Mesures découplées des vitesses

Comprendre les phénomènes d’impact et de chocs dans les solides est un enjeu majeur dans de nombreux domaines scientifiques et industriels comme le spatial ou la défense. Dans un contexte d’utilisation toujours croissante de simulations numériques pour étudier des phénomènes et des structures toujours plus complexes, il est vital de connaître les propriétés des matériaux utilisés le plus finement possible. Si la mesure des propriétés des chocs dans les matériaux existe depuis les années 1950, les techniques disponibles et les moyens expérimentaux ont considérablement évolué avec le temps. Ces nouvelles approches permettent une estimation plus précise de nombreux paramètres pour l’étude de la mécanique des chocs.

Les systèmes radar, acronyme de RAdio Detection And Ranging, ont connu leur essor pendant la Seconde Guerre mondiale avec pour objectif la détection d’appareils ennemis. Ils ont ensuite été largement étudiés et développés dans les décennies suivantes pour être appliqués dans de très nombreux domaines, tels que les transports, la défense ou encore le spatial. Ces appareils permettent de mesurer la vitesse, et dans certaines configurations la position d’objets en mouvement, en étudiant les décalages en fréquence et les temps de trajet des ondes émises, ce qui permet de les utiliser en tant qu’appareil de mesure pour la recherche dans diverses disciplines. La maîtrise de l’émission d’une onde électromagnétique a permis de mettre en place des approches d’interférométrie, ce qui permet de varier les applications. Ces techniques ont alors, entre autres, été appliquées à l’étude des ondes de choc, dans les gaz et les solides, le plus souvent pour obtenir la vitesse d’une détonation afin de caractériser les performances d’explosifs variés. Les travaux présentés ici se proposent de reprendre cette technique et de l’appliquer à la mesure simultanée de la vitesse d’un choc dans un solide et de la vitesse matérielle associée afin de déterminer la polaire de choc, une loi de comportement sous choc, du matériau en question. Un état de l’art sur les différentes techniques expérimentales, leur avantages et leurs limitations est tout d’abord réalisé. Cette étude met en avant les possibilités offertes par l’interrogation en bande millimétrique pour la mesure des paramètres d’un solide soumis à un choc, ainsi que les limites d’applications et les principales méthodes associées. Une seconde étape de modélisation est ensuite présentée, avec différents axes de travail en fonction des types de choc considérés. Cette approche a pour objectif de dépasser les limites des modèles existants et de proposer une nouvelle solution. La maîtrise des incertitudes propagées par ce modèle est un enjeu fort pour la fiabilité des résultats. Après cette étape, des résultats expérimentaux sont présentés. Des essais ont été réalisés au CEA Gramat avec différents lanceurs à gaz et à poudre, sur différents matériaux, inertes et explosifs, et dans plusieurs configurations pour tester la validité des modèles. Enfin, une campagne de mesure des propriétés diélectriques de différents matériaux est présentée dans le but d’étendre la gamme d’utilisation des modèles proposés.

Ondes de choc

Selon le Groupement Français de Combustion [1], une onde de choc est une « Surface de discontinuité des grandeurs thermomécaniques dans un milieu gazeux ou condensé considéré comme inerte chimiquement. Par rapport au milieu dans lequel elle se propage, l’onde de choc est caractérisée par une célérité supersonique et une surpression. Connaissant l’état initial (1), toutes les caractéristiques de l’état choqué (2) peuvent être déduites des lois de conservation à travers la discontinuité à condition d’introduire une grandeur complémentaire (par exemple la célérité, la surpression…). Elle est créée par un apport d’énergie (piston, explosion). Elle peut être droite (orthogonale à sa direction de propagation) ou oblique (inclinée par rapport à sa direction de propagation) sans pour cela être obligatoirement plane ». Dans cette étude, nous nous intéressons aux ondes droites, unidimensionnelles, soutenues ou non, se propageant dans des solides.

Pour une onde unidimensionnelle, plane et soutenue, les relations de saut liant l’état (1) à l’état (2) se dérivent des équations de conservation [2] :

de la masse :
M = ρ1D = ρ2(D−up) (1.1)

de la quantité de mouvement :
ρ2(D−up)up = P2 −P1 (1.2)

Le montage expérimental le plus courant pour étudier la propagation des ondes de choc dans les solides consiste à réaliser l’impact d’un matériau se déplaçant à grande vitesse contre une cible d’intérêt. La mise en vitesse du projectile est typiquement réalisée à l’aide d’un lanceur à gaz comprimé ou à poudre. La littérature sur ce type de moyen est vaste [2]. Généralement, le projectile est composé de deux parties : l’impacteur qui est le matériau percutant la cible d’étude, et le support (ou sabot, parfois appelé projectile) sur lequel est placé l’impacteur. D’autres technologies existent pour la génération d’une onde de choc. On peut par exemple citer les lanceurs électromagnétiques, qui exploitent la force de Laplace, les lanceurs laser ou l’utilisation de charges explosives.

Les discussions menées jusqu’ici sont principalement associées à des phénomènes unidimensionnels (1D). Lors d’essais d’impact plan, on observe des ondes de détente latérale, se propageant radialement vers le centre de la cible. Ces effets sont liés à la différence de pression entre la zone sous choc et la zone libre. Ils tendent à réduire la région 1D de l’écoulement.

Mesures découplées des vitesses

Afin d’obtenir un point sur la courbe d’Hugoniot du matériau, il est nécessaire de pouvoir mesurer la vitesse du choc D et la vitesse matérielle up. Une première approche consiste à utiliser plusieurs appareils de mesure, chacun dédié à une grandeur. Cette section présente les méthodes classiques de mesure de ces deux paramètres. Ces techniques sont détaillées plus amplement dans la référence [3] pour l’étude de la transition choc-détonation.

Vitesse de choc

La vitesse d’un choc peut être mesurée de manière discrète ou continue. Les méthodes discrètes utilisent des détecteurs d’arrivée du choc. Avec les temps d’arrivée et un relevé de la position des capteurs, on trouve facilement la vitesse de propagation de l’onde. On peut notamment citer :
— les fibres optiques `a capuchons (FOAC) dont le fonctionnement est basé sur l’ionisation de l’air à l’arrivée d’un choc [4];
— les aiguilles de contact qui ferment un circuit électrique à l’impact;
— les aiguilles pi´ezo´electriques dans lesquelles un courant est créé par la contrainte appliquée au quartz et enregistré à l’arrivée du choc [5];
— les trackers de choc qui sont des circuits imprimés en forme de peigne soumis à un champ magnétique. La direction de ce champ, celle de la propagation du choc et l’orientation des dents du peigne forment une base dans l’espace. Au passage du choc, le déplacement du brin crée un courant induit. En fonction du sens d’orientation du brin, la tension mesurée est positive ou négative. La connaissance de la position des trackers permet alors d’obtenir la vitesse du choc.

La mesure continue de la vitesse d’un choc peut être réalisée par plusieurs techniques :
— la fibre optique `a r´eseau de Bragg qui est positionnée dans l’échantillon ou sur sa périphérie. Au fur et à mesure de la propagation du choc, la largeur du spectre diminue et l’intensité du flux lumineux varie linéairement avec la destruction du réseau au bout de la fibre. Différentes méthodes d’étalonnage sont disponibles pour analyser le signal optique réfléchi à l’extrémité de la fibre [7];
— l’utilisation de cam´eras `a balayage de fente, ou caméras streak, permet de visualiser l’émergence d’un choc et donc de mesurer la vitesse de propagation de l’onde [8][9], cette approche n’est cependant pas utilisable dans tous les cas expérimentaux;
— la radio-interf´erom´etrie consiste à illuminer un matériau avec une source hyperfréquence et à analyser la fréquence et/ou le déphasage des signaux retour. Cette technique est utilisable lorsque le matériau est radio-transparent, ce qui est le cas de nombreux explosifs. L’utilisation de cette méthode suppose la connaissance de la permittivité diélectrique relative du matériau à la fréquence d’interrogation.
— les m´ethodes d’impedance matching permet de placer un point sur la polaire de choc (P;up). Elle est par exemple présentée par DICK [10]. Le principe consiste à générer une onde de choc dans une plaque de transfert sur laquelle est fixé l’échantillon d’étude et à mesurer les vitesses de choc dans chacun des matériaux. On note l’utilisation d’un générateur d’onde plane. Ce dispositif est constitué d’une charge explosive collée sur une plaque. Lors de la détonation de l’explosif, la plaque est mise en mouvement. Lorsque cette plaque entre en contact avec la cible, une onde plane est générée dans cette dernière.

Vitesse matérielle

Les métrologies existantes pour la détermination de la vitesse matérielle sont moins nombreuses. L’interférométrie optique laser dont le principe de fonctionnement est semblable à celui de la radio-interférométrie est la principale méthode de mesure. Cette technique a largement été utilisée pour étudier les vitesses en face-arrière d’échantillons afin de retrouver la vitesse matérielle dans celui-ci. Employée dans des matériaux transparents, elle permet de mesurer la vitesse d’une surface réfléchissante comme un dépôt métallique ou un « clinquant », i.e. une feuille métallique fine, typiquement d’une épaisseur de l’ordre 20 µm. Dans ce cas, une correction doit cependant être apportée à cette mesure pour prendre en compte la traversée d’un milieu sous choc . Deux types de méthodes existent :
— l’Interf´erom´etrie Doppler Fibr´ee (ou IDF), également nommée vélocimétrie hétérodyne (VH) dans laquelle le signal retour est couplé au signal incident, c’est un interféromètre de Michelson;
— l’Interf´erom´etrie de Vitesse Fibr´ee (ou IVF), également nommée Velocimetry Interferometer System for Any Reflector (VISAR) dans laquelle le signal retour est couplé avec ce même signal déphasé par une branche à retard, positionnée dans l’interféromètre [17], c’est un interféromètre de Mach-Zehnder.

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Table des matières

Introduction générale
1 Étude bibliographique
1.1 Introduction du chapitre
1.2 Ondes de choc
1.3 Mesures découplées des vitesses
1.3.1 Vitesse de choc
1.3.2 Vitesse matérielle
1.4 Mesures simultanées
1.4.1 Radiographie X
1.4.2 Jauges multibrins
1.4.3 Interférométrie ultra-rapide
1.4.4 Ellipsométrie dynamique
1.4.5 Synthèse
1.5 Radio-interférométrie pour l’étude des ondes de choc
1.6 Interférométrie radiofréquence et doubles oscillations
1.6.1 Introduction
1.6.2 LUTHER et al. 1991
1.6.3 GLANCY et al. 1990
1.6.4 KANAKOV et al. 2008
1.6.5 BELSKII et al. 2011
1.6.6 Note sur les cas d’études envisageables
1.6.7 Synthèse
1.7 Permittivité relative sous choc
1.7.1 Mesure basse fréquence
1.7.2 Mesure haute fréquence
1.7.3 Modèles classiques d’évolution de la permittivité
1.7.3.1 Modèles en masse volumique
1.7.3.2 Application aux chocs
1.7.4 Indice de réfraction sous choc
1.7.5 Synthèse
1.8 Onde électromagnétique et interfaces en mouvement
1.8.1 Approches multicouches pour des problèmes statiques
1.8.2 Étude d’interfaces en mouvement
1.9 Conclusion du chapitre
2 Modélisation
2.1 Introduction
2.2 Modèle à deux couches
2.2.1 Position du problème
2.2.2 Expression des champs
2.2.3 Reconstruction du signal temporel
2.2.4 Résolution du problème inverse
2.2.5 Intégration des pertes dans le modèle
2.2.6 Stabilité du modèle
2.3 Modélisation à plusieurs couches
2.3.1 Introduction
2.3.2 Approche analytique complète
2.3.3 Approche matricielle pour des interfaces en mouvement
2.3.4 Approche numérique du problème
2.3.5 Couplage à un code hydrodynamique
2.3.6 Exemples de cas d’études
2.3.6.1 Validation dans le cadre d’un choc soutenu
2.3.6.2 Choc non soutenu : impact Fer/PMMA
2.3.6.3 Influence des détentes arrières
2.3.6.4 Influence des détentes latérales
2.3.6.5 Comparaison de l’influence des détentes latérales et des détentes arrières
2.3.7 Conclusion
2.4 Conclusion du chapitre
3 Validation expérimentale
3.1 Introduction
3.2 Modèle à deux couches
3.2.1 Introduction
3.2.2 Présentation du radio-interféromètre
3.2.3 Campagne TATB
3.2.3.1 Présentation des essais
3.2.3.2 Résultats de mesure
3.2.3.3 Traitement des signaux
3.2.3.4 Résultats et discussion
3.2.4 Campagne PMMA
3.2.4.1 Présentation des essais
3.2.4.2 Présentation des résultats
3.2.4.3 Résultats et discussion
3.2.5 Campagne ontalite
3.2.5.1 Présentation des essais
3.2.5.2 Présentation des résultats
3.2.6 Conclusion pour le modèle à deux couches
3.3 Modèle à plusieurs couches
3.3.1 Introduction
3.3.2 Essais PMMA
3.3.3 Essai Ontalite
3.3.4 Inversion par réseau de neurones
3.3.4.1 Présentation générale et stratégie de résolution
3.3.4.2 Inversion du modèle à deux couches
3.3.4.3 Pistes pour l’inversion du modèle à plusieurs couches
3.4 Permittivité des matériaux réactifs
3.4.1 Bibliographie
3.4.2 Banc de mesure statique
3.4.3 Exemple de résultats pour un matériau inerte
3.4.4 Mesure de la permittivité de matériaux réactifs
3.4.5 Mesure par détonation d’une cartouche d’explosif
3.4.6 Discussion et comparaison
3.4.6.1 Discussion sur les méthodes
3.4.6.2 Discussion sur les compositions
3.4.7 Conclusion
3.5 Conclusion du chapitre
Conclusion générale
Perspectives

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