MEDITATION DE PLEINE CONSCIENCE OU MEDITATION MINDFULNESS
DÉFINITIONS
La méditation
Il n’y a pas de consensus sur le sens du mot méditation mais une diversité de définition ce qui reflète la complexité du sujet et la multiplicité des pratiques rencontrées (15). Dans l’acceptation commune, la pratique de la méditation est souvent associée aux habitants de l’Inde avec un regard culturel mais il existe en fait une pratique de méditation présente à travers le monde, et plus largement trouvée dans toutes les religions majeures et la plupart des cultures. Walsh et al. (16) propose de définir la méditation comme une pratique d’autorégulation afin d’amener les processus mentaux sous un contrôle volontaire au travers de la conscience vigilante et la focalisation de l’attention. La pleine conscience ou mindfulness est une attention ouverte ou pratique de la conscience immédiate habituellement identifiée par la pleine conscience Bouddhiste ou vipassana (vision claire) qui est une méditation avec introspection mais aussi central dans la pratique Taoist de «l’observation interne » (17). Les différents types de méditations se rejoigne autour du concept d’observation immédiate des activités du psychisme (pensées, émotions, sentiments), d’entrainement à un niveau de conscience ou d’attention vigilante ainsi qu’une culture d’acceptation des contenus mentaux (18). Actuellement, en termes de recherches, la plupart des études portant sur la méditation ciblent des pratiques méditatives se référant à la méditation de pleine conscience et à la méditation transcendantale. Les recherches liées à la méditation dite de pleine conscience ou encore méditation mindfulness s’avèrent les plus évaluées depuis une trentaine d’année notamment grâce aux travaux de Jon Kabat-Zinn sur l’utilisation de la méditation dans la réduction du stress (19). Ce dernier définit la pleine conscience comme le fait « de faire attention au chemin, au but dans le moment présent, dans un état de non jugement » (20). D’après Braza (21) la pleine conscience est définie comme « une pratique qui consiste à devenir plus conscient de chaque instant et de notre expérience à cet instant. C’est un état naturel qui vise à vivre chaque instant pleinement ». D’après Langer (22) la pleine conscience inclurait un processus cognitif permettant la création de nouvelles catégories, une ouverture à l’information et la prise de conscience de plus de perspectives. Dans cette optique, l’inverse de la pleine conscience serait de s’attacher trop rapidement à une perspective dans une situation donnée, pour ensuite agir uniquement à partir de cet état d’esprit.
Les 3 composantes de la méditation
De manière générale, l’individu est normalement inattentif, non présent dans ce qu’il fait et à l’instant où il le fait. Habituellement, on ne remarque la tendance de l’esprit à errer que lorsque l’on tente d’accomplir une tâche mentale et que cette errance interfère (18). Shapiro et al. (23) proposent trois axes principaux pour caractériser le cheminement dans la pleine conscience et conduire à l’état de pleine conscience : l’intention qui est portée « délibérément », l’attention qui permet de « prêter attention», l’attitude qui est appliquée à chaque instant « d’une façon particulière ».
– Concernant l’intention, elle traduit un engagement actif en conscience. Dans le cadre de la méditation, l’intention s’entend comme une dédicace, un vœu, une résolution ou une attention particulière que nous développons pour créer un changement en nous-même ou dans notre manière d’interagir avec le monde. On exprime une intention en se projetant de façon positive dans une réalité déjà tangible.
– l’attention prêtée est la plus documentée. D’après Bishop et al. (24) la méditation pleine conscience se traduit par un maintien sur l’expérience présente de la conscience, observant et prenant part aux changements de lieu de la pensée, des émotions et des sensations corporelle, instant après instant, en régulant la focalisation de l’attention. Poser la conscience sur l’instant présent requiert une aptitude de l’attention maintenue (24). Cette compétence s’appuie sur la capacité d’un état de vigilance maintenue de façon prolongée sur une période, par exemple l’attention portée sur le souffle instant après instant (25). Dans l’état de pleine conscience, l’attention maintenue est associée à une autre capacité soutenant le passage d’un état à un autre, ou switch qui permet de revenir sur la concentration du souffle quand cette dernière est perturbée par des pensées, émotions ou sensations corporelles intempestives. Cela implique une flexibilité de l’attention afin que le participants puisse reporter son attention d’un objet sur l’autre dès qu’il détecte que son attention n’est plus portée sur l’objet de son focus intentionnel (26). Cette autorégulation de l’attention permet une conscience non-élaborative, optimisant le processus d’inhibition cognitive afin de ne pas entrer dans des boucles de rumination (18). Le vagabondage de l’esprit est la définition à contrario de la pleine conscience ou « pilote automatique » (« mind wandering »). Le vagabondage de l’esprit a été associé à un fonctionnement psychique moins positif. Une étude montre que les participants étaient moins heureux quand leur esprit vagabondait que quand il était focalisé sur l’activité en cours (l’ici et maintenant) (27) .
– Enfin, l’attitude est un processus d’observation d’ouverture à l’expérience instant après instant et d’acceptation sans jugement (16). L’acceptation est un état d’ouverture à la réalité de l’instant (28). Pour permettre la manifestation des sensations, émotions et pensées, une décision consciente d’abandon est nécessaire; il s’agit d’un processus actif ouvert à l’expérience dans lequel le sujet choisit de prendre ce qui arrive à la conscience avec une attitude de non jugement , de réceptivité et d’ouverture (29). La tendance naturelle est de rechercher les aspects plaisants de nos expériences et de rejeter, minimiser ou de supprimer les aspects déplaisants. Pendant la pratique, on cherche plutôt à prendre conscience de toutes les facettes de notre état actuel, qu’elles soient positives ou négatives. » Ne pas faire mais être « . Contrairement à la relaxation, on ne cherche pas à promouvoir un état, physique ou psychologique agréable ou détendu .
Méditer
Dans sa forme la plus simple, méditer consiste à s’assoir et à se concentrer sur sa respiration. Le but est de ramener l’attention sur la respiration chaque fois que l’on observe que les pensées vagabondent ailleurs. Lorsque cette étape est bien entraînée, on élargit alors le centre d’attention pour englober la perception du toucher, du mouvement, des odeurs et des sons. L’objectif des entraînements est ensuite d’inclure tout ce qui se passe dans le moment présent (pensées, affects, sentiments, émotions), et ce, instant après instant. Cette dernière phase permet de ne pas se laisser engluer par des préoccupations anciennes ou futures (ruminations, pensées anxieuses) (31). Sous sa forme actuelle, la méditation de pleine conscience est le plus souvent dispensée en groupes, selon des protocoles assez codifiés comportant huit séances de deux heures environ, suivant un rythme hebdomadaire. Durant ces séances, les participants sont invités à participer à des exercices de méditation, qu’ils doivent ensuite pratiquer quotidiennement chez eux. À côté de ces exercices dits « formels », ils sont également invités à des pratiques informelles qui consistent tout simplement à prêter régulièrement attention aux gestes du quotidien : manger, marcher, se brosser les dents en pleine conscience, et non en pensant à autre chose ou en faisant autre chose dans le même temps. Enfin, à mesure que le programme se déroule, il leur est recommandé d’adopter la pleine conscience comme une attitude mentale régulièrement pratiquée, afin de bénéficier de parenthèses au milieu des multiples engagements dans l’action ou sollicitations existant au quotidien : il s’agit par exemple de profiter des temps d’attente ou de transports pour se recentrer quelques instants sur sa respiration et sur l’ensemble de ses sensations, ou de prendre l’habitude d’accepter d’éprouver les émotions désagréables (après un conflit ou une difficulté) plutôt que de vouloir à tout prix les éviter, en passant à autre chose, que ce soit le travail ou une distraction, pour se « changer les idées ».
Les principales interventions relatives à la pleine conscience sont :
– la Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR) ou Réduction du Stress Basée sur la Pleine Conscience développée en 1982 par Jon Kabat-Zin en appliquée à la santé physique et psychique et plus particulièremenet à la gestion du stress et de la douleur (20).
– La Dialectical Behavioural Therapy (CBT) ou thérapie comportementale dialectique développée en 1992 par Linehan est utilisée pour les traitements des troubles de la personnalités borderline et les régulations affective en général (32).
– En 1994, Alan Marlatt développe la Mindfulness Based Relapse Prevention (MBRP) ou Prévention de la rechute addictive basée sur la Pleine Conscience qui utilise la pleine conscience comme technique pour faire face à l’envie pressante de recourir à la boisson (33).
– La Mindfulness Based cognitive Therapy (MBCT) ou Thérapie Cognitive Basée sur la Pleine Conscience développée en 2002 pa, Segal et al. qui est une adaptation du MBSR avec une orientation plus centrée dans sa pratique sur des aspects cognitifs et comportementaux en lien avec les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) et utilisée en traitement de prévention de la rechute dépressive .
Il y a aujourd’hui un nombre grandissant d’autres interventions basées sur la pleine consciences ou Mindfulnes Based Interventions (MBI) parmi lesquelles nous pouvons citer : la Mindfulness-Based Childbirth and Parenting (MBCP). Il s’agit d’une intervention basée sur la pleine conscience, visant à préparer les futurs parents à la grossesse, l’accouchement et la parentalité(35) ; ou encore la Mindfulness Based Eating Awareness Training (MB-EAT) qui est une intervention basée sur la pleine conscience dans le cas de désordres alimentaires .
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Table des matières
1. INTRODUCTION
2. MEDITATION DE PLEINE CONSCIENCE OU MEDITATION MINDFULNESS
2.1. DÉFINITIONS
2.1.1. La méditation
2.1.2. Les 3 composantes de la méditation
2.1.3. Méditer
2.2. MÉDITER : DANS QUEL BUT ?
2.2.1. Diffusion des pratiques méditatives
2.2.2. La pleine conscience un champ d’étude per se
2.2.3. La gestion du stress, une cible princeps de la méditation
2.3. LES DIFFÉRENTS PROGRAMMES DE MEDITATION DE PLEINE CONSCIENCE ET LEURS EFFETS
2.3.1. MBSR
2.3.2. MBCT
2.3.3. Méditations & affections psychiatriques
2.4. LES REGLES DE BONNE PRATIQUE DE LA MEDITATION DE PLEINE CONSCIENCE
2.4.1. Obstacles à la mise en pratique au quotidien
2.4.2. Effets secondaires indésirables de la pratique de la méditation
3. COMMENT NOS PENSEES PEUVENT MODIFIER NOTRE CERVEAU : LA MEDITATION, UNE PRATIQUE STIMULANT LA NEUROPLASTICITE ?
3.1. LA NEUROPLASTICITE
3.2. LES INTERVENTIONS BASEES SUR LA MEDITATION PLEINE CONSCIENCE STIMULERAIT UNE PLASTICITE NEURAL COGNITIVO-AFFECTIVE
3.3. APPLICATION AUX RUMINATIONS DANS LA DEPRESSION
3.3.1. Mécanismes neuro-fonctionnels des ruminations
3.3.2. Mécanismes d’action de la méditation
4. HOW DO YOU FEEL? : LE RÔLE DE L’INTÉROCEPTION
4.1. LE FONCTIONNEMENT INTEROCEPTIF
4.1.1. L’intéroception, fonction clef du maintien de l’homéostasie
4.1.2. Intéroception et perceptions du monde extérieur
4.1.3. Intéroception et fonctionnement psychologique
4.1.4. Intéroception et cognition
4.2. NEURO-ANATOMIE FONCTIONNELLE DE L’INTEROCEPTION
4.2.1. Voie ascendante intéroceptive
4.2.2. Le rôle de l’insula et du cortex cingulaire antérieur dans l’intéroception
4.3. L’INSULA, REGION CLE DE LA PERCEPTION DE SOI ET DU MONDE
4.3.1. La sensibilité thermique, un exemple d’émotion physiologique
4.3.2. Insula et intégration des informations sensorielles
4.3.3. Traitements des informations sensorielles et modulation attentionnelle
5. EXTEROCEPTION : COMMENT S’INFORMER SUR L’ENVIRONNEMENT EXTERNE ?
5.1. LE FONCTIONNEMENT EXTEROCEPTIF
5.1.1. Les modalités de l’extéroception
5.1.2. Le traitement de l’information extéroceptive
5.2. Neuro-anatomie fonctionnelle de l’extéroception
5.2.1. Les structures cérébrales
5.2.2. Les organes des sens
5.2.3. Multimodalité de la perception sensorielle
6. SANTE MENTALE, INTEROCEPTION, ET EXTEROCEPTION
6.1. LES MODELES EN SANTE MENTALE
6.1.1. L’approche transdiagnostic
6.1.2. L’approche Baysienne
6.1.3. Place des informations du corps dans les modèles en santé mentale
6.2. INTEROCEPTION ET PSYCHOPATHOLOGIE
6.2.1. Le modèle du codage prédictif de l’intéroception
6.2.2. Intéroception et psychopathologies
6.3. EXTEROCEPTION ET SOUFFRANCE PSYCHIQUE
6.3.1. Les modèles du traitement de l’extéroception
6.3.2. Les anomalies de traitement de l’extéroception
6.3.3. Privation sensorielle chez le sujet sain
6.3.4. Stress et fonctionnement extéroceptif
6.4. DES INTERVENTIONS SENSORIELLES TRANSDIAGNOSTIQUES
6.4.1. Interventions ciblant indirectement les dysfonctions sensorielles
6.4.2. Les interventions basées sur la méditation de pleine conscience
7. ETUDE CLINIQUE « MBCT PER-SENS »
7.1. PROBLEMATIQUE
7.2. OBJECTIFS
7.3. MATÉRIEL ET MÉTHODE
7.3.1. Méthode
7.3.2. Matériels
7.3.3. Variables extéroceptives
7.3.4. Déroulement de l’étude
7.3.5. Outils statistiques
7.4. RÉSULTATS
7.4.1. Description de la population
7.4.2. Impact du programme MBCT dans la population
7.4.3. Caractérisation du profil psychosensoriel des sujets compliants au programme MBCT
7.5. DISCUSSION
7.5.1. Résumé des Résultats
7.5.2. Points forts
7.5.3. Limites
7.5.4. The Road Ahead
8. CONCLUSION
9. BIBLIOGRAPHIE