Epidémiologie de l’adénocarcinome pancréatique
Le cancer du pancréas représente la quatrième cause de décès par cancer dans les pays occidentaux (2). De plus, il est estimé que, du fait de l’absence de marqueurs diagnostic et de traitements efficaces, le cancer du pancréas deviendra la deuxième cause de décès par cancer aux Etats-Unis en 2020 (3). La survie à 5 ans est inférieure à 3 % et la médiane de survie des patients (tous stades confondus) est de seulement 6 mois. Les principales causes de ce pronostic très sombre sont l’absence de signes cliniques et de marqueurs spécifiques précoces mais aussi et surtout le manque d’efficacité des traitements actuels tels que la chirurgie ou la chimiothérapie. Les signes cliniques de la pathologie (douleurs abdominales, amaigrissement, jaunisse) n’apparaissent qu’à des stades tardifs de ce cancer. De ce fait au diagnostic, dans 85% des cas, les patients sont non opérables étant donné le caractère « localement avancé » ou métastatique de la tumeur. Ces patients se voient alors proposer un traitement chimio thérapeutique à base de gemcitabine ou de folfirinox pour les patients dans un bon état général (4).
Le cancer du pancréas familial
5 à 10 % des cancers du pancréas sont dûs à un cancer du pancréas familial. Ce type de cancer concerne des patients atteints d’un cancer du pancréas (non issus d’un syndrome héréditaire prédisposant) et apparentés au 1er degré avec des personnes ayant ce même cancer. Il est intéressant de noter que lorsque deux individus sont apparentés au 1er degré, le risque de survenue d’un cancer du pancréas est de 8 à 12 % alors qu’il est de 16 à 38 % dès lors que trois individus sont apparentés. Le problème majeur de ce cancer est que les gènes impliqués dans cette transmission sont le plus souvent méconnus, excepté les gènes BRCA2 et ATM (ataxia telangectasia mutated gene) qui sont respectivement retrouvés associés à ce type de cancer dans 17% et 4,6% (12).
Facteurs de risques exogènes
Le seul facteur environnemental aujourd’hui avéré pour le cancer du pancréas est le tabagisme (23). L’importance de l’alcool et d’une surconsommation en graisses animales ou en sucre sont décrits mais débattus. Le tabagisme est en effet, le facteur de risque exogène majeur du fait des différents composants d’une cigarette (monoxyde de carbones et divers composés organiques volatiles) qui sont très toxiques et pro inflammatoires. Pour des fumeurs réguliers, le risque de développer un cancer du pancréas est multiplié par 2,7. De plus, il est décrit un effet synergique entre le tabagisme et d’autres facteurs de risque. En effet, un patient atteint d’une pancréatite héréditaire et qui fume présente 2,1 fois plus de risques de développer un cancer du pancréas (5). Concernant l’alcool, une surconsommation est retrouvée dans 80 % des patients atteints de pancréatites chroniques héréditaire (inflammation chronique locale) précédemment décrites comme évoluant dans 40 % des cas en cancer du pancréas. Enfin, une alimentation riche en graisses animales et en sucres épuise respectivement les fonctions exocrine et endocrine du pancréas (24).
Les acteurs moléculaires de la carcinogénèse pancréatique
Depuis ces dernières années, de nombreux travaux visent à décrypter les mécanismes initiateurs de la cancérogenèse pancréatique. En effet, une meilleure compréhension des altérations moléculaires impliquées pourrait permettre, d’une part, une détection et donc un diagnostic précoce mais d’autre part, de proposer de nouveaux traitements et ainsi, d’améliorer la prise en charge des patients. Les modèles animaux ont largement contribué à modéliser le développement des PanINs mais aussi les acteurs moléculaires impliqués. Hingorani et ses collaborateurs ont établi le modèle murin « historique » PDX-1 Cre;LSLKrasG12D qui reproduit la progression histologique de la pathologie permettant ainsi d’observer et de caractériser les différentes PanINs (25). Dans ce modèle appelé KC, l’expression de la Cre recombinase est sous la dépendance du promoteur PDX-1 (Pancreatic and duodenal homeobox 1). Au cours du développement embryonnaire, le facteur de transcription PDX-1 est exprimé par les cellules épithéliales formant les bourgeons pancréatiques. Plus tardivement dans les phases de développement, PDX-1 est impliqué dans la maturation des cellules bêta du pancréas. Enfin, à l’âge adulte, PDX-1 est exprimé essentiellement dans les cellules des ilots de langerhans. Ce promoteur permet donc l’expression de la Cre recombinase dans les cellules pancréatiques PDX-1+. Parallèlement à ce modèle murin, le modèle LSL-KrasG12D a été développé. Ce dernièr présente sur un des deux allèles du gène codant pour Kras, un codon stop, encadré de deux sites Lox, qui précède le gène Kras muté sur le codon 12 (remplacement d’une glycine par l’acide aspartique). Lors du croisement de ces deux modèles, la Cre recombinase est exprimée ce qui induit une perte du codon STOP et l’expression hétérozygote du Kras dans les cellules pancréatiques PDX-1+ . Il est important de noter que le gène codant pour la protéine KrasG12D, constitutivement activé, est régulé par le promoteur endogène du gène kras sauvage. De plus, la mutation homozygote n’est pas viable. L’expression de KrasG12D induit dans tous les cas le développement de PanINs (sur 33 animaux mutés, 33 ont développés des PanINs) aux différents stades (précoces et tardifs) et avec la progression histologique observés chez l’homme (25). Ce modèle PDX-1-Cre;LSL-KrasG12D a permis de mettre en évidence le rôle initiateur de KrasG12D dans le développement des PanINs puis du cancer du pancréas. Les travaux de différentes équipes dont celle de Tuveson ont permis de mettre en évidence que le développement des PanINs est dû à une altération moléculaire séquentielle que nous allons décrire dans cette partie et qui est représentée sur la figure 3 (19). Très précocement, l’expression de la nestine (filament intermédiaire de classe VI) par les cellules canalaires engendre des capacités d’invasion et de migration nécessaires à l’initiation du développement du cancer du pancréas. En effet, cette protéine interagit avec d’autres filaments intermédiaires tels que la vimentine ou la desmine pour former des hétéropolymémaires qui induisent une modification dans la dynamique cellulaire (26). Par la suite, une érosion des téloméres (destabilise les chromosomes et donc favorise l’instabilité génétique) combinée à différentes altérations génétiques et épigénétiques décrites ci dessus conduisent à la transformation progressive des cellules canalaires et ainsi au développement des PanINs puis du cancer.
Kras
Le premier acteur de la carcinogenèse pancréatique est l’oncogène Kras. Son rôle initiateur dans la carcinogenèse pancréatique a été mis en évidence grâce au modèle murin PDX-1-Cre;LSL-KrasG12D décrit précédemment. Le gène Kras code pour une protéine cytosolique, p21ras, de la famille des Rho GTPase. En condition physiologique, l’interaction d’un récepteur tyrosine kinase (EGFR, PDGFR,…) avec son ligand engendre la liaison de p21ras avec le GTP et donc, son activation. P21ras-GTP active à son tour différentes voies de signalisation dont la voie des MAPK/ERK (mitogen-activated protein kinases/extracellular signal-regulated kinases) et la voie PI3K/AKT (phosphoinositide 3-kinase/ protein kinase B) qui aboutissent à la prolifération et la migration cellulaire (27). Cet oncogène est muté dans un tiers des tumeurs malignes humaines. Les mutations Kras sont retrouvées dans 90 % des cas de cancer du pancréas (28). Ces dernières sont majoritairement portées par le codon 12 (mutation G12D) et ont pour effet de modifier le site de liaison de p21ras avec le GTP ce qui réduit fortement l’activité GTPasique de la protéine (29). La protéine p21ras mutée est alors bloquée sous sa forme liée au GTP ce qui induit une activation constitutive de la protéine et par conséquent des différentes voies de signalisation en aval de cet oncogène.
|
Table des matières
I-Introduction
I-1- Le cancer du pancréas
I-1-1- Les différents types de cancer du pancréas
I-1-2- Epidémiologie de l’adénocarcinome pancréatique
I-1-3- Les facteurs de risque
I-1-3-1- Facteurs de risque endogènes
I-1-3-1-a- Généralités
˜ Les prédispositions héréditaires
˜ Le cancer du pancréas familial
˜ Les prédispositions naturelles et cliniques
I-1-3-1-b- Les lésions pré-néoplasiques
˜ Les PanINs
˜ Les TIPMP
˜ Les cystadénomes mucineux
I-1-3-2- Facteurs de risques exogènes
I-1-4- Les acteurs moléculaires de la carcinogénèse pancréatique
I-1-4-1- Les altérations génétiques
I-1-4-1-a- Les oncogènes
˜ Kras
˜ Her-2/neu
I-1-4-1-b- Les gènes suppresseurs de tumeurs
˜ p16/CDKN2
˜ p53
˜ SMAD4/DPC4
I-1-4-2- Altérations épigénétiques
I-1-4-2-a- Le système polycombe/thrytorax
I-1-4-2-b- La méthylation de l’ADN
I-1-4-2-c- La modification des histones
I-1-4-2-d- Les microARNs
˜ Biogénèse
˜ Expression des microARNs et cancer du pancréas
I-2- Le diagnostic
I-3- Les traitements actuels du cancer du pancréas
I-3-1- Le traitement curatif: la résection chirurgicale
I-3-2- Les traitements palliatifs
I-3-2-1- La chirurgie
I-3-2-2- Chimiothérapie
I-3-2-2-a-La gemcitabine
˜ Classe pharmacologique
˜ Mode d’action
˜ Métabolisation
˜ Données clinique
˜ Gemcitabine modifiée
˜ Evaluations cliniques de polychimiothérapies
I-3-2-2-b-Le folfirinox
˜ Classe pharmacologique
˜ Mode d’action
˜ Données cliniques
I-3-2-2-c- Le nab-paclitaxel
˜ Classe pharmacologique
˜ Mode d’action
˜ Données cliniques
I-3-2-3- Radiothérapie
I-3-2-4- Biothérapie
I-4- Approches thérapeutiques innovantes : Ciblage du microenvironnement tumoral
I-4-1- Définition du microenvironnement tumoral
I-4-1-1- Les cellules étoilées
I-4-1-2- Les cellules endothéliales
I-4-1-3- Les cellules nerveuses
I-4-1-4- L’échappement du système immunitaires
I-4-1-5- La matrice extra cellulaire
I-4-2- Ciblage du microenvironnement tumoral
I-4-2-1-Inhibiteurs shh
I-4-2-1-a- Présentation de la voie
I-4-2-1-b- Données précliniques
I-4-2-1-c- Essais cliniques
I-4-2-2-Hyaluronidase
I-4-2-2-a- Généralités sur les hyaluronidases
I-4-2-2-b- Données précliniques
I-4-2-2-b- Essais cliniques
I-4-2-3- Inhibiteurs de PARP
I-4-2-3-a- Processus de réparation de l’ADN
I-4-2-3-b- Mutation du gène BRCA
I-4-2-3-c- Poly (ADP-ribose) polymerase: PARP
I-4-2-3-d- Données précliniques
I-4-2-3-e- Essais cliniques
I-4-2-4- Inhibiteurs du récepteurs PDGF
I-4-2-4-a- Platelet derived growth factor receptor: PDGFR
I-4-2-4-b- Données précliniques
I-4-2-4-c- Essais cliniques
I-4-2-5- Les anticorps agonistes de CD40
I-4-2-5-a- Le récepteur CD40
I-4-2-5-b- Données précliniques
I-4-2-5-c – Essais cliniques
I-5- La thérapie génique anticancéreuse
I-5-1- Qu’est ce que la thérapie génique ?
I-5-2- Les spécificités de la thérapie génique anticancéreuse
I-5-3- Les différentes outils de thérapie génique anti-cancéreuse
I-5-3-1- L’ADN nu
I-5-3-2- Les vecteurs non viraux
I-5-3-2-a- Implant cylindrique bio polymérique: LODER
I-5-3-2-b- Les liposomes
I-5-3-2-c- Les polymères cationiques
I-5-3-3- Les vecteurs viraux et les virus
I-5-3-3-a- Utilisation de vecteurs viraux
˜ Les vecteurs issus des rétroviridae
˜ Les vecteurs adénoviraux
˜ Les vecteurs adéno viraux associés (AAV)
I-5-3-3-b- Les virus oncolytiques ou oncovirothérapie
˜ Présentation
˜ Les différents virus oncolytiques
˜ Les virus ciblant naturellement les cellules cancéreuses sont
Les réovirus
Le virus de la stomative vésiculeuse (VSV)
˜ Les virus modifiés génétiquement pour cibler et/ou répliquer préférentiellement dans les cellules cancéreuses sont
Le virus de la rougeole ou measle virus
Le virus de l’herpes ou HSV
I-5-4- L’essai TherGap
˜ Le PEI
˜ Le gène thérapeutique
– La déoxycytidine kinase (DCK)
– Le récepteur à la somatostatine 2
II- Résultats expérimentaux
II-2 Introduction générale: Rationnel de thèse
II-3 Publications et travaux en cours
Article N°1- « First-in-man phase I clinical trial of gene therapy for advanced pancreatic cancer: Safety, biodistribution and preliminary clinical findings »
Introduction
Discussion
Article N°2- Chimiosensibilisation des cellules cancéreuses pancréatiques à la gemcitabine: Ciblage de la cytidine désaminase
Introduction
˜ Transporteur hENT1
˜ RRM2
˜ microARNs
˜ CDA
Résultats
Discussion
Article N°3- « Targeted Oncolytic Herpes Simplex Virus Type 1 Eradicates Experimental Pancreatic Tumors »
Introduction
Discussion
III- Conclusion et Perspectives
Références bibliographiques
Télécharger le rapport complet