Mesurer la « validation sociale » d’annotations collectives argumentatives

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Acquisition de documents À électroniques

Les documents électroniques peuvent être regroupés dans des sources d’information internes ou externes à l’organisation. Par exemple, la base documentaire et l’intranet d’une organisation sont des sources internes alors que le Web est une source externe. Les Systèmes de Recherche d’Information (SRI) facilitent l’accès aux documents d’une source d’information À en offrant aux usagers deux modalités qu’ils alternent inconsciemment (Agosti, 1996), leur permettant alors de satisfaire leurs besoins en information :
– la recherche par intScience/Biologyrrogatirâce à un moteur de recherche auquel l’usager soumet une r quête. Le système recherche les mots de la requête dans les documents du corpus com posant la source d’ nformation interrogée. Puis, il restitue à l’usager la liste des documents dont le contenu correspond à la requête initiale, triée selon la similarité requête-document ;
– la recherche par navigation ffre à l’usager une représentation visuelle du corpus documen jecttaire qu’il peut explorer nteragissant avec le système. Par exemple, l’Open Directory Prories, telles que «». D’au res approches permettent de naviguer dans la bibliothèque numérique d’un individu, au tr vers de sites de social bookmarking (Hammond et al., 2005) tels que Delicious2 ou Connotea3 (Lund et al., 2005).
Globalement, la recherche d’information est une tâche hautement cognitive pour l’individu. En effet, il doit savoir utiliser un moteur de recherche, transcrire la représentation mentale de son besoin en une requête (usuellement une liste de mots), naviguer dans la kyrielle de documents retournée par le système et enfin interpréter les résultats afin d’en extraire les documents perti-nents pour satisfaire son besoin initial (Ciaccia, 2008). Afin de limiter les efforts de l’usager, une multitude d’approches étudiée par Cabanac et al. (2008c) vise à lui porter assistance en amont et en aval de cette activité : sélection du moteur le plus adapté à ses besoins, (re)formulation de ses requêtes, person al sati n des résultats obtenus, techniques avancées de visualisation d’informa-tion, etc. Malgré de tels assistants, cette activité À qui représente selon Feldman (2004) entre 15 % et 35 % du temps de vail des individus dans un contexte organisationnel n’est que peu rent ble car la moi ié des re herches échouent.

Création ` et finalisation ´ de documents électroniques

Les activités de création, rédaction ` et finalisation ´ de documents électroniques sont prin-cipalement mises en œuvre grâce à des logiciels de traitement de texte, éventuellement utilisés pour la rédaction collaborative (Noël et Robert, 2004). Il existe aussi des approches complémen-taires comme les wikis (Guzdial et al., 2000) qui permettent la rédaction collaborative asynchrone. D’autres approches encore rendent la rédaction synchrone possible, où chaque rédacteur voit en temps réel les modifications des autres contributeurs (Swarts, 2004; Zheng et al., 2006). Une éva-luation quantitative de ces activités montre un faible rendement, en partie dû à l’inefficacité de l’activité À : un nouveau rapport contiendrait en moyenne 90 % d’information recréée (Feldman, 2004).

Diffusion ˆ des documents électroniques

Cette section décrit les moyens utilisés par les membres organisationnels pour partager et dif-fuser les documents électroniques qu’ils organisent dans leur EPI. Nous détaillons les approches manuelles puis automatiques, en soulignant leurs limites pour l’individu tant au niveau cognitif qu’au niveau motivationnel (Hinds et Pfeffer, 2003).

Partage et diffusion manuels de documents au sein de l’organisation

De nombreux moyens peuvent être mis en œuvre pour partager les documents au sein d’une organisation :
– en positionnant les droits d’accès en lecture sur les répertoires des arborescences de son EPI. Cette stratégie de partage est limitée car il faut identifier les personnes potentiellement in-téressées et leur indiquer le chemin des répertoires partagés ;
– en créant un répertoire partagé sur le réseau de l’organisation. Chacun doit alors faire l’effort d’alimenter en documents dans cet espace partagé. La structuration de cet espace (en termes d’étiquetage des fichiers et répertoires et de découpage en sous-répertoires) impose une « pensée unique » lorsqu’elle est réalisée par une seule personne, chacun étant obligé d’adhér à cette percepti n singulière des documents. Le problème demeure avec l’ap proche de cla sification non supervisée proposée dans (Wu et Gordon, 2004; Wu et al., 2004).
L rsque cette tâche est laissée au groupe en général, en espérant assister à l’émergence d’u e structure plus ou m ins consensuelle, chaque usager reste tout de même contr int à adopt un point de vue qui peut ne pas être le sien, nécessitant de fait une adaptation de sa part, donc une surcharge cognitive ;
– PointServicesenlespubliant sur l’intranet de l’organisation grâce à des outils tels que Microsoft Share-ou LotusNotes. Cette approche nécessite un effort de la part des individus qui doivent sélectionner la (les) brique(s) adaptée(s) pour un document donné, en se demandant où les autres membres chercheraient un tel docume . La difficul é de cette tâche est amplifiée par la taille de l’intrane , Dmitriev et al. (2006) rapportent que celui d’IBM c mprendrait au moins 5,5 millions de pages. De lus, F ldman (2004) estime que 40 % des documentaires.
– Dogearenutilisant des logiciels de social bookmarking (Hammond et al., 2005) tels que le service (Millen et al., 2006) chez IBM ou Connotea(Lund et al., 2005) chez la maison d’édition Nature. Ces approches permettent à une personne de constituer sa collection de book-marks et d’en partager tout ou partie. Chaque bookmark comprend l’URL du document, un commentaire libre et des tags qui sont des mots descriptifs fournis par l’usager. Par la suite, la navigation de tag en tag permet d’explorer ce corpus collectif. La principale limite de cette approche concerne les tags dont la sémantique est ambiguë : « BD » peut faire référence à « base de données » ou « bande dessinée », par exemple.
Comme alternative au partage de documents, les individus peuvent les diffuser par le biais de courriels ou de listes de diffusion. Cette démarche active consiste à sélectionner les documents à diffuser et à identifier les personnes potentiellement intéressées. Cela demande un effort à l’expé-diteur qui doit anticiper les besoins de ses collègues, mais aussi aux destinataires qui peuvent être surchargés par de tels envois. Afin de limiter les efforts demandés aux individus par les approches manuelles, des stratégies automatiques présentées dans la section suivante ont été proposées.

Partage et diffusion automatiques de documents au sein de l’organisation

La mise en place d’un système de filtrage est une alternative à la recherche et au partage ma-nuels de documents. Un tel système vise à recommander automatiquement des documents à des individus, en fonction de leurs besoins. Ce processus nécessite la construction de profils, à la fois pour représenter les documents et les besoins des usagers. Les critères de construction des profils sont très variables comme le montrent Montaner et al. (2003). Un choix possible consiste à repré-senter les thématiques des documents et les centres d’intérêt des individus. Le processus de re-commandation repose alors sur une fonction d’appariement entre les profils des documents et des usagers. Les limites de cette approche concernent la difficulté à modéliser les profils et à les faire évoluer afin qu’ils représentent au mieux les attentes réelles de l’usager (Chevalier et al., 2008). De plus, l’appariement usager-document souffre également de limites telles que la nécessité d’une masse critique d’usagers, le frein du démarrage à froid (difficulté d’émettre des recommandations à un nouvel usager) et le problème du vocabulaire (Furnas et al., 1987) qui est récurrent en Re-cherche d’Information (RI) : identification et prise en compte de la synonymie, de l’homonymie, des figures de style, etc.

Exploitation ˜ des documents électroniques

Nous discernons deux niveaux d’exploitation des documents. D’une part, le niveau « indivi-duel » fait référence à l’individu qui prend connaissance d’un document grâce à la lecture active. D’autre part, le niveau « organisationnel » concerne l’individu qui parfait sa connaissance de son environnement et des compétences de ses collègues en accédant au capital documentaire de son organisation, constitué des documents provenant des divers EPI des membres organisationnels.

Niveau individuel : lecture et compréhension des documents

Pour un individu, exploiter un document requiert invariablement sa lecture. Murphy et l. 18(2003) rapportent une expérimentation réalisée avec 131 étudiants aux profilsGuillaumedversifiésCabanac(sexe,âge, origine sociale, etc.) destinée à comparer la lecture d’un article du magazine Time avec la lecture du même document scanné et affiché sur un moniteur d’ordinateur. L’étude montre que le document scanné est significativement plus difficile à comprendre pour les participants qui le trouvent également moins intéressant et moins crédible. Par ailleurs, O’Hara et Sellen (1997) ont observé que lire un document papier et le résumer sur papier est plus simple que de lire une ver-sion électronique et produire un résumé avec un traitement de texte. En particulier, les affordances du papier permettent de disposer plusieurs documents sur la surface de travail, facilitant ainsi la lecture du texte et des annotations pendant l’écriture du résumé. Ces conclusions sont en accord avec Kidd (1994) qui indique que les knowledge workers griffonnent des annotations pour extério-riser leur réflexion, ces dernières étant par la suite utiles pour générer de l’information. Enfin, Sel-len et Harper (2003, p. 63) rapportent également que la pratique d’annotation est importante pour les travailleurs du savoir, car elle leur permet de structurer et d’organiser leur pensée. Bien qu’elle soit habituelle et facile à mettre en œuvre sur papier, c’est une pratique pas ou peu supportée — toujours avec moins de souplesse que sur le papier — dans les environnements informatiques, suscitant de ce fait la frustration des lecteurs (Sellen et Harper, 2003, p. 96) lorsqu’ils sont privés de cet outil précieux.

Niveau organisationnel : visualisation et exploration du capital documentaire

Une kyrielle de techniques et d’outils de visualisation d’information a été proposée dans la littérature, comme l’attestent divers travaux de synthèse (Herman et al., 2000; Chen, 2006; Yang et al., 2008). Ces approches permettent la visualisation et l’exploration d’un corpus documentaire. De fait, elles peuvent être mises en œuvre dans le contexte organisationnel pour restituer le ca-pital documentaire constitué des EPI des membres organisationnels. Sans avoir vocation à l’ex-haustivité, cette section présente ces diverses approches exploitant les méta-données ainsi que le contenu des documents.
Parmi les approches reposant sur les méta-données, Fekete et Plaisant (2002) tirent parti de la visualisation Tree-map introduite par Johnson et Shneiderman (1991) pour représenter une ar-borescence de fichiers en fonction de leur taille. Sur la Figure I.2.1, on distingue des rectangles imbriqués, chacun représentant un fichier ou un répertoire. La couleur des rectangles correspond au type (extension) du fichier associé ; leur dimension est proportionnelle à la taille physique du répertoire ou fichier représenté. Cette visualisation permet également d’identifier le degré d’im-brication des répertoires correspondant aux projets : les répertoires les plus imbriqués sont pré-sentés de manière plus sombre.
D’autres approches telles que les cartes auto-organisatrices de Kohonen (2001) représentent les thématiques des documents en se basant sur l’analyse de leur contenu. La carte est divisée en zones qui symbolisent des thématiques dont l’intitulé est affiché : on distingue « courses » au centre de la figure I.2.2, par exemple. Le dégradé de couleurs sur la carte représente le nombre de documents pour les différentes thématiques. Tout comme pour le Tree-map, l’usager peut consul-ter les détails d’une zone en la sélectionnant, obtenant alors une nouvelle carte de la zone sélec-tionnée. Appliquée aux EPI de l’organisation, cette visualisation offre aux membres organisation-nels une vision globale des thématiques collectives. Boyer et al. (2007) en proposent une extension afin d’identifier les propriétaires des documents sélectionnés pour accéder à leurs documents, permettant ainsi une navigation alternative entre documents et personnes.

Limites des activités documentaires sur support électronique

Notre étude des activités documentaires de À à ¯ (figure I.1.1) sur support électronique nous a permis d’identifier trois problématiques majeures que nous détaillons dans cette section.

Maîtrise d’un système par activité : surcharge cognitive pour l’usager

Concernant la mise en œuvre des six activités du cycle de vie du document nous remarquons que chaque activité requiert l’utilisation d’un système distinct. Par exemple, un système de ges-tion de fichiers ¯ ne permet pas de rechercher de l’information À. Ainsi, un usager doit maîtriser au moins six systèmes différents pour couvrir l’ensemble des activités documentaires, entraînant de fait une charge cognitive importante pour l’individu. Cette surcharge est également accentuée lorsque chaque système impose une nouvelle CPI telle que l’arborescence des courriels (logiciel de messagerie), celle des signets (navigateur Web), celle des fichiers (système d’exploitation). . . Ceci entraîne une fragmentation des données dont les usagers se plaignent, comme l’indique Jones (2007) dans sa synthèse des recherches sur la mémorisation et l’organisation des informations personnelles. Par ailleurs, Kidd (1994) insiste sur le fait que, pour les knowledge workers, les anno-tations ont davantage d’importance que les documents initiaux une fois lus. De plus, les travaux de Sellen et al. (2002) relatifs à l’usage du Web par les knowledge workers montrent qu’ils ont be-soin de conserver des parties de documents avec leurs notes, et pas uniquement leur URL. Or, très peu de systèmes permettant la lecture de documents proposent une fonctionnalité de création et de conservation d’annotations en contexte : les navigateurs Web en sont exempts alors que ce sont des outils indispensables à la recherche d’information À de nos jours.

ReprésentamÈlioration parcellaire des usagers : assispratiqueanced’annotationoffertelimitéecollective

Les activités d cumentaires représentées dans la figu I.1.1 semblent linéaires, alors que l’ob-servation des pratiques documentaires reflète plutôt leur entrelacement. Par exemple, un individu peut rechercher de l’ nform tion À, commencer la édaction d’un cument ` puis continuer à  Par ailleurs, les activités documentaires sont également cloisonnées : chaque système est spécia-lisé dans la réalisation d’une seule activité. De fait, il ne peut construire qu’une représentation par-tielle des usagers réalisant l’activité pour laquelle il est conçu, ignorant de ce fait les cinq autres activités du cycle de vie. Pour autant, l’usager et ses besoins restent les mêmes eu égard aux six activités documentaires. Par conséquent, toute assistance apportée par un système sur cette base partielle se révélerait être sous-efficiente par essence.

Faible valorisation des EPI : capital documentaire organisationnel en sommeil

Le capital documentaire constitué par les EPI organisationnels est une mine d’informations à forte valeur ajoutée car elle résulte des efforts quotidiens des membres organisationnels. Para-doxalement, ce capital documentaire organisationnel n’est usuellement que peu valorisé au ni-veau organisationnel : par défaut, un EPI n’est accessible que par son propriétaire. De ce fait, les documents qu’un individu a trouvés au prix de coûteux efforts ne profitent pas aux autres membres, bien que certains aient des besoins informationnels proches voire similaires. De fait, ces documents qui sommeillent dans les EPI feront l’objet d’efforts de recherche répétés, par-fois en vain car une recherche sur deux échouerait (Feldman, 2004). Cette méconnaissance des ressources et compétences voisines aboutit à une recréation inutile d’information : un nouveau rapport serait constitué de 90 % d’informations préexistantes selon Feldman (2004).
Nous avons souligné l’importance de la pratique d’annotation pour diverses activités docu-mentaires, que ce soit sur support papier comme électronique. Le chapitre suivant expose plus en détail les caractéristiques de cette pratique ainsi que sa transposition du papier au numérique.

Définition de l’annotation

Dans la littérature et selon Azouaou et al. (2003), il n’existe pas une définition consensuelle pour l’annotation, mais plutôt plusieurs définitions générales (provenant de divers dictionnaires) ou bien spécifiques (variant selon les domaines de recherche : conception d’interfaces homme machine, psycholinguistique, documentation. . . ). Les travaux de recherche présentés dans (Mille, 2005, ch. 2) complètent cette étude bibliographique et mettent en exergue pour sa complétude la définition suivante de Bringay et al. (2004) que nous adoptons.
« Une annotation est une note particulière attachée à une cible. La cible peut être une collection de documents, un document, un segment de document (paragraphe, groupe de mots, mot, image ou partie d’image, etc.), une autre annotation. À une annotation correspond un contenu, matérialisé par une inscription, qui est une trace de la repré-sentation mentale que l’annotateur se fait de la cible. […] Nous appelons l’ancre ce qui lie l’annotation à la cible (un trait, un passage entouré, etc.). »
Les livres représentés en figure I.1.2 (p. 11) tout comme le manuscrit de Victor Hugo illustré en figure I.3.1 présentent de nombreuses variétés d’annotation. À partir de l’exemple prototypique de la figure I.3.2 (issu de la même source que la figure I.1.2) nous exposons les différentes formes (textuelles comme non-textuelles) et fonctions associées aux annotations dans les sections sui-vantes.

Formes textuelles : notes de lecture, remarques, corrections. . .

Un individu peut formuler une annotation textuelle à différents endroits d’un document, sa fonction dépend principalement de cette localisation qui est choisie par l’annotateur. Une étude de l’activité d’annotation dans le milieu de l’enseignement et de la recherche universitaires conduite par Ovsiannikov et al. (1999) indique les fréquences de localisation suivantes :
– 50 % dans la marge : les individus notent leurs idées et commentaires qui accompagnent ainsi le texte sans le surcharger. Ces commentaires permettent de paraphraser ou de refor-muler certains passages pour mieux les comprendre ;
– 22 % dans l’en-tête du document : cet emplacement est privilégié par les annotateurs lors-qu’ils résument le document. Cette activité requiert un effort cognitif considérable car elle nécessite de remanier le contenu du document dans son propre vocabulaire. C’est peut-être pour cela que ce type d’annotation est moins fréquent ;
– 19 % en dehors du document : annoter en dehors du document vise, tout comme l’annota-tion dans l’en-tête, à résumer un document. Toutefois, cette forme est moins courante que la précédente ;
– moins de 10 % entre les lignes du document : bien que le fait d’annoter dans l’interligne FÈdÈrationsit une pratique courante dans le milieu de l’édition, elle est peu uti isée par les indivi-dus sondés. C’est p ut-être parce qu’elle est surtout mise en œuvre lors des corrections de cuments et rarement dans le cas d’une simple lecture.
Les annotations textuelles décrites ci-dessus sont clairement visibles sur la figure I.3.2. Cet exemplaire de livre an oté contient également des formes non-textuelles que nous examinons dans la sectionetamÈliorationdesactivitÈssuivnte. documentairespar la pratique d’annotationcollective 25

Formes non-textuelles : mise en emphase, apprentissage, catégorisation. . .

L’étude d’une large collection de livres annotés par des étudiants conduite par Marshall (1997, 1998) montre qu’ils emploient divers « outils » : ils utilisent surligneurs, stylos, crayons à papier et autres instruments pour créer les annotations. Il existe une grande fluidité dans la forme : no-tations symboliques, dessins sur et autour du texte ; les annotateurs soulignent, entourent, en-cadrent et surlignent tout type d’élément textuel. Cette étude met en évidence la très grande créa-tivité des lecteurs dans leur engagement avec les documents pour atteindre divers objectifs :
1. mettre en valeur un passage du document annoté. Parmi les techniques de marquage pos-sibles, les annotateurs choisissent neuf fois sur dix de surligner ou de souligner (Ovsiannikov et al., 1999; Denoue, 2000). Une autre pratique omniprésente, la mise en emphase, consiste à ajouter des marques près du texte : « 3 » et « 7 » sont notamment visibles sur la figure I.3.2. Le passage adjacent à la marque est alors visuellement identifiable. Les marques d’emphase sont le plus souvent des étoiles ou astérisques bien qu’un annotateur inventif puisse employer une grande variété de symboles. Elles peuvent aussi caractériser des niveaux d’importance, par exemple la répétition de symboles permet de marquer un passage clé du document. Enfin, il existe d’autres techniques de mise en emphase qui consistent à varier l’épaisseur du trait avec un surligneur, surligner de deux couleurs différentes un même passage, etc. En phase de relecture, ce type de mise en valeur permet à l’individu de faire un tri de ses annotations pour rassembler en un clin d’œil les idées principales en se focalisant sur les passages clés d’un document. Il est notamment mis en œuvre lorsqu’un effort de mémorisation est nécessaire : la mise en valeur des définitions d’un cours avec un surligneur fluorescent, par exemple.

Finalités de l’activité d’annotation pour un usage personnel

Jackson (2002, ch. 3) consacre le chapitre intitulé “Motives for Marginalia” aux finalités des annotations papier. Sans avoir prétention à l’exhaustivité, nous présentons dans cette section une synthèse des finalités identifiées dans la littérature :
1. favoriser l’apprentissage grâce à la lecture active. De nombreuses activités intellectuelles humaines sont basées sur un cycle de lecture-écriture des documents, c’est en particulier le cas des activités des knowledge workers. Dans ce cycle, les annotations permettent aux lec- teurs de devenir instantanément rédacteurs. L’écriture d’annotations facilite l’appropriation du texte grâce à la reformulation : l’ajout de commentaires permet d’identifier un passage difficile à comprendre, de le synthétiser en quelques mots, de le relier ou au contraire de l’op- poser à une autre partie du même document. Cette pratique se développe avec le temps : l’expérience et les attentes des lecteurs modifient la façon dont ils créent leurs annotations.
Par exemple, Marshall (1998) observe que les étudiants de 1re année ont une idée insuffisante de comment annoter alors que les étudiants de 3e et 4e année sont plus instruits sur cette pratique. D’après la littérature, il est indéniable que formuler des annotations sur des documents est une pratique indispensable à la lecture active (Adler et van Doren, 1972; Sellen et Harper, 1997; Marshall, 1997, 1998; Wolfe et Neuwirth, 2001; Jackson, 2002) ;
2. amÈlioration documentaires d’annotation catégoriser des passages du . L s lecteurs immergés ns le texte sont rarement plus explicites que nécessaire lorsqu’ils annotent. Les annotations personnelles qui en ré- sultent sont p nature télégraphiques, incomplètes et tacites (M rshall, 1998). Une phrase surlignée, une remarque lapidaire dans la marge (« Non ! »), un lien entre deux paragraphes non com entés sont difficiles à interpréter pour quiconque autre que l’annotateur original.
3. matérialiser physiquement l’état d’avancement d’une tâche. En s’appuyant sur une étude de l’utilisation des annotations, Denoue (2000) remarque que les individus les emploient pour repérer l’état d’avancement dans la lecture d’un document. Similairement, Marshall (1998) décrit un phénomène qui se produit en présence de textes particulièrement denses : l’annotation devient une trace visible de l’attention humaine. C’est notamment le cas sur les livres de philosophie étudiés : ils sont intégralement surlignés page après page par le lecteur. Dans ce cas, ces marques sont clairement importantes pour l’activité physique de lecture ;
4. se remémorer les points clés du document. Les lecteurs ont tendance à oublier le contenu d’un document et ont besoin de se le remettre en tête de temps en temps (Ovsiannikov et al., 1999). En parcourant un document annoté, la seule lecture des commentaires et du texte mis en valeur permet de se rappeler son contenu.
Globalement, Ovsiannikov et al. (1999) rapportent les trois finalités suivantes associées à leur importance relative, eu égard aux annotations pour un usager individuel : se souvenir (41 %), ré-fléchir (32 %) et clarifier (23 %). Nous relatons dans la section suivante les finalités des annotations pour un usage collectif : créées par un lecteur à destination des futurs autres lecteurs.

Finalité de l’activité d’annotation pour un usage collectif

On retrouve les traces d’annotations rédigées à destination de futurs lecteurs sur des docu-ments datant du Moyen Âge. Wolfe et Neuwirth (2001) expliquent qu’à cette époque de multiples lecteurs avaient typiquement accès au même exemplaire d’un texte, ce qui en faisait une ressource publique de choix pour le partage d’information. De fait, les annotations formulées en marge de ces textes revêtaient un rôle de communication et d’échange. De nos jours encore, elles sont em-ployées pour des raisons similaires lorsqu’on considère les annotations des knowledge workers qui relisent et corrigent les rapports du FMI), dans l’étude de Sellen et Harper (2003, p. 61).
Dans le cadre plus général des livres annotés, Marshall (1998) signale que les individus n’ac-cordent pas tous de la valeur aux annotations d’autrui. En effet, certains étudiants de son étude achètent le livre d’occasion le moins annoté, le plus immaculé. A contrario, les annotations d’un lecteur sont parfois considérées par d’autres comme une valeur ajoutée. Wolfe (2000) montre par exemple qu’elles influencent la perception individuelle des arguments exprimés dans le texte an-noté. Dans une étude complémentaire, Wolfe et Neuwirth (2001) considèrent l’activité de lecture comme support à l’écriture d’un résumé de texte ; les annotations ont une influence sur le lecteur car il produit des écrits de moins bonne qualité lorsque les annotations associées au texte sont du même avis que lui, comme s’il ne voyait pas le besoin de persuader le futur lecte r. Par contre, la production des individus est meilleure lorsque le texte qu’ils lisent est annoté avec des points de vue conflictuels. En effet, Wolfe (2008) note que leur production est moins descriptive, dav ntage critique et exprime une réflexion personnelle dans cette situation. En résumé, la consultation des annotations de lecteurs précédents semble favoriser la réflexion critique du lecteur, notamment 28lorsqu’elles expriment des opinions diversifiées. Guillaume Cabanac

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Table des matières

I Contexte : les activités documentaires au sein d’une organisation 
1 Les activités documentaires papier au travers du cycle de vie du document 
1.1 Acquisition d’informations
1.2 Création et finalisation de documents
1.3 Diffusion des documents
1.4 Exploitation des documents
1.5 Classement et archivage de documents
1.6 Bilan des activités documentaires papier
2 Les activités documentaires électronique au travers du cycle de vie du document 
2.1 Acquisition de documents
2.2 Création et finalisation de documents
2.3 Diffusion des documents
2.3.1 Partage et diffusionmanuels de documents au sein de l’organisation
2.3.2 Partage et diffusion automatiques de documents au sein de l’organisation
2.4 Exploitation des documents
2.4.1 Niveau individuel : lecture et compréhension des documents
2.4.2 Niveau organisationnel : visualisation et exploration du capital documentaire
2.5 Classement et archivage de documents
2.6 Limites des activités documentaires sur support électronique
2.6.1 Maîtrise d’un système par activité : surcharge cognitive pour l’usager
2.6.2 Représentation parcellaire des usagers : assistance offerte limitée
2.6.3 Faible valorisation des EPI : capital documentaire organisationnel en sommeil
3 Zoom sur la pratique d’annotation : transposition du papier au numérique 
3.1 L’annotation papier : une pratique séculaire toujours d’actualité
3.1.1 Définition de l’annotation
3.1.2 Formes textuelles : notes de lecture, remarques, corrections.
3.1.3 Formes non-textuelles : mise en emphase, apprentissage, catégorisation
3.1.4 Finalités de l’activité d’annotation pour un usage personnel
3.1.5 Finalité de l’activité d’annotation pour un usage collectif
3.2 Transposition de la pratique d’annotation sur support électronique
3.2.1 Catégories et architecture générale d’un système d’annotation
3.2.2 Mise en oeuvre d’un système d’annotation
3.2.3 1989 – 2008 : panorama de 64 systèmes d’annotation informelle
3.2.4 Limites de l’activité d’annotation collective
3.3 Vers l’annotation collective de documents électroniques
II Fédérer et améliorer les activités documentaires de l’organisation 
1 Aperçu synthétique de la contribution 
1.1 L’annotation collective pour fédérer les activités documentaires
1.1.1 Fournir une assistance personnalisée
1.1.2 Fournir une assistance collective
1.2 Exploitation du capital documentaire organisationnel en sommeil
2 Modélisation unifiée des six activités documentaires 
2.1 Définition des éléments constituant le modèle unifié
2.1.1 Individus, documents et espaces personnels d’annotations
2.1.2 Typologie des annotations collectives selon leur objectif
2.2 Modèle unifié des activités documentaires
2.2.1 Modélisation de l’annotation collective et des EPA
2.2.2 Modélisation des éléments requis par les processus intégrés
3 Mesurer la « validation sociale » d’annotations collectives argumentatives
3.1 Algorithmes pour mesurer la validation sociale
3.1.1 Approche 1 : mesure du degré d’accord entre annotateurs
3.1.2 Approche 2 : agrégation récursive de scores d’arguments
3.1.3 Approche 3 : extension d’un système d’argumentation bipolaire
3.2 Limites de la validation sociale
4 Définition d’une mesure de similarité basée sur l’usage des documents 
4.1 Définition de la notion d’usage d’un document
4.2 Modélisation des EPA organisationnels dans un multi-arbres
4.3 Calculs de similarités basés sur l’usage
4.3.1 Similarité d’usage entre répertoires
4.3.2 Similarité d’usage entre documents
4.3.3 Similarité d’usage entre usagers
4.4 Apports et discussion de la similarité d’usage
5 Amélioration des six activités documentaires : détail des processus intégrés 
5.1 ADAPTAFFICHAGE : améliorer l’exploitation des documents
5.2 PROTODOC : améliorer la création et la finalisation de documents
5.3 RECO : améliorer la diffusion des documents
5.4 RÉORG : aider à l’organisation thématique des documents
5.5 NAVI : améliorer l’accès à l’information
6 Visualisation multi-facettes et exploration du capital organisationnel 
6.1 Interface multi-facettes d’accès au capital organisationnel
6.1.1 Aspect statique de l’interface : représentation du capital organisationnel
6.1.2 Aspect dynamique de l’interface : exploration du capital organisationnel
6.1.3 Mise en oeuvre de l’interface multi-facettes proposée
6.2 Discussion de la proposition
7 Limites et synthèse de la contribution 
7.1 Limites de la contribution
7.2 Synthèse de la contribution
III Implantation et expérimentation des propositions 
1 Introduction 
1.1 Aperçu des expérimentations réalisées
1.2 Aperçu du développement réalisé : le prototype TafAnnote
2 Expérimentation de la validation sociale d’annotation collective 
2.1 Méthodologie de l’expérimentation
2.1.1 Constitution du corpus d’expérimentation : 13 débats argumentatifs
2.1.2 Tâches des participants : étiquetage et synthèse des opinions
2.1.3 Plate-forme pour l’expérimentation écologique en ligne
2.1.4 Recrutement des participants : appel à participation international
2.2 Résultats : analyse des évaluations des 121 participants
2.2.1 Analyse quantitative des 121 participations
2.2.2 Analyse qualitative des 121 participations
2.2.3 Les algorithmes de validation sociale approximent-ils la perception humaine ?
2.3 Discussion de l’expérimentation
3 Expérimentation de la mesure de similarité basée sur l’usage des documents 
3.1 Protocole d’expérimentation
3.1.1 Hypothèse : complémentarité entre similarité de contenu et d’usage
3.1.2 Constitution du corpus d’expérimentation
3.1.3 Méthodologie
3.2 Vérification de l’hypothèse sous expérimentation
3.3 Bilan de l’expérimentation de la mesure de similarité basée usage
4 Implantation de la contribution : le prototype TafAnnote pour améliorer les activités documentaires 
4.1 Description du prototype TafAnnote
4.2 Architecture du prototype TafAnnote
4.2.1 TafAnnote : module serveur
4.2.2 TafAnnote : module client
4.3 Fonctionnalités issues dumodèle unifié et des processus
4.3.1 Niveau « microscopique » : amélioration des activités documentaires
4.3.2 Niveau « macroscopique » : exploration du capital organisationnel
4.4 Discussion et retours d’expérience avec TafAnnote
4.5 Limites du prototype TafAnnote
Conclusion générale
Synthèse des propositions
Champs d’application de notre approche
Perspectives de recherche
Bibliographie 

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