Mécanismes physiopathologiques de la drépanocytose

La drépanocytose ou anémie falciforme est la maladie génétique la plus répandue dans le monde [22, 86]. Elle est causée par la présence d’un gène muté de l’hémoglobine (Hb) qui est une protéine contenue dans le globule rouge, servant à la fixation et au transport des gaz respiratoires. Les sujets drépanocytaires synthétisent une hémoglobine anormale appelée hémoglobine S qui altère la forme et la consistance des globules rouges. Elle constitue un problème majeur de santé publique particulièrement en Afrique noire de par sa fréquence, sa mortalité, son impact socio-économique [94]. La prévalence de la drépanocytose augmente au fur et à mesure qu’on se rapproche de l’équateur. En Afrique centrale, elle est de 30 à 40% contre 5 à 20% en Afrique de l’ouest. Au Sénégal 10% de la population seraient porteurs de l’hémoglobine S. Chez les patients drépanocytaires, deux sous phénotypes cliniques ont été identifiés [61]:
– Le premier concerne l’hyperviscosité du sang des sujets drépanocytaires, liée à la polymérisation primaire de la falciformation d’hémoglobine (Hb), à laquelle les crises vaso-occlusives, le syndrome thoracique aigu et l’ostéonécrose sont associés.
– Le second concerne hyper-hémolyse qui est liée à une diminution de la biodisponibilité de l’oxyde nitrique et pouvant être associée à l’hypertension pulmonaire, au priapisme ou à l’ulcère de jambe [61, 75].

Jusqu’à une date récente, les altérations rénales de la drépanocytose n’ont pas été clairement liées à l’une de ces deux sous-phénotypes. Cependant des auteurs ont rapporté chez les patients drépanocytaires adultes que hémolyse chronique pourrait être une cause d’une hyper-filtration glomérulaire [58]. De plus, il a été rapporté chez les patients drépanocytaires ayant une micro-albuminurie un taux d’hémoglobine (Hb) bas [15]. Et récemment une relation a été identifiée entre la lactico-déshydrogénase (LDH) et la protéinurie [56] suggérant un lien entre le dysfonctionnement rénal et hémolyse chronique chez les sujets drépanocytaires SS. Cependant, peu d’études ont été réalisées dans le but d’évaluer les liens entre la micro/macro albuminurie et les marqueurs d’hémolyse chez les patients drépanocytaires adultes [3, 54]

LA DREPANOCYTOSE

Historique

La drépanocytose semble être une maladie connue depuis des générations par les peuples noirs. Des descriptions informelles ont été longtemps utilisées pour parler de cette maladie dont les symptômes seraient exacerbés au moment de la saison froide, d’où l’appellation de « rhumatisme de la saison froide ». L’histoire médicale de cette maladie trouve son origine au début du 20eme siècle. En effet, en 1910, Dr James Herrick de Chicago publia le premier cas de malade drépanocytaire dans « Archives of Internal Medecine ». Il y décrit un jeune étudiant afro-caraïbéen, originaire de l’ile de Grenade, admis à l’hôpital presbytérien pour une forme sévère d’anémie, dont le frottis sanguin présentait des globules rouges en forme de faucille ou en feuille d’acanthe. Cette publication est le point de départ de la série d’études qui viendra au fil des années enrichir les connaissances de cette maladie. Trois mois après la première publication, un second article rapportait le cas d’une jeune femme afro-américaine de 25 ans admise au centre hospitalo-universitaire de Virginie pour de multiples symptômes chroniques [93]. Un troisième cas a été rapporté chez une autre jeune fille noire.

A partir de ce moment, des cas d’anémies à hématies falciformes de plus en plus fréquents ont été trouvés, ils concernaient tous des sujets de race noire ou métisse. En 1917, le caractère familial est évoqué par EMMEL [38]. En 1927, HANN et GILLEPSIE démontrent que la falciformation des hématies est réversible et n’apparait que lorsque la pression partielle de l’oxygène (PO2) est inférieure à 50mm Hg [5]. En 1947, NEEL définit le trait drépanocytaire à partir de l’existence de formes homozygotes héritées de parents hétérozygotes ; il établit alors le mode de transmission génétique selon les lois de Mendel [77].

En 1948, SINGER et ses collaborateurs démontrent que la durée de vie des hématies était raccourcie chez le malade drépanocytaire alors qu’elle était normale chez le porteur du trait drépanocytaire [91]. En 1949, PAULING, ITANO, SINGER, WELLS mettent en évidence une différence de migration électrophorétique : l’hémoglobine S est plus lente que l’hémoglobine A. Cette découverte de PAULING marque le point de départ de l’étude moléculaire de cette pathologie [5]. En 1959, INGRAM, démontre les bases moléculaires de cette maladie génétique. En effet, il a pu montrer que la drépanocytose est due au remplacement en position 6 de la chaîne polypeptidique ß de l’acide glutamique par la valine [48]. Cela sera expliqué dans les années suivantes par une mutation au niveau du 6eme codon du chromosome 11 du triplet GAG en GTG. En 1972, KAN et coll. envisagent le diagnostic prénatal de la drépanocytose [45]. En 1978, Tom Maniatis isola le gène de la beta globine muté (allèle βS ) Par la suite, des recherches se sont orientées vers les thérapies médicamenteuses. En 1995, l’hydroxyurée devient le premier médicament permettant de prévenir les complications liées à la drépanocytose [46].

Aspects génétiques

La drépanocytose est une affection génétique due à une anomalie de l’hémoglobine (Hb) [69] qui résulte d’une mutation du sixième codon du gène beta(ß) de l’Hb. La mutation provoque la synthèse d’une Hb anormale, l’HbS, caractérisée par la substitution d’un acide glutamique par une valine (GAG→GUA). La mutation de l’Hb normale est liée à la présence de l’allèle muté (βS ). La drépanocytose se manifeste principalement sous deux formes : la forme hétérozygote (AS) encore appelée « trait drépanocytaire » et la forme homozygote (SS) appelée la maladie drépanocytaire. Dans le trait drépanocytaire, le gène muté n’est présent que sur un seul des deux chromosomes. Cette forme se caractérise par la présence au sein des globules rouges d’Hb anormale S (<50%) et d’Hb normale A (>50%). Le taux d’Hb normale est toujours supérieur à celui d’HbS. Quant à la drépanocytose maladie, le gène muté est présent sur les deux chromosomes avec un taux d’HbS supérieur à 50%. La transmission de la drépanocytose est de type mendélien et se fait selon un mode autosomique récessif. Le risque drépanocytaire est la possibilité qu’a un individu de porter le trait drépanocytaire (HbAS) ou être drépanocytaire (HbSS). Ainsi, deux parents hétérozygotes AS par exemple présentent la probabilité de donner naissance dans 25% des cas à un enfant drépanocytaire(SS), dans 25% des cas à un enfant à hémoglobine normale (AA) et dans 50% des cas à un enfant hétérozygote AS.

En dehors du génotype homozygote SS, on distingue d’autres génotypes pouvant réaliser des syndromes drépanocytaires d’expressions cliniques graves : on les appelle les « syndromes drépanocytaires majeurs : SDM ». Les SDM sont très nombreux, on peut citer les hémoglobinoses SC, SD et SO Arabe, mais aussi les formes associées aux β -thalassémies (Sβ+, Sβ°) .

Répartition géographique de l’allèle βS

La drépanocytose est la plus fréquente des hémoglobinopathies dans le monde avec environ 50 millions de personnes atteintes [21]. Elle est présente en Inde, aux Antilles, en Europe, en Amérique mais surtout en Afrique inter-tropicale. Aux Antilles et en Guyane, 1/ 260 des naissances est atteinte de drépanocytose [73]. Au cours des dernières décennies, la distribution de ces anomalies génétiques a été considérablement modifiée par d’importants flux migratoires. La drépanocytose est ainsi devenue une affection fréquente en Europe occidentale, principalement en France et au Royaume-Uni, anciens pays colonisateurs. Au Royaume-Uni, il y aurait 300 naissances d’enfants atteints de syndromes drépanocytaires majeurs chaque année [90] tandis qu’en Allemagne [31], en Belgique et aux Pays-Bas [55] les syndromes drépanocytaires majeurs restent rares. En Espagne, au vu du nombre croissant de migrants d’origine africaine et de cas de drépanocytose diagnostiqués dans les services de pédiatrie, un dépistage néonatal a été mis en place mais uniquement dans deux provinces du pays, dans l’attente de sa généralisation [83]. En Afrique, dans certaines parties sub-sahariennes, la drépanocytose touche jusqu’à 2% des nouveau-nés. La fréquence du trait drépanocytaire c’est-à- dire le pourcentage de porteurs sains qui n’ont hérité du gène mutant que d’un seul des parents, atteint 10% à 40% en Afrique du Nord et moins de 1% en Afrique du Sud. Dans les pays d’Afrique de l’ouest (Ghana, Nigeria etc.), la fréquence du trait drépanocytaire est de 15% à 30% .

Mécanismes physiopathologiques de la drépanocytose 

Dans l’HbS, l’acide glutamique est remplacé par une valine en position 6 de la chaine ß-globine à la surface de la molécule. Cette molécule d’HbS va subir des modifications structurales, avec diminution de sa solubilité lorsqu’elle est en condition désoxygénée pour former un polymère.

Polymérisation de l’hémoglobine S

Dans l’hémoglobine drépanocytaire S, le remplacement d’un acide glutamique par une valine en position 6 de la chaîne β-globine provoque une série de modifications structurales. En effet, ces altérations rendent compte de la diminution de sa solubilité et de la polymérisation de sa forme désoxygénée. Cette polymérisation aboutit à la formation d’un gel. Il a été montré in vitro que la formation du gel par les molécules de désoxyhémoglobine S n’était pas un phénomène instantané. Néanmoins, elle était précédée d’une période de latence d’une durée variable allant de la milliseconde à plusieurs minutes. Des facteurs physico-chimiques favorisent la polymérisation et la formation du gel parmi ceux-ci on peut citer : augmentation de la température, abaissement du pH, et augmentation de la concentration ionique [70]. La concentration en hémoglobine S est un facteur essentiel influençant la polymérisation des molécules de désoxyhémoglobine S. C’est pour cette raison que les α-thalassémies, souvent associées à la drépanocytose, réduisent 1a polymérisation en diminuant la concentration en hémoglobine S intraérythrocytaire [70]. L’hémoglobine foetale (HbF) est un autre facteur biologique important à considérer car cette molécule ne co-polymèrise pas avec l’hémoglobine S. L’effet inhibiteur de l’hémoglobine F sur la polymérisation se manifeste dès le stade initial de la formation du polymère. Ainsi, à titre d’exemple, une augmentation du pourcentage d’HbF de 10 % à 25 % de l’hémoglobine totale multiplie par 100 le temps de latence in vitro .

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
CHAPITRE I : LA DREPANOCYTOSE
I. Historique
II. Aspects génétiques
III. Répartition géographique de l’allèle βS
IV. Mécanismes physiopathologiques de la drépanocytose
IV.1. Polymérisation de l’hémoglobine S
IV.2. Falciformation
IV.3. Les conséquences de la falciformation
IV.3.1. Hémolyse
IV.3.2. Crises vaso-occlusives (CVO)
IV.3.2.1. Rôle des modifications hémorhéologiques dans les CVO
IV.3.2.2. Le cercle vicieux de la drépanocytose
V. Traitement
V.1. La prise en charge thérapeutique
V.2. Eléments de prévention
V.3. Traitement de fond
CHAPITRE II : DREPANOCYTOSE ET REIN
I. Les manifestations fonctionnelles
I.1. Les troubles tubulaires distaux
I.2. Les troubles tubulaires proximaux
II. Les manifestations organiques
II.1. Atteintes glomérulaires
II.2. La néphropathie tubulo-interstitielle
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I. CADRE GENERAL DE L’ETUDE
II. TYPE ET PERIODE DE L’ETUDE
III. MATERIEL
III.1. Population d’étude
III.1.1. Critères d’inclusion
III.1.2. Critères de non inclusion
III.2. Instruments
IV. METHODES
IV.1. Déroulement du protocole
IV.1.1. Les paramètres anthropométriques
IV.1.2. Les paramètres cardio-vasculaires
IV.1.3. Mesure des paramètres hématologiques
IV.1.4. Mesure des paramètres hémorhéologiques
IV.1.5. Mesure des paramètres urinaires
IV.2. Analyses statistiques
V. RESULTATS
V.1. Caractéristiques anthropométriques de la population étudiée
V.2. Paramètres hématologiques et hémorhéologiques
V.3. Les paramètres hémodynamiques chez les SS
V.4. Paramètres urinaires
DISCUSSION
I. Relations d’altération de la fonction rénale et anémie hémolytique
II. Fonction rénale, hémolyse et drépanocytose
CONCLUSION
REFERENCES

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