Nous présentons dans cette partie le principe de la mesure optique du mouvement du résonateur. Nous déterminons la sensibilité attendue, et discutons de la mise en oeuvre expérimentale de cette technique avec des micro-résonateurs.
Mesure de position avec une cavité Fabry-Perot
On considère un faisceau laser injecté dans une cavité Fabry-Perot (Figure 1.1) formée d’un coupleur d’entrée partiellement réfléchissant et d’un miroir déposé sur le résonateur mécanique à étudier. Ce dernier peut être considéré comme totalement réfléchissant, de sorte que, si l’on néglige les pertes du coupleur, l’intensité réfléchie par la cavité est égale en moyenne à l’intensité incidente, et ce indépendamment du désaccord de fréquence entre la cavité et le laser.
L’intensité intra-cavité, par contre, varie en fonction de la longueur de la cavité L. Lorsque L est un multiple de la demi-longueur d’onde λ/2, les différentes ondes créées par les multiples réflexions sur les miroirs interfèrent de manière constructive et l’intensité intracavité I présente un maximum.
Sensibilité de la mesure de petits déplacements
Comme nous venons de l’évoquer, à résonance, la phase du faisceau réfléchi par la cavité Fabry-Pérot de grande finesse est très sensible aux déplacements du résonateur et peut être utilisée pour mesurer sa position. Dans ce paragraphe, on néglige les effets de la pression de radiation sur les miroirs. Pour déterminer la sensibilité d’une telle mesure, il faut prendre en compte les fluctuations quantiques de phase du faisceau lumineux. Si l’on injecte un faisceau laser cohérent dans une cavité sans pertes, le faisceau sortant à résonance retranscrit les fluctuations de la phase du faisceau incident .
Effet de la dissipation dans le résonateur
Jusqu’à présent, nous avons considéré un résonateur idéal sans phénomène de dissipation. La décomposition en modes propres équivalents à des oscillateurs harmoniques va permettre de modéliser les pertes du résonateur en ajoutant un terme d’amortissement dans les équations d’évolution des amplitudes de chaque mode. Tout phénomène de dissipation est accompagné également de fluctuations du système dues au couplage avec le bain thermique que constitue l’environnement extérieur.
Réflecteurs à cristaux photoniques membranaires
Contexte et objectifs
Les cristaux photoniques, introduits pour la première fois par Yablonovitch et John en 1987 [32, 33], sont des milieux électromagnétiques dont la constante diélectrique est modulée de façon périodique dans une ou plusieurs directions de l’espace réel [34]. Ces vingt dernières années, grâce au développement informatique permettant la résolution et la simulation des équations de Maxwell dans des milieux complexes, ainsi qu’à l’amélioration des technologies de croissance et de gravure des semiconducteurs, le domaine des cristaux photoniques a connu un véritable essor. Ces structures offrent la possibilité d’un contrôle modal et spatial de la lumière suscitant un vif intérêt pour la communauté de l’optomécanique. Le premier système optomécanique à avoir été observé dans son état quantique fondamental est d’ailleurs un résonateur utilisant ce type de structure [35].
Conventionnellement, la haute réflectivité des résonateurs optomécaniques est assurée par des dépôts de couches diélectriques formant un miroir de Bragg sur les résonateurs, et qui permettent d’atteindre des réflectivités de plus de 99.999% [36]. Malgré l’incroyable efficacité de cette technologie, leurs pertes mécaniques et leur poids les mettent en défaut pour les applications en optomécanique. En effet, les hautes performances de tels systèmes sont obtenues grâce à un nombre important de dépôts successifs de couches de diélectrique dont l’épaisseur est de l’ordre du quart de longueur d’onde, une trentaine pouvant être nécessaire. Cette contrainte sur l’épaisseur des miroirs alourdit considérablement les résonateurs dont la réponse mécanique et la fréquence sont ainsi réduites. D’autre part, les matériaux utilisés pour la fabrication de ces miroirs étant bien souvent des diélectriques amorphes, ils introduisent, s’ils ne sont pas placés judicieusement [37], des pertes mécaniques ; là aussi un paramètre clef dans le développement de systèmes optomécaniques performants. Les cristaux photoniques, eux, n’entraînent pas de telles limitations. Comme nous allons le présenter dans ce chapitre, c’est la structuration périodique sub-longueur d’onde de l’indice diélectrique du milieu qui sélectionne certains modes optiques et crée ainsi des miroirs performants. De plus, de tels systèmes restent très performants pour des épaisseurs de quelques dizaines de nanomètres, permettant d’atteindre des masses très faibles. Un des autres intérêts de cette technique est qu’elle peut être utilisée sur bon nombre de matériaux diélectriques, ce qui permet d’utiliser des matériaux offrant peu de pertes mécaniques [38].
La méthode d’analyse par couplage entre ondes planes (RCWA)
La méthode présentée ici a d’abord été introduite pour étudier le couplage de la lumière dans les guides d’onde à l’aide de réseaux de diffractions [49]. Elle permet de calculer les propriétés de diffraction d’un réseau en décomposant le problème sur la base des ondes planes correspondantes aux modes diffractés dans le vide. Le réseau doit être composé de couches d’épaisseur finie dans lesquelles l’indice du milieu est périodique. Dans le cas qui nous intéresse, le problème peut se décomposer en trois couches, comme nous l’avons fait dans la section 2.3.2. Comme expliqué dans cette section, nous résoudrons séparément le problème de la propagation dans les différentes couches 1, 2, et 3 du problème, avant de calculer la matrice de diffusion globale en connectant les champs dans les différentes couches grâce aux conditions aux limites. La méthode permet en principe d’obtenir la matrice de diffusion du système pour un nombre arbitraire de couches, toutefois, chaque couche doit vérifier une hypothèse importante : l’indice du milieu (x,y,z) doit être invariant sur l’épaisseur de la couche.
Cas du cristal 1D en polarisation TM Par souci de simplicité, nous présenterons la méthode dans le cas simple où la modulation n’a lieu qu’à une dimension, et pour une polarisation incidente transverse magnétique (le champ magnétique est perpendiculaire au plan de la périodicité).
Limite de la méthode
Bien que très rapide et demandant peu de ressources, ce type de méthode de résolution des équations de Maxwell souffre de quelques limitations. Outre les problèmes de convergence pour les structures de dimension supérieure à 1 en polarisation TM, améliorés par Lalanne [53], ou encore les effets de Gibbs pour des contrastes d’indice important, la méthode ne prend en compte que des ondes planes incidentes et des structures infinies. Or la taille latérale finie du cristal photonique brise l’invariance discrète par translation et donc la conservation du vecteur d’onde dans le plan du cristal (le théorème de Bloch ne peut plus s’appliquer rigoureusement). Bien que l’on puisse imaginer aisément que les cristaux fabriqués aient une taille limitée, ils peuvent être très grands devant la périodicité, on peut alors supposer localement que le mode optique voit un cristal infini. Pour nos applications optomécaniques, notre stratégie fut d’élaborer les structures les plus légères et les plus petites possibles. Ces effets de taille finie sont donc à prendre en compte lors du processus de développement. De plus, dans cette optique de réduction de taille de nos dispositifs, nous allons devoir les placer dans une cavité optique de très petit waist (voir chapitre 4), ce qui augmentera la dispersion des vecteurs d’ondes dans l’espace de Fourier. Il devient donc nécessaire de pouvoir prendre en compte ces différents effets.
La méthode FDTD
Une des techniques naturelles pour résoudre les équations des ondes électromagnétiques dans une structure périodique est la FDTD. Elle fut proposée par K. S. Yee in [54] en 1966, et consiste à discrétiser spatialement et temporellement les équations de Maxwell, transformant dérivées partielles en différences finies et intégrales en sommes, utilisant aux frontières du domaine de calcul les conditions aux limites adéquates aux problèmes traités [55, 56]. Le comportement spectral d’une structure est obtenu en prenant la transformée de Fourier de l’évolution temporelle du champ. Elle offre ainsi la possibilité de simuler des structures de taille latérale finie et un choix de sources des champs varié. Utilisant le package libre Meep distribué par le MIT [57], nous avons dans un premier temps vérifié la concordance de cette méthode avec les résultats obtenus par RCWA .
Déviation conique
Une autre source de déviation par rapport aux simulations faites pourrait être la conicité des trous introduite lors des processus de fabrication. On peut en effet se douter qu’un tel changement de géométrie puisse perturber le comportement en réflexion du cristal photonique. En effet, le cristal perd alors son plan de symétrie horizontale, et pourrait donc voir les conditions d’interférence des deux ordres diffractés dans la membrane modifiées.
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Table des matières
Introduction
1 Mesure de déplacement en optomécanique
1.1 La mesure interférométrique optique
1.1.1 Mesure de position avec une cavité Fabry-Perot
1.1.2 Sensibilité de la mesure de petits déplacements
1.2 Dynamique d’un oscillateur mécanique
1.2.1 Equivalence avec l’oscillateur harmonique
1.2.2 Susceptibilité effective d’un mode acoustique
2 Réflecteurs à cristaux photoniques membranaires
2.1 Contexte et objectifs
2.2 Equations de Maxwell dans un milieu : un problème aux valeurs propres
2.2.1 Equations de Maxwell dans un milieu
2.2.2 Problème aux valeurs propres
2.3 Symétrie du cristal photonique
2.3.1 Invariance par translation discrète : théorème de Bloch-Floquet
2.3.2 Cas d’un cristal membranaire
2.4 Cristaux photoniques : vers un réflecteur en incidence normale
2.4.1 Régime spéculaire
2.4.2 Approche du comportement par la théorie des modes couplés
2.4.3 La méthode d’analyse par couplage entre ondes planes (RCWA)
2.4.4 Réflecteur à cristal photonique à 1D
2.4.5 Réflecteur à cristal photonique à 2D
2.5 Discussions
2.5.1 La méthode FDTD
2.5.2 Influence de la taille du waist
2.5.3 Taille finie du cristal
2.5.4 Déviation conique
2.6 Fabrication
2.7 Caractérisation des membranes à cristal photonique
2.7.1 Mesures préliminaires
2.7.2 Mesures de plateaux de haute réflectivité
3 Conception et caractérisation mécanique du résonateur
3.1 Développement de la géométrie
3.1.1 Etude des mécanismes de perte
3.1.2 Caractérisation mécanique des échantillons
3.2 Méthode de Rayleigh appliquée à une poutre sous tension
3.2.1 Energie potentielle de flexion
3.2.2 Énergie potentielle de tension
3.2.3 Énergie potentielle élastique axiale
3.2.4 Énergie cinétique
3.2.5 Fréquence de résonance
3.3 Régime non linéaire
3.3.1 Modèle de Duffing
3.3.2 Effet statique de la non-linéarité
3.3.3 Effet dynamique de la non-linéarité
4 Mesure et contrôle du bruit thermique
4.1 Comportement d’une cavité Fabry-Perot
4.1.1 Modes gaussiens d’une cavité Fabry-Perot
4.1.2 Évolution du champ dans une cavité Fabry-Perot
4.1.3 Adaptation spatiale du faisceau incident
4.2 Conception de la cavité
4.2.1 Des coupleurs d’entrée à très petit rayon de courbure : µRoC
4.2.2 La cavité à petit col
4.2.3 Caractérisation des µROC
4.3 Présentation du montage expérimental
4.3.1 Dispositif de mesures
4.3.2 Détection de phase du faisceau réfléchi
4.4 Réponse aux forces de Langevin
4.5 La friction froide
4.5.1 Le principe de la friction froide
4.5.2 Implémentation de la boucle de rétroaction
4.5.3 Mesures de refroidissement
4.5.4 L’auto refroidissement
5 Couplage capacitif d’une nano-membrane à cristal photonique
5.1 Modèle analytique pour un diélectrique dans un champ lointain stationnaire
5.1.1 Equation de Maxwell dans un diélectrique
5.1.2 Capacité du peigne d’électrodes en présence d’une diélectrique épais
5.1.3 Cas d’une membrane épaisse
5.1.4 Cas d’une membrane fine
5.1.5 Multicouche
5.2 Fabrication de peignes d’électrodes sous la membrane
5.3 Intégration du dispositif pour l’optomécanique
Conclusion
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