Mesure échographique de l’intima-média carotidienne en médecine générale

Relation entre l’épaisseur intima-media carotidienne et l’évaluation du risque cardiovasculaire

   Il a été démontré que l’EIMC pouvait prédire la survenue future d’un événement cardiovasculaire, y compris d’un syndrome coronarien aigu, qu’elle soit associée ou non à des scores de risque comme celui de Framingham, et indépendamment de maladie cardiovasculaire connue. Huit études prospectives ont été publiées sur l’EIMC et le risque de maladie cardiovasculaire incluant au moins 1000 participants (et ont été par la suite revues en metaanalyse (10)) : ARIC n°1 (11), ARIC n°2 (12), CAPS (13), CHS (14), KIDH (15), Yao City (16), MDCS (17), Rotterdam (18). Ces études ont toutes démontré que l’EIMC était associée de manière significative au risque d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral, de décès par coronaropathie ou d’une combinaison de ces effets. De plus, elles présentent des conclusions similaires à une autre étude avec plus de 10000 participants (19). L’étude ARIC (11) a montré qu’après chaque augmentation de 0,19 mm de l’EIM, le risque de décès ou d’IDM augmente de 36% chez les sujets d’âge moyen (45 à 65 ans). Dans une cohorte ayant inclus 4476 sujets dont l’âge est égal ou supérieur à 65 ans (étude CHS (14)), il est constaté qu’il existe une très bonne corrélation entre la valeur de l’EIM, l’incidence de l’infarctus du myocarde et de l’accident vasculaire cérébral chez l’adulte asymptomatique au-delà de 65 ans. « The Rotterdam study » (20) est une autre étude de type cas-témoins menée à Rotterdam sur 4,2 ans et ayant colligé 374 patients des 5965 patients ayant été inclus dans l’étude. Elle a montré que l’épaisseur intima média permettait de prédire les événements cardiovasculaires et la survenue d’accident vasculaire cérébral au même titre que les facteurs de risque classiques. L’étude « KIHD» (21) incluant 2181 sujets à Kuopio en Finlande, a montré qu’une EIMC > 1 mm multiplie le risque d’accident ischémique cérébral à quatre ans par 1,3 et d’IDM par 2. Une étude de Hodis et al. (22) a montré que pour chaque augmentation annuelle de 0,03 mm de l’EIMC, le risque relatif d’infarctus du myocarde non mortel ou de décès coronarien était multiplié par deux et que celui d’événement coronarien était multiplié par trois. Une étude de Polak et al. (23) a montré qu’un changement annuel de l’EIMC dépassant 0,0264 mm était associé à un risque d’incident vasculaire cérébral multiplié par 2. En outre, une méta-analyse (10) a conclu que, après ajustement sur l’âge et le sexe, le risque relatif d’infarctus du myocarde était de 1.15 (95% CI, 1.12-1.17) et d’accident vasculaire cérébral était de 1.18(95% CI, 1.16-1.21), respectivement tous les 0,10mm au niveau de l’artère carotide commune. De nombreuses études révèlent cette association entre l’EIMC et le risque cardiovasculaire (24) (25) (26) (27) (28).

Définition échographique de l’épaisseur intima-media carotidienne

   C’est au moyen d’échographies réalisées en mode B à haute résolution que Pignoli, en 1986, définit ce qu’est l’épaisseur intima-média de la carotide commune. Il valide sa théorie par des études anatomopathologiques. Cette nouvelle méthode quantitative et sensible permet d’analyser les modifications précoces de la paroi artérielle liées à l’athérosclérose (3). Sur le plan échographique, la paroi artérielle se décompose selon 3 liserés distincts (figure 3) :
– un liseré interne plutôt isoéchogène
– un liseré intermédiaire anéchogène ou très hypoéchogène
– un liseré externe hyperéchogène
Ces liserés ne sont pas superposables aux différentes tuniques. En effet, l’échographie ne révèle pas les différentes structures histologiques elles-mêmes mais les interfaces qui les séparent. De ce fait, l’intima forme 2 interfaces : sang/intima et intima/média. Il n’est cependant pas possible en échographie de faire la différence entre l’intima et la média. La résolution spatiale des appareils reste supérieure à l’épaisseur de l’intima qui correspond à quelques micromètres (cellules épithéliales pavimenteuses très aplaties, 1 à 2 µm). De plus, l’interface intima/média est peu réfléchissante et donc difficilement discernable. Pour ces raisons, seuls les échos générés par l’interface sang/intima sont visibles, masquant largement ceux provenant de l’interface intima/média. Au contraire, l’interface média/adventice est bien marquée. Cela rend possible la mesure entre ces 2 interfaces sang/intima et média/adventice, délimitant l’épaisseur intima-média, considérée généralement comme l’épaisseur de la paroi artérielle. Il est à noter que cette mesure n’est réalisable qu’au niveau du mur postérieur, le plus éloigné de la sonde. Sur la paroi proximale, les échos issus de l’interface tissus adventiciels/média empiète sur la média et rendent la mesure de l’épaisseur plus compliquée et imprécise. Cette mesure peut être réalisée sur la plupart des vaisseaux de moyen et gros calibre, ceci dit, et malgré le fait que le bulbe carotidien et l’artère carotide interne soient plus enclins au développement de l’athérosclérose (29) (24), c’est au niveau de l’artère carotide commune, à distance de la bifurcation, que les meilleures conditions de reproductibilité et de précision ont été démontrées (30) (31) (32) (33) (34). Le consensus de Mannheim suggère que la mesure idéale de l’EIM est celle effectuée au niveau de l’artère carotide commune (35). Dans l’étude ARIC, 91,4% des mesures au niveau de l’artère carotide commune ont été correctement réalisées contre 77,3% au niveau du bulbe et 48,6% au niveau de l’artère carotide interne (24). Dans l’étude de Rotterdam, les mesures de l’EIMC ont été possibles dans 96% des cas au niveau de l’artère carotide commune, contre 64% au niveau du bulbe et 31% au niveau de l’artère carotide interne (36).

Analyse statistique

   Deux analyses statistiques ont été réalisées. La première correspond à une analyse quantitative (numérique continu) qui permet de corréler toutes les variables à l’EIMC. La deuxième correspond à une analyse qualitative (catégorielle) permettant d’associer les variables à la présence ou à l’absence du caractère « moyenne EIMC > 0,9mm ». La saisie des données est réalisée à l’aide du logiciel excel et l’analyse statistique grâce au logiciel JMP Statistical Discovery. Les effectifs et pourcentages ont été utilisés pour décrire les différents critères. Un test du Khi2 d’indépendance a été effectué au seuil de significativité de 5%. Des régressions logistiques univariées et multivariées ont été utilisées afin d’identifier les facteurs liés à l’augmentation de l’épaisseur intima-média carotidienne.

Impact des facteurs de risque cardiovasculaires sur l’EIMC

   Dans cette étude, il ressort que seuls l’âge, le sexe (le sexe masculin étant un facteur de risque) et la présence de plaque influent sur l’EIMC (d’après l’analyse multivariée), ce qui coïncide avec les données de la littérature. Des valeurs normales ont été définies dans la population générale et ont été classées selon l’âge et le sexe. Il en ressort que l’EIMC augmente avec l’âge et pour le même âge, elle est plus élevée chez l’homme que chez la femme (24) (65). Ici, la progression de l’EIMC est de 0,007 mm par an en moyenne.

Limites

  Plusieurs critiques et limites sont à formuler. Tout d’abord le nombre de patients inclus dans ce travail est insuffisant et n’est pas assez représentatif pour extrapoler les résultats à l’ensemble de la population. De plus, le nombre de patients en fonction de chaque facteur de risque n’est quelquefois pas suffisant. Par exemple dans la population étudiée, il n’y a que 22,2% de fumeurs ce qui n’est pas suffisant pour véritablement interpréter l’effet du tabac sur l’EIMC. Ensuite concernant la méthodologie, la réalisation de la mesure a été effectuée manuellement, faute de module logiciel adéquat, ce qui a pu engendrer des variations intra et interindividuelles. La mesure automatique est plus précise et reproductible, c’est d’ailleurs la méthode de choix, recommandée pour cette mesure. Certaines études suggèrent néanmoins que les différences entre la mesure manuelle et semi-automatique restent faibles et que le choix de la méthode devrait être fondé sur des considérations de logistique et de coût essentiellement (80). Un autre point important concernant l’analyse de résultats est à souligner : on ne tient pas compte des traitements en cours. Les effets des traitements visant à contrôler les facteurs de risque cardiovasculaires sur l’EIMC ne sont pas bien connus. Cependant, certaines études s’y sont attelées et ont montré que l’utilisation d’un traitement antihypertensif par exemple permet de diminuer l’épaisseur de l’intima-média carotidienne (81) :
– Effet de l’Amlodipine sur EIMC (réduction EIMC) (82)
– Effet du Ramipril sur EIMC (réduction EIMC) (83)
– Effet du Verapamil sur EIMC (réduction EIMC) (84)
Il en va de même concernant les traitements par statines, cela diminue l’EIMC (85) :
– Effet de la Lovastatine sur EIMC (réduction EIMC, risque CV et mortalité) (86)
Dans cette étude, chaque facteur de risque est considéré par son caractère présent ou absent, comme un critère qualitatif ce qui ne permet pas de nuancer les différents facteurs (ex : HTA sévère de grade 3 versus HTA de grade I). L’utilisation de variables quantitatives aurait permis de mieux affiner les résultats. De la même façon, la durée d’évolution de chaque facteur de risque cardiovasculaire n’a pas été prise en compte. Il est licite de penser qu’un tabagisme évoluant depuis 30 ans à hauteur d’un paquet par jour n’aura pas la même répercussion sur les vaisseaux qu’un tabagisme débuté il y a 2 ans. A noter également que la morphologie des plaques n’a pas fait l’objet d’une analyse, seule la présence ou l’absence a été considérée. Le degré de sténose quant à lui n’a pas été évalué. Il faut aussi expliciter le fait qu’il n’y a pas eu d’ajustement de la limite pathologique de l’EIMC en fonction de l’âge. En effet le seuil pathologique a été fixé à 0,9mm comme ce qui se retrouve dans la littérature (87) (88) : Or, d’après l’étude ARIC investigators (24), l’augmentation de l’EIMC liée à l’âge est en moyenne d’environ 0,015 mm / an chez les femmes et de 0,018 mm / an chez les hommes au niveau de la bifurcation carotidienne, de 0,010 mm / an chez les femmes et de 0,014 mm / an chez les hommes au niveau de la carotide interne, et 0,010 mm / an chez les deux sexes au niveau de l’artère carotide commune. L’EIMC varie avec l’âge (quasiment multipliée par 3 entre 20 et 90 ans. (89)) et augmente chaque année de quelques centièmes de mm, décalant tout autant ce seuil pathologique. Autre point à souligner : comme dit dans l’introduction, la liste des facteurs de risque étudiée n’est pas exhaustive, de nombreux éléments influes sur l’EIMC et de nouveaux facteurs de risques cardiovasculaires sont étudiés, tels que le LDL oxydé (90), (91), la lipoprotéine A (92), l’homocystéine (effets controversés) (93) (94), la C-réactive protéine (95) et le syndrome métabolique (96) (et certains sont encore inconnus). Pour conclure, cette étude permet de mettre en évidence une relation statistique entre plusieurs variables, mais ne permet en aucun cas de statuer sur une relation de cause à effet.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Contextualisation de la problématique et objectif de l’étude
1.1.1 Relation entre l’épaisseur intima-media carotidienne et maladie vasculaire infraclinique
1.1.2 Relation entre l’épaisseur intima-media carotidienne et l’évaluation du risque cardiovasculaire
1.2 Rappels anatomiques / Histologiques
1.3 Définition échographique de l’épaisseur intima-media carotidienne
1.4 Utilisation et intérêt de l’échographie en soins primaires et en médecine générale
2 Matériel et Méthode
2.1 Design
2.2 Population et échantillonnage
2.3 Recueil des données
2.4 Analyse statistique
2.5 Aspects réglementaires
3 Résultats
3.1 Flow chart
3.2 Résultats statistiques
4 Discussion
4.1 Résultats principaux et comparaison avec la littérature
4.1.1 Distribution des valeurs de l’EIMC
4.1.2 Impact des facteurs de risque cardiovasculaires sur l’EIMC
4.2 Limites
4.3 « Pour aller plus loin »
5 Conclusion
6 Bibliographie
7 Liste des abréviations
8 Annexes et iconographies 

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