Mécanismes neurophysiologiques de la dyspnée

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Aires d’intégration centrales (Davenport and Vovk, 2009)

Les informations médiées par les multiples afférences respiratoires impliquées dans la sensation de dyspnée vont être traitées au niveau cortical et sous cortical. La dyspnée en tant que sensation multimodale va résulter d’un traitement de l’information à la fois discriminatif (intégration de la composante sensorielle) et affectif (intégration de la composante émotionnelle). Les techniques de cartographie cérébrales (Tomographie par Emission de Positron et Imagerie par Résonnance Magnétique fonctionnelle) ont permis d’identifier les régions du cerveau impliquées dans l’intégration de ces informations. Le traitement discriminatif de la dyspnée va impliquer le cortex sensori-moteur et le traitement affectif l’insula antérieure droite, le vermis cérébelleux, le cortex cingulaire et l’amygdale.
Selon les modalités de la sensation dyspnéique les processus d’activation cérébraux vont être différents. Lors de l’application d’une charge inspiratoire résistive à un volontaire sain, ce sont les aires motrices primaires, mais aussi l’aire motrice supplémentaire, les aires sensori motrice et le cortex cingulaire qui sont principalement activées (Banzett et al., 2000) (Peiffer et al., 2001) (Evans et al., 2002) (von Leupoldt et al., 2008).
Lors de l’induction d’une soif d’air expérimentale chez le volontaire sain, on retrouve une forte activation du tronc cérébral, du cortex limbique et para limbique notamment au niveau du gyrus cingulaire antérieur droit (Banzett et al., 2000) (Peiffer et al., 2001) (Evans et al., 2002) et de l’amygdale (Evans et al., 2002).
L’implication du cortex limbique dans la perception émotionnelle de la dyspnée semble fondamentale, plus particulièrement celle de l’insula antérieure droite et de l’amygdale (Banzett et al., 2000) (Peiffer et al., 2008) (von Leupoldt et al., 2008) (von Leupoldt et al., 2009). Par exemple, les patients ayant un antécédent d’accident ischémique de l’insula antérieure droite ont une perception amoindrie de la dyspnée (Schön et al., 2008).

Modèle physiopathologique

Trois différents types de dyspnée dominent : la sensation d’effort excessif (« ma respiration nécessite un effort » ou « je dois me concentrer sur ma respiration ») principalement rapportée à la charge mécanique, la sensation de soif d’air (« je n’ai pas assez d’air », « j’étouffe ») principalement en lien avec l’hypercapnie et la sensation de « constriction thoracique » principalement liée à la bronchoconstriction.
En pratique clinique, ces différentes sensations sont souvent intriquées. Par exemple « la soif d’air » et « l’effort excessif » peuvent coexister dans la bronchopneumopathie obstructive. La soif d’air est la sensation respiratoire la plus fréquemment rapportée en clinique.
Le principal mécanisme communément admis pour expliquer ces différentes sensations réside dans la source de la « décharge corollaire » (Figure 1.).

La décharge corollaire (O’Donnell et al., 2007)

Le terme de décharge corollaire désigne une « copie d’efférence ». Au cours de la réalisation d’un mouvement, le cortex moteur adresse une commande aux muscles effecteurs et transmet en même temps une copie de l’information motrice informant ainsi les autres aires cérébrales impliquées dans la perception de ce mouvement. Cette copie d’efférence prédit le mouvement que fera le muscle selon la commande et c’est sur celle-ci que sera anticipé le retour sensoriel que produira le mouvement dont l’ordre a été donné (O’Donnell et al. 2007)(Stock et al., 2013). Une théorie récente a postulé que la dyspnée résulte d’un déséquilibre entre, d’une part la commande respiratoire centrale provenant du tronc cérébral ou du cortex moteur (en cas de commande respiratoire volontaire corticale) et d’autre part la réponse périphérique de l’appareil respiratoire qui active les afférences respiratoires et informe en retour le cerveau de son aptitude à répondre à l’ordre donné. Pour permettre une comparaison entre l’ordre donné par la commande respiratoire centrale et son exécution par l’effecteur (appareil respiratoire), une décharge corollaire, c’est-à-dire une copie de l’information émise à partir des centres respiratoires moteurs, est projetée vers le cortex somesthésique. Ce dernier compare alors l’ordre donné par la commande respiratoire centrale à son exécution « réelle », à savoir la réponse périphérique de l’appareil respiratoire transmise par les afférences respiratoires. Un déséquilibre ou une inadéquation entre les afférences respiratoires et cette décharge corollaire fait immédiatement l’objet d’un traitement cognitivo-affectif négatif et conduit à la sensation de dyspnée (O’Donnell et al., 2007) (Parshall et al., 2012).
Il est difficile de prouver ce concept de dissociation neuro – mécanique dans la mesure ou quantifier la commande centrale respiratoire et les réponses afférentes des  récepteurspériphériques chez l’humain n’est pas aisé. Néanmoins plusieurs études expérimentales et cliniques détaillées après supportent cette théorie.

Mécanismes de la sensation d’effort excessif respiratoire

La genèse de la décharge corollaire diffère selon les sensations de dyspnées. L’effort excessif proviendrait d’une décharge corollaire transmise des centres moteurs corticaux vers le cortex somesthésique (Figure 1.). En d’autres termes, cette sensation apparaît lorsque survient un déséquilibre entre la charge imposée aux muscles respiratoires et leur capacité à surmonter cette charge. L’exemple typique illustrant cette situation est le patient souffrant de bronchopneumopathie chronique obstructive : l’augmentation du volume pulmonaire liée à la limitation des débits expiratoires et à la distension dynamique impose une augmentation de travail inspiratoire que les muscles respiratoires ne peuvent satisfaire (O’Donnell and Webb, 1993). C’est ce déséquilibre entre l’effecteur (les muscles) et la commande qui provoque la dyspnée.

Mécanismes de la sensation de soif d’air

La « soif d’air » résulterait quant à elle d’une décharge corollaire qui transmettrait au cortex somesthésique une « copie » de l’information issue des centres de la commande respiratoire centrale du tronc cérébral (Banzett et al., 1989) (Banzett et al., 1990) (Moosavi et al., 2003) (Figure 1.). Cette sensation est principalement induite par l’hypoxémie et l’hypercapnie qui entrainent toutes deux une augmentation de l’intensité de la commande respiratoire centrale (Moosavi et al., 2003). Chez des volontaires sains dont la réponse ventilatoire à une hypercapnie est contrainte, la gêne respiratoire induite est intense (Chonan et al., 1987). C’est l’inadéquation entre l’augmentation de la commande respiratoire et la réponse ventilatoire non satisfaisante qui induit la dyspnée On peut également à nouveau prendre l’exemple de la bronchopneumopathie obstructive pour illustrer ce mécanisme. L’hypercapnie induite par la modification des rapports ventilation/perfusion ou l’exercice entraine une augmentation de la stimulation centrale qui ne peut être satisfaite par une augmentation de la ventilation puisque l’effecteur est défectueux. A l’inverse, la ventilation artificielle, en optimisant les échanges gazeux et en soulageant le travail des muscles respiratoire (Brochard et al., 2002), diminue la sensation de dyspnée chez certains patients (Wijkstra, 2003) (Tsolaki et al., 2008). C’est également le cas lors de l’utilisation de la ventilation non invasive chez des patients atteints de pathologies neuro-musculaires (Bourke et al., 2003) (Bourke et al., 2006).

Thérapeutiques employées pour soulager la dyspnée

Aujourd’hui, il existe peu de thérapeutiques ayant fait preuve de leur efficacité pour soulager la dyspnée en dehors de médicaments corrigeant une anomalie respiratoire « source » (bronchodilatateurs, diurétiques, ventilation artificielle…). Les opioïdes sont les seules molécules dont l’efficacité a été formellement démontrée (Jennings et al., 2002) (Abernethy et al., 2003). Leurs effets secondaires, notamment leur effet dépresseur respiratoire et leurs effets digestifs doivent cependant être pris en compte lors de leur prescription. Les autres traitements médicamenteux comme les anxiolytiques, les antidépresseurs, les anti-inflammatoires et les gaz anesthésiques n’ont pas montré d’efficacité sur la dyspnée. Concernant les thérapeutiques inhalées, le furosémide a un effet bénéfique sur la dyspnée des patients souffrant d’asthme de cancer (Wilcock et al., 2008) ou de BPCO (Jensen et al., 2008).
Enfin, même, la place de l’oxygénothérapie dans le traitement de la dyspnée est débattue : il est en effet montré que l’oxygène améliore la qualité de vie et diminue la mortalité. Cependant l’oxygène soulage la dyspnée de patients hypoxémiques mais également de patients non hypoxémiques du fait de la simulation des récepteurs des voies aériennes supérieures, avec une efficacité identique à celle de l’air comprimé (Abernethy et al., 2010) (Johnson et al., 2013).

Thérapeutiques non pharmacologiques

Plusieurs thérapeutiques non médicamenteuses ont été évaluées chez les patients présentant une dyspnée.
Certaines thérapeutiques, du domaine de la recherche, reposent sur la modulation de l’intégration affectivo-cognitives des informations respiratoires. Il est tout d’abord possible de moduler la dyspnée par des processus attentionnels. On peut en effet faire l’hypothèse que lorsque l’on détourne la vigilance du sujet vers un autre stimulus, on peut « tromper le cerveau » et ainsi réduire la perception de la dyspnée en termes d’intensité ou d’affect. En pathologie respiratoire, l’écoute d’une pièce musicale par des patients BPCO permet non seulement d’améliorer les performances au test de marche de 6 minutes, mais aussi de diminuer l’intensité de la dyspnée à l’exercice (Bauldoff et al., 2002). D’autres distracteurs ont été utilisés, comme la lecture de texte qui réduit la composante affective de la dyspnée chez le volontaire sain soumis à une dyspnée expérimentale de type effort excessif (von Leupoldt et al., 2007). C’est la composante affective de la dyspnée qui s’améliore sous l’effet d’un stimulus auditif distractif (von Leupoldt et al., 2007). Une autre approche consiste à stimuler le nerf trijumeau et ainsi provoquer une compétition sensorielle par le phénomène du gating. Ainsi, l’administration d’air frais au niveau du visage chez le volontaire sain réduit l’intensité de la dyspnée induite par une charge résistive (Schwartzstein et al., 1987). Cet effet n’est pas retrouvé lorsque l’air est appliqué sur le mollet. Chez des patients de soins palliatifs souffrant de dyspnée réfractaire, l’administration d’air dirigé vers le visage à l’aide d’un ventilateur s’associe à une diminution de 30% de l’intensité de la dyspnée (Galbraith et al., 2010).
Une autre piste, encore au stade exploratoire, consisterait à moduler la sensation de dyspnée directement au niveau cérébral par induction de neuroplasticité. Ainsi une stimulation transcrânienne électrique appliquée au niveau du cortex moteur du diaphragme droit permet d’inhiber le potentiel moteur de celui – ci (Azabou et al., 2013). Une autre étude récente a retrouvé que des stimulations transcrâniennes magnétiques répétées appliquées sur l’aire sensori-motice primaire entrainaient une modification du profil ventilatoire de patients soumis à une charge inspiratoire, sans toutefois modifier la perception de la dyspnée (Nierat et al., 2015). Ces études encore préliminaires suggèrent une possibilité de modulation centrale directe des sensations respiratoires.

Evaluation de la dyspnée : vers un modèle multidimensionnel

Evaluer la dyspnée et décrire ses caractéristiques est une étape fondamentale de sa prise en charge mais aussi de son exploration. La meilleure connaissance des mécanismes de la dyspnée et la prise en compte du caractère multidimensionnel de ce symptôme ont autorisé le développement d’outils permettant d’évaluer à la fois son intensité mais aussi ses caractéristiques sensorielles et affectives.

Mesures psychophysiques

Les échelles les plus simples sont des échelles ordinales graduées de 0 à 10 qui mesurent une intensité ou alors des échelles catégorielles qui proposent un champ sémantique permettant de caractériser la dyspnée. L’échelle visuelle analogique (EVA) est l’échelle analogique de référence (Burki, 1987) : elle peut mesurer « l’inconfort respiratoire » ou l’intensité de la dyspnée dans sa globalité sans que soit spécifiée une composante sensorielle ou affective, 0 correspondant à l’absence totale d’inconfort et 10 à une sensation insupportable. L’alternative est l’échelle de Borg modifiée qui guide le patient au moyen d’une catégorie sémantique (Burki, 1987).
D’autres échelles évaluent le retentissement de la dyspnée sur les activités de la vie quotidienne des patients ainsi que sur leur qualité de vie au cours de certaines pathologies spécifiques. C’est le cas des échelles Medical Research Council (Fletcher et al., 1959), Baseline Dyspnea Index & Transition Dyspnea Index (Mahler et al., 1984) et New York Heart Association qui permettent d’évaluer le retentissement sur l’activité fonctionnelle des patients souffrant respectivement de BPCO et d’insuffisance cardiaque.
Les échelles et les scores ci-dessus ne prennent cependant en compte qu’une seule dimension de la dyspnée qui n’est pas toujours clairement identifiée et qui peut changer selon l’intensité rapportée de l’inconfort respiratoire. Ainsi une EVA mesurant une dyspnée faible à modérée estime plutôt la composante sensorielle de celle-ci alors que dans les niveaux intenses elle évalue plutôt la composante affective.

Mesures psychosensorielles

L’une des évolutions les plus récentes et les plus marquantes dans le domaine de la physiopathologie de la dyspnée est la reconnaissance de son aspect multidimensionnel. Ces dernières années, de nouveaux questionnaires ont été développés dans l’objectif de prendre en compte cet aspect. Parmi ces questionnaires, le Multidimensionnal Dyspnea Profile (MDP) (Banzett et al., 2015) est constitué d’échelles ordinales graduées de 0 à 10 qui quantifient les différentes composantes de la dyspnée (Figure 2). Ce questionnaire distingue ainsi une composante affective immédiate qui quantifie l’inconfort respiratoire, une composante sensorielle qui décrit et quantifie la nature de la perception (« effort excessif », « soif d’air », « constriction thoracique », « effort mental ») et enfin la réponse émotionnelle qui en découle (anxiété, peur, frustration, colère, dépression…) (Figure 2.).

Aires d’intégrations cérébrales communes

Les aires cérébrales activées par la dyspnée sont les mêmes aires qui sont activées au cours de douleurs somatiques (Price, 2002) (Peyron et al., 2000) à l’exception de l’amygdale qui elle, est activée lors de douleurs d’origine viscérales (Bonaz et al., 2002).
Des études récentes d’imagerie fonctionnelle se sont attachées à localiser les différentes aires cérébrales d’intégrations de la dyspnée tout en tachant de distinguer spécifiquement la localisation des composantes affectives et sensorielles.
Ces études montrent que les stimulus dyspnéisants et nociceptifs activent des régions cérébrales similaires(Hsieh et al., 1996) (Lenz et al., 1998) (Treede et al., 1999) (Hofbauer et al., 2001), notamment le cortex cingulaire et l’insula antérieure. Le cortex cingulaire antérieur module la composante affectivo-cognitive de la douleur (Price, 2002). Il est supposé jouer ce rôle dans des stimulus dyspnéisants (Banzett et al., 2000) (von Leupoldt et al., 2008).
Enfin une étude a montré que chez des patients présentant une lésion ischémique de l’insula, la sensation de dyspnée était diminuée parallèlement à la diminution de la perception douloureuse (Schön et al., 2008).

Interactions sensorielles

Les interactions entre dyspnée et douleur sont multiples. En termes thérapeutiques, l’effet de la morphine pour soulager la dyspnée comme la douleur, connu de longue date et d’utilisation longtemps empirique, est aujourd’hui reconnu grâce à plusieurs essais randomisés qui ont permis de confirmer son efficacité sur la dyspnée (Jennings et al., 2002) (Abernethy et al., 2003) (Rocker et al., 2009). Cependant le mécanisme d’action de la morphine sur la dyspnée n’est pas totalement élucidé. Plusieurs études suggèrent, comme pour la douleur, l’implication de mécanismes centraux. Ainsi les patients souffrant de BPCO voient leur dyspnée diminuer grâce à une augmentation de la sécrétion de leurs opioïdes endogènes au cours d’un effort calibré sur un tapis roulant (Mahler et al., 2009). De la même façon, lorsque l’on inhibe les récepteurs à ces opioïdes endogènes par l’injection d’un traitement antagoniste (naloxone), la perception de la dyspnée augmente à la fois en terme d’intensité et d’inconfort (Gifford et al., 2011).
L’ensemble de ces éléments suggère que la dyspnée et la douleur ont des voies sensorielles communes et ces similitudes ont permis d’appliquer les concepts de la perception douloureuse ainsi que les paradigmes expérimentaux utiles à l’exploration des mécanismes de transmission de la douleur à la dyspnée.

Bases neurophysiologiques de la douleur (Le Bars and Willer 2004)

Les messages nociceptifs sont générés au niveau de terminaisons amyéliniques dans les tissus cutanés, articulaires et viscéraux. Les messages sont ensuite véhiculés par les fibres nerveuses périphériques qui se rassemblent en nerfs et envoient leurs messages vers la moelle épinière. On distingue trois types de fibres nerveuses au niveau cutané :
– Les fibres Aβ myélinisées qui acheminent les informations tactiles et proprioceptives à vitesse de conduction rapide (30 à 65m/s chez l’humain) .
– Les fibres Aδ, peu myélinisées à vitesse de conduction moyenne (4 à 30 m/s) .
– Les fibres C non myélinisées à vitesse de conduction lente (0,4 à 2m/s). Elles constituent 90% des afférences viscérales.
Les fibres C et Aδ sont responsables des sensations thermiques et nociceptives. La stimulation des fibres Aδ entraine une sensation de type « piqûre » brève et bien localisée et celle des fibres C, à un seuil plus élevé, entraîne une douleur plus prolongée et plus diffuse de type « brûlure ». La plus grande partie des fibres nerveuses afférentes périphériques atteint le système nerveux central par les racines rachidiennes postérieures ou leurs équivalents lorsqu’il s’agit des nerfs crâniens. Les fibres Aβ envoient leurs axones vers les couches III à V de la corne postérieure de la moelle qui relaient l’information vers le thalamus via les noyaux de Goll et Burdach (système lemniscal). Les fibres Aδ et C se projettent sur les couches de neurones I à V de la corne postérieure. On distingue à ce niveau deux catégories de neurones :
– Les neurones nociceptifs spécifiques localisés dans la couche I de la moelle et activés  spécifiquement par les stimulus nociceptifs, provenant donc des fibres Aδ et C .
– Les neurones nociceptifs non spécifiques ou neurones convergents activés par des stimulus tactiles et nociceptifs d’un même champ périphérique et par des stimulus viscéraux.
Ceci forme le système extra-lemniscal et l’information est relayée au niveau cortical vers les aires cérébrales impliquées dans la douleur.

Seuils douloureux de pression (Pain pressure threshold – PPT) Méthodologie pour l’étude des PPT – L’algométrie

La mesure des seuils douloureux de pression ou algométrie est utilisée depuis de nombreuses années pour évaluer la sensibilité douloureuse. La douleur induite par l’algomètre est une douleur mécanique de pression et donc médiée par les fibres nociceptives Aδ et C. L’algomètre est constitué par une gauge dont l’extrémité est un disque (surface 1cm²) et d’un cadrant de mesure numérique ou électronique indiquant la force appliquée sur la gauge mesurée en N.cm-2. Le seuil douloureux de pression est défini par la pression minimale qui induit une sensation douloureuse chez le sujet (Fischer, 1987) (Buchanan and Midgley, 1987). En pratique, l’algomètre est appliqué perpendiculairement à un muscle, os ou tendon du patient et lorsque celui-ci ne ressent plus une simple sensation de pression mais une sensation douloureuse, la force appliquée correspond au seuil douloureux de pression (pain pressure threshold – PPT). La douleur induite par la pression activerait de façon plus élective les fibres C que les fibres Aδ, le report verbal de la sensation ressentie par les patients est en adéquation avec l’activation de ces fibres (Beissner et al., 2010).

Facteurs modulant l’enregistrement des seuils douloureux de pression

Plusieurs études ont permis d’établir des valeurs standard de PPT chez des sujets sains en fonction du territoire où l’algomètre est appliqué (Nussbaum and Downes, 1998) (Ohrbach and Gale, 1989). Ces valeurs sont reproductibles pour un même sujet d’un examinateur à l’autre (Antonaci et al., 1998) (Cathcart and Pritchard, 2006) (Chesterton et al., 2007). Chez des sujets sains, ces mesures sont également reproductibles au cours du temps (Nussbaum and Downes, 1998).
Il existe cependant des différences de genre dans les valeurs de PPT : les seuils douloureux de pression sont plus bas chez les femmes que chez les hommes (Chesterton et al., 2003). D’autres facteurs modulent les valeurs des PPT. Ainsi, chez des adolescents présentant un syndrome de fatigue chronique, ces seuils sont abaissés témoignant d’une augmentation de la perception douloureuse (Winger et al., 2014). De même, la personnalité affecte les seuils de perception douloureuse : les sujets ayant une personnalité marquée par un affect négatif ont des seuils plus bas (Lacourt et al., 2015).

Algométrie et thérapeutiques antalgiques

En pratique clinique, l’algométrie permet de déterminer des seuils de douleur autrement dit de mesurer une perception douloureuse et de suivre son évolution notamment après des interventions pharmacologiques ou non pharmacologiques.
Ainsi, les PPT sont employés pour évaluer l’effet antalgique de la morphine, du rémifentanyl… sur des sensations nociceptives pouvant être liées à des interventions chirurgicales, à l’accouchement ou à des douleurs chroniques (Snijdelaar et al., 2004) (Manyam et al., 2006).
Ils sont également utilisés pour évaluer l’effet de traitements tels que des stimulations laser, des stimulations magnétiques, des stimulations électriques, des séances de yoga…(Hakgüder et al., 2003) (Smania et al., 2005) (Ferrari et al., 2015), chez des volontaires sains et chez des patients présentant des douleurs articulaires, musculaires ou encore des céphalées.
La mesure des seuils douloureux de pression est simple et reproductible. Etudier l’évolution de la sensibilité nociceptive sous l’effet de stimulus dyspnéisants pour rechercher une contre-irritation dyspnée douleur est une méthode séduisante de par sa fiabilité et sa simplicité.

Contre irritation et dyspnée du type effort excessif

L’existence d’une contre-irritation dyspnée-douleur a été démontrée pour la première fois neurophysiologiquement en utilisant une dyspnée expérimentale de type « effort inspiratoire excessif » induite par une charge mécanique de type charge-seuil inspiratoire comme stimulus conditionnant, et le réflexe nociceptif RIII comme stimulus cible (Morélot-Panzini et al., 2007). Cette étude a montré une inhibition de l’amplitude du RIII de 50% (Figure 6.) sous l’effet de la dyspnée, suggérant l’apparition d’un phénomène de contre-irritation et attestant de la nature nociceptive de cette dyspnée. Par ailleurs, l’activation des CIDN spécifiquement déclenchée par la stimulation des fibres C et Aδ indiquait la participation probable des fibres C dans ce type de dyspnée, les fibres C constituant 90% des afférences respiratoires (Lee, 2009).
Une seconde étude, utilisant les PEL, a confirmé ces résultats (Bouvier et al., 2012). En effet, l’amplitude du complexe N2P2 était inhibée de 38% (Figure 6.) sous l’effet de la dyspnée expérimentale de type « effort excessif » induite par une charge à seuil.
Les deux études ont utilisé une dyspnée de type « effort inspiratoire excessif » comme stimulus conditionnant. Ce type de dyspnée, induit par une charge mécanique, peut ainsi être considéré comme un stimulus nociceptif et partage probablement de fait avec la douleur, des voies de conduction et des mécanismes d’intégration centrale communs.

Recueil et analyse des signaux électrophysiologiques (Etude 1 et 2)

Les PEL étaient enregistrés par un électroencéphalogramme (EEG). L’EEG comprenant les dérivations Fz, Cz, Pz, C3, T3, C4, T4, A1 et A2 selon le système international 10-20, était enregistré en utilisant un amplificateur BrainVision V-Amp16 (Brain Products GmbH, Gilcching, Allemagne). L’électro-oculogramme était également enregistré par les électrodes Fp1 et Fp2. L’impédance des électrodes était vérifiée avant chaque acquisition, la limite supérieure étant réglée à 5 kΩ. La fréquence d’échantillonnage était de 2000Hz.
L’EEG était enregistré via le logiciel Brain Vision Recorder (Brain Products GmbH, Gilching, Allemagne) et stocké pour analyse ultérieure. L’analyse du signal EEG a été réalisée grâce au logiciel Brain Analyser 2 (Brain Products GmbH, Gilching, Allemagne).
Une analyse de l’EEG était cependant réalisée en direct pendant l’expérience afin de vérifier la bonne acquisition des PEL et d’identifier la présence d’artéfacts. Cette analyse comprenait : un filtrage automatique (filtre passe-bas 0,5Hz, filtre passe-haut 50Hz, filtre notch 50Hz), une segmentation du signal permettant d’obtenir une fenêtre d’analyse allant de 500ms avant la stimulation laser à 1500ms après la stimulation laser, un moyennage automatique des segments obtenus.
L’analyse à posteriori a été menée via le logiciel Brain Vision Analyser 2 (Brain Products Gmbh, Gilching, Allemagne). L’analyse comprenait :
– La définition d’une nouvelle référence « Ear », extra céphalique, au niveau des oreilles A1 et A2 .
– Un filtrage du signal : filtre passe-bas 0,5Hz, filtre passe-haut 30Hz, filtre notch 50Hz.
– Une correction de la ligne de base .
– Une segmentation du signal : fenêtre d’analyse 500ms avant la stimulation et 1500ms après la stimulation .
– Un rejet des artéfacts de façon semi-automatique fondé sur l’amplitude du signal suivi d’une analyse visuelle permettant le rejet éventuel des artéfacts oculaires à l’aide de l’électro oculogramme .
– Un moyennage des segments obtenus .
– Une détection automatique des pics du PEL : le composant N2 était défini par la plus grande négativité du signal dans les latences allant de 150 à 300ms à partir du stimulus en Cz-Ear. Le composant P2 était défini par la plus grande positivité du signal suivant le composant N2 dans les latences allant de 200 à 500ms en Cz-Ear. La mesure des amplitudes des composants était réalisée par la mesure de la valeur entre la ligne de base et le pic. La mesure de leur latence était réalisée à partir de la ligne de stimulation. L’amplitude N2P2 correspondait à la somme des amplitudes de N2 et P2 en valeur absolue.

Potentiels évoqués somesthésiques (Etude 1 et 2)

Les potentiels évoqués somesthésiques étaient étudiés à titre de contrôle méthodologique au cours des deux études. En effet ces potentiels explorent les voies sensitives de façon générale et pas seulement les voies de conductions nociceptives. Une modification des PEL sans modification des PES peut donc être interprétée comme témoignant spécifiquement d’une modification des voies nociceptives.
Comme pour les PEL, il s’agissait d’ondes électroencéphalographiques. Les composants N20 et P25 exploraient les voies sensitives et le composant tardif N140 était analysé pour évaluer l’impact de l’attention.
L’analyse à postériori a été réalisée via le logiciel Brain Vision Analyser 2 (Brain Products Gmbh, Gilching, Allemagne). L’analyse comprenait :
– La définition d’une nouvelle référence en Fz.
– Pour l’analyse des composants N20 et P25 .
– Un filtrage du signal : filtre passe-bas à 30Hz, passe-haut à 3000Hz et « notch » à 50Hz .
– Une segmentation du signal : fenêtre d’analyse de 10 ms avant la stimulation électrique à 40ms après .
– Un rejet des artéfacts de façon automatique fondé sur l’amplitude du signal dans la fenêtre d’analyse (rejet des segments ayant une amplitude dépassant +/-40µV) .
– Un moyennage des différents segments ainsi obtenus .
– Une analyse des différents composants des potentiels évoqués somesthésiques par obtention automatique des pics, enregistrés en C3-Fz, le nerf médian droit ayant été stimulé chez tous les sujets. Le composant N20 était défini par la plus grande négativité du signal dans les latences 15-25ms suivant la stimulation, le composant P25 par la plus grande positivité dans les latences 20-35ms. L’amplitude N20-P25 était la somme des amplitudes de N20 et P25 en valeur absolue.
– Pour l’analyse de N140 :
– Un filtrage du signal : filtre passe-bas à 1Hz, passe-haut à 100Hz et « notch » à 50Hz .
– Une segmentation du signal, un rejet des artéfacts et un moyennage selon les mêmes paramètres que ci-dessus .
– La recherche du composant N140 défini par la plus grande négativité dans les latences 130-160ms suivant la stimulation par obtention automatique des pics effectués en C3-Fz.

Recueil et analyse des seuils douloureux de pression (Etude 3).

Les seuils douloureux de pression (Pressure Point Threshold – PPT) étaient obtenus à l’aide d’un algomètre numérique (Force One, Wagner Instruments, Greenwich, CT USA). L’algomètre était constitué de deux parties : une jauge dont l’extrémité était un disque de 1cm² de surface et un cadrant de lecture des mesures.
Deux examinateurs étaient présents : le premier appliquant l’algomètre au sujet et le second notant les valeurs de PPT obtenues lisibles sur le cadrant numérique de l’algomètre.
Le biceps, le deltoïde et le trapèze du bras non dominant des sujets étaient marqués au feutre dans leur portion centrale. L’avant-bras était en position d’extension et de supination.
Trois mesures étaient réalisées par site, le PPT étant défini comme étant la moyenne de ces trois mesures (N.cm-2).

Stimulation nociceptive laser (Etudes 1 et 2)

Le stimulus nociceptif consistait en une stimulation thermique brève du dos de la main par un laser CO2 (Neurolas CO2 Laser System, Electronic Engineering S.P.A., Florence, Italie). La stimulation laser était réalisée sur le dos de la main droite pour tous les sujets. Le diamètre de stimulation était fixé à 4 mm pour tous les sujets et contrôlé avant chaque expérience sur du papier millimétré thermosensible. Le faisceau laser de stimulation était disposé perpendiculairement à la face dorsale de la main avant le début de la stimulation à une distance de 50 cm. Le principal effet secondaire de cette technique est un érythème cutané au point de stimulation (Treede et al., 2003). Afin d’en limiter la survenue, la zone de stimulation était déplacée de quelques millimètres par mobilisation manuelle du laser avant chaque stimulation. Ceci permettait de plus d’éviter toute diminution de la sensation douloureuse au point de stimulation, diminution pouvant être secondaire à un phénomène d’atténuation ou de période réfractaire des fibres sensitives (Plaghki and Mouraux, 2003).
L’intensité de stimulation était définie par le seuil de stimulation des fibres Aδ et était calculée par la formule suivante :
Energie (mJ/mm2) = (Puissance délivrée W *Durée de stimulation ms)
(π*diamètre de stimulation2mm/4)
L’intervalle entre deux stimulations était d’environ 10 secondes.

Stimulation nociceptive de pression

Le stimulus nociceptif consistait en une stimulation mécanique. La jauge de l’algomètre était appliquée perpendiculairement au muscle testé sur le site préalablement marqué, le curseur de mesure non visible pour le sujet et le premier examinateur (Figure 1.). La valeur du PPT était notée par le second examinateur et correspondait à la force par unité de surface nécessaire pour obtenir la différence entre une simple sensation de pression et une sensation douloureuse. Les sujets étaient accoutumés à cette différence avant le début de l’expérience par un test sur le bras controlatéral.

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Table des matières

RESUME EN ANGLAIS
LISTE DES ABREVIATIONS
LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
INTRODUCTION
1. Dyspnée : définition et pertinence clinique
2. Mécanismes neurophysiologiques de la dyspnée
3. Analogie dyspnée – douleur
4. Contre irritation dyspnée – douleur
HYPOTHESE DE TRAVAIL
METHODES EXPERIMENTALES
1. Généralités
2. Recueil et analyse des signaux respiratoires
3. Recueil et analyse des signaux électrophysiologiques (Etude 1 et 2)
4. Recueil et analyse des seuils douloureux de pression (Etude 3)
5. Stimulations
6. Mesures psychométriques
7. Substances pharmacologiques (Etude 2)
8. Conditions expérimentales
RESULTATS
ETUDE 1
ETUDE 2
ETUDE 3
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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