Médiateurs chimiques dans la symbiose Cnidaire-Dinoflagellés

Les symbioses marines entre Cnidaires (anémones de mer, coraux, gorgones) et Dinoflagellés du genre Symbiodinium ont un rôle écologique majeur : ils sont la base de la formation des récifs coralliens, qui abritent plus de 30 % de la biodiversité marine. Les écosystèmes coralliens sont également une source économique indispensable essentielle au développement d’activités humaines telles que la pêche et le tourisme. La biodiversité de ces écosystèmes en fait un réservoir de molécules bioactives exploitées pour la santé humaine. Le succès évolutif des Cnidaires symbiotiques réside en grande partie dans les échanges trophiques établis avec leurs symbiotes Dinoflagellés. Ces derniers transfèrent une partie de leurs photosynthétats vers les cellules du gastroderme de l’hôte Cnidaire. Celui-ci acquiert de nouvelles capacités métaboliques et devient en partie autotrophe, sans renoncer toutefois à l’hétérotrophie. Les Dinoflagellés peuvent exporter jusqu’à 90% du carbone fixé lors de la photosynthèse vers leur hôte, sous forme de glycérol, lipides, acides aminés ou glucose. En échange, l’hôte absorbe et transfère à ses symbiotes les nutriments nécessaires à la photosynthèse : carbone inorganique principalement, mais aussi azote, phosphore et sulfate.

Paradoxalement, bien que très intime, la relation entre l’hôte Cnidaire et ses symbiotes Dinoflagellés n’en est pas moins fragile : des conditions environnementales défavorables (réchauffement global, pollution, acidification des océans ou augmentation des rayonnements UV), peuvent être à l’origine d’une rupture de la symbiose. Cette rupture peut être transitoire ou définitive, et donne lieu au phénomène appelé « blanchissement ». La perte des symbiotes peut conduire à terme à la mort de l’hôte Cnidaire. Depuis la révolution industrielle, les perturbations d’origine anthropique conduisent régulièrement à des phénomènes de blanchissement de grande ampleur visibles dans toutes les mers et océans. L’étendue du phénomène en fait une catastrophe écologique majeure aux conséquences socio-économiques lourdes. Si de nombreuses études recensent des phénomènes de blanchissement et/ou de mortalité massive, peu de travaux portent sur la recherche de médiateurs chimiques potentiellement responsables du maintien de la symbiose ou de sa rupture en réponse à un stress.

La symbiose : un moteur de l’évolution

Définition de la symbiose, évolution dans la perception de la symbiose

L’association symbiotique entre espèces est reconnue et très bien documentée dans le monde vivant. Jusqu’au XIXème siècle, seules les interactions entraînant des dysfonctionnements d’un système biologique étaient remarquées. Ces interactions néfastes entre espèces étaient considérées comme du parasitisme ; le microorganisme ou « microbe » porte encore aujourd’hui une connotation négative. La reconnaissance de l’existence de relations non forcément négatives entre espèces différentes a été faite par le botaniste allemand Anton DeBary, lors de ses travaux sur les lichens. Il définit alors la symbiose comme « l’association permanente entre plusieurs organismes d’espèces distinctes, au moins pendant une partie de leur cycle de vie » (DeBary, 1866). L’utilisation du terme symbiose (ou plus µ précisément, symbiotismus) en biologie fut introduite par Albert Frank, pour décrire l’association entre des champignons et des racines végétales (Franck, 1876). Dans les années qui suivirent la découverte de ces notions, la perception de la symbiose a très vite évolué vers le « vivre ensemble » (e.g Perru 2006, parmi de nombreux ouvrages consacrés à l’histoire de la perception de la symbiose).

La notion d’endosymbiose a ensuite été initiée par le français Paul Portier en 1918, qui propose que la mitochondrie, initialement découverte en 1890 (Altmann 1890), serait d’origine bactérienne (Portier, 1918). Par la suite, la microbiologiste américaine Lynn Margulis a présenté la théorie endosymbiotique (Margulis 1967), basée sur l’hypothèse que la cellule eucaryote actuelle est le résultat d’une succession d’associations symbiotiques avec des organismes procaryotes, devenus au fil de l’évolution des organites. Cette théorie est universellement acceptée depuis la découverte des origines différentes de l’ADN chloroplastique et mitochondrial, par rapport à l’ADN du noyau eucaryote. Pourtant, dès 1883, la théorie sur l’origine microbienne des chloroplastes fut déjà formulée (Schimper 1883), mais les technologies disponibles à cette époque ne suffirent pas à valider cette hypothèse. La mitochondrie était à l’origine une alpha-protéobactérie phagocytée par la cellule eucaryote (Wallin 1923), dont la preuve formelle est apportée en 1981 (Anderson et al. 1981). Les chloroplastes proviennent eux d’une phagocytose de cyanobactéries (Stocking et Gifford 1959) apparue il y a 1,5 milliard d’années, dont l’ADN a été découvert en 1967 chez l’algue brune Egregia menziesii (Bisalputra & Bisalputra 1967).

La cellule eucaryote ainsi munie de ses organites additionnels a pu acquérir de nouvelles fonctions dont le rôle fut primordial dans l’évolution. Ces transformations ont permis la production d’énergie dans la cellule par la synthèse d’ATP dans les mitochondries, ainsi que la photosynthèse par les chloroplastes à l’origine de la concentration de dioxygène dans l’atmosphère. Elles ont été le moteur de véritables bonds dans l’évolution de la biodiversité et sont encore aujourd’hui largement étudiées (Chu et al. 2004). D’une certaine manière tous les eucaryotes sont donc symbiotiques, mais plus généralement, les associations symbiotiques inter-espèces sont très répandues et représentées dans tous les phyla du monde vivant.

La symbiose, phénomène décrit comme presque marginal jusqu’au XXème siècle, est aujourd’hui considérée comme ayant un rôle clé dans l’évolution du monde vivant.

Les avantages apportés par une vie en symbiose mutualiste

Toute symbiose est basée sur des échanges, qui offrent un certain nombre de bénéfices à l’un des participants au moins. Les interactions biologiques à bénéfices réciproques ont requis une attention particulière ces dernières décennies. Ces avantages sont très souvent de nature trophique, mais il peut s’agir de protection physique, ou d’avantages reproductifs. Dans un contexte d’échanges moléculaires, ne seront cités ici que certains bénéfices liés à des apports métaboliques.

aires, ne seront cités ici que certains bénéfices liés à des apports métaboliques. L’apport de nutriments est très souvent à la base d’une association symbiotique. La symbiose mycorhizienne représente un exemple de régulation trophique très étudiée. Pour pallier les carences en phosphore et azote présents dans les sols, 90% des plantes sont associées à des champignons au niveau de leurs racines, appelées mycorhizes. La plante autotrophe apporte des nutriments carbonés (sucres, lipides) aux symbiotes, qui, en retour, métabolisent phosphore et azote inorganiques et en transfèrent une large partie de ces métabolites à leur hôte (en revue dans Bonfante et Genre 2010). La symbiose Rhizobium-légumineuse est un autre exemple d’adaptation trophique chez les plantes de la famille des Fabacées, capables de fixer l’azote cette fois-ci en formant des nodosités hébergeant des bactéries du genre Rhizobium. Les symbioses chimiosynthétiques (capables de synthétiser de la matière organique à partir de composés minéraux ou organiques) sont très répandues dans les milieux extrêmes, tels que les cheminées hydrothermales. En effet, l’absence de lumière dans ces écosystèmes ne permet pas la photosynthèse, et pousse des invertébrés marins à des adaptations chimiosymbiotiques. De nombreux organismes symbiotiques de bactéries chimiosynthétiques ont ainsi été recensés, tels que porifères, nématodes, mollusques, arthropodes, annélides et échinodermes (en revue dans Stewart et al. 2005). Le ver vestimentifère Riftia pachyptila par exemple, vit en symbiose avec des bactéries sulfo-oxydantes capables de synthétiser des nutriments à partir de sulfure d’hydrogène H2S, de CO2 et d’O2 .

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : CONTEXTE SCIENTIFIQUE ET PRESENTATION DU MODELE
I. La symbiose : un moteur de l’évolution
1. Définition de la symbiose, évolution dans la perception de la symbiose
2. Une symbiose, des symbioses
3. Les avantages apportés par une vie en symbiose mutualiste
II. La symbiose Cnidaire-Dinoflagellés
1. Importance des Cnidaires dans l’écosystème marin
2. Taxonomie et anatomie des Cnidaires
3. Les Dinoflagellés et le genre Symbiodinium
4. La relation symbiotique entre Cnidaire et Dinoflagellés
III. La métabolomique pour l’étude des relations symbiotiques
1. Introduction à la métabolomique
2. Les métabolites spécifiques chez les Cnidaires
3. La communication moléculaire entre Cnidaires et Dinoflagellés
IV. Contexte de l’étude
1. L’équipe SYMAR et son modèle d’étude
2. Etudes préliminaires
3. Description et objectifs du projet de thèse
CHAPITRE 2 : CARACTERISATION ET DISTRIBUTION DES MEDIATEURS CHIMIQUES CHEZ A. VIRIDIS
I. Introduction
II. Problématique scientifique et contexte de l’étude
III. Comparaison des profils métabolomiques d’A. viridis
1. Empreinte métabolomique sur l’individu entier
2. Analyse par compartiment cellulaire
3. Empreintes métabolomiques de Symbiodinium spp. symbiotiques et de culture
IV. Identification des métabolites présents chez A. viridis
1. Fraction F1 : bétaïnes
2. Fraction F1’ : peptides et pseudopeptides
3. Fraction F2 : lipides membranaires
4. Fraction F3 : stérols et cérides
V. Caractérisation du lipidome d’A. viridis
1. Lipides totaux
2. Répartition en classes de lipides
3. Distribution des acides gras issus des lipides de réserve et de structure
4. Distribution des stérols
5. Discussion
VI. Conclusions et perspectives
CHAPITRE 3 : ETUDE DE LA REPONSE AU STRESS CHEZ A. VIRIDIS
I. Introduction
II. Problématique scientifique et contexte de l’étude
1. Un stress thermique, un stress chimique
2. Evaluation de la réponse au stress
III. Modifications du métabolome d’A. viridis en réponse à un stress
3. Densité relative de symbiotes
4. Comparaison des empreintes chimiques
5. Individu entier (stress chimique)
IV. Localisation des composés par MALDI-MSI
1. Localisation de médiateurs chimiques par MALDI-MSI
2. Suivi de la réponse au stress par MALDI-MSI
V. Modifications du lipidome d’A. viridis en réponse à un stress
1. Contexte de l’étude
2. Densité en Symbiodinium
3. Indicateurs lipidiques de stress
4. Discussion générale
VI. Conclusions et perspectives
CONCLUSIONS GENERALES

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