Une membrane fluide à l’échelle microscopique
Nous nous intéressons à une membrane qui a les propriétés d’un fluide bidimensionnel formé de deux feuillets. On peut donc distinguer les mouvements des molécules par diffusion latérale, par diffusion rotationnelle et par passage d’un feuillet à l’autre (voir figure I.7 p. 10) . Diffusion latérale et rotationnelle Les molécules de lipide peuvent diffuser librement dans la bicouche ; un coefficient de diffusion a été mesuré par diverses techniques, et sa valeur est de l’ordre de D = 10−12 m2/s (mesure par la Fluorescence Recovery After Photobleaching (FRAP) [Lipowsky and Sackmann, 1995a, p. 305]), la valeur précise dépendant bien entendu du type de lipide. Enfin, la possibilité existe pour les lipides de passer d’une bicouche à l’autre (ce qu’on désigne par le terme anglais flip-flop). Néanmoins c’est un phénomène qui reste lent car il est très défavorable de faire passer la tête polaire des lipides à l’intérieur de la zone hydrophobe constituée par les queue des lipides. Il faut noter que ce passage d’un feuillet à l’autre a bien lieu dans les membranes biologiques. En effet des enzymes, les flipases sont capables de favoriser fortement ce mouvement [Alberts et al., 1989, p. 449]
Quelques paramètres modifiant les paramètres physiques
Effet de la température Le module de rigidité de courbure dépend de la température. En général il diminue légèrement lorsque la température augmente [FernandezPuente et al., 1994] ; il faut aussi noter que lorsqu’on s’approche de la température de transition vers la phase cristal liquide ce module chute fortement à cause d’effets prétransitionnels [Méléard et al., 1997; Lee et al., 2001; Fragneto et al., 2003] . Enfin lorsqu’on élève la température, il n’est pas surprenant de trouver une aire stockée dans les fluctuations qui augmente et une baisse de la tension effective [Häckl et al., 1997]. En effet, les lipides ont des coefficient de dilatation linéique (pour des lipide en bicouche) bien plus élevé que celui de l’eau. Ainsi le rapport surface/volume de la vésicule augmente avec la température ce qui conduit logiquement à une baisse de la tension. Renormalisation du module de rigidité de courbure par les fluctuations Comme la tension est renormalisée et ainsi malgré une aire totale fixée, une tension effective apparaît (voir § B.1.5 p. 14), le module de rigidité de courbure est renormalisé par la présence des fluctuations, pour, comme on l’imagine, donner une valeur plus faible (il apparaît logique qu’une membrane froissée soit plus facile à courber), et surtout une valeur qui va dépendre de q⊥ et donc de l’échelle à laquelle on mesure le module de rigidité de courbure de la membrane. Des simulations numériques [Gompper and Kroll, 1995; Gompper and Kroll, 1996] et des expériences [Roux et al., 1992] viennent étayer ce modèle. Dans le cas des GUVs, ce facteur de renormalisation est de l’ordre de 2kT. Perméabilité de la membrane à l’eau Les membranes lipidiques sont particulièrement imperméable à l’eau, avec une perméation typique de 1−10×10−13 m3/N.s ; c’est en effet une des raisons pour lesquelles elle est utilisée par la cellule pour isoler son cytoplasme du milieu extérieur. Cette perméabilité diminue lorsqu’on s’approche de la température de transition vers l’état cristal liquide. Elle est mesurée à l’aide d’expérience de micropipettes ou de chocs osmotiques légers [Jansen and Blume, 1995; Bloom et al., 1991; Olbrich et al., 2000].
Vésicules décorées de polymères
Les membranes biologiques sont naturellement recouvertes de polymères, ce qui permet de limiter les contacts entre cellules. Cette couche fait partie d’un édifice plus complexe appelée glycocalix [Alberts et al., 1989, pp. 299-300]. Un système biomimétique constitué d’une vésicule géante sur laquelle est greffée une couche de polymères solubles (du polyéthylèneglycol par exemple) a été réalisé [Baekmark et al., 1995; Bruinsma et al., 2000]. Le même type d’expériences a aussi été réalisé sur des petites vésicules [Kuhl et al., 1994]. Par ailleurs, d’un point de vue plus physique, les conséquences d’une couche de polymère greffée à la surface d’une vésicule géante ont été étudiées. Les auteurs mesurent une augmentation du module de rigidité de courbure d’une manière significativement différente de celle attendue d’après les lois d’échelles, et éventuellement des séparations de phases entre les lipides portant le polymère en excès et une autre phase comportant les lipides simples, saturés en lipides greffés [Evans and Rawicz, 1997]. Des travaux théoriques et des simulations numériques ont aussi étudié les formes prises par ces vésicules, ainsi que les modifications physiques de la membrane afin d’offrir un modèle prédictif [Breidenich et al., 2000]. Enfin, on peut noter le fait que les vésicules décorées sont étudiées également dans le but d’en faire un vecteur de substance médicamenteuse qui ne soit pas détruit par le système immunitaire [Martin and Lasic, 1995]. Ce sont en général des vésicules de tailles intermédiaires plus faciles à préparer et moins fragiles («liposomes furtifs»). Pour une revue sur les membranes décorées, on pourra se reporter à [Lipowsky, 1997].
Tubes de membranes
Il est possible de former des tubes de membranes lorsqu’on exerce une force localisée sur une vésicule géante. Ceci est possible en fixant un point de la vésicule et en la plaçant dans un flux [Waugh, 1982; Rossier et al., 2003], en utilisant la gravité [Bo and Waugh, 1989], ou en tirant sur la membrane par l’intermédiaire d’une bille piégée dans une pince optique [Raucher and Sheetz, 1999; Koster et al., 2003]. La force nécessaire pour tirer un tube dépend de la tension et du module de rigidité de courbure. La technique a été utilisée pour comparer les modules de rigidité de courbure de membranes, ou pour mesurer la friction intramembranaire [Evans and Yeung, 1994]. Cependant si la tension pouvait être fixée (par une micropipette par exemple), cette technique pourrait fournir assez facilement le module de rigidité de courbure de nombreux types de membranes à partir de la mesure de la force.
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Table des matières
I Introduction
I.1 Les vésicules géantes à l’équilibre et hors-équilibre
A. De la molécule amphiphile à la vésicule
A.1 La vésicule, une phase particulière des lipides dans l’eau
B. Propriétés physico-chimiques des vésicules géantes
B.1 Modélisation physique de la vésicule
B.1.1 Une membrane fluide à l’échelle microscopique
B.1.2 La membrane à l’échelle macroscopique : un milieu continu
B.1.3 Premières théories sur l’énergie élastique d’une membrane
B.1.4 Vers le modèle ADE
B.1.5 La tension
B.2 Conséquences physiques
B.2.1 Spectre de fluctuations, excès d’aire
B.2.2 Formes des vésicules
B.2.3 Quelques paramètres modifiant les paramètres physiques
B.3 Influence de la composition
B.4 Inclusions de protéines ou de peptides dans les membranes
B.4.1 Cas général
B.4.2 Cas particulier des protéines membranaires
B.5 D’autres sortes de vésicules géantes
B.5.1 Vésicules et protéines solubles
B.5.2 Vésicules décorées de polymères
B.5.3 Polymersomes
B.5.4 Membranes lipidiques polymérisées
C. Diverses techniques d’investigation des vésicules géantes
C.1 Observation directe, reconnaissance de contours
C.2 Expériences de micropipettes
C.3 Tubes de membranes
C.4 Diffusion de billes
C.5 Reflexion Contrast Interference Microscopy
C.6 Méthode d’étude en microscopie confocale
C.7 Flux hydrodynamique
C.8 Déformation sous champ magnétique/champ électriques
D. Quelques applications, intérêt pour la biologie
D.1 Système modèle
D.2 Système biomimétique
I.2 Les membranes actives
A. Modèle théorique des membranes actives
A.1 Equations des membranes actives
A.1.1 Hamiltonien
A.1.2 Equation de perméation
A.1.3 Equation de Stokes
A.1.4 Equations Complémentaires
A.2 Equations de Langevin, spectre de fluctuations et fonction d’autocorrélation temporelle des fluctuations
A.2.1 Equations de Langevin
A.2.2 Spectre de Fluctuation
A.2.3 Fonction d’autocorrélation à temps inégaux
A.3 Ordres de grandeur et conséquences
A.3.1 Ordre de grandeur des paramètres dans le cas de la bactériorhodopsine
A.3.2 Simplifications du spectre
B. Mise en évidence expérimentale préexistante
B.1 Principe de la technique de micropipettes
B.2 Résultats dans le cas de la BR
B.2.1 Excès de surface prédit par la théorie
B.2.2 Valeurs obtenue expérimentalement
B.3 Expérience de micropipette sur la ATPase-Ca2+
C. Vers l’analyse de contour
II Techniques de reconnaissance de contours
II.1 Mesure du spectre de fluctuations et des fonctions d’autocorrélation : historique et état de l’art
A. Premières applications de l’analyse d’images à l’analyse des fluctuations
A.1 Travaux sur les globules rouges
A.2 Travaux sur les vésicules géantes
A.2.1 Détection de quelques points particuliers du contour
A.2.2 Détection de portions de contours
B. Vers des méthodes plus fines
B.1 Analyse des fluctuations
B.1.1 Diffusion des objets eux-mêmes
B.1.2 Fluctuation locale de la membrane d’un objet
B.2 Analyse de la forme du globule rouge
B.3 Analyse de contours complets de vésicules géantes
B.3.1 Diverses méthodes de reconnaissance développées par le groupe de E. Sackmann
B.3.2 Méthode développée le groupe de Bordeaux (Faucon, Bivas et Méléard)
B.3.3 Méthode développée par Döbereiner et al
B.4 D’autres méthodes d’analyse des fluctuations
C. Méthodes actuelles de reconnaissance de contours
II.2 De la vésicule fluctuante au fichier de contours
A. Obtention d’une image de la vésicule dans la mémoire de l’ordinateur
A.1 Formation et caractéristiques d’une image de la vésicule en contraste de phase
A.1.1 Principaux éléments du dispositif expérimental
A.1.2 Formation d’une image en contraste de phase
A.1.3 Modélisation de l’image d’une vésicule en contraste de phase
A.2 Acquisition d’une image par la caméra
A.2.1 Caméra analogique
A.2.2 Caméra digitale, amélioration apportées à l’acquisition
A.3 Carte d’acquisition d’image
A.3.1 Cartes à entrée analogique (caméra analogique)
A.3.2 Carte digitale (caméra digitale)
B. Reconnaissance du contour
B.1 Acquisition des images et stockage provisoire
B.1.1 Le principe
B.1.2 Implémentation et optimisation
B.2 Analyse du contour
B.2.1 Première méthode utilisée
B.2.2 La méthode actuelle
B.2.3 Avantages et pistes d’amélioration
II.3 Traitement et analyse
A. Sélection des contours
A.1 Par le périmètre du contour
A.1.1 Principe
A.1.2 Implémentation
A.1.3 Limites
A.2 En bornant les valeurs des amplitudes des modes
A.2.1 Principe et implémentation
A.2.2 Limites
A.3 Distribution Gaussienne des valeurs des modes
A.3.1 Principe et implémentation
A.3.2 Limites
B. Analyse de Fourier
B.1 Spectre de fluctuations – Comparaison avec les expressions pour des membranes planes
B.1.1 Principe et implémentation
B.1.2 Passage des séries de Fourier aux transformées de Fourier – Membrane de taille finie
B.1.3 Incidence de la courbure sur le début du spectre de fluctuation théorique
B.1.4 Topologie des vésicules – comparaison des spectres de fluctuations pour une membrane plane et en géométrie sphérique
B.1.5 Contour observé dans le plan équatorial de la vésicule
B.1.6 Intégration en temps
B.1.7 Précision de la détection ; limitation des spectres
B.1.8 Domaine de validité de la comparaison du spectre obtenu expérimentalement avec les modèles théoriques
B.2 Erreurs de mesure sur le spectre de fluctuation
C. Conclusion
III Mesures
III.1 Dispositif Expérimental
A. Fabrication des liposomes géants
A.1 Préparation des solutions
A.1.1 Solution Stock
A.1.2 Solution courante
A.2 Fabrication du dépôt sur la lame de pousse
A.2.1 Dépôt
A.2.2 Séchage
A.3 Electroformation des GUVs
B. Système expérimental
B.1 Cellule d’observation
B.2 Protocole de fabrication et de remplissage de la cellule d’observation
B.2.1 Traitement au PEG
B.2.2 Transfert des vésicules
B.2.3 Observation et choix de la vésicule
III.2 Un modèle de vésicule active
A. La bactériorhodopsine, origine et structure
A.1 Origine de la Bactériorhodopsine
A.2 Structure
B. Fonctionnement de la BR
B.1 Relation structure-fonction
B.2 Cycle de fonctionnement
C. Dépendance avec le milieu environnant
D. Marquage de la protéine
D.1 Le marquage
D.2 Limites de ce système
D.3 Améliorations possibles
E. Fabrication de protéoliposomes géants
E.1 Ancienne méthode (Manneville, Levy et Rigaud)
E.1.1 Solution de lipides et BR
E.1.2 Limites
E.2 Nouvelle méthode de préparation des protéoliposomes géants
E.2.1 Solubilisation de la protéine
E.2.2 Reconstitution en petits liposomes
E.2.3 Le dépôt
E.3 Tests de la nouvelle méthode
E.3.1 Vésicules purement lipidiques
E.3.2 Absence d’aggrégats de BR dans la membrane
E.3.3 Contrôle de la quantité de BR incorporée
E.3.4 Contrôle de l’activité de la BR reconstituée
E.3.5 incorporation symétrique
E.4 Conclusion
III.3 Mesures sur des vésicules passives
A. Protocole expérimental, traitement des données et analyse
A.1 Adaptation du protocole expérimental
A.2 Traitement des contours
A.3 Analyse
A.3.1 Expression du spectre de fluctuations
A.3.2 Calcul des erreurs
A.3.3 Procédure de fit
A.3.4 Effet de la gravité
B. Résultats
B.1 Mesures des rigidités de courbure
B.2 Conclusion
III.4 Mesures sur les vésicules hors-équilibre
A. Membranes actives contenant une pompe
A.1 Spectre de fluctuations ; résultats attendus
A.1.1 Spectre de fluctuations du contour dans le plan diamétral
A.1.2 Prise en compte de l’intégration en temps
A.2 Compléments sur le protocole de préparation
A.2.1 Solutions utilisées
A.2.2 Éclairage de la préparation
A.2.3 Obtention de vésicules fluctuantes
A.3 Méthode complémentaire d’analyse des résultats
A.3.1 Calcul des erreurs
A.3.2 Résultat brut, introduction d’une correction du bruit
A.4 Résultats
A.4.1 Effet de la présence des protéines
A.4.2 Effet du gradient électrochimique et/ou du potentiel
transmembranaire
A.4.3 Effet de l’activité de la Bactériorhodopsine
A.5 Conclusion
B. Membranes hors équilibre par apport de lipides
B.1 Mesures effectuées dans un régime quasi à l’équilibre
B.1.1 Périmètre du contour
B.1.2 Spectre de fluctuation moyenné sur des temps courts
B.2 Etude des premiers modes et de leurs fluctuations
B.2.1 Utilisation des critères de changements de forme à l’équilibre
B.3 Fonction d’autocorrélation temporelle des modes
B.3.1 Principe
B.3.2 Validation sur les membranes passives
B.3.3 Résultat sur le système hors équilibre
B.4 Conclusion
IV Conclusion
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