Menace d’accouchement prématuré

La menace d’accouchement prématuré (MAP) est le début d’un processus d’accouchement qui survient entre la 22ème et avant la 37ème SA (la limite inférieure étant imprécise, les progrès actuels de la néonatologie l’abaissent à 22 SA au lieu de 28 SA). C’est un processus qui, si on le laisse évoluer spontanément, aboutit à la naissance d’un prématuré. La MAP se situe au premier rang des complications au cours de la grossesse. Elle est l’une des principales causes d’hospitalisation au cours de la grossesse avec près de 50% des cas loin devant l’hypertension artérielle, le diabète, les hémorragies et la rupture prématurée des membranes [3, 6]. La fréquence de la MAP est de 26% des grossesses au Mali (fréquence hospitalière) [30] et 6% des grossesses en France [18]. Le risque d’accouchement prématuré est variable selon les études (15 à 50 %) [30]. Au Sénégal, Sow et coll [25], avaient retrouvé une prévalence de la prématurité de 28,1 %. La MAP est une pathologie obstétricale ; la prématurité étant la première cause de mortalité et de morbidité néonatale avec plus d’un million de décès annuel dans le monde [3, 6]. Il existe de plus une disparité des présentations cliniques de la MAP : modification franche du col sans contractions utérines ressenties ; contractions utérines nombreuses et intenses ne modifiant pas le col ou bien encore, association de contraction utérine et de modification cervicale. Plusieurs facteurs étiologiques contribuent à sa survenue nécessitant leur identification pour une prévention efficace. Les causes du travail d’accouchement prématuré sont nombreuses avec au premier rang les infections. Mais la plupart des accouchements prématurés surviennent sans cause évidente [3 ,6], ce qui pose souvent un problème dans la prise en charge. Vu ces aspects, la MAP constitue une préoccupation constante dans notre pratique obstétricale. Ainsi, nous nous sommes proposé de faire une étude sur les aspects épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et pronostiques de cette pathologie. Notre étude avait pour objectifs de déterminer les facteurs de risques et étiologies de cette pathologie, d’étudier les aspects cliniques et de planifier la prise en charge afin d’améliorer le pronostic .

DEFINITIONS

L’accouchement est l’ensemble des phénomènes qui ont pour conséquence l’expulsion du fœtus et de ses annexes hors des voies génitales maternelles, à partir du moment où la grossesse a atteint le terme théorique de 22 SA [22]. L’accouchement est dit normal s’il a lieu à terme c’est à dire à partir de 37 semaines d’aménorrhée avec un fœtus unique de proportion normale, un travail eutocique et une délivrance normale. L’accouchement est dit à terme quand il a lieu entre le début de la 37ème SA et la fin de la 42ème SA [8]. La menace d’accouchement prématuré est un état clinique caractérisé par l’apparition des contractions utérines entre la 22ème et la 37ème SA à environ deux (2) contractions utérines toutes les 10 dix minutes pendant au moins une heure, entraînant des modifications du col utérin (raccourcissement, dilatation) qui sans traitement évoluerait vers l’accouchement prématuré [8]. L’accouchement est dit prématuré quand il a lieu entre le début de la 22ème SA et la fin de la 36 ème SA. La définition légale de la viabilité est un terme supérieur ou égal à 22 SA ou un poids supérieur ou égal à 500 grammes selon l’OMS [7]. Il existe deux types de prématurité à savoir, la prématurité induite et la prématurité spontanée. En fonction du terme à la naissance, on a 4 groupes : la prématurité extrême quand l’âge gestationnel est compris entre 22 à 27 SA + 6 jours, la grande prématurité entre 28 à 31 SA + 6 jours, la prématurité modérée 32 à 33 SA + 6 jours et la prématurité tardive 34 à 36 SA +6j [2]. L’accouchement est dit post terme ou terme dépassé quand il a lieu après la 42ème SA. L’accouchement est dit provoqué s’il est consécutif à une intervention extérieure. L’accouchement est eutocique quand il s’accomplit suivant un déroulement physiologique normal, dans le cas contraire on parle de dystocie.

PHYSIOPATHOLOGIE

Au cours de la MAP plusieurs hypothèses sont souvent évoquées pour expliquer le travail prématuré et de nombreux facteurs sont pris en compte .

Rôle des facteurs hormonaux
On connaît mieux le rôle des prostaglandines et de l’ocytocine dans le déclenchement de l’accouchement. Actuellement, les questions portent sur les mécanismes influençant leur synthèse. Le fœtus pourrait jouer un rôle important dans ce processus. La stimulation de l’axe hypothalamo-hypophysaire et surrénalien du fœtus aboutit à la production de deux composants stéroïdiens : le sulfate de dehydroepiandrostérone (DHEA-S) et le cortisol. Au niveau placentaire, le DHEA-S est transformé en oestriol, un composant oestrogénique qui pourrait jouer un rôle en favorisant d’une part la synthèse des prostaglandines, et d’autre part l’expression de récepteurs à l’ocytocine au niveau des cellules musculaires lisses du myomètre .

Rôle du stress
Les facteurs de stress constituent une piste nouvelle de l’étiologie de la prématurité. L’unité foeto-placentaire indique comment le stress maternel ou fœtal, ou l’insuffisance placentaire, peuvent déclencher un travail prématuré. Des travaux rapportent une augmentation des taux plasmatiques de Corticotropin-Releasing Hormone (CRH) avec l’intensité du stress chez les femmes ayant accouché prématurément in vitro, les hormones du « stress » (cortisol, angiotensine, catécholamines, ADH et acétylcholine) augmentent la production de la CRH placentaire. Toutefois, dans une revue de la littérature, Hoffman et Match montrent que les résultats sur la relation entre les facteurs de stress, le stress et la prématurité sont peu concluants .

Rôle de l’infection dans le travail prématuré à membranes intactes
Les études bactériologiques suggèrent que l’infection intra-utérine est responsable de 25 à 40 % des accouchements prématurés [11]. En clinique humaine, il a été montré que les infections maternelles systémiques telles que les pneumonies, les pyélonéphrites, les infections dentaires, la fièvre typhoïde ou le paludisme sont associées à une augmentation du risque d’accouchement prématuré et que leur traitement permet de réduire ce risque [20, 9, 24]. Il existe des marqueurs de l’infection ovulaire et de la prématurité qui sont maternels et ovulaires :

❖ Marqueurs maternels sanguins
– L’ hyperleucocytose maternelle : Goffinet et al. [10], dans leurs travaux sur la prévalence de la vaginose bactérienne chez les patientes en menace d’accouchement prématuré à membranes intactes, ont montré que l’hyperleucocytose supérieure à 15 000 GB/mm3 faisait partie des marqueurs significativement associés à l’accouchement prématuré (23,3 % des femmes ayant accouché avant 33 SA contre 11,4 % des femmes ayant accouché après 33 SA, p = 0,04).
– L’élévation de la C-Reactive Protein (CRP) maternelle : dans cette même étude [33], Yoon et al. ont également retrouvé une forte liaison entre l’élévation de la CRP maternelle et la chorioamniotite histologique; les patientes avec une chorioamniotite histologique aiguë avaient une élévation significative de la CRP (> 7 mg/L).
– Augmentation de la procalcitonine (PCT) sérique maternelle : le taux de PCT s’élève pendant la grossesse et ses normes ne sont pas encore bien définies [5]. Une étude comparant le taux de PCT maternelle à celui des nouveau-nés (infectés ou non) a montré que la PCT était plus élevée chez les nouveau-nés infectés que chez les nouveau-nés sains (8,07 versus 1,68 ng/mL, p < 0,004).
– L’augmentation du Granulocyte Colony-Stimulating : le GCSF est la seule cytokine à avoir été retrouvée augmentée dans le sérum maternel avant le début du travail prématuré [12], contrairement à d’autres cytokines telles que l’IL-6, IL-8, TNFalpha dont les concentrations sériques sont augmentées uniquement après le début du travail [23].
❖ Marqueurs maternels vaginaux
– La fibronectine fœtale est une glycoprotéine de la matrice extracellulaire sécrétée par le trophoblaste pendant la grossesse ; elle joue un rôle d’adhésion au niveau de l’interface materno-fœtale. Elle est présente au niveau cervico-vaginal jusqu’à 24 SA, puis disparaît normalement jusqu’à huit mois. Elle peut être libérée sous l’effet mécanique des contractions utérines, ou bien par protéolyse d’origine inflammatoire au niveau de l’interface materno-fœtale [19]. Aux deux derniers trimestres de la grossesse, la présence de fibronectine au niveau vaginal est non seulement un bon marqueur du risque d’accouchement prématuré, mais également hautement corrélée aux risques de chorioamniotite et sepsis néonatal [19, 13,16]. En effet, Goldenberg et al. [13] ont montré qu’en présence de fibronectine au niveau cervical, les patientes avaient un risque 16 fois plus élevé de développer une chorioamniotite clinique et six fois plus élevé de sepsis néonatal.
– Chez les femmes en menace d’accouchement prématuré, des concentrations élevées d’IL-6 au niveau cervical sont associées à un haut risque d’infection du liquide amniotique [26].
❖ Marqueurs amniotiques
– Yoon et al. [32] ont montré qu’une hyperleucocytose du liquide amniotique est le facteur prédictif le plus fort d’infection du liquide amniotique (OR 16,8, p < 0,005), d’intervalle court entre menace d’accouchement prématuré et accouchement prématuré.
– Un taux de glucose bas (< 14 mg/dL) a une sensibilité comprise entre 81,8-86,8 % selon les études, et une spécificité comprise entre 81,6-91,7 % (VPP 31-62,5 % et VPN 97,8 %) pour la détection d’une infection du liquide amniotique chez les patientes présentant une menace d’accouchement prématuré à membranes intactes [29,28].
❖ Marqueurs échographiques (longueur du col utérin) Un raccourcissement du col en échographie, surtout au deuxième trimestre, est lié à l’existence de signes histologiques de chorioamniotite aiguë ou chronique [14]. Bien qu’un col court facilite l’ascension de germes dans l’utérus, il est également vraisemblable que chez certaines femmes, le raccourcissement du col s’effectue en réponse à une infection intra-utérine préexistante. Cependant, un accouchement très prématuré peut-être lié à une infection intra-utérine et/ou à une béance cervicale, et il est pratiquement difficile de savoir si le col s’est raccourci avant ou après une infection intra-utérine infra-clinique [11]. La fréquence de l’infection intra-utérine chez les femmes présentant une dilatation cervicale supérieure ou égale à 2 cm avant 24 SA pourrait atteindre 51 % [27,21]. Par ailleurs, le pronostic des patientes ayant bénéficié d’un cerclage en présence d’une infection intra-amniotique est très sombre : rupture des membranes, chorioamniotite clinique et fausse couche tardive sont la règle (100 % des patientes pour Romero et al. ).

ETUDE CLINIQUE

Diagnostic positif

Il repose essentiellement sur l’interrogatoire et l’examen physique. L’interrogatoire recherchera l’état civil, la profession, l’état matrimonial, le mode de vie, la date des dernières règles (DDR), les antécédents gynécologiques et obstétricaux (le nombre de grossesse, la parité, le nombre d’enfants vivants, le nombre d’avortement ou d’accouchement, le nombre d’enfants décédés, et l’IIG), la notion de fièvre récente, d’infection urinaire, le suivi correct ou non des CPN, la notion d’algies pelviennes (leur fréquence, leur intensité et leur périodicité), la notion de rupture des membranes assombrissant le pronostic materno-foetal, la notion de métrorragies qui sont généralement minimes, les antécédents chirurgicaux (plastie tubaire, myomectomie). Examen physique
– Examen général : l’état général de la patiente est souvent moins perturbé, elle peut être angoissée par la crainte d’expulser le fœtus, la coloration des muqueuses et des téguments et la prise de constantes sont importantes.
– L’inspection : permet d’apprécier la forme de l’utérus, la présence de cicatrice césarienne ou la parotomie abdominale.
– La palpation abdominale doit rechercher les contractions utérines. Elles sont douloureuses avec une fréquence d’au moins une toutes les dix minutes durant plus de trente-cinq secondes. Elles sont à différencier des contractions physiologiques de Braxton Hicks qui ne sont pas douloureuses, survenant de façon irrégulière avec une fréquence d’une contraction utérine toutes les heures à vingt semaines, trois ou quatre contractions utérines par heure à trente et sept semaines. On n’oubliera pas de mesurer la hauteur utérine en appréciant une éventuelle sur distension utérine.
– L’examen au stéthoscope de pinard recherchera et appréciera les bruits du cœur du fœtus.
– L’inspection de la vulve : à la recherche d’un écoulement liquidien, des leucorrhées.
– L’examen au speculum ou sous valves : recherchera une vaginite, une cervicite, la présence de sang ou d’écoulement du liquide amniotique.
– Le toucher vaginal : renseigne sur les caractéristiques du col utérin en général modifié dans sa longueur et dans sa consistance, sa position et sa dilatation : il pourrait s’agir de raccourcissement et/ou d’une ouverture cervicale. Le toucher vaginal apprécie également les membranes et la présentation. Il ne doit pas être répété au risque d’aggraver la MAP. La gravité de la MAP peut être appréciée et chiffrée avec un suivi d’évolution par l’indice de MAP appelé score de Baumgarten (IBG) comportant quatre paramètres cotés chacun de zéro à quatre points à savoir les contractions utérines, l’état des membranes, les métrorragies et la dilatation du col.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. DEFINITIONS
2. PHYSIOPATHOLOGIE
2.1. Rôle des facteurs hormonaux
2.2. Rôle du stress
2.3. Rôle de l’infection dans le travail prématuré à membranes intactes
3. ETUDE CLINIQUE
3.1. Diagnostic positif
3.2. Diagnostic différentiel
3.3. Diagnostic étiologique
3.3.1. Causes générales
3.3.2. Causes locales utérines
3.3.3. Causes ovulaires
3.3.4. Facteurs favorisants
4. PRISE EN CHARGE
4.1. Prévention
4.2. Traitement curatif
4.2.1. Repos
4.2.2. Tocolytiques
4.2.3. Maturation pulmonaire
4.2.4. Autres
4.2.5. Indications thérapeutiques
5. PRONOSTIC
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. OBJECTIFS
1.1. Objectif général
1.2. Objectifs spécifiques
2. MATERIEL ET METHODES
2.1. Cadre d’étude
2.1.1. Situation géographique et cadre général
2.1.2. Description du Service de Gynécologie-Obstétrique
2.2. Méthodologie
2.2.1. Type d’étude
2.2.2. Patientes
2.2.3. Inclusion
2.2.4. Collecte des données
2.2.5. Saisie et analyse des données
3. RESULTATS
3.1. Fréquence
3.2. Caractéristiques sociodémographiques
3.2.1. Age
3.2.2. Profession
3.2.3. Statut matrimonial
3.3. Antécédents
3.4. Gestité et parité
3.5. Histoire de la grossesse
3.5.1. Age gestationnel
3.5.2. Nombre de consultations prénatales (CPN)
3.5.3. Pathologies durant la grossesse
3.6. Aspects cliniques et para cliniques
3.6.1. Motifs de consultation
3.6.2. Examen général
3.6.3. Signes physiques
3.6.4. Examens para cliniques
3.7. Étiologies
3.8. Prise en charge
3.8.1. Repos strict
3.8.2. Traitement médicamenteux
3.8.3. Traitement spécifique
3.9. Pronostic
3.9.1. Pronostic maternel
3.9.2. Pronostic fœtal
4. COMMENTAIRES ET DISCUSSION
4.1. Limites de l’étude
4.2. Fréquence
4.3. Caractéristiques sociodémographiques
4.3.1. Age
4.3.2. Gestité-Parité
4.3.3. Statut socio-professionnel
4.4. Aspects cliniques
4.4.1. Mode d’admission des patientes
4.4.2. Consultations prénatales
4.5. Étiologies et facteurs de risque
4.5.1. Causes utérines
4.5.2. Causes ovulaires
4.5.3. Causes générales
4.6. Prise en charge thérapeutique
4.6.1. Place des traitements médicamenteux à visée tocolytique
4.6.2. Place de la maturation pulmonaire et de la corticothérapie anténatale
4.6.3. Place de l’échographie obstétricale associée à l’échographie du col utérin
4.7. Pronostic
4.7.1. Pronostic maternel
4.7.2. Pronostic fœtal
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES

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