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Le statut sociométrique
– Définition du statut sociométrique
Le deuxième concept qui nous intéresse dans ce mémoire de recherche est le statut de la personne dans un groupe. Goslin (1997) définit le groupe comme étant un « ensemble d’individus qui vont, pendant un temps, interagir, s’influencer mutuellement et se percevoir comme un nous ». Plusieurs types de groupes existent : structurés, officiels, institutionnalisés, parfois informels et spontanés. Chaque individu appartient à plusieurs groupes. L’effet de ces groupes sur la personne n’est, par ailleurs, pas anodin. En effet, force est de constater qu’un individu ne se comporte pas de la même façon lorsqu’il est seul ou lorsqu’il est au sein d’un groupe. Son comportement peut même différer selon le groupe dans lequel il se trouve (grouped’amis / groupe de sport par exemple). On parle alors de dynamique identitaire. Le groupe structure l’individu et chaque individu structure le groupe auquel il appartient. Le fonctionnement d’un groupe est régi par les rôles et les statuts de ses membres. Le statut est caractérisé par la position des individus les uns par rapport aux autres. Ce statut déterminera des comportements, des rôles. Linton (1968) parle de rôle associé au statut.
Par ailleurs, au sein de ce groupe vont se créer des affinités interpersonnelles que l’on peut définir comme l’attrait entre les individus. Certaines affinités seront réciproques, d’autres seront unilatérales. L’étude des affinités entre les membres du groupe permet de mesurer le degré d’acceptation de chaque personne par le groupe. Impulsée par Moreno (1934) au débutdu XXe siècle aux Etats-Unis, la sociométrie étudie l’attraction et la répulsion entre les individus d’un groupe. Moreno la définit comme « Méthode d’évaluation de la structure des groupes et des relations interpersonnelles à l’intérieur des groupes, qui se donne pour but de quantifier les rapports de choix, d’exclusion ou d’indifférence entre les individus, considérés comme « atomes sociaux » ». La sociométrie permet donc, à l’aide d’outils de mesure tels que questionnaires, entretiens et observations, d’identifier la position affective de l’individu dans le groupe et de déterminer ainsi s’il est populaire, rejeté ou bien encore controversé ou négligé.
– Le statut sociométrique chez le jeune enfant
Avant tout propos, il semble nécessaire de rappeler que le point de départ de toute vie en collectivité est la socialisation. Rocher (1970) la définit comme étant le « processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise tout au long de sa vie les éléments socioculturels de son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité sous l’influence d’expériences d’agents sociaux significatifs, et par là s’adapte à l’environnement social où elle doit vivre. (…).
La socialisation est le processus d’acquisition (…) des « manières de faire, de penser, de sentir propres aux groupes, à la société où une personne est appelée à vivre ». La socialisation intervient très tôt chez le jeune enfant, au départ lors d’interactions avec ses parents, plus largement ensuite avec son entourage proche, puis avec ses pairs notamment lors de sa scolarisation. C’est ce que l’on nomme, en psychologie, l’enculturation.
L’école maternelle a d’ailleurs comme enjeu (B.0 du 25 mars 2015) de permettre à l’enfant de « se construire comme personne singulière au sein d’un groupe », c’est-à-dire « découvrir le rôle du groupe dans ses propres cheminements, participer à la réalisation de projetscommuns, apprendre à coopérer ». En parallèle, l’enseignant aide l’enfant afin qu’il « trouve sa place dans le groupe », se fasse « reconnaître comme une personne à part entière » et qu’il « éprouve le rôle des autres dans la construction des apprentissages ».
Begin (1986), a mené une étude sur 66 enfants de maternelle, âgés de 6 ans, tentant d’expliquer comment les élèves, selon leur statut sociométrique – populaire, rejeté ou moyen – sont perçus par leurs pairs. Il est à noter, dans un premier temps, que dès l’école maternelle les élèves sont en mesure de définir, de façon stable, deux groupes : les populaires et les rejetés. De plus, ils associent à chaque statut une typologie de comportements bien distincts : les rejetés sont caractérisés par des comportements négatifs sans respect des règles (déclencher les bagarres / prêter le moins souvent ses jouets / ne jamais aider les autres / se faire disputer le plus souvent / rire souvent des autres …), tandis que les populaires ne sont pas associés aux comportements négatifs et sont garants des règles (arrêter les bagarres / ne jamais déranger la classe).
Dès les premières années de scolarisation, il apparaît donc qu’à chaque statut sociométrique, les pairs développent une perception comportementale particulière. Ainsi, unstatut positif est lié à des comportements perçus positifs, et à l’inverse un statut négatif est lié à des comportements perçus négatifs.
– Le statut sociométrique à l’école élémentaire
Comme nous l’avons vu, dès les premières années de scolarisation des enfants, il estpossible d’identifier différents statuts sociométriques et de leurs attribuer des caractéristiques comportementales.
En grandissant, l’élève va accorder de plus en plus d’importance à ses pairs. Dans sa relation aux autres, il va construire son identité sociale c’est-à-dire le « sentiment d’être reconnu et de jouer un rôle tout en se percevant comme différent des autres » (Rey, 2004). L’importance des « copains », comme s’accordent à dire les élèves, est réelle : les échanges, les complicités mais aussi les désaccords sont structurants dans le développement de l’enfant et dans son adaptation à son environnement. Néanmoins, bien que les cours d’écoles soient remplies d’élèves qui courent, qui jouent, qui discutent ensemble, tous les enfants ne sont pas intégrés.
Des exclusions existent. Il est à noter que le groupe classe est un groupe particulier, car il n’est pas laissé au libre choix de l’élève, il lui est imposé : il s’agit d’un groupe secondaire, en opposition au groupe primaire dans lequel les relations sont choisies et le sentiment de cohésion fortement présent. Le groupe classe est non seulement imposé à l’individu dans sa composition (on ne choisit pas sa classe et les élèves qui la composent), mais il lui est également imposé dans sa durée (quatre jours et demi par semaine pendant une année scolaire). L’élève qui n’est pas accepté par le groupe, ou qui ne se sent pas accepté par le groupe, doit supporter son rejet réel ou perçu au quotidien. Il parait nécessaire de s’intéresser au profil de ces élèves.
Outils de mesure
Afin de mener à bien cette étude de recherche, trois outils sont nécessaires. Un outil de mesure du statut sociométrique réel de l’élève, un outil de mesure du statut sociométrique perçu de l’élève et un outil de mesure des émotions.
Mesure du statut sociométrique réel de l’élève
Le statut sociométrique réel de chaque élève est recueilli selon la mesure de Maassen, Steenbeek, & Van Geert (2004)
Cette mesure consiste à demander à chaque élève son ressenti quant au fait de jouer avec chaque camarade de sa classe. Trois réponses sont proposées : « j’aime bien jouer avec ce camarade », « j’aime normalement jouer avec ce camarade », « je n’aime pas jouer avec ce camarade ». Suite à cette procédure, menée de façon individuelle avec chaque élève, les résultats sont analysés selon la méthode sociométrique SSrat (Maassen). Cette mesure nous permettra de constituer plusieurs groupes d’élèves en fonction de leur statut social attribué par les pairs (élève rejeté, élève moyen, élève accepté) pour ensuite étudier les émotions ressenties en EPS en fonction de leur statut.
Mesure du statut sociométrique perçu de l’élève
Afin de mesurer le statut sociométrique perçu de l’élève, nous utilisons le questionnaire d’autoévaluation de Soi destiné aux enfants, de Maintier et Alaphilippe (QAEVS, 2006).
Ce questionnaire, inspiré du Self-perception profile for adolescents de Harter (SPPA, 1988), est adapté aux enfants dès l’âge de 6 ans.
Il porte sur le positionnement que s’attribue l’élève par rapport aux autres selon 9 items, permettant ainsi d’appréhender le niveau d’estime de soi. A ces 9 questions a été ajouté un dixième item portant sur le positionnement affectif que s’attribue l’élève dans le groupe classe.
Plus précisément, les 10 items du questionnaire portent sur :
– L’intelligence
– Les capacités manuelles et artistiques (dessin, musique, bricolage)
– Le sport
– La lecture
– Les capacités relationnelles à l’égard des autres enfants
– Les capacités relationnelles à l’égard des adultes
– Les capacités d’expression verbale
– Le travail scolaire
– L’évaluation esthétique de son propre physique
– L’acceptation par les pairs
Ainsi, cela permet d’obtenir un score global sur la perception globale de soi, ainsi que dessous-scores sur la dimension cognitive, corporelle et sociale. Les items sont évalués sur une échelle de 1 à 5.
Précaution : Le questionnaire d’auto-évaluation de Soi et le questionnaire sur le statut sociométrique réel sont administrés de façon rapprochée temporellement, de façon à conserver le même état contextuel dans lequel se trouve l’élève lors de la passation.
Ce questionnaire servira à mesurer quels sont les élèves qui ont une perception sociale de soi positive et ceux ayant une perception négative. Les résultats de cette mesure seront mis en corrélation avec les émotions ressenties en séance d’EPS et comparés avec les résultats obtenus avec la variable statut sociométrique réel.
Mesure des émotions
Enfin, nous étudions les émotions de l’élève en utilisant la mesure Self-Assessment Manikin scale (SAM) de Bradley et Lang (1994).
Le choix s’est porté sur cette échelle car elle présente l’avantage de ne pas présenter desitems verbaux chez l’élève qui peuvent parfois être source de difficulté dans la compréhension et l’interprétation. En effet, cette mesure se présente sous forme d’une échelle graphique avec, pour chaque dimension étudiée, une figurine déclinée en 9 degrés (5 degrés et 4 intermédiaires). Trois questions sont posées sur les émotions ressenties en EPS en lien avec les trois dimensions mesurées avec cette échelle : le plaisir, l’activation et la dominance.
Procédure
Dans un premier temps, il s’agit de rencontrer le directeur d’école ainsi que l’enseignant dont la classe est concernée par l’objet de recherche afin de leur présenter le projet, d’avoir leur intérêt et leur adhésion pour pouvoir mener l’étude dans leur école et leur classe. Il est précisé que l’ensemble des questionnaires sera exploité de façon anonyme c’est-à-dire qu’aucun résultat ne sera communiqué à l’issue de l’expérimentation de façon nominative, le but n’étant pas de tirer des enseignements individuels sur les élèves mais bien d’identifier des tendances globales sur les émotions ressenties en EPS en fonction du statut sociométrique de l’élève.
L’expérience est ensuite présentée aux élèves : il leur est expliqué qu’ils doivent remplir trois questionnaires au total qui serviront d’une part à la constitution de groupes en EPS, d’autre part à comprendre comment ils perçoivent les séances de sport collectif. Il est également largement expliqué aux élèves que leurs réponses sont anonymes et ne seront en aucun caspartagées avec les autres élèves, afin qu’ils se sentent le plus libre possible dans leurs réponses, et afin également de préserver un climat de classe serein.
Mesure du statut sociométrique réel de l’élève
Comme évoqué précédemment, il a été choisi d’utiliser la mesure de Maassen, Steenbeek, & Van Geert (2004) pour étudier le statut sociométrique réel de chaque élève
Pour cela, on utilise la photo individuelle de chaque élève, prise lors des photos de classe, et regroupées sur un même support numérique. Elles seront présentées une à une aux élèves sur ordinateur par l’expérimentateur.
Chacun leur tour les élèves quittent la classe pour aller dans une pièce isolée. Il est expliqué à chacun le déroulé de l’expérimentation. La consigne donnée est la suivante : « La photo de chaque camarade de ta classe va apparaître à l’écran. Pour chacune il faudra dire si tu aimes beaucoup jouer avec ce camarade, si tu aimes jouer normalement avec lui, ou si tu n’aimes pas jouer avec lui ». Il est précisé qu’il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse et qu’il est tout à fait normal d’avoir des préférences. Cette précision est apparue indispensable face à certains élèves qui n’osaient pas dire qu’ils n’aimaient pas jouer avec d’autres.
L’expérimentateur consigne les réponses pour chaque élève sur une feuille préalablement renseignée avec les noms des élèves.
Le dispositif a été mené à l’issue des récréations, lors de séances d’arts visuels mettant en jeu un travail collaboratif, et ce afin de rester au plus proche d’une situation d’interactions entre élèves.
Mesure du statut sociométrique perçu de l’élève
Le questionnaire d’auto-évaluation de Soi (Maintier et Alaphilippe), destiné à mesurer le statut sociométrique perçu de l’élève a été rempli par chaque élève en autonomie. La passation s’est déroulée en classe en même temps par chaque individu. Les modalités de réponses et les items ont été explicités au préalable afin de lever toute incompréhension chez les élèves.
Mesure des émotions
Les émotions ressenties par l’élève en EPS sont mesurées selon le Self-Assessment Manikin scale (SAM) de Bradley et Lang (1994). La passation se passe de façon individuelle, à l’issue d’une séance d’EPS en sport collectif, mettant en jeu des interactions fortes entre élèves. Dans ce questionnaire, trois questions sont posées aux élèves. La première porte sur la dimension plaisir, la seconde sur l’activation et la troisième sur la dominance. Pour chaque question une figurine exprimant des degrés différents de réponse est proposée. L’élève coche celle correspondant à l’émotion ressentie.
Situation d’EPS
L’activité choisie pour mener à bien cette étude, est une situation de jeux collectifs, plus particulièrement une séance de handball. Pour chaque séance, c’est l’enseignant qui a constitué les groupes de façon à ce que les équipes soient hétérogènes au niveau de leurs membres, mais suffisamment homogènes entre elles. Chaque partie durait 8 minutes. Deux équipes jouaient pendant qu’une troisième équipe observait et arbitrait.
Pour chaque séance le barème de points était le suivant :
– Un match gagné comptait deux points
– Un match nul comptait un point
– Un match perdu ne rapportait aucun point
A l’issue de la séance un bilan était effectué avec les élèves sur les points forts et les points à améliorer pour progresser. C’est lors de cette phase principalement que certains élèves se trouvent nommément cités par leurs camarades quant à leur jeu ou leur attitude durant la partie.
Statut sociométrique perçu et émotions
La seconde hypothèse émise stipule que la nature des émotions ressenties en EPS par l’élève est corrélée à la façon dont il se perçoit par rapport à ses pairs.
L’analyse des corrélations indique un lien significatif entre la perception de soi et la composante d’activation, et un lien significatif entre la perception de soi et la composante dominance. En revanche, aucune relation n’apparait entre la perception de soi et la valence des émotions.
Par ailleurs, ces résultats se confirment en partie au niveau des sous échelles du questionnaire de perception de soi. En effet, le domaine cognitif est positivement lié aux composantes d’activation et de dominance. Par contre, aucune relation significative n’apparait entre le domaine corporel et les différentes composantes des émotions. Ce constat vaut également pour le domaine social.
Résultats et hypothèses
Statut sociométrique réel et émotions
Nous avons évoqué dans notre première partie la « portée sociale des émotions » et l’importance du « rôle d’autrui » dans l’émergence de ces émotions (Daniel, Auriac, Garnier, Quesnel & Schleifer, 2005). Autrement dit, plus les élèves sont en interaction et plus ils attribuent une cause sociale à leurs émotions. Ce constat montre donc l’influence des relations interpersonnelles sur le ressenti émotionnel chez le jeune enfant. L’élève ne reste pas indifférent au monde qui l’entoure, son état émotionnel varie constamment en fonction des rapports qui le lient aux autres. On peutalors penser qu’un climat relationnel tendu peut induire des émotions à valence négative.
Les travaux de Scherer, Wallbott & Summerfield (1986) mettaient également en lumière l’impact du contexte situationnel sur les émotions. Chaque émotion de base (la joie, latristesse, la colère, la peur) est liée à un type de situation précise, elle est liée aux expériences vécues par l’individu. La joie, la tristesse et la peur sont particulièrement associées aux expériences relationnelles et sociales. Là aussi, on peut supposer qu’un contexte favorable à l’individu va tendre à provoquer chez lui des émotions positives tandis qu’un contexte situationnel qui le met en difficulté déclenchera des émotions négatives.
Par ailleurs, des études menées sur les élèves et leur statut au sein du groupe, montrent que dès le plus jeune âge les enfants acquièrent un statut social parmi leurs pairs. Nous avons pu le vérifier avec notre échantillon puisque trois catégories d’élèves se sont détachés : les populaires, les rejetés, les moyens.
Begin (1986) a également pu définir, au travers d’une étude chez des élèves de maternelle, que des comportements perçus étaient associés à chaque statut dès le plus jeune âge. Cela signifie bien que très tôt l’individu est en mesure d’identifier le positionnement social de chacun au sein d’un groupe et d’associer des comportements négatifs à un statut rejeté versus des comportements positifs à un statut populaire. Autrement dit, dès les premières années une catégorisation des enfants dans le groupe s’opère. On peut également y associer, en simple logique, qu’une acceptation sociale positive engendre des émotions positives alors qu’une non-acceptation voire un rejet de l’enfant dans le groupe provoque des émotions négatives. 30
Or, les résultats de notre expérimentation par l’analyse de la variance à un facteur (ANOVA) montrent que les composantes émotionnelles – la valence, l’activation et la dominance – sont sensiblement similaires chez les élèves, et ce quel que soit leur statut sociométrique. Autrement dit, dans notre étude, on peut constater que le fait d’être populaire, moyen ou rejeté par ses pairs n’a pas d’influence chez l’élève sur les émotions ressenties en cours d’EPS.
De façon plus précise, pour tous les groupes, la valence des émotions est élevée : l’ensemble des élèves éprouve du plaisir à participer à l’activité sportive proposée. Quant à l’activation, les élèves sont tous modérément activés d’un point de vue émotionnel. Enfin, la dominance s’avère modérée pour chacun : le sentiment de contrôle chez les élèves est réservé qu’ils soient populaires, rejetés ou moyens.
En conséquence, la première hypothèse de cette étude n’est pas confirmée. En effet, nous n’observons pas de corrélation entre la nature des émotions ressenties en EPS par l’élève et le niveau d’acceptation de l’élève par ses pairs. Nous tenterons de trouver des pistes permettant d’expliquer en partie ces résultats et de proposer des axes de réflexion dans la prochaine partie.
Statut sociométrique perçu et émotions
Nous avons également abordé, au début de cet écrit, la perception que peuvent avoir les enfants de leur statut au sein du groupe. Nous nous sommes demandés si les élèves étaient objectifs quant à leur véritable statut sociométrique, autrement dit si la représentation qu’ils ont de leur niveau d’acceptation sociale est en adéquation avec le statut que leur attribuent leurs pairs.
Les travaux de recherche de Paradis et Vitaro (1999) ont démontré que certains élèves au statut rejeté se perçoivent positivement, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas conscience que leurs pairs leur attribuent ce statut. Ce sont des enfants qui pensent être intégrés au groupe. Or cette vision erronée engendre une réponse comportementale chez les autres enfants qui en retour les apprécient plus que les élèves rejetés se considérant négativement, c’est-à-dire sepercevant réellement comme rejetés. Nous pouvons donc penser que la perception sociale que l’on a de soi modifie les perceptions que les autres ont de nous, et en conséquence agit sur les relations interpersonnelles. Et si nous faisons le lien avec les émotions, nous pouvons également supposer, en lien avec les travaux évoqués précédemment, que cela se répercute également sur les émotions ressenties. De bonnes relations entre enfants générant des émotions positives.
Nous nous sommes également appuyés sur les travaux de Dion (1989) qui a aussi travaillé sur les différents types d’enfants rejetés, en les catégorisant selon trois critères : retiré, agressif, retiré-agressif. Là encore il est constaté que pour les enfants rejetés-agressif la perception du statut dans le groupe est faussée : il existe un écart entre le statut sociométrique réel attribué par les pairs et le statut sociométrique perçu par l’individu lui-même. On peut penser ici qu’avoir une perception positive de soi engendre des émotions différentes que dans le cas d’une perception négative.
C’est ce que nous avons mesuré au travers du test de corrélation de Bravais-Pearson portant sur le statut sociométrique perçu et les émotions ressenties. Nous avons constaté que plus un élève a une bonne perception globale de lui-même, plus il sera activé d’un point de vue émotionnel et plus il aura un sentiment de contrôle. Une vision globale de soi positive engendredonc des émotions fortes et contrôlées. Par contre, cette perception positive de soi n’influence pas la valence de ses émotions. La notion de plaisir / déplaisir n’est pas mise en jeu.
Ces résultats se vérifient dans la sous-échelle cognitive, mais pas dans les deux autres souséchelles. Autrement dit, la perception qu’a l’élève de lui-même d’un point de vue corporel et
social n’a pas d’influence sur la nature de ses émotions. Ce constat sous-entend qu’en situation d’interactions sociales en EPS, la perception que l’élève a de son corps et la perception qu’il a de son intégration dans le groupe n’a pas d’effet sur ses émotions. Ce serait donc la perception cognitive de lui-même qui serait prédominante sur le ressenti des émotions.
La seconde hypothèse émise dans cette étude stipulait que la nature des émotions ressentiesétait corrélée au statut sociométrique perçu de l’élève. Force est de constater que les résultats de notre expérimentation montrent qu’elle n’est donc qu’en partie vérifiée.
Limites
Comme évoqué précédemment, les résultats obtenus suite aux expérimentations ne permettent pas de confirmer les hypothèses émises dans leur globalité. Nous devons donc nous interroger sur les limites de ce travail à différents niveaux.
Les outils
Les outils choisis pour mesurer l’influence du statut sociométrique réel et perçu sur les émotions ressenties en EPS par les élèves sont des questionnaires ou échelles déjà existants et validés scientifiquement. Aucun outil n’a été créé spécifiquement pour les expérimentations, et ce afin de ne pas créer de biais dans le recueil des données.
De la même façon, les analyses et tests mis en œuvre pour traiter et analyser les données recueillies sont informatisés et reconnus pour leur fiabilité.
L’ensemble des outils utilisés pour mener à bien cette recherche ne présentent donc pas de biais a priori.
La passation des questionnaires
Les questionnaires présentés aux élèves ont été scrupuleusement administrés de manière identique.
En effet, l’expérimentation a été menée :
– par la même personne,
– dans des lieux identiques (classe, pièce séparée),
– de la même façon (face à face, auto-évaluation),
– avec des supports similaires (utilisation de diaporama photo, trame de présentation des questionnaires identiques),
– dans une temporalité précise (à l’issue d’une séance de sport, au retour de récréation, pendant une séance de travail collaboratif).
Ensuite, la situation sportive était semblable d’une classe à l’autre. Chaque groupe a effectué une séance de handball mettant en jeu des interactions sociales fortes. Il n’y a pas, à ce niveau, de différences notables d’un groupe à l’autre.
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Table des matières
Introduction
1. Cadre théorique
1.1. Concepts et champs théoriques
1.1.1. Les émotions
1.1.2. Le statut sociométrique
1.2. Problématique et hypothèses
1.2.1. Problématique
1.2.2. Hypothèses
2. Méthodologie
2.1. Echantillon
2.2. Outils de mesure
2.2.1. Mesure du statut sociométrique réel de l’élève
2.2.2. Mesure du statut sociométrique perçu de l’élève
2.2.3. Mesure des émotions
2.3. Procédure
2.3.1. Mesure du statut sociométrique réel de l’élève
2.3.2. Mesure du statut sociométrique perçu de l’élève
2.3.3. Mesure des émotions
2.3.4. Situation d’EPS
2.4. Outils d’analyse des données
2.4.1. Statut sociométrique réel et émotions
2.4.2. Statut sociométrique perçu et émotions
3. Résultats
3.1. Description des résultats
3.1.1. Statut sociométrique réel des élèves
3.1.2. Statut sociométrique perçu des élèves
3.1.3. Emotions
3.2. Statut sociométrique réel et émotions
3.3. Statut sociométrique perçu et émotions
4. Discussion
4.1. Résultats et hypothèses
4.1.1. Statut sociométrique réel et émotions
4.1.2. Statut sociométrique perçu et émotions
4.2. Limites
4.2.1. Les outils
4.2.2. La passation des questionnaires
4.2.3. La situation d’EPS
4.2.4. La population étudiée
4.3. Perspectives
4.3.1. Le choix de l’APSA
4.3.2. La stabilité du statut sociométrique de l’élève
4.3.3. La typologie de l’école
5. Retour réflexif
5.1. La conduite du projet « mémoire »
5.2. La posture de questionnement et la constitution d’un regard « nouveau » sur l’activité
5.3. Le travail d’écriture
5.4. L’acquisition de compétences professionnelles 3
Conclusion
Bibliographie
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