Médecine et Biologie de la reproduction : généralités
D’après l’OMS, l’infertilité est définie par l’impossibilité de concevoir d’enfant après un an de rapports sexuels réguliers sans contraception (1). En France, environ 15 à 25% des couples seraient infertiles, selon l’Inserm (2). La hausse de l’infertilité est en partie liée à l’âge maternel plus avancé au moment de la conception. En effet, selon l’Enquête Nationale Périnatale de 2016, l’âge moyen au moment de devenir mère est passé de 26,5 ans en 1977 à 30,4 ans en 2016 (3). De plus, des travaux réalisés par l’Institut de veille sanitaire montre une baisse de la qualité spermatique chez les hommes représentatifs de la population générale sur la période 1989–2005 et sur la période 1998–2008 (4). D’autres facteurs semblent être également impliqués dans la diminution de la fertilité, notamment l’obésité (5), le tabagisme (6) et l’exposition à la pollution chimique environnementale (7). Un couple sur cinq consulte pour infertilité et vont bénéficier pour certains d’une prise en charge en Assistance Médicale à la Procréation (AMP). Les techniques d’AMP regroupent les inséminations intra-utérines, les fécondations in vitro avec ou sans micro-injection (FIV+/-ICSI) et les transferts d’embryons frais (TEF) et congelés (TEC) en intraconjugale ou avec gamètes issus d’un don (don de sperme ou d’ovocytes). Elles sont règlementées par les lois de Bioéthiques de 1994 révisées en 2021. Le recours aux techniques de Médecine et Biologie de la reproduction augmente depuis plusieurs années dans le monde. En effet, le Comité International de la surveillance de l’AMP (ICMART) estimait en 2013 que cinq millions d’enfants avaient été conçus par FIV dans le monde au total, dont la moitié entre 2007 et 2013. En France, en 2019, 157 593 tentatives d’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) (toutes prises en charge en AMP confondues) ont été comptabilisées. Les enfants nés vivants, issus d’une AMP réalisée en 2019 sont au nombre de 27 063, représentant 3,6% des enfants nés de la population générale, selon l’Agence de Biomédecine(8). L’infertilité et sa prise en charge représente donc un véritable problème de santé publique. En France, un plan national de lutte contre l’infertilité a été proposé en 2021 (9). Il se base sur six axes de travail notamment éduquer et informer la population générale sur l’infertilité, former les professionnels de santé à la prévention de l’infertilité, mieux repérer et diagnostiquer les causes d’infertilité, mettre en place une stratégie nationale de recherche globale et coordonnée sur la reproduction humaine et l’infertilité et créer un institut national de la fertilité. Il est aussi nécessaire de faire des études pour repérer les facteurs de risques d’infertilité et d’échec de prise en charge en AMP afin d’améliorer la fertilité des couples et leur pronostic lors de leurs prises en charge.
Accouchement par césariennes : généralités
La césarienne est l’intervention chirurgicale la plus courante dans de nombreux pays. Selon les données regroupées au sein de 169 pays du monde, environ 29,7 millions (21,1 %) de naissances ont eu lieu par césarienne en 2015, soit près du double (12,1 %) par rapport à l’année 2000 (10). Il a été rapporté, dans la littérature, plusieurs causes pour expliquer l’augmentation des césariennes. Les facteurs de risques maternels les plus fréquents sont : un âge maternel plus élevé, le nombre de grossesses multiples en raison des techniques d’aide médicale à la procréation, la prématurité, la macrosomie, l’augmentation de l’index de masse corporelle (IMC) de la mère et les antécédents de césarienne .
En France, entre 2000 et 2007, le taux de césarienne a augmenté progressivement passant de 17,4% à 20,2%. En 2018, celui-ci s’est stabilisé avec 19,9% de naissance par césarienne (12) ce qui représente une femme sur cinq. Les recommandations du Collège National des Gynécologues Obstétriciens de France (CNGOF) de 2012 visant à limiter les césariennes chez les femmes ayant un utérus unicicatriciel, ont participé à stabiliser les taux de naissance par césarienne (13). De plus, la Haute Autorité de Santé rappelait en 2012 les indications précises de la césarienne programmée à terme (14) et notamment que l’utérus unicicatriciel n’était pas en lui-même une indication de césarienne programmée.
L’OMS a publié en 2015 une déclaration sur les césariennes dans le monde, et a confirmé la fourchette de 10 à 15% de taux de césarienne (établi initialement en 1985 par un groupe d’experts) comme situation idéale au niveau de la population (15). En effet, la césarienne est une intervention chirurgicale qui prévient efficacement la mortalité maternelle et néonatale lorsqu’elle est pratiquée pour des raisons médicales adaptées. En dessous de 10%, les besoins de césarienne ne sont pas totalement couverts, ce qui peut aboutir à une surmortalité maternelle et périnatale. En revanche, les taux supérieurs à 10% n’entraînent pas de bénéfice en termes de réduction des taux de mortalité maternelle et néonatale, et au-delà de 15%, le risque d’une pratique excessive est élevé avec une plus grande morbi mortalité après un accouchement par césarienne par rapport à l’accouchement par les voies naturelles.
En effet, elle augmente le risque d’hystérectomie, le taux d’implantation placentaire anormale, de rupture utérine, de prématurité et d’enfants morts nés (16). La prévalence des saignements, des besoins de transfusion sanguine, des adhérences pelviennes et des lésions chirurgicales peropératoires est elle aussi plus élevée.
Un antécédent de césarienne peut aussi avoir des conséquences sur la fertilité ultérieure. En effet, un accouchement par césarienne est associé à une augmentation du risque d’infertilité futur (OR 0,90 ; 95% IC 0.86-0,93) avec un allongement du délai à concevoir selon une méta-analyse de 2013 sur 750 407 femmes qui étudiait les conséquences d’une césarienne sur une grossesse ultérieure .
Césariennes et conséquences en Médecine et Biologie de la Reproduction
Peu d’études ont évalué les conséquences d’un utérus cicatriciel sur le taux de naissance vivante après prise en charge en FIV-ICSI et mènent à des conclusions contradictoires. Quatre études rétrospectives ont trouvé que les taux de naissance après transfert d’embryon frais ou congelé étaient significativement plus faibles quand il existait un antécédent de césarienne par rapport à un antécédent d’accouchement voie basse (18), (19), (20), (21). Au contraire, trois autres études n’ont pas retrouvé de différence significative sur les taux de naissance (22), (23), (24). Aucune étude n’a été réalisée en France. Or, il existe un véritable intérêt pour les praticiens afin de pouvoir mieux conseiller les femmes lors du choix du mode d’accouchement.
Matériel et méthodes
Caractéristiques de la population
Il s’agissait d’une étude monocentrique rétrospective cas témoins réalisée dans le Service de Médecin et Biologie de la Reproduction du CHU de Nantes de janvier 2015 à décembre 2020.
Ont été inclus les couples présentant une infertilité secondaire pris en charge en FIV/ICSI. La première grossesse pouvait avoir été obtenue spontanément ou après prise en charge (stimulation simple, insémination intra utérine, FIV/ICSI). Ont été recueillis les données concernant le premier cycle d’hyperstimulation ovarienne contrôlée en vue d’une FIV-ICSI ainsi que l’ensemble des transferts de blastocystes issus de ce cycle (transferts d’embryons frais et congelés). Ont été exclus les grossesses obtenues par don de gamètes ou diagnostic pré implantatoire, les transferts d’embryons précoces au stade J2-J3 et les femmes dont le mode d’accouchement du premier enfant n’était pas connu. Les cycles n’aboutissant pas à un transfert d’embryon: arrêt de la stimulation en cours de protocole, échec de recueil ovocytaire, échec de fécondation, échec de culture embryonnaire ou lyse embryonnaire lors de la décongélation ont également été exclus ; ainsi que les patientes avec un antécédent de deux césariennes ou plus.
Afin de réaliser nos analyses, deux groupes de femmes ont été constitués en fonction de l’antécédent de la voie d’accouchement : 1) un groupe cas comprenant les femmes avec antécédent d’une césarienne et 2) un groupe contrôle comprenant les femmes avec un antécédent d’un ou plusieurs accouchement voie basse.
Les données ont été recueillies à partir du logiciel MEDIFIRST, déclaré à la CNIL (Commission Nationale et l’Information et des Libertés).
Protocole de traitement
Protocole de FIV et ICSI
Une hyperstimulation ovarienne contrôlée a été effectuée selon un protocole antagoniste avec pré-traitement par des œstrogènes per os (PROVAMES®) ou per cutanée (DERMESTRIL®) débutés en fin de phase lutéale du cycle précédent. La stimulation ovarienne a été réalisée avec des gonadotrophines exogènes : FSH recombinantes ou HMG. Les doses étaient définies individuellement en fonction de l’âge, de l’index de masse corporelle (IMC) et de la réserve ovarienne, évaluée par le compte des follicules antraux (CFA) et l’hormone anti-mullérienne (AMH). La surveillance des cycles de traitement a été réalisée échographiquement et biologiquement (dosage sérique de LH, progestérone et œstradiol). Le déclenchement de l’ovulation était effectué lorsqu’au moins trois follicules > 17mm étaient observés, par HCG recombinante (Ovitrelle 250µg) ou par agoniste de la GnRH (Décapeptyl 0,1mg, 2 ampoules) si un risque d’hyperstimulation était présent. La ponction ovocytaire avait lieu 36 heures après ce déclenchement. Une FIV ou une ICSI était réalisée en fonction des paramètres spermatiques. Un soutien de phase lutéale était débuté le soir de la ponction par progestérone micronisé (Progestan® 200mg par voie vaginale matin et soir). Un transfert d’un ou deux blastocystes était effectué au 5ème jour du développement embryonnaire à l’aide d’un cathéter sous contrôle échographique. Les blastocystes surnuméraires étaient vitrifiés pour un transfert ultérieur. Un test de grossesse par dosage d’hormone chorionique gonadotrope (hCG) quantitatif était effectué 11 jours après le transfert.
Le test de grossesse était considéré comme positif lorsque les BHCG quantitatifs étaient >100UI/L. L’échographie précoce avait lieu autour de la septième semaine d’aménorrhée et la grossesse clinique était considérée lorsqu’une activité cardiaque était présente. Le taux de naissance vivante correspondait au nombre de naissance vivante par rapport au nombre de cycles de transferts total. Le taux cumulé de naissance vivante correspondait au nombre de naissance vivante par rapport au nombre de femmes total.
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Table des matières
1. Introduction
1.1. Médecine et Biologie de la reproduction : généralités
1.2. Accouchement par césariennes : généralités
1.3. Césariennes et conséquences en Médecine et Biologie de la Reproduction
1.4. Objectif de l’étude
2. Matériel et méthodes
2.1. Caractéristiques de la population
2.2. Protocole de traitement
2.3. Analyses statistiques
3. Résultats
3.1. Caractéristiques de la population et des cycles
3.2. Issues des cycles
3.3. Analyse multivariée
4. Discussion
4.1 Principaux résultats
4.2 Concordance avec la littérature
4.3 Hypothèses
4.4 Forces et Limites
Conclusion
Références bibliographiques