Méconnaissance et déconsidération de la Sécurité Sociale

Dans le cadre de sa politique de réduction de la pauvreté, le gouvernement malgache mentionne l’éducation et la santé publique comme secteurs prioritaires. Il peut être déduit que Madagascar a choisi de donner à l’aspect social du développement un rôle moteur. Sans aller jusqu’à dire que la Sécurité Sociale est à la base du développement du pays, on peut estimer qu’elle est appelée à tenir un rôle de premier plan dans la concrétisation de la politique de lutte contre la pauvreté, dans laquelle figure en bonne place la nécessité d’investir dans les êtres humains. Comment en effet aspirer à un développement raisonnable, sans un régime de Sécurité Sociale capable d’offrir des solutions efficaces dans différents domaines, tels que les prestations familiales, la santé publique ou encore la vieillesse ? Il est à noter que le code malgache de Protection Sociale stipule que le système vise à assurer en faveur de chaque citoyen un minimum de prestation sociale, en rapport avec la dignité humaine.

Près de la moitié de la population mondiale vit actuellement dans la pauvreté. Le fossé entre riches et pauvres ne cesse de se creuser, ce qui pourrait hypothéquer lourdement l’avenir. En effet, pour les générations actuelles, mais également pour celles qui suivront, le développement durable repose sur le bien-être, la sécurité et la dignité. La lutte contre la pauvreté et les inégalités représente donc un objectif prioritaire au développement. Pour Madagascar, la lutte contre la pauvreté et l’établissement d’une justice sociale constituent un défi majeur. Le développement social doit représenter l’opportunité de satisfaire correctement les besoins fondamentaux, de développer et d’utiliser les capacités, d’obtenir un accès équitable aux ressources, de participer à la décision sur le processus de développement social et économique, ainsi qu’à la vie politique. Pour cela, la Sécurité Sociale doit constituer pour tous l’un des piliers de la vie collective, assurant la paix, le bien-être et la dignité. Elle doit même être inscrite comme principe de base dans la Constitution, en s’appuyant sur l’accès aux systèmes de Sécurité Sociale et aux services de santé, l’égalité des sexes (relation de genre), la promotion de l’emploi et des conditions de travail équitables, ainsi que le droit au développement économique.

Méconnaissance et déconsidération de la Sécurité Sociale 

Etant donnée que la notion de Protection Sociale soit née dans les pays développés, en tout cas dans sa forme institutionnalisée, il nous a paru opportun de présenter ses caractéristiques, son fonctionnement et son efficience, dans ces sociétés. Par conséquent, il faut aussi voir comment cette notion est vécue dans les pays du sud, qui sont pauvres et ont des difficultés à se trouver des repères exacts pour amorcer le développement. Tout ceci pour démontrer que la Prévoyance Sociale s’est développée avec l’essor des populations de l’hémisphère Nord (elle a été un palliatif des crises sociales qui ont existé dans les pays développés), mais qu’elle tend à être ignorée et négligée dans les pays du Sud. C’est pour cela que nous parlons de «méconnaissance » et de déconsidération, dans la mesure où la législation existe bien, mais qu’elle est réduite au second plan, à cause diverses causes. Il y a la pauvreté, qui impose ses impératifs et fait en sorte que l’application de la loi relève d’un grand effort. Dans un autre contexte, il existe le manque de coordination de la société qui ignore ses droits et ses intérêts, à propos de la mise en place de la Sécurité Sociale. Mais il y a aussi le fait que les systèmes de Prévoyance Sociale qui existent ne sont pas en harmonie directe avec les réalités vécues par la société en générale.

Les systèmes de Prévoyance Sociale représentent des coûts énormes pour les Etats. S’ils peuvent les supporter, c’est d’une part, parce que le secteur formel de l’emploi est très développé. Les employeurs comme les employés supportent une partie de ces coûts sur les salaires selon le principe de solidarité institutionnalisée et admise de tous. C’est essentiellement cette adhésion générale qui fait défaut dans les pays du Sud, et ce par ignorance ou par indifférence, mais aussi par manque de moyen, et surtout par le manque de la volonté d’y allouer une partie des revenus. Les sociétés développées sont fortement fiscalisées, donc les Etats peuvent tabler sur des ressources régulières. Une partie de ces ressources, venue de l’impôt sur le revenu, est simplement reversée aux citoyens sous forme de services. Madagascar, pour sa part ne présente pas cet état de choses. Les systèmes mis en place sont seulement des systèmes qui ont l’apparence de Sécurité Sociale, sans une réelle institutionnalisation. Multiformes, souvent laissées à l’appréciation de quelques ONGs, ces actions doivent néanmoins constituer une base de réflexion que nous devons conduire, dans un cadre étatique.

Effectivité de la Sécurité Sociale dans les pays du Nord

Le développement de la Protection Sociale dans les pays industrialisés est le fruit d’une histoire que l’on peut résumer à grands traits comme suit : la révolution industrielle de la deuxième moitié du XIXème siècle a fait naître une classe de travailleurs, en général, venus des campagnes où le progrès technique libérait des bras ; cette classe d’ouvriers se caractérisait par une insécurité permanente contre les risques de l’existence : accidents du travail, maladie, survenance d’enfants, arrivée à l’âge de la retraite, chômage. Rompant avec le libéralisme ambiant, sous l’impulsion aussi bien des doctrines socialistes que de l’enseignement social de l’Eglise (Encyclique Revum Novarum de Léon XIII en 1891), un certain nombre d’Etats vont mettre en place des systèmes d’assurances collectives destinées à fournir à la classe des salariés une protection contre les risques sociaux.

Organisation et application 

L’assurance maladie comme précurseur de la Protection Sociale

L’Allemagne de Bismarck où les techniques de l’assurance étaient très anciennes dans la vie économique, fut un précurseur avec les lois de 1883, 1884, 1889 créant l’assurance maladie obligatoire (sauf pour les populations les plus riches), puis l’assurance accidents du travail et l’assurance pensions, codifiées, en 1911, dans le code impérial des assurances sociales. Dans ce système, l’assurance est obligatoire ; elle est financée par des cotisations proportionnelles aux salaires, réparties entre salariés et employeurs et les prestations sont proportionnelles à la perte subie en cas de survenance du risque (pensions proportionnelles aux salaires, indemnités de chômage liées aux salaires perdus, remboursement des dépenses engagées pour se soigner).

Un système régit de manière philosophique

La gestion est décentralisée, confiée à des caisses indépendantes de l’Etat, administrées à parité par des représentants des salariés et des employeurs. Pour résoudre le même problème, d’autres Etats vont faire appel à une philosophie différente, celle du droit de tout citoyen frappé par un risque social d’obtenir de la collectivité nationale à laquelle il appartient, une aide lui permettant de subsister dignement.

Cette doctrine, déjà amorcée dans le programme du « New Deal » de ROOSEVELT (le « Social Security Act » de 1935), a trouvé sa formulation la plus explicite dans le rapport Beveridge publié en 1942 et appliqué en Grande Bretagne après la guerre.

Selon cette philosophie, la Protection Sociale est un des éléments d’une politique de plein emploi. Toute la population peut bénéficier, en cas de chômage ou de retraite, d’une prestation identique pour tous, financée par des cotisations identiques, sauf en matière de santé et de prestations familiales qui doivent impliquer la solidarité nationale, donc un financement fiscal.

Reprenant la vieille idée du service national de santé chère aux socialistes de la fin du XIXème siècle, le gouvernement britannique, malgré les protestations du corps médical, institue, en 1948, le National Health Service qui fournit à tous des soins gratuits, préventifs et curatifs. Ces deux philosophies ont inspiré le développement des systèmes de Protection Sociale dans les pays industrialisés : les uns, comme la France, s’inspirant, après 1918, du système bismarckien, les autres, comme les pays anglo-saxons (Royaume-Uni, Australie, pays scandinaves), adoptant l’inspiration beveridgienne.

Les domaines d’applications

Au fil du temps, les systèmes implantés dans chaque pays se sont modifiés en restant plus ou moins fidèles à leurs doctrines originelles : prestations uniformes devenant plus assurantielles en matière de retraite, introduction de conditions de ressources pour l’octroi des prestations universelles, extension à toute la population des systèmes fondés au départ sur des bases socioprofessionnelles. Si l’on se focalise sur le risque maladie, les pays industrialisés peuvent se classer en trois catégories aujourd’hui :

– Les pays qui assurent à toute leur population une couverture maladie à travers un service national de santé. Les ressources sont assurées par l’impôt grâce à un budget global fixé annuellement par l’Etat. L’ensemble de la population résidente y reçoit des soins gratuits sous réserve de respecter les règles d’organisation du système de soins (rôle du médecin généraliste comme gate keeper pour accéder aux soins spécialisés). Le RoyaumeUni, le Danemark, l’Irlande, la Suède font partie de ce groupe ; ils y ont été rejoints, plus récemment, par l’Italie, la Grèce et le Portugal.
– Les pays qui disposent d’une assurance sociale obligatoire à base socioprofessionnelle couvrant la plus grande partie des travailleurs salariés et non salariés, leurs familles et les retraités. Les caisses sont gérées paritairement. Un dispositif spécial couvre ceux qui ne sont pas affiliés à une caisse de façon à assurer une couverture totale de la population. Le financement est assuré par des cotisations assises sur les salaires et les revenus non salariaux. L’Etat ne dispense pas de soins mais fixe la réglementation dans le domaine de la production des soins et du financement. Il contribue au financement des prestations délivrées aux non assurés, c’est-à-dire aux classes pauvres de la population. La distribution des soins se fait grâce à un secteur public et un secteur privé. La France, l’Allemagne et le Japon sont les plus représentatifs de cet ensemble.
– Les pays qui ont un système mixte mariant l’assurance socioprofessionnelle et l’assistance sociale. La protection contre le risque maladie est prise en charge par des entreprises du secteur concurrentiel qui gèrent des plans d’assurance dont les promoteurs sont principalement les employeurs. Un dispositif public assure la couverture des indigents sur fonds publics. C’est le cas des Etats-Unis.

Les chiffres sont explicites

perspective évolutionniste 

Depuis la Seconde Guerre Mondiale, ces systèmes de couverture maladie se sont développés vers une amélioration de la couverture des populations (accroissement des effectifs de la population couverte pour aller jusqu’à 100%) et des prestations (développement des prestations sanitaires accompagnant le progrès des techniques médicales) grâce à un taux de croissance élevé qui a permis d’affecter à la santé une part croissante du PIB.

Les pays industrialisés consacraient 2 à 3% de leur PIB à la santé en 1950 ; au milieu des années 70, ce chiffre avait plus que doublé atteignant en Europe une moyenne de 7% (pour un PIB qui a lui-même plus que triplé). Cette orientation des ressources vers la santé à travers des systèmes collectifs s’est faite progressivement d’autant plus que dans un certain nombre de pays bismarckiens, comme la France, la Sécurité Sociale était un concept global couvrant tous les risques et que la santé a pu accaparer une partie des recettes primitivement dévolues aux familles et aux retraités.

L’exemple français et américain (USA) 

En France, les dépenses de l’assurance maladie sont remboursées selon un tarif forfaitaire qui laisse à la charge de l’assuré une participation fixée, en principe, à 20 % de la dépense, mais qui, en matière de frais médicaux, s’avère nettement plus élevé, en raison d’une disproportion entre le tarif de responsabilité des caisses de Sécurité Sociale et le tarif des honoraires médicaux. Le taux de pension normale, acquise après trente ans d’assurance est dans le régime général, de 20 % du salaire annuel ayant servi de base au versement des cotisations. Cette pension est majorée de 4% par année d’assurance accomplie après l’âge de soixante ans. Pour encourager la natalité , les prestations familiales sont accordées à partir du deuxième enfant et prévoient des taux progressifs en fonction du nombre d’enfants à charge. Le taux est de 22 % du salaire de base pour deux enfants, 55 % pour trois enfants, augmenté de 33 % par enfant à charge, à compter du quatrième. L’attribution de ces prestations est maintenue jusqu’à l’âge de 15 ans, mais cet âge est portée à 17 ans par enfant en apprentissage et à 20 ans pour celui qui poursuit ses études.

Aux Etats-Unis, l’application de la loi « Social Security act » par le président Roosevelt (le 14 août 1935) a nécessité un recensement titanesque de la population active. Cela requiert même les services de la « US POSTAL SERVICE » (le service postal américain), qui a distribué les fiches de renseignements, qui ont servi à établir les fameuses Numéros de Sécurité Sociale (« Social Security Number Card »). 35 millions de ces cartes ont été émises, entre les années 1936 et 1937. Cela n’a donc démarré que vers le mois de janvier 1937. Vers 1966, la couverture de santé (MEDICARE) a profité à 20 millions de retraités de plus de 65 ans. La Sécurité Sociale est financée à travers une taxe spéciale sur les salaires. Chaque employeur et employé paient 6,2 % de salaires, jusqu’à 87 000 $ (en 2003).

Ceux qui travaillent à leur propre compte paient 12,4 %. En 2003, 46 millions d’Américains reçoivent des avantages pour un total de 460 milliards de dollars, (2 760 milliers de milliards de nos FMG, si un dollar Américain coûte 6 000 fmg). Sur environ 154 millions de travailleurs, 96 % reçoivent des indemnités, mais 55 % d’entre eux n’ont pas de couverture privée, c’est-à-dire de fonds de pension privée, qu’il est possible de contracter en plus des indemnités Sécurité Sociale. 33 % d’actifs ne disposent pas d’épargne pour la retraite. Actuellement, 3,4 travailleurs contribuent à la prise en charge d’un bénéficiaire de la Sécurité Sociale. D’ici 2030, ils ne seront plus que 2,1 travailleurs pour un bénéficiaire.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : MECONNAISSANCE ET DECONSIDERATION DE LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE 1 : EFFECTIVITE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES PAYS DU NORD
CHAPITRE 2 : INEFFICIENCE DANS LE SUD
DEUXIEME PARTIE : RUPTURE DES LIENS SOCIAUX ET SECURITE SOCIALE A ANTANANARIVO
CHAPITRE 3 : DE LA RUPTURE DES LIENS ECONOMIQUES ET D’ECHANGES A LA RUPTURE DES LIENS SOCIAUX
CHAPITRE 4 : IDEOLOGIE DU DEVELOPPEMENT HUMAIN ET PRATIQUE REELLE DU DEVELOPPEMENT
CHAPITRE 5 : LOGIQUE DE SURVIE ET LOGIQUE DE MODERNITE : LA COMPLAISANCE
TROISIEME PARTIE : PROSPECTIVES DE NOUVEAUX LIENS SOCIAUX DANS LE DOMAINE DE LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE 6 : LA RECONVERSION SYNDICALE
CHAPITRE 7 : L’INTERCULTURALITE SYNDICALE ET POLITIQUE
CONCLUSION GENERALE

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