Mesure de la conformité de la qualité
Revue des connaissances
Le survol de la littérature permet de constater que quelques travaux ont été réalisés portant sur le sujet à l’étude. La plupart d’entre eux visaient à quantifier la récupération possible de valeur quant à l’utilisation de logiciels d’optimisation pour effectuer le choix du patron de façonnage à utiliser. Ce choix permettait une transformation subséquente créant plus de valeur. D’autres études ciblaient quant à elles l’impact de l’opérateur sur la productivité, en fonction de l’expérience de ce dernier. Finalement, il est pertinent de survoler la littérature visant les courbes d’apprentissage des travailleurs forestiers de même que ceux traitant de la précision pouvant être obtenue des données provenant de la tête d’abattage. Dans le premier cas, la courbe d’apprentissage représente un élément majeur étant donné que, pour les opérateurs, l’emploi de l’ordinateur de bord implique souvent un changement dans la méthode de travail s’accompagnant d’une période d’apprentissage et d’adaptation. La connaissance de la précision du système de mesure de la tête est également importante, car ce sont ces données qui seront utilisées lors des analyses.La littérature pertinente sur l’utilisation des ordinateurs de bord a donc été regroupée en deux grandes catégories. La première catégorie regroupe les études ciblant l’aspect de la productivité, tandis que la deuxième catégorie regroupe les travaux portant sur l’aspect de la qualité et de la conformité du façonnage.
Productivité
De nombreux facteurs peuvent avoir un impact sur la productivité de l’opération de récolte du bois à l’aide d’une abatteuse-façonneuse (Hiesl et Benjamin, 2013). Par exemple, des études ont été réalisée pour vérifier l’effet du volume par tige (mètre-cube par tige) (Jiroušek et al, 2007 ; Nakagawa et al, 2010; Gerasimov et al, 2011; Spinelli et al, 2002), du diamètre à hauteur de poitrine (DHP) moyen des tiges récoltées (Nakagawa et al, 2010), de la composition en essences du peuplement (Gerasimov et al, 2011) et de la longueur des produits façonnés (Spinelli et al, 2002).Les impacts sur la productivité de l’automatisation de certaines fonctions de l’abatteuse-façonneuse ont aussi été étudiés. L’étude de Brander et al. (2004) cherchait à évaluer l’impact de l’automatisation de différentes fonctions reliées au contrôle de la flèche d’abattage sur la productivité. L’équipe de chercheurs disposait d’un simulateur : ils ont donc pu évaluer la productivité de chaque opérateur dans des conditions de travail contrôlées. La base de comparaison est par conséquent équivalente grâce au contrôle des variables telles que la pente, la densité des tiges et les conditions climatiques, rendant plus aisées les comparaisons.
Les comparaisons ont été réalisées entre la productivité d’un opérateur d’expérience (aucune automatisation) et les productivités obtenues par des opérateurs inexpérimentés, qui ont successivement employé différentes fonctions d’automatisation du contrôle de la flèche d’abattage. Cinq fonctions ont été étudiées :
1. Alignement automatique de la tête lors du déplacement vers le prochain arbre;
2. Redressement automatique de la tête après abattage (dès que possible);
3. Positionnement pour faciliter le façonnage après la coupe;
4. Déplacement du mât pour créer de nouveaux empilements lors du façonnage de nouveaux produits;
5. Positionnement de la tête dans le sentier lorsque le diamètre non marchand est atteint.
Les résultats ont montré que le cadre actuel d’opération (contrôle manuel, sans assistance de l’ordinateur embarqué pour le contrôle de la flèche) permettait aux opérateurs débutants sur l’abatteuse-façonneuse d’atteindre une productivité moyenne correspondant
à environ 25 % de celle qui était atteinte par l’opérateur expérimenté. La mesure de la productivité de ce dernier représentait l’élément comparatif dans l’étude. Cependant, l’introduction des fonctions de contrôle automatisées de la flèche permettait de réduire cet écart, les opérateurs inexpérimentés atteignant jusqu’à 80 % de la productivité de l’opérateur de référence. L’automatisation des fonctions étudiées permet donc d’atteindre plus rapidement une productivité « satisfaisante », et donc d’atténuer les effets financiers de la période d’apprentissage. Selon Gellerstedt et al. (2005) dans Purfürst (2010), la période d’apprentissage, d’une durée moyenne de 8 mois coûterait jusqu’à 75 000 $ en perte de productivité (pertes non récurrentes). L’automatisation des fonctions de la flèche a aussi permis la réduction du temps nécessaire pour façonner un arbre de 29 %, tout en contribuant à la perception d’une charge de travail moins lourde auprès des débutants. Les effets de l’utilisation des logiciels d’automatisation de la flèche d’abattage sur la productivité d’un opérateur d’expérience n’ont toutefois pas été rapportés. La réalisation strictement en simulateur des expérimentations réalisé par Löfgren et al. (2004) limite donc la portée des résultats dans un contexte opérationnel d’application. Au Québec, étant donné la moyenne d’âge élevée du bassin d’opérateurs en place et une volonté exprimée d’introduire les fonctionnalités d’automatisation des nouvelles têtes d’abattage, il semble pertinent d’étudier ce cas précis.Le facteur humain sur la productivité de l’abattage-façonnage a aussi fait l’objet de quelques études. Tel qu’expliqué par cette traduction libre de Erler et Purfürst (2011), disant qu’ « un opérateur d’expérience est essentiel pour qu’un entrepreneur puisse maximiser son investissement », les opérateurs œuvrant pour un entrepreneur forestier peuvent avoir un grand impact sur les résultats qui seront obtenus par l’équipe de récolte. Le recrutement d’opérateurs compétents est cependant difficile : la complexité des équipements, les changements dans les spécifications de façonnage et les standards élevés de qualité sont autant de facteurs qui complexifient le recrutement. En effet, l’accélération de la mécanisation des opérations de récolte au début des années 1960 (Silversides, 1997), a permis de pallier au manque de travailleurs compétents (spécialisation du métier), d’allonger la saison de travail, de contribuer à réduire les coûts, et a favorisé la diminution de la charge physique de travail imposée aux bûcherons. (Burman et Löfgren, 2007 ; Löfgren et Wikander, 2009). Au fil du temps, la capacité de produire s’est donc améliorée de manière continue. Cependant, l’opérateur a vu sa charge de travail cognitive augmenter significativement. L’aspect humain de l’opération de récolte à l’aide d’une abatteuse-façonneuse est maintenant considéré comme le goulot d’étranglement (bottleneck) de la productivité (Löfgren et Wikander, 2009 ; Hellström et al, 2009). Cela s’explique par l’environnement de travail stressant, occasionné par le haut débit de décisions à prendre. Avec une utilisation moyenne de 24 fonctions durant une période moyenne de 47 secondes de travail par arbre, l’abattage d’une tige représente près de 2000 fonctions actionnées par heure de travail productive, correspondant à autant de prises de décisions (Löfgren et Wikander, 2009). Les meilleurs opérateurs sont d’ailleurs réputés prévoir les interventions sur les 4 ou 5 prochaines tiges, ces décisions s’ajoutant à la charge de travail « immédiate », sans devoir y interférer (Purfürst et Erler, 2011). L’objectif de l’automatisation de certaines fonctions redondantes, ne nécessitant pas de prise de décisions complexes, est donc de permettre à l’opérateur de se concentrer sur les aspects où son intervention est critique. Les décisions visant la sélection des tiges, l’environnement et la qualité sont particulièrement visés par cette mesure. Ce retrait de fonctions permet aussi la création de micropauses, permettant à l’opérateur de relâcher brièvement la tension qu’il applique aux commandes. Cela diminue le risque de blessures reliées au stress, particulièrement dans le cas d’automatisation de fonctions reliées à la manipulation de la flèche d’abattage, activité qui occupe la majorité du temps de travail (Löfgren et Wikander, 2009).
Chaque nouvelle technique de travail ou nouvelle connaissance nécessite une période de mise à niveau. Une utilisation accrue du potentiel informatique embarqué entraînera donc, par exemple, une période d’adaptation (« rodage ») pour tous les opérateurs et entrepreneurs qu’il importe de considérer : l’aspect « humain » est non négligeable. La quantification de l’impact de l’opérateur sur la productivité obtenue varie en effet beaucoup selon les études, passant de 20-50 % à 40-55 % (Glöde [1999], cité par Purfürst et Erler, 2011). Même dans le cas de l’utilisation de la même pièce d’équipement, la variation du rendement offert par différents opérateurs atteint en moyenne 40 % (Kärhä et al. 2004; Ovasikainen [2005] cité par Purfürst et Erler, 2011). À titre d’exemple, Purfürst (2010) a conclu dans le cadre de ses travaux que 70 % de la variation de productivité s’expliquait par le volume par tige (m3/ti), laissant une marge de 30 % où pouvait s’inscrire, entre autres facteurs, l’impact relié directement à la personne procédant à la récolte. Cette même nuance concernant l’importance du volume est aussi exposée par Purfürst et Erler (2011).
L’expérience possédée par l’opérateur représente une variable importante, mais qui dans la plupart des études n’est que mentionnée sans être spécifiquement étudiée. Pourtant, une très forte variation dans le niveau de performance peut être observée entre deux opérateurs possédant une expérience (années) similaire. L’hypothèse de départ fréquemment posée est qu’une augmentation du temps total passé à opérer un équipement favorisera l’acquisition d’habiletés. Le lien n’est toutefois pas direct avec la productivité, car un opérateur habile n’est pas automatiquement un opérateur productif.
Le développement professionnel de chaque individu s’effectue selon une courbe d’apprentissage, divisible en deux phases. La première phase, « sans expérience », est la plus étudiée. C’est à ce moment que les performances connaissent une forte hausse avec l’acquisition de compétence et de pratique : c’est le développement d’automatismes, permettant par la suite un meilleur traitement de l’information (éviter la considération des informations qui deviennent inutiles), de même qu’une diminution des erreurs. Il y a cependant de fortes variations entre les individus concernant la durée de la phase « sans expérience ». Cette phase nécessite en moyenne 9 mois, mais la variation demeure très forte, passant de 6 à 11 mois nécessaires selon les candidats (Purfürst [2010]). Outre les pertes de production, les frais reliés à la formation et l’entrainement d’un nouvel employé, estimés à 15 000 euros (Gellerstetd et al. (2005) dans Purfürst, 2010]), sont des facteurs qu’il importe d’inclure dans la mesure de l’impact de l’opérateur sur les opérations de récolte. La seconde phase, « expérimenté », est celle où le niveau maximal de performance est atteint, et où une constance est assumée. Le début de cette période est aussi très variable selon les individus : l’atteinte du maximum de productivité varie en effet grandement entre chaque individu. Hogg et al (2011) indiquaient qu’un bassin six entrepreneurs ayant tous 18 mois d’expérience avec leur équipement respectif et une formation identique présentaient des écarts de production atteignant jusqu’à 58 % dans le cadre de leur étude. Il demeure aussi nécessaire de considérer les variations intra journalières et intra hebdomadaires, qui peuvent avoir de multiples causes indirectes sur la productivité mesurée.Il n’existe donc pas, à notre connaissance, de travaux déjà effectués visant les mêmes objectifs que ce projet. Plusieurs études ont été réalisées pour vérifier l’impact de différents facteurs sur la productivité de l’abattage-façonnage. Les études sur les différents facteurs environnementaux, tels que le volume par tige, la composition en essences ou le diamètre moyen hauteur de poitrine permettent de valider l’importance du dispositif de collecte de données, pour éviter d’introduire des écarts entre les productivités mesurées attribuables à ces facteurs.
Bien que certains travaux aient été conduits sur l’automatisation de certaines fonctions de contrôle de l’abatteuse-façonneuse, aucune étude n’a spécifiquement étudié les impacts de l’automatisation de la fonction de façonnage. Les conditions de réalisation de ces études étaient toutefois fortement différentes des conditions des forêts boréales québécoises, tout comme les spécifications de façonnage. Finalement, l’impact de l’opérateur sur la production pouvant être obtenue a été étudié, tout comme les différentes phases de leur apprentissage. Ces informations permettent de mieux cerner les gains qui pourraient découler de l’emploi des ordinateurs de bord et de la fonction d’automatisation du façonnage des abatteuses-façonneuses, et de mieux comprendre les périodes d’adaptation qui seront nécessaires lors de l’introduction de nouvelles pratiques de façonnage.
Qualité et conformité des produits
La mesure de la récupération de valeur apparait comme l’élément le plus étudié dans la littérature portant sur la qualité et la conformité des produits façonnés. Le façonnage en forêt a en effet des implications sur les transformations subséquentes de la matière, et de mauvaises décisions peuvent avoir des impacts financiers majeurs. Lorsque cette activité est réalisée en mode « manuel », c’est-à-dire non assisté par un logiciel d’optimisation et où l’opérateur prend toutes les décisions concernant le façonnage, le risque d’erreur augmente grandement, principalement sur le choix de la longueur et du diamètre d’écimage. Cette erreur se traduit par une diminution de la valeur en raison de la discordance entre les produits façonnés et les besoins de l’usine, et cette diminution de valeur peut être comparée avec les résultats obtenus lors de l’utilisation des systèmes d’optimisation. Les travaux recensés ont montré qu’il était possible d’obtenir une hausse de la valeur des produits obtenus variant entre 1 % (Corneau et Fournier, 2005), 7,5 %-19,6 % selon la précision des informations sur la qualité (Olsen et al., 1991), 3 à 23 % (Marshall et al., 2006A), 18 % (Marshall, 2005) et 21 % (Murphy [2003] dans Marshall, 2005) grâce à l’ajout de systèmes d’optimisation lors du façonnage.De manière plus détaillée, l’étude de Marshall (2005) s’est penchée sur l’impact de 5 différentes longueurs de la tige étant mesurée avant le façonnage des billes. Ce sont ces informations qui sont par la suite utilisées pour prendre les décisions de façonnage. L’objectif était de mesurer l’impact des différentes longueurs mesurées sur la valeur créée à la transformation, mais aussi sur la productivité. Le calcul de la productivité est d’ailleurs l’élément distinctif par rapport aux autres documents consultés. L’étude a comparé la méthode conventionnelle de façonnage des billes, soit celle où l’opérateur n’utilise pas de logiciels d’optimisation et prend lui-même toutes les décisions de façonnage, avec des cas où l’arbre était soit mesuré (« scanné ») entièrement avant d’être façonné, soit partiellement mesuré avant le début du façonnage. Le « scan » correspondait à une section de la tige qui était alimentée par les rouleaux d’alimentation de la tête de l’abatteuse-façonneuse et où les informations sur celle-ci étaient collectées avant que l’ordinateur ne détermine le patron de façonnage devant être utilisé. Un scan complet se traduisait donc par le défilement complet de la tige par les rouleaux d’alimentation, puis au retour de la tête à sa position de départ. La tête faisait ensuite défiler à nouveau la tige, en procédant cette fois au façonnage des billes selon le patron de façonnage élaboré sur la base de la collecte des informations mesurée. Les scans partiels pouvaient aussi, dans certains cas, entraîner un retour en arrière de la tête si la solution optimale implique une bille plus courte que la longueur de scan utilisée. Dans le cas des scans partiels, 4 longueurs différentes étaient utilisées (voir tableau 2.1). La longueur de la précision correspondait à la longueur de la bille sur laquelle était effectuée la prédiction. La somme de la longueur mesurée et de la longueur de la prédiction étaient égale à la longueur la plus longue pouvant être façonnée.
Les résultats ont montré qu’une diminution de la longueur mesurée, et donc de la plage de diamètres scannés, diminuait la précision des diamètres projetés sur la partie non mesurée de la bille. En ce qui a trait à la productivité, celle-ci a diminuée avec l’augmentation de la portion scannée préalablement au façonnage (Figure 2.1). Cependant, certains scénarios présentés dans l’étude justifiaient amplement une vitesse de façonnage plus lente par la récupération importante de valeur lors de la transformation subséquente. Les gains estimés étaient tels que des investissements de l’ordre de plus de 2 M$ (au maximum) dans l’équipement d’optimisation semblaient justifiés (Marshall, 2005). Il est à noter que cette étude a été réalisée sur la côte ouest américaine (Oregon et État de Washington) dans des conditions de volume par tige élevé (2.35 m3/ti [Washington] et 0,35 m3/ti [Oregon]). Dans le contexte de réalisation de la présente étude, ces données ne sont pas comparables avec celles qui seront rencontrées. Le volume par tige se chiffre à environ 0,08 m3/ti au Québec en moyenne. De plus, toutes les longueurs de mesure avant façonnage utilisées sont supérieures à celle employée dans le cadre de ce projet.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
1. Introduction
1.1 Objectifs et hypothèses de recherche
2. Revue des connaissances
2.1 Productivité
2.2 Qualité et conformité des produits
3. Matériel et méthodes
3.1 Dispositif de recherche
3.1.1 Mesure de la productivité
3.1.2 Mesure de la conformité de la qualité
3.1.3 Analyses statistiques
3.1.4 Équipements utilisés
3.1.5 Entrevues semi-dirigées
4. Résultats et Discussion
4.1 Productivité
4.2 Taux de conformité de la qualité
4.2.1 Longueurs au seuil de tolérance de ± 5 centimètres
4.2.2 Longueurs au seuil de tolérance de ± 3 centimètres
4.2.3 Diamètre d’écimage des billes
4.2.4 Diamètre des cimes sur le parterre de coupe
4.3 Entrevues semi-dirigées
4.3.1 Expérience et méthode de travail des opérateurs
4.3.2 Perceptions face aux degrés d’automatisation
4.3.3 Perceptions face aux tests
5. Problèmes d’implantations et recommandations
5.1 Dispositif de collecte de données
5.2 Liste de prix
5.3 Calibration
5.4 Formation et réglages des logiciels
6. Conclusion
7. Références
ANNEXE A
ANNEXE B
ANNEXE C
ANNEXE D
ANNEXE E
ANNEXE F
ANNEXE G
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