et choix du dispositif
2.4 Sonde coaxiale ouverte
2.4.1 Câble coaxial et théorie des lignes de transmission
2.4.2 Architecture et propriétés des sondes coaxiales
2.4.3 Validation numérique du protocole de mesure
2.4.4 Comparaison des résultats numériques et expérimentaux
2.4.5 Effet d’un mauvais contact entre sonde et échantillon
2.5 Conclusion
3 Homogénéisation de grandeurs électromagnétiques
3.1 Introduction
3.2 Modélisation empirique de la permittivité diélectrique
3.3 Concept et principaux modèles d’homogénéisation
3.3.1 Présentation du concept
3.3.2 Condition quasi-statique
3.3.3 Modèle de Maxwell-Garnett
3.3.4 Modèle de Bruggeman symétrique
3.3.5 Théories du milieu effectif différentiel
3.3.6 Autres modèles analytiques
3.3.7 Applications à la mesure de teneur en eau dans les milieux hétérogènes
3.3.8 Comparaison des modèles
3.4 Application au calcul de teneur en eau : validation pour le cas d’un sable
3.4.1 Caractéristiques du sable silico-calcaire
3.4.2 Mesure de la permittivité du sable partiellement saturé
3.4.3 Modèles analytiques du sable
3.4.4 Modèle numérique du sable
3.4.5 Comparaison des résultats et validation du concept aux milieux hétérogènes non saturés
3.5 Transposition de la démarche aux pâtes de ciment
3.5.1 Protocole expérimental
3.5.2 Modélisation de la permittivité effective des pâtes de ciment
3.6 Conclusion
4 Permittivité complexe des phases du béton
4.1 Introduction
4.2 Microstructure des milieux cimentaires
4.2.1 Composition du ciment Portland
4.2.2 Processus et produits de l’hydratation d’un ciment Portland
4.2.3 Morphologie des pâtes cimentaires
4.2.4 Morphologie des mortiers et bétons
4.2.5 Description de la porosité dans les milieux cimentaires
4.3 Identification de la permittivité des phases du béton
4.3.1 Permittivité des granulats
4.3.2 Permittivité de la solution interstitielle
4.3.3 Permittivité du ciment anhydre
4.3.4 Permittivité de la portlandite
4.3.5 Permittivité du gel de C-S-H
4.4 Conclusion
5 Calcul de teneur en eau dans les milieux cimentaires
5.1 Introduction
5.2 Homogénéisation pour la teneur en eau des pâtes de ciment
5.2.1 Fabrication de pâtes de ciment de différentes formulations
5.2.2 Mesure de la permittivité complexe des échantillons
5.2.3 Caractérisation physico-chimique des pâtes de ciment
5.2.4 Processus d’homogénéisation de la permittivité complexe de la pâte de ciment .
5.2.5 Choix du schéma d’homogénéisation
5.2.6 Dépendance fréquentielle au sein du processus d’homogénéisation
5.2.7 Effet de la conductivité de la solution sur la permittivité réelle calculée
5.2.8 Comparaison des données synthétisées avec les mesures acquises
5.2.9 Effet de la forme des inclusions de porosité sur la permittivité calculée
5.2.10 Incertitude associée au schéma d’homogénéisation
5.2.11 Apport du nouveau modèle de permittivité des pâtes de ciment
5.3 Remontée d’échelles pour la teneur en eau des mortiers
5.3.1 Fabrication de mortiers de différentes formulations
5.3.2 Mesure de la permittivité complexe des mortiers
5.3.3 Caractérisation physico-chimique des mortiers
5.3.4 Processus d’homogénéisation dans les mortiers
5.3.5 Incertitude associée au schéma d’homogénéisation
5.4 Loi de calibration permittivité/saturation des bétons
5.4.1 Fabrication et caractérisation des échantillons de béton
5.4.2 Application du modèle d’homogénéisation et comparaison avec l’expérimental
5.5 Conclusion
Conclusion générale et perspectives
Liste des figures
Liste des tableaux
A Fiche technique du ciment
B Fiche technique du sable
C Fiche technique des gravillons 4/11 mm
D Fiche technique des gravillons 8/16 mm
Bibliographie
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