Mesure en continu de la turbidite en réseau d’assainissement unitaire

La pollution des milieux naturels par les rejets urbains de temps de pluie a trouvé une réponse politique dans la mise en place de lois de plus en plus strictes en matière de contrôle, d’évaluation et de limitation des rejets. Scientifiques et gestionnaires se heurtent toutefois à un manque d’outils pour comprendre et gérer les flux polluants transportés et rejetés lors des événements pluvieux.

Depuis quelques décennies, de nombreuses études sur les sources et les flux des polluants dans les réseaux d’assainissement unitaires ont été menées. Les résultats ont souligné l’importance de la pollution des rejets urbains de temps de pluie et l’impact négatif de cette pollution sur les milieux récepteurs (Saget et al., 1995; Ellis and Hvitved Jacobsen, 1996; Smullen et al., 1999; Gromaire et al., 2001; Passerat et al., 2011). Ils ont confirmé l’importance des MES comme vecteurs de certains contaminants transportés par temps de pluie (Chebbo et al., 1995; Ashley et al., 2005; Gasperi et al., 2008a, 2011) et ils ont souligné le rôle fondamental joué par les processus de sédimentation / érosion (Ahyerre, 2001; Ashley et al., 2005; Celestini et al., 2007; Oms et al., 2008; Gasperi et al., 2010).

Ces résultats ont été obtenus par des méthodes classiques de prélèvements-analyses en laboratoire. Cette pratique présente plusieurs inconvénients notamment le coût élevé des prélèvements et des analyses. Par conséquent, les données sont limitées à quelques événements (de l’ordre de 5 événements par site) (Gromaire et al., 2007), et au maximum 24 prélèvements par événement (Bertrand-Krajewski et al., 2008) qui ne couvrent pas toute la gamme de variabilité des régimes hydraulique et hydrologique (Langeveld et al., 2005; Lacour et al., 2009b; Métadier and Bertrand Krajewski, 2011). Il en résulte des incertitudes importantes dans l’évaluation des flux des MES (Mourad et al., 2005c) et une faible représentativité temporelle de la dynamique des phénomènes du transport solide dans le réseau d’assainissement ((Kanso et al., 2005b)).

Pour mieux comprendre la dynamique inter- et intra-événementielle des flux de MES, l’évaluation en continu de la concentration en MES est essentielle. Dans ce contexte, la mesure en continu de la turbidité s’est développée car elle permet d’avoir indirectement accès à la mesure de la dynamique de la pollution particulaire, notamment lors d’événements pluvieux. De récentes études ont montré la possibilité d’utiliser cette mesure pour contrôler la qualité des effluents (Langeveld et al., 2005; Lawler et al., 2006) et estimer les flux de MES aux échelles événementielles et annuelles avec une faible dispersion par rapport aux méthodes d’échantillonnage classiques (Lacour et al., 2009a; Metadier and Bertrand-Krajewski, 2011b). La relation entre la turbidité et la concentration en MES reste cependant une question difficile à appréhender (Ruban, 1995; Bertrand Krajewski et al., 2010). En effet cette relation dépend de plusieurs paramètres, notamment les caractéristiques des particules en suspension(Mishendo et al., 1999) qui sont variables dans les eaux résiduaires urbaines (Marechal, 2000; Kafi-Benyahia et al., 2005). Ces paramètres sont liés à la nature des effluents, et peuvent varier en temps sec selon les heures et les jours et en temps de pluie en fonction des événements pluvieux.

En 2007 les observatoires français en hydrologie urbaine OPUR-Paris, OTHU-Lyon et ONEVU-Nantes ont coordonné leurs efforts pour améliorer la fiabilité et la reproductibilité des mesures en continu de la turbidité en réseaux d’assainissement (Joannis et al., 2008; Joannis et al., 2010). On dispose donc à l’heure actuelle de bases de données solides et fournies dont l’exploitation systématique doit permettre de valider et compléter les connaissances déjà acquises sur la production et le transfert des particules par temps de pluie.

A l’échelle événementielle on observe une grande variabilité des concentrations qu’on ne parvient pas à prédire de manière satisfaisante par des modèles stochastiques ou déterministes (Mourad et al., 2005a; Métadier, 2011). Pourtant ces concentrations moyennes sont assez stables pour différentes échelles spatiales (Kafi-Benyahia et al., 2008). Il en est de même pour les masses à cette différence près que celles-ci peuvent être prédites avec une assez bonne précision par des modèles statistiques. L’intérêt de ce résultat a souvent été sous-estimé car la concentration et le volume étaient considérés comme des variables indépendantes, et la masse comme une grandeur dérivée.

MESURE EN CONTINU DE LA TURBIDITE EN RÉSEAU D’ASSAINISSEMENT UNITAIRE 

La qualité des effluents est caractérisée par de nombreux paramètres auxquels on ne peut accéder que par des analyses en laboratoire, réalisées sur des échantillons prélevés in situ. Ces opérations sont lourdes, coûteuses et inadaptées à une surveillance en routine (BertrandKrajewski et al., 2008; Joannis et al., 2010). De plus elles ne fournissent qu’une vision très lacunaire des phénomènes, car ceux-ci se caractérisent par une grande variabilité dans le temps (Langeveld et al., 2005; Lacour et al., 2009b; Métadier and Bertrand-Krajewski, 2011) et nécessite un échantillonnage temporel intensif. Elles sont bien sûr inadaptées pour le développement et la validation des modèles de calcul de flux polluants en réseau d’assainissement (Jack et al., 1996; Ahyerre et al., 1998; Kanso et al., 2007).

Les turbidimètres permettent d’obtenir en continu et à pas de temps court une information sur la charge particulaire, ce qui permet d’accéder à la dynamique des phénomènes de transport solide (Ruban, 1995; Marechal, 2000). Ils procurent également une information indirecte sur un certain nombre de contaminants associés aux particules en suspension (Bertrand Krajewski et al., 2010). Cette information est moins spécifique, plus globale, dans le sens où elle ne cible pas des contaminants particuliers comme le font les analyses en laboratoire. Mais en contre partie l’échantillonnage temporel obtenu s’avère très représentatif. Ces turbidimètres suscitent un intérêt croissant de la part des chercheurs et des services opérationnels. En particulier, les chercheurs français travaillant sur les sites expérimentaux en hydrologie urbaine (OPUR à Paris, OTHU à Lyon, ONEVU à Nantes) expérimentent depuis un certain nombre d’années l’efficacité et les gammes d’emploi des capteurs et des méthodes permettant leur exploitation (Joannis et al., 2008). Les résultats obtenus confirment que, la mesure de turbidité en réseau d’assainissement unitaire peut être mise en œuvre avec précision et fiabilité à condition de suivre une démarche métrologique rigoureuse incluant l’étalonnage des sondes, l’implantation in situ et la maintenance régulière des capteurs (Ruban et al., 2008; Lacour, 2009; Joannis et al., 2010). En assainissement, les habitudes et les prescriptions réglementaires font que les mesures optiques de turbidité sont souvent traduites en concentrations de contaminants, telles que les matières en suspension (MES) ou la demande chimique en oxygène (DCO). Les relations entre paramètres optiques et MES restent une question difficile à appréhender (Ruban, 1995; Bertrand Krajewski et al., 2010). En effet, la relation théorique entre la turbidité et la concentration en MES dépend non seulement de la quantité des particules, mais aussi des caractéristiques de ces particules notamment la granulométrie, la densité, la forme ou encore la teneur en matière organique des particules et la longueur d’onde du signal lumineux utilisé. Cette relation risque donc d’être variable dans les eaux urbaines parce que les particules en suspension ont des caractéristiques très variables, suivant la nature de l’effluent (temps sec ou temps de pluie), l’heure de la journée par temps sec et les caractéristiques des événements pluvieux.

Malgré cette variabilité éventuelle, la turbidité a été mise en œuvre pour étudier le transport solide dans différents domaines : réseau d’assainissement, rivière (Lawler et al., 2006; Minella et al., 2008; Némery et al., 2010), milieu marin et estuarien (Mitchell et al., 2003).

MESURE DE LATURBIDITÉ 

Définition de la turbidité 

La turbidité est définie par la norme NF EN ISO 7027 (NF EN ISO 7027, 2000) comme « la réduction de la transparence d’un liquide due aux matières non dissoutes » c’est-à-dire colloïdales et ou en suspension. Elle dépend donc de la concentration en MES de l’échantillon mais également des caractéristiques optiques et géométriques des particules (BertrandKrajewski et al., 2000; Ruban et al., 2010).

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PARTIE I ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
CHAPITRE 1 MESURE EN CONTINU DE LA TURBIDITE EN RÉSEAU D’ASSAINISSEMENT UNITAIRE
1 INTRODUCTION
2 MESURE DE LA TURBIDITÉ
2.1 Définition de la turbidité
2.2 Principe de mesure
2.3 Unités de mesure
2.4 Théorie de la turbidimétrie en atténuation
3 APPLICATION DE LA TURBIDIMÉTRIE AUX EFFLUENTS UNITAIRES
3.1 Mise en œuvre de la mesure de turbidité en réseau d’assainissement
3.2 Incertitudes
3.3 Calibration MES-Turbidité
3.3.1 Relations MES-Turbidité pour les effluents urbains
3.3.2 Etablissement de relations MES-Turbidité
3.3.3 Variabilité des relations MES-Turbidité
3.3.4 Précision des évaluations de MES obtenues à partir d’une relation MES-Turbidité
4 CONCLUSION ET PERSPECTIVES
CHAPITRE 2 SOURCES, FLUX ET TRANSFERT DES MES EN RESEAU D’ASSAINISSEMENT UNITAIRE
1 INTRODUCTION
2 IMPORTANCE DES MES COMME VECTEUR DE CONTAMINANTS
3 LES ENTREES
3.1 Les retombées atmosphériques
3.2 Eaux de ruissellement
3.2.1 Ordre de grandeur de la concentration en MES
3.2.2 Variabilité intra-événementielle
3.2.3 Processus d’accumulation et d’entraînement et leurs modélisations
3.2.3.1 Accumulation des solides sur les surfaces urbaines
3.2.3.2 Entraînement sur la surface
3.2.3.3 Evaluation des modèles
3.3 Eaux usées
3.3.1 Eaux usées domestiques
3.3.2 Eaux industrielles et commerciales
3.4 Lavage des voiries
3.5 Entrées indirectes : les eaux parasites d’infiltration
4 STOCK DE DÉPÔTS EN RESEAU UNITAIRE
4.1 Typologie des dépôts du réseau d’assainissement
4.2 Localisation et dynamique de la couche organique
4.3 Modélisation du transport solide en réseau d’assainissement
5 SORTIES
5.1 Eaux usées de temps sec à l’exutoire des réseaux unitaires
5.1.1 Ordre des grandeurs
5.1.2 Variabilité inter et intra-journalière des débits et des flux des MES d’eaux usées
5.1.3 Modélisation des eaux usées de temps sec
5.2 Eaux unitaires de temps de pluie
5.2.1 Ordre de grandeur des concentrations et des flux des MES
5.2.2 Répartition au cours de l’événement pluvieux
5.2.2.1 Courbes M(V)
5.2.2.2 Position relative des pics de concentration et de débit
5.2.3 Modélisation de la qualité des rejets urbains de temps de pluie
5.2.3.1 Modèles statistiques
5.2.3.2 Modèles détaillés
5.2.4 Contribution des différentes sources à la pollution des effluents unitaires de temps de pluie
6 CONCLUSION
PARTIE II SITES ET DONNÉES EXPÉRIMENTAUX
CHAPITRE 3 SITES ET DONNÉES EXPÉRIMENTAUX
1 INTRODUCTION
2 HURRBIS
2.1 OPUR
2.2 OTHU
2.3 ONEVU
3 SITES ET DONNÉES EXPÉRIMENTAUX
3.1 Sites Nantais : Cordon Bleu et Saint-Mihiel
3.1.1 Description des sites
3.1.2 Base de données
3.1.3 Représentativité des sites CB et SM par rapport aux objectifs de la thèse
3.2 Sites Parisiens : Marais, Quais et Clichy
3.2.1 Description des sites
3.2.2 Base de données
3.2.2.1 Mesure en continu: Quais et Clichy
3.2.2.1.1 Mesures pluviométriques
3.2.2.1.2 Découpage en événements pluvieux
3.2.2.1.3 Jours de temps sec identifiés
3.2.2.2 Eaux de ruissellement : Marais
3.3 Site Lyonnais : Ecully
3.3.1 Description du site
3.3.2 Base de données utilisée
4 CONCLUSION
PARTIE III REPRÉSENTATIVITÉ DE LA TURBIDITÉ POUR ANALYSER LE TRANSPORT SOLIDE DANS UN RÉSEAU D’ASSAINISSEMENT UNITAIRE
CHAPITRE 4 REPRÉSENTATIVITÉ DE LA TURBIDITÉ POUR ANALYSER LA CONCENTRATION EN MES
1 INTRODUCTION
2 VARIABILITÉ DU RAPPORT MES/TURBIDITÉ
2.1 Méthodologie générale
2.2 Caractérisation globale de la variabilité du rapport aij
2.2.1 Méthodologie
2.2.2 Résultats
2.3 Décomposition de la variabilité
2.3.1 Méthodologie
2.3.2 Résultats
2.4 Tests statistiques
2.4.1 Méthodologie
2.4.2 Résultats
2.4.2.1 Variabilité inter-site
2.4.2.2 Variabilité intrasite
2.5 Typologie statistique des événements
2.5.1 Méthodologie
2.5.2 Résultats
2.5.2.1 Regroupement des événements
2.5.2.2 Facteurs explicatifs des groupes
2.5.2.2.1 Influence de l’intensité maximale de la pluie
2.5.2.2.2 Influence dur rapport DCO/MES
3 CORRELATIONS MES-TURBIDITE
3.1 Pourquoi construire des relations MES-Turbidité
3.2 Comparaison de relations linéaires avec et sans terme constatnt
3.3 Variabilité des relations MES-Turbidité
4 CONCLUSION
CHAPITRE 5 REPRÉSENTATIVITÉ DE LA TURBIDITÉ POUR ANALYSER LE FLUX DE MES TRANSPORTÉS PAR TEMPS DE PLUIE
1 INTRODUCTION
2 EVALUATION DES MASSES EVENEMENTIELLES À PARTIR DE MESURES EN CONTINU DE TURBIDITÉ
2.1 Propagation des erreurs à l’échelle intra-événementielle lors de l’utilisation d’une relation moyenne turbidité –MES
2.2 Méthodologie de calcul des incertitudes
2.2.1 Modélisation des erreurs d’estimations induites par l’utilisation d’une relation moyenne MES – turbidité
2.2.1.1 Choix d’un modèle
2.2.1.2 Loi lognormale
2.2.1.3 Distributions obtenues
2.2.2 Simulation
2.2.3 Données utilisées et notion de sites synthétiques
2.3 Résultats
3 REPRÉSENTATIVITÉ DE LA TURBIDITÉ POUR ANALYSER LA DYNAMIQUE DES FLUX DE MES À L’ÉCHELLE INTRA-ÉVÉNEMENTIELLE
3.1 Méthodes
3.1.1 Données utilisées
3.1.2 Calcul du débit et du flux des MES
3.1.3 Critère de comparaison
3.2 Résultats
4 CONCLUSION
CONCLUSION GÉNÉRALE

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