Mesure transcutanée non invasive du CO

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Epidémiologie

L’intoxication au monoxyde de carbone représente un motif fréquent de recours aux urgences. Elle survient le plus souvent en hiver, dans des lieux clos ou dans des contextes d’incendies. Les victimes sont souvent multiples et une évaluation de chaque personne présente sur les lieux semble préférable à un envoi groupé dans un service d’urgence.
En France, on estime le nombre d’intoxications annuelles à environ 4000 (chiffres de l’année 2020), parmi lesquelles une centaine de patients décède, faisant ainsi de l’intoxication au monoxyde de carbone la première cause de décès par intoxication. (1) (2)
Au niveau mondial, l’incidence est estimée à 137 cas pour un million d’habitants, avec une mortalité de 4,6 décès par million d’habitants en 2020. Cette incidence reste stable sur les vingt-cinq dernières années, mais la mortalité a tendance à diminuer. (3)
Ces intoxications restent pourtant sous-évaluées notamment dans les pays les moins développés. Ceci justifie une surveillance particulière en France par les centres anti-poisons et les cellules épidémiologiques inter-régions. (1)

Physiopathologie

La production de CO est liée à la combustion incomplète de matières organiques dans des lieux pauvres en oxygène. Il s’agir d’un gaz incolore et inodore.
La toxicité du monoxyde de carbone résulte de sa liaison à l’hémoglobine (entrant ainsi en compétition avec l’oxygène) et de la formation d’un complexe nommé carboxyhémoglobine (HbCO). La proportion de complexes HbCO augmente aux dépens de la proportion de complexes HbO2 (Oxyhémoglobine) du fait d’une affinité du CO pour l’hémoglobine 200 à 250 fois supérieure à celle de l’oxygène. La présence de complexe HbCO entraîne donc une diminution du transport de l’oxygène mais également une difficulté de relargage de l’oxygène dans les tissus en lien avec une modification de la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine. Par ailleurs, des mécanismes de toxicité directe existent notamment par fixation à la myoglobine et au cytochrome A3 entrainant une dysfonction de la chaîne respiratoire mitochondriale et ainsi une production de radicaux libres responsables d’une toxicité endothéliale (4), (5).

Présentations cliniques

On distingue plusieurs types d’intoxications. En cas d’intoxication aigue, les symptômes sont très variés allant du patient asymptomatique, au coma ou au choc cardiogénique. Dans les formes légères à modérées, les patients décrivent le plus souvent des céphalées, des nausées, une asthénie, des vertiges (4). Dans les formes sévères, on retrouve des tableaux neurologiques avec confusion, trouble de vigilance, convulsions, (6) ou bien des tableaux  cardiologiques avec arythmie, dysfonction ventriculaire gauche, ischémie myocardique, choc cardiogénique (5). En cas d’intoxication chronique (même à faible dose), les symptômes évoluent sur plusieurs jours à semaines entraînant une confusion, des troubles mnésiques, des troubles du comportement, des difficultés d’apprentissage, des troubles visuels ou auditifs. La clinique très aspécifique peut entraîner un retard diagnostique (Annexe 1).
Il existe un syndrome dit « post-intervallaire » survenant dans les suites d’une intoxication au CO, après 2 à 40 jours sans symptôme. Les patients doivent être prévenus du risque de survenue de ces lésions neurologiques retardées pouvant entraîner somnolence, troubles du comportement, troubles mnésiques, troubles anxieux ou syndrome extra-pyramidal. Ces lésions sont sous-tendues par l’apparition d’une démyélinisation diffuse de la substance blanche et d’une atrophie hippocampique. Dans 75% des cas, ce syndrome post intervallaire est résolutif dans l’année suivant son installation. Certains patients conservent malheureusement des séquelles à long terme. La sévérité de la symptomatologie initiale ne semble pas être liée à l’apparition d’un syndrome post-intervallaire. A l’inverse, une exposition prolongée au CO semble favoriser la survenue de ces symptômes retardés.(4) (6)

Diagnostic

Les critères diagnostiques et la définition de l’intoxication au monoxyde de carbone sont peu abordés dans la littérature scientifique. Dans de nombreuses études, les auteurs ne définissent pas l’intoxication au monoxyde de carbone. Dans d’autres études, seul le taux de carboxyhémoglobine ou seule la concentration dans l’air ambiant sont pris en compte. Le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (remplacé en 2006 par le Haut conseil de Santé Publique), a élaboré en 2006 un tableau regroupant les définitions d’une intoxication certaine ou probable (Annexe 2), (7).
En France, les définitions s’appuient sur les seuils de carboxyhémoglobine sanguine ou sur les valeurs estimées obtenues dans l’air expiré. La mesure de référence est la carboxyhémoglobinémie artérielle, toutefois, en 1995, Touger et son équipe ont montré que la carboxyhémoglobinémie veineuse était équivalente. (8)
On retiendra le plus souvent un seuil de 5% d’HbCO chez les non-fumeurs et un seuil de 10% chez les fumeurs. Ces seuils étant variables entre les études on pourra retrouver d’autres valeurs, notamment le seuil de 10% chez les non-fumeurs et de 15% chez les fumeurs. En France, certains protocoles appliquent des seuils de 3% chez les non-fumeurs et 6% chez les fumeurs (cf Annexe 3).
Cependant, il faut soulever l’importance du délai entre l’intoxication au CO et le prélèvement sanguin. La demi-vie de la carboxyhémoglobine est en moyenne de 4 heures, et l’administration d’oxygène préalablement au prélèvement sanguin est à même de modifier le taux de carboxyhémoglobinémie. Une oxygénothérapie normobare fait chuter la demi-vie de la carboxyhémoglobine à 80 minutes, et l’oxygénothérapie hyperbare à 20 minutes environ (4).

Traitements

L’oxygénothérapie (a fortiori hyperbare) permet d’accélérer la dissociation de la carboxyhémoglobine. Toutefois la toxicité cellulaire directe perdure après élimination des complexes HbCO. Ainsi, en 2006, le Haut Conseil de Santé Publique suggère une oxygénothérapie pendant au moins 12 heures (7). L’oxygénothérapie hyperbare peut être proposée dans certaines situations : chez les femmes enceintes, en cas de trouble de conscience, d’atteinte cardiaque ou de carboxyhémoglobinémie très élevée (9–11). La prise en charge devra être globale afin de ne pas méconnaître de défaillance associée.
Toutefois, l’utilisation de l’oxygénothérapie hyperbare reste controversée ainsi que la poursuite de l’oxygénothérapie après normalisation de l’HbCO (i.e. <3%). Les protocoles de prise en charge sont variables selon les centres (Exemple du protocole du CHU de Nantes en Annexe 3)

Mesure transcutanée non invasive du CO

En 2005, la firme Masimo développe un capteur de CO transcutané, approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) afin de permettre un diagnostic individuel précoce des intoxications (12,13) . Un outil pour détecter les intoxications au monoxyde de carbone de manière précoce, rapide et non-invasive a donc été déployé.
Néanmoins, l’utilisation de cet outil comme méthode de triage est controversée dans la littérature. Certains considèrent qu’il ne permet pas d’exclure une intoxication au CO (14) tandis que d’autres articles affichent une très bonne sensibilité chez les patients admis aux urgences (supérieure à 90%) (15).
En Europe, il est largement utilisé notamment par les sapeurs-pompiers, afin d’éliminer une intoxication et d’éviter de transporter certains patients vers l’hôpital (16). La firme productrice du dispositif le décrit comme un outil permettant la réalisation de ce tri pré-hospitalier (17). Toutefois, utiliser ce dispositif pour réaliser un tri pré-hospitalier nécessiterait une sensibilité suffisante (18). En 2017, une revue systématique de la littérature est réalisée pour répondre à plusieurs questions sur les intoxications au monoxyde de carbone. La première d’entre elle consiste à déterminer si la mesure non invasive de la carboxyhémoglobine est fiable pour poser le diagnostic d’intoxication. La recommandation de ce groupe d’experts est de ne pas utiliser cet outil comme test diagnostique en attendant une nouvelle étude ou une méta-analyse permettant de conclure sur les performances diagnostiques de ce test. (19)
L’objectif de notre travail était d’évaluer les performances diagnostiques de ce dispositif en réalisant une revue systématique de la littérature puis une méta-analyse. L’étude a été enregistrée sur Prospero sous le numéro CRD 42020177940.

Matériels et méthodes

Choix des études sélectionnées

Pour réaliser une revue systématique de la littérature, nous avons utilisé des algorithmes de recherche qui ont été appliqués aux bases de données Medline, Embase, Cochrane et Open grey. Ils comprenaient les termes suivants : (oximetry, pulse oximetry, CO oximeter, CO oximetry, pulse CO oximetry, noninvasive) et (carboxyhemoglobin, carboxyhaemoglobin, COHb). La population concernée était des sujets adultes ou non, qu’ils soient sains ou malades. Tous les designs d’étude étaient retenus (expérimental, observationnel ou interventionnel). Toutes les études comparant la mesure de la SpO2 à l’HbCO étaient incluables. Le dispositif de détection transcutanée ayant été développé en 2005, seules les études publiées après 2000 ont été sélectionnées, sans restriction de langue. Les études animales ont été exclues. Les résultats ont été obtenus le 12 mars 2020.
De manière indépendante, deux personnes (François Javaudin et Chloé Latour) ont sélectionné les études s’intéressant à la performance diagnostique de la mesure transcutanée de monoxyde de carbone en fonction de la valeur d’HbCO sanguine. La méthode PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses) a été appliquée pour réaliser cette sélection. En cas de discordance sur le choix d’un article, celui-ci était relu entièrement par les 2 mêmes personnes, puis son inclusion était discutée. Un seul article était concerné par une discordance qui a pu être résolue par consensus.

Extraction des données et évaluation de la qualité

Deux personnes (François Javaudin et Mathilde Papin) ont ensuite extrait les données suivantes de chacun des articles sélectionnés : type d’étude, type de centre, nombre de centres, nombre de sujets, nombre d’observations, population étudiée, dispositif testé, présence d’un sous-groupe, seuil d’HbCO, seuil de SpCO, délai entre les mesures de SpCO et d’HbCO, sensibilité et son intervalle de confiance à 95%, spécificité et son intervalle de confiance à 95%, nombre de patients intoxiqués, nombre de patients sains, nombre de vrais positifs, nombre de faux positifs, nombre de vrais négatifs, nombre de faux négatifs, valeur prédictive positive et son intervalle de confiance à 95%, valeur prédictive négative et son intervalle de confiance à 95%, aire sous la courbe et son intervalle de confiance à 95%, biais moyen et son intervalle de confiance à 95%, les limites supérieures et inférieures de 95% (limits of agreement) et leurs intervalles de confiance à 95%, coefficient de corrélation r. (20)
Celles-ci ont été réunies dans un tableau destiné à l’analyse statistique.
Nous avons ensuite évalué les critères de qualité de chacune des études à l’aide de l’outil QUADAS-2. Cet outil est recommandé pour l’évaluation de la qualité des études diagnostiques (21). L’outil permet, en plusieurs phases, de décrire la question posée par l’étude, d’étudier le diagramme de flux, d’évaluer le risque de biais et de critiquer l’applicabilité des résultats à la question posée. Deux personnes (Chloé Latour et Mathilde Papin) ont ainsi évalué de manière indépendante les différents biais potentiels de chaque étude dans la sélection des patients, l’utilisation du test étudié, l’utilisation du test de référence et la chronologie de réalisation de ces deux tests. Chacun de ces items permet de classer l’étude en différentes catégories de risque. En cas de discordance sur la classification en « haut risque », « faible risque » ou
« risque incertain », la classification était ensuite discutée. Toutes les discordances ont pu être résolues par consensus.

Objectifs et analyses statistiques

L’objectif principal était de calculer la sensibilité et la spécificité de la SpCO pour évaluer l’HbCO. Les objectifs secondaires étaient d’estimer une courbe ROC (Receiver Operating Characteristic) ainsi que le biais moyen et les limites supérieures et inférieures de 95% de la mesure (limits of agreement).
Les analyses ont été réalisées par Brice Leclère et Oussama Gasmi sur le logiciel R version 4.0.3 (2020-10-10). Une description rapide du jeu de données a été réalisée à l’aide de statistiques descriptives adéquates : effectifs et proportions pour les variables qualitatives, moyennes, écarts-types, médianes et quartiles pour les variables quantitatives. En cas de données manquantes pour les effectifs du tableau de contingence, ces données ont été recalculées à l’aide des indicateurs de performances rapportés dans les articles.
La méta-analyse a été réalisée à l’aide du package mada version 0.5.10 (Philipp Doebler (2020). mada: Meta-Analysis of Diagnostic Accuracy. R package version 0.5.10.https://CRAN.R-project.org/package=mada). Elle a porté sur les mesures de sensibilité et de spécificité. Une sensibilité et une spécificité moyenne et leurs régions de confiance à 95 % (95% confidence region) ont été estimées à l’aide d’un modèle bivarié linéaire mixte proposé en 2005 par Reitsma et al. (22).
Des courbes de type summary ROC curve (SROC) ont également été estimées, selon trois méthodes décrites par plusieurs auteurs : Rutter et Gatsonis (23), Moses, Shapiro et Littenberg (24) et Rücker et Schumacher (25).
Une analyse des « limits of agreements » ou limites d’observation a été réalisée en s’appuyant sur la méthode décrite par Tipton et Shuster (26). Les limites cliniquement acceptables pour la SpCO ont été définies à plus ou moins 5% autour de la valeur prédite (27). Ces limites d’observation s’approchent d’un intervalle de confiance : elles aussi contiennent 95% des valeurs prédites.
Une analyse du biais de publication a été réalisée à l’aide d’un funnel plot de Deeks (Deeks’ funnel plot) et sa significativité a été testée à l’aide du test associé. Cette méthode est recommandée pour l’évaluation des études diagnostiques (28)

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Table des matières

Introduction
1 – Epidémiologie
2 – Physiopathologie
3 – Présentations cliniques
4 – Diagnostic
5 – Traitements
6 – Mesure transcutanée non invasive du CO
Matériels et méthodes
1 – Choix des études sélectionnées
2 – Extraction des données et évaluation de la qualité
3 – Objectifs et analyses statistiques
Résultats
1 – Caractéristiques des études sélectionnées
2 – Evaluation de la qualité des études sélectionnées
3 – Sensibilité – Spécificité
4 – Limits of agreements
5 – Recherche d’un biais de publication
Discussion
1 – Synthèse
2 – Utilisations possibles de la SpCO
3 – Alternatives
4 – Limites
Conclusion
Annexe 1 : Symptômes et stades de sévérité
Annexe 2 : Définition des cas probables et certains
Annexe 3 : Protocole de prise en charge des intoxications au monoxyde de carbone du CHU de Nantes
Annexe 4 : Score QUADAS-2
Annexe 5 : Liste des abréviations
Bibliographie

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