Mécanismes physiques de solidification magmatique

Mécanismes physiques de solidification magmatique

Nucléation des cristaux

Deux types de nucléation sont communément distingués (Dowty, 1980a; Lofgren, 1980) : (i) la nucléation homogène, un phénomène spontané induit par des fluctuations thermiques aléatoires dans le liquide silicate ; et (ii) la nucléation hétérogène, qui prend naissance à la surface de particules « étrangères » préexistantes en contact avec le liquide silicate. Ces particules étrangères peuvent prendre la forme de grains hôtes, de bulles, de défauts cristallins, d’impuretés, de parois, etc. La formation d’un nucleus est directement fonction de l’état énergétique du système magmatique ; l’état énergétique du système est exprimé par la variation d’énergie libre totale AG0 (Fig. 2a). Considérant une particule de rayon r, le maximum est atteint pour AG0 = AG* et r = r* (Bonin, 1998); AG* est appelé l’énergie libre critique (ou énergie d’activation), et r*, le rayon critique. L’énergie libre totale d’une particule est la somme des énergies de surface et de volume (elle-même reliée à l’énergie de liaisons), toutes deux ayant un effet énergétique opposé (Tiller, 1991). Dans le cas de la nucléation homogène, il y a formation des nuclei (et début de croissance) pour AG0 £ AG*, soit pour rnudéi > r* (e.g. Dowty, 1980a). Pour un degré de surfusion trop faible, la barrière énergétique AG* ne peut être franchie.

Le rayon critique r* n’est pas atteint. Le taux de nucléation est alors nul, et aucune nucléation n’est possible. Lorsque le degré de surfusion augmente, le taux de nucléation augmente également (Fig. 2b). La nucléation hétérogène est associée à une réduction de l’énergie de surface du nucleus. Ceci implique une réduction du degré de surfusion nécessaire pour le début de cristallisation, et donc une diminution du rayon critique et de la barrière énergétique (Dowty, 1980a). Le degré de surfusion est alors relativement faible, généralement de l’ordre de quelques degrés Celsius (Bonin, 1998). Il est fonction du degré de similarités cristallographiques entre la phase hôte et la nouvelle phase. Ce degré de similarité est matérialisé par les angles dihédraux 9 (Tiller, 1991). Plus les angles dihédraux sont faibles (0 < 90°), plus le degré de surfusion nécessaire à la nucléation sera faible (Fig. 2b). La nucléation hétérogène est donc possible à une température inférieure à la température de nucléation homogène.

En résumé, la nucléation dépend principalement du taux de refroidissement, de la surfusion et du temps d’incubation – temps requis pour que la nucléation ait lieu une fois que AT > 0 (Lofgren, 1980). Le temps d’incubation influence ainsi le nombre de sites de nucléation produits. Croissance cristalline et dissolution Il y a croissance des cristaux s’il y a réduction de l’énergie libre totale du système en cours de cristallisation. De façon similaire, les cristaux peuvent également se dissoudre partiellement ou totalement si cela induit une réduction de l’énergie totale. Le mécanisme de croissance cristalline se fait par addition d’atomes ou molécules à la surface du cristal. Le taux d’addition atomique, et donc le taux de croissance, peut être contrôlé par deux processus de croissance principaux (e.g. Baronnet, 1984), conduisant à des morphologies différentes (Bonin, 1998) : (i) La croissance contrôlée par la cinétique d’attachement à l’interface (Dowty, 1980a; Tiller, 1991), ce qui produit des cristaux idiomorphes ; et (ii) la croissance contrôlée par le transfert de matière et de chaleur (diffusion et advection), ce qui produit des cristaux aux habitus variés (Lofgren, 1980) et peut par exemple générer la formation de zonalités.

Ces différents types de croissance s’observent pour des surfusions différentes selon la nature du minéral et sa place dans la séquence de cristallisation (Bonin, 1998). Pour un faible taux de surfusion, le taux de croissance sera contrôlé par les processus à l’interface. A l’inverse, pour un degré de surfusion élevé, les processus de transfert de matière et de chaleur deviennent prépondérants. Le taux de cristallisation, directement relié aux taux de nucléation et de croissance, est également contrôlé par ce degré de surfusion (Fig. 3 ; zone grisée). Ce taux de cristallisation est aussi fonction, entre autres, de la composition chimique du magma, donc du système considéré.

Processus de rééquilibrage : mûrissement textural

Une fois les forces motrices cinétiques réduites, les populations de cristaux entrent en phase de rééquilibrage (Higgins, 2006). La texture cristalline répond à l’effet du rééquilibrage qui participe à la minimisation de l’énergie totale du système. Bien que l’équilibre complet ne soit jamais atteint, il y a homogénéisation de la distribution de la taille des cristaux, phénomène inexistant lors de processus purement cinétiques. Dans le cas idéal d’un système magmatique fermé (solide + liquide silicate), celui-ci atteindra son équilibre chimique et textural seulement si la contribution de surface à l’énergie libre totale est minimisée (Baronnet, 1984). Cette étape est satisfaite par diminution du rapport interface/volume des phases déjà cristallisées. Ceci peut avoir lieu plus ou moins simultanément par le processus de mûrissement textural (« textural coarsening »), via le changement d’habitus de croissance vers une forme d’équilibre. Ce mûrissement textural agit en plusieurs étapes quasisimultanées (Baronnet, 1984) (Fig. 4) : résorption des particules les plus petites, transfert de masse par diffusion à travers le milieu environnant ou l’interface cristal-cristal, et croissance des particules les plus grosses. Ce mécanisme a principalement été mis en évidence en contexte plutonique (e.g. Higgins, 1998, 2002; Hunter, 1996; McBirney and Nicolas, 1997), mais semble également jouer un rôle important en domaine volcanique (Higgins and Roberge, 2003; Park and Hanson, 1999; Pupier et al., 2008). Comme discuté précédemment, pour des systèmes ignés la variation des taux de nucléation et de croissance fluctue avec le degré de surfusion (Fig. 3). Le mûrissement textural ne peut ainsi avoir lieu que pour un taux de nucléation quasi nul et un taux de croissance significatif, à savoir proche du liquidus du minéral considéré.

Fractionnement et accumulation de cristaux

Les processus de fractionnement et accumulation de cristaux (Fig. 5) correspondent à la séparation des cristaux du liquide silicate (Bowen, 1928). Plusieurs mécanismes peuvent participer à cette séparation cristaux/liquide (Bonin, 1998) :

• l’exsolution des gaz (« filter pressing »), contrôlée par la formation de réseaux de cristaux, la viscosité du liquide, et le facteur temps ;

• la différenciation par fluage (ségrégation de flux ou effet Bagnold), contrôlée entre autres par la vitesse d’écoulement, la viscosité du liquide, la cristallinité, et le gradient de vitesse ;

• la décantation gravitaire, principalement contrôlée par le contraste de densité entre liquide et cristaux, la viscosité du liquide, et la taille et forme des cristaux ;

• la cristallisation aux parois.

Ces mécanismes sont associés à la distribution des phases solides dans le liquide, au niveau des fronts de solidification supérieur et inférieur du corps magmatique (Marsh, 1996) (Fig. 5). Ils dépendent aussi de la forme des grains et du comportement rheologique du liquide silicate, qui varie en fonction du degré de solidification (Bonin, 1998). Les fronts de solidification constituent la masse de magma spatialement contenue entre les isothermes du solidus et du liquidus, et s’épaississent vers l’intérieur du corps magmatique au cours du refroidissement (Marsh, 1996). Ils se divisent en plusieurs zones rhéologiques distinctes suivant la cristallinité du magma (Fig. 6). (i) Pour une faible cristallinité, les cristaux sont en suspension dans le magma ; celui-ci se comporte alors comme un fluide visqueux Newtonien. Les phénomènes gravitaires comme la décantation des cristaux peuvent se produire, puisque les cristaux sont libres de bouger les uns par rapport aux autres, (ii) Pour une forte cristallinité, le magma se comporte comme un solide dont le réseau cristallin est plastique. Le liquide résiduel interstitiel ne peut s’extraire facilement, excepté s’il y a un gradient de pression, (iii) La zone intermédiaire se présente sous la forme d’un mélange cristaux-magma, une bouillie cristalline (« mush ») ou suspension dense. Les cristaux restent en suspension dans le magma, mais leurs mouvements sont réduits puisqu’ils se touchent. En domaine basaltique, dans le cas (i) le niveau de cristallinité limite est d’environ 25% de cristaux, > 55% pour (ii), et 25-55% pour (iii).

Formation de chaînes de cristaux, compaction et agrégation

Compaction et chaînes de cristaux Le processus de compaction débute par une phase mécanique lors de laquelle un changement de l’orientation des grains permet un agencement plus dense des grains, par tassement avec expulsion du fluide interstitiel (Bowen, 1928). Cette compaction mécanique sans déformation interne des grains est limitée à un maximum (i.e. environ 50%, mais estimation complexe, fonction de plusieurs paramètres intrinsèques et de l’environnement magmatique considéré) du fait de la cohésion, ou inertie au changement, du magma (Higgins, 1991; Hunter, 1996; Marsh, 1989). Une compaction plus forte entraînera un changement de forme des grains par fracturation ou déformation plastique, permettant un tassement plus dense. On parle alors de compaction par pression-dissolution (Meurer and Boudreau, 1998; Nicolas and lldefonse, 1996), un mécanisme de transfert de masse induit par la contrainte. Ce mécanisme est très commun dans les roches plutoniques et métamorphiques, mais assez marginal en domaine volcanique.

Le passage de l’état de suspension à l’état de bouillie cristalline dans un magma basaltique a généralement lieu à partir de 25% de cristallisation (Marsh, 1988; Philpotts et al., 1998). La compaction est alors possible seulement après l’interconnexion des cristaux pour former un réseau 3-D continu (Philpotts et al., 1998). Un cas typique est celui du plagioclase, initialement de flottabilité neutre (Scoates, 2000). Cependant, seule l’olivine est communément présente sous forme de phénocristaux dans les laves du Kilauea, parfois associée à un faible pourcentage de plagioclase. Par conséquent, une telle compaction par formation de chaînes de cristaux apparaît comme très peu probable ici, et ne sera pas traitée dans la suite de ce travail.

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Table des matières

INTRODUCTION
1 Problématique
1.1 Mécanismes physiques de solidification magmatique
1.1.1 PROCESSUS CINÉTIQUES : NUCLÉATION ET CROISSANCE CRISTALLINES
1.1.2 PROCESSUS DE RÉÉQUILIBRAGE : MÛRISSEMENT TEXTURAL
1.1.3 PROCESSUS DE SÉPARATION MÉCANIQUE ENTRE LIQUIDE SILICATE ET CRISTAUX
1.1.4 AUTRES PROCESSUS
1.2 Modèles de solidification des magmas basaltiques
1.2.1 SOLIDIFICATION EN PROFONDEUR DANS UNE CHAMBRE MAGMATIQUE
1.2.2 SOLIDIFICATION EN SUB-SURFACE DANS UN LAC DE LAVE
1.3 Déformation desolivines
1.4 Synthèse
2 Objectifs
3 Méthodologie
4 Format de la thèse
RÉFÉRENCES
CHAPITRE 1 MAGMA SOLIDIFICATION PROCESSES BENEATH KILAUEA VOLCANO, HAWAII: A QUANTITATIVE TEXTURAL AND GEOCHEMICAL STUDY OF THE 1969-1974 MAUNA ULU LAVAS
1.1 Abstract
1.2 Introduction
1.3 Mineralogy and petrography
1.3.1 SAMPLING
1.3.2 MACROSCOPIC CHARACTERISTICS
1.4 Chemical studies
1.4.1 ANALYTICAL METHODS
1.4.2 WHOLE-ROCK GEOCHEMISTRY
1.4.2.1 Major elements
1.4.2.2 Ni and Cr content
1.4.3 OLIVINE CHEMISTRY
1.5 Quantitative textural measurements: Crystal Size Distribution (CSD)
1.5.1 CSD THEORY
1.5.2 ANALYTICAL METHODS
1.5.3 CSD RESULTS
1.6 Discussion
1.6.1 ORIGIN OF MAUNA ULU OLIVINE: MANTLE, CRUST OR BOTH?
1.6.2 WHERE AND WHEN DID THE CRYSTALLISATION OCCUR?
1.6.3 ADDITION AND DEFORMATION OF OLIVINE
1.6.4 AGGREGATION AND TEXTURAL COARSENING
1.6.5 DISRUPTION OF THE CUMULATE AND INCORPORATION INTO THE MAGMA
1.6.6 MOVEMENT TO THE SUMMIT AND RIFT ZONES-MULTIPLE MAGMA MIXING EVENTS?
1.7 Model of Mauna Ulu magma dynamics in the context of Kilauea dynamics
1.8 Acknowledgements
1.9 References
CHAPITRE 2 WHAT CAN CRYSTAL SIZE DISTRIBUTIONS AND OLIVINE COMPOSITIONS TELL US ABOUT MAGMA SOLIDIFICATION PROCESSES INSIDE KILAUEA IKI LAVA LAKE, HAWAII?
2.1 Abstract
2.2 Introduction
2.3 The 1959 Kilauea Iki eruption
2.4 Mineralogy and petrography overview
2.4.1 SAMPLING
2.4.2 MACROSCOPIC CHARACTERISTICS
2.4.2.1 General remarks
2.4.2.2 Olivines
2.4.2.3 Olivine aggregates
2.4.2.4 Other minerals
2.4.2.5 Vertical olivine-rich bodies
2.4.2.6 Olivine-depleted zone
2.4.3 CHEMICAL STUDIES
2.4.3.1 Analytical methods
2.4.3.2 Olivine core and rim composition distribution
2.4.3.3 Zoning
2.4.3.4 CaO and NiO composition
2.4.4 DEFORMED OLIVINE CRYSTALS
2.5 Quantitative textural measurements: Crystal Size Distribution (CSD)
2.5.1 METHODS
2.5.2 CSD RESULTS
2.5.2.1 General remarks
2.5.2.2 CSD variations for sizes <1.0 mm
2.5.2.3 CSD variations for sizes >1.0 mm
2.5.2.4 Other CSD-derived results
2.5.2.5 Lateral and depth-related evolution: centre versus margin of the lake
2.5.2.6 Size distributions of deformed crystals
2.5.2.7 Olivine size distribution in thevorbs
2.6 Discussion
2.6.1 RESIDENCE TIMES OF OLIVINE IN KILAUEAIKI MAGMAS 195
2.6.2 PROCESSES ACTIVE IN KILAUEA IKI MAGMA SYSTEM BEFORE ERUPTION
2.6.2.1 Mixing
2.6.2.2 Coarsening
2.6.2.3 Crystal deformation
2.6.3 PROCESSES ACTIVE IN KILAUEA IKI LAVA LAKE 206
2.6.3.1 Crystal settling
2.6.3.2 Convective or advective redistribution of crystals
2.6.3.3 Final crystal growth
2.6.3.4 Origin of the chemical and mineralogical vertical stratification
2.7 Conclusions
2.8 Acknowledgements
2.9 References
CHAPITRE 3 CRYSTAL STRUCTURE, MOSAICITY AND STRAIN ANALYSIS OF HAWAIIAN OLIVINES USING IN-SITU MICRO X-RAY DIFFRACTION (LIXRD)
3.1 Abstract
3.2 Introduction
3.3 Materials and methods
3.3.1 MATERIALS
3.3.2 MICRO XRD METHODS
3.4 Results and discussion
3.5 Concluding remarks
3.6 Acknowledgements
3.7 References
SYNTHÈSE ET CONCLUSION
ANNEXE 1
ANNEXE 2
ANNEXE 3
ANNEXE 4
ANNEXE 5

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