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LES MÉMOIRES NON VOLATILES
Introduction
Le stockage à haute densité s’est développé sous forme matricielle (« barreaux croisés ») à partir des années 1960. Les mémoires RAM (Random Access Memory) sont typiquement utilisées pour le stockage des données, les mémoires ROM (Read Only Memory) étant plutôt réservées pour le stockage des instructions.
Les RAM elles-mêmes, peuvent être subdivisées en deux catégories : les RAM volatiles, qui doivent être rafraîchies toutes les fractions de seconde. Les SRAM (Static RAM) et les DRAM entrent dans cette catégorie. Les DRAM permettent une densité de stockage plus importante que les SRAM, qui elles, sont cependant d’accès plus rapide [W12-607].
Les mémoires non volatiles (NVM), apparues plus récemment, ont l’avantage conséquent de pouvoir conserver les informations, pendant un grand laps de temps (10 ans ou plus) après mise hors tension. Différents types de mémoires NVM se sont développées, comme illustré par le schéma ci-après (figure 1.13). Citons par exemple la mémoire Flash (Flash RAM), la mémoire Ferroélectrique (FeRAM). Les mémoires dont l’information est stockée sous forme de résistance (Re-RAM) regroupent (dans certaines classifications) les mémoires magnétiques (MRAM), ou encore les mémoires à changement de phase (PC-RAM), et surtout les mémoires dont la résistance dépend de réactions d’oxydo-réduction (Redox-RAM). Cette liste n’est cependant pas exhaustive, et ne donne qu’un aperçu des nombreux types de mémoires, sur lesquelles les recherches se penchent actuellement.
En termes de performances, les 4 paramètres les plus importants à considérer sont :
– La rapidité d’écriture / lecture ;
– L’endurance (le nombre d’écritures / effaçages) ;
– La densité (liée à la taille minimale des cellules) ;
– L’énergie à fournir pour l’écriture.
Après un bref rappel des caractéristiques principales des mémoires Flash, FeRAM, M-RAM et PC-RAM, nous aborderons les Redox-RAM (qui seront dénommées Re-RAM dans la suite, par souci de simplification).
Les mémoires Flash
Le principe général de fonctionnement [WA12-624] est illustré par la figure 1.14. Pour l’opération de lecture de l’information (0 ou 1), le courant drain-source dépend de la présence (ou non) d’électrons dans une zone isolée, appelée grille flottante. Si des électrons sont stockés dans cette grille, le courant sera plus faible. L’opération d’écriture consiste au transfert d’électrons vers la grille (ou inversement), via une tension appliquée (plus importante) sur la grille de contrôle (VCG), par rapport à VBULK. VCG
VS=0 Grille flottante VD~5V
Source e- Drain
VBULK = 0
Figure 1.14 : Schéma simplifié de fonctionnement d’une mémoire Flash [WA12.624].
Les mémoires Flash, qui sont apparues en 1988, sont très intéressantes pour nombre d’applications, dont la plus connue est sans doute le stockage de données sur clés USB. En termes de performances, la vitesse d’écriture est de l’ordre de grandeur de 100 µs, l’endurance se situant dans l’intervalle 104-105 cycles. La taille actuelle des cellules est de l’ordre de 90 nm, bien que des recherches soient parvenues à atteindre une taille de 20 nm [WEB12] (l’endurance est alors dégradée). Le stockage en trois dimensions est aussi une voie actuellement très activement étudiée [WEB13].
La vitesse d’écriture et la densité sont les principales limitations des mémoires Flash. Pour pallier ces limitations, plusieurs autres types de mémoires non volatiles font l’objet de recherches, comme les mémoires Fe-RAM, M-RAM et PC-RAM très succinctement abordées ci-après.
Les mémoires Fe-RAM, M-RAM et PC-RAM
Les mémoires Fe-RAM :
Le principe de fonctionnement des mémoires Fe-RAM est le même que celui des DRAM. Le caractère permanent des informations stockées, repose sur l’utilisation de matériaux ferroélectriques dont la polarisation spontanée peut être retournée par l’application d’un champ électrique. En 2011, Texas Instruments a lancé le premier microcontrôleur à mémoire FeRAM [WEB11].
Ces mémoires sont caractérisées par une très grande rapidité d’écriture (10 ns), et une très bonne endurance (> 1012 cycles). Les limitations principales concernent la densité (taille minimale actuelle environ 130 nm). En effet, les matériaux ferroélectriques perdent leurs propriétés lorsque les dimensions sont trop faibles [JUNQ03].
Les mémoires M-RAM :
Le phénomène exploité est la magnétorésistance tunnel (TMR) découverte à température ambiante en 1995. Le principe de fonctionnement repose sur l’utilisation de deux couches de matériaux ferromagnétiques, séparées par une barrière isolante très fine (1-2 nm) (figure 1.15a). La direction de l’aimantation de l’une des couches (M1) est modifiable (« libre »), l’aimantation de l’autre restant fixe (M2). Lorsque les deux couches sont orientées « parallèles » (figure 1.15b), des électrons de spin « up » peuvent bien traverser les deux couches (de résistance associée Rp). Lorsque les deux couches sont orientées « antiparallèles », les électrons de spin up passant dans la 1ère couche (de gauche, sur la figure 1.13c) traverseront plus difficilement la 2ème couche. Dans cette 2ème configuration, la résistance Ra sera donc plus élevée que Rp [PW08].
Les mémoires MRAM sont caractérisées par une très grande rapidité d’écriture (10 ns), et une très bonne endurance (> 1012 cycles). Les limitations principales concernent la grande densité de courant (et donc d’énergie) requise pour réaliser la commutation ferromagnétique [HA11]. D’autre part, la densité (taille minimale actuelle autour de 130 nm), ne peut être réduite aisément à l’heure actuelle, de par la structure complexe pour contrôler le champ magnétique de la couche « libre » [FUJI10].
Figure 1.15 : a) Schéma des couches magnétiques, séparées par une fine couche isolante. L’aimantation de la couche « libre » M1 peut être modifiée. L’aimantation de M2 reste fixe. b) et c) Schéma simplifié du principe de la TMR, lorsque les aimantations sont parallèles (b) ou antiparallèles (c), d’après [PW08]. Les électrons passent plus facilement dans le cas b).
Les mémoires PC-RAM :
Le principe repose sur des matériaux possédant une conductivité différente, selon qu’ils soient dans une phase amorphe ou dans une phase cristalline (plus conductrice que la phase amorphe). Ce principe de stockage d’information [WA12-671] a été conçu dès les années 1960, mais il faudra attendre les années 1980s, pour que des matériaux adaptés soient trouvés (à base de chalcogénures, Ge,Sb,Te), permettant une cristallisation suffisamment rapide. Une impulsion de courant importante et rapide permet de dépasser la température de fusion (environ 600°C), puis conduit à une amorphisation du matériau (courbe rouge, figure 1.16b), alors qu’une impulsion moindre, pendant une durée plus longue, place le matériau dans une phase cristalline (courbe bleue, figure 1.16b). La lecture est assurée par un courant plus faible (courbe noire).
Les mémoires PCRAM sont caractérisées par une assez bonne rapidité d’écriture, d’environ 50 à 100 ns [BAST11], et une très bonne endurance (> 1012 cycles). Par contre, un courant assez élevé (donc une quantité d’énergie importante) est nécessaire (jusqu’à 100 µA) pour les commutations [FUJI10]. Les recherches actuelles cherchent à diminuer ce paramètre au mieux.
Figure 1.16 : a) Schéma d’une cellule de mémoire à changement de phase, d’après [RAOU08] b) section d’une telle cellule, et c) courbes schématiques de l’évolution de la température en fonction du temps, pour l’écriture et la lecture, d’après [PW08].
Bilan sur les mémoires Flash, Fe-RAM, M-RAM et PC-RAM
Comme le montre le tableau 1.2, les mémoires émergentes telles que les mémoires Fe-RAM, M-RAM et PC-RAM sont toutes beaucoup plus rapides que la mémoire Flash. Elles sont également nettement plus performantes en termes d’endurance. Par contre, la miniaturisation reste un défi, de même que l’énergie d’écriture (pour les M-RAM et PC-RAM).
A l’heure actuelle, l’objectif est de pouvoir réduire la taille des cellules vers 10-20 nm, avec une énergie de commutation très faible (de l’ordre de grandeur du pJ ou moins), tout en conservant de bonnes performances de rapidité (< 1µs) et d’endurance (106 ou plus).
Les recherches se développent exponentiellement sur les mémoires résistives Redox (Redox-RAM ou Re-RAM), susceptibles de constituer une bonne alternative en termes de densité et de faible consommation d’énergie. La résistance interne de telles cellules dépend de réactions d’oxydo-réduction, dont les mécanismes sont malheureusement encore assez peu clairs dans l’ensemble. Dans la partie qui suit, nous aborderons les principales classes de mémoires Re-RAM, afin de pouvoir ultérieurement, comparer ces mécanismes à ceux que nous proposerons pour le matériau que nous étudions dans le cadre de ma thèse.
MÉMOIRES RÉSISTIVES (RE-RAM) : COMMUTATIONS DUES À DES RÉACTIONS D’OXYDO-RÉDUCTION
Une cellule de mémoire résistive Re-RAM est généralement réalisée par une structure MIM (Métal/Isolant/Métal), avec I un matériau à conduction mixte électronique/ionique, nettement moins conducteur que les électrodes qui l’entourent, comme illustré sur le schéma ci-dessous. L’opération de lecture sera réalisée par l’application d’une tension ( 1V) plus faible que les valeurs de tension utilisées pour l’opération d’écriture (qui modifient l’état de la résistance de la couche « I »).
Figure 1.17 : Schéma simplifié d’une cellule MIM de mémoire Re-RAM, pour laquelle un matériau est pris en sandwich entre deux électrodes.
Polarités de commutation
La résistance du matériau peut commuter entre, au minimum, deux valeurs : OFF (haute résistance) et ON (basse résistance). Afin de classer les différents types de Re-RAM, une distinction est souvent établie entre deux régimes, dénommés « commutation unipolaire » et « commutation bipolaire » [WASE07]. La commutation est appelée unipolaire lorsque le passage d’un état à l’autre (OFF ON ou ON OFF) ne dépend pas de la polarité du signal de tension d’écriture, comme illustré sur la figure 1.18a. La commutation est appelée bipolaire lorsque le passage OFF ON se produit pour une polarité de la tension, et le passage ON OFF pour une polarité de signe inverse (figure 1.18b).
Processus électrochimiques généraux à l’origine des commutations de résistance
Dans une réaction d’oxydo-réduction, il y a toujours couplage d’une réaction d’oxydation, dans laquelle une espèce chimique (atome ou molécule) perd un ou plusieurs électrons (de sa couche électronique externe de valence), au profit d’une autre espèce chimique, qui va en gagner au travers d’une réaction de réduction. Les deux sont indissociables : il ne peut y avoir de réduction sans oxydation (et vice versa).
Le schéma de la figure ci-après permet d’avoir une vue d’ensemble de tous les processus, dans leur généralité, qui peuvent être impliqués dans les modifications de type électrochimique ([WASE11]). Les électrodes métalliques M’ et M” transportent le courant électronique, tandis que le matériau résistif central (MX sur la figure), peut transporter des courants électroniques et ioniques. Le courant ionique peut être constitué par des anions X-(qui se déplacent vers l’électrode de gauche polarisée positivement) et des cations M+ qui se déplacent vers l’électrode de droite, polarisée négativement.
De plus, les ions M’+ peuvent éventuellement provenir du métal de l’anode (M’). Les contributions relatives dépendent fortement du type de cellules Re-RAM et des conditions de fonctionnement. Le chauffage par effet Joule se produit généralement à l’intérieur de la couche MX et/ou à proximité d’un contact.
Le courant ionique dans le matériau MX conduit à des réactions électrochimiques (oxydation à l’anode et réduction à la cathode de la cellule ReRAM). En outre, le courant ionique peut, au moins partiellement, être bloqué au niveau des interfaces avec les électrodes. Cela conduit à ce qu’on appelle une polarisation de concentration, à savoir une accumulation des ions mobiles à proximité d’une électrode et un appauvrissement à proximité de l’autre. Sauf dans les zones de charge d’espace, ce procédé est compensé par des réactions d’oxydo-réduction locale, c’est-à-dire une modification de la valence moyenne des contre-ions de la phase MX.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. PROPRIÉTÉS DE LixCoO2 ET ÉTUDES RÉALISÉES AVANT LA THÈSE
1.1. Propriétés structurales et électriques de LixCoO2
1.1.1 Structure cristalline de LixCoO2
1.1.2 Propriétés électriques de LixCoO2
1.2. Études réalisées avant la thèse, au LGEP
1.2.1 Études de NaxCoO2, sous forme monocristalline
1.2.2 Études de LixCoO2, sous forme de films polycristallins
2. LES MÉMOIRES NON VOLATILES
2.1. Introduction
2.2. Les mémoires Flash
2.3. Les mémoires Fe‐RAM, M‐RAM et PC‐RAM
2.4. Bilan sur les mémoires Flash, Fe‐RAM, M‐RAM et PC‐RAM
3. MÉMOIRES RÉSISTIVES (RE‐RAM) : COMMUTATIONS DUES À DES RÉACTIONS D’OXYDO‐RÉDUCTION
3.1. Polarités de commutation
3.2. Processus électrochimiques généraux à l’origine des commutations de résistance
3.3. Classifications des mécanismes électrochimiques de commutation
3.3.1 Classification proposée par Sawa et Akinaga
3.3.2 Classification proposée par Waser
3.4. Miniaturisation : mécanisme filamentaire vs mécanisme homogène
4. CONCLUSIONS
5. REFERENCES
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