Mécanismes généraux du contrôle du cycle cellulaire

Mécanismes généraux du contrôle du cycle cellulaire

Le signal de prolifération

Dans les conditions normales, l’entrée dans le cycle cellulaire est contrôlée essentiellement par l’intermédiaire de facteurs chimiques présents dans le micro-environnement cellulaire. Ces facteurs, de nature variable, sont capables soit de stimuler soit au contraire d’inhiber la prolifération, selon les besoins de l’homéostasie tissulaire. Ainsi un excès de facteurs stimulateurs ou un défaut de facteurs inhibiteurs sont à l’origine d’une croissance tissulaire avec un gain cellulaire global, par l’intermédiaire d’une augmentation de la fraction tissulaire proliférative. L’action des facteurs stimulateurs de la prolifération cellulaire peut correspondre à un raccourcissement de la durée du cycle cellulaire (principalement par une réduction de la durée de la phase G1) mais les mécanismes les plus importants sont ceux qui induisent le recrutement de cellules quiescentes ou au repos dans le cycle cellulaire (Cotran et coll., 1999).

Au niveau cellulaire, la prolifération est initiée par la fixation d’une molécule, le plus souvent un facteur de croissance ou une hormone, sur un récepteur spécifique. Ce récepteur, de nature protéique, peut être localisé au niveau membranaire à la surface cellulaire, ou au sein du cytoplasme cellulaire, voire au niveau nucléaire. Le récepteur présente une spécificité de liaison pour son ligand et le complexe résultant de l’association du récepteur et du ligand initie une réponse cellulaire spécifique. Un grand nombre de facteurs de croissance stimulant la prolifération cellulaire ont été isolés durant les deux dernières décennies (Tableau I). Leur nom découle, en première intention, de celui du type cellulaire à partir duquel ils ont été isolés ou pour lequel leur action trophique fut la première fois mis en évidence in vitro. Cependant, à quelques exceptions près, leur spectre d’action est le plus souvent large et ces facteurs protéiques ubiquitaires sont capables de stimuler la prolifération d’un grand nombre de types cellulaires différents dans l’organisme (Tableau I).

La transmission intracellulaire du signal de prolifération

La réponse cellulaire à un facteur de prolifération correspond à un signal transmis jusqu’au sein du noyau cellulaire et mettant en jeu des cascades de signalisation intracellulaires, appelées systèmes de transduction du signal. Ces systèmes de transduction correspondent au processus par lequel un signal extracellulaire (ici la fixation d’un facteur de prolifération sur son récepteur) est reconnu et converti en une signalisation intracellulaire générant une ou des réponses cellulaires spécifiques. Ces systèmes de signalisation intracellulaire se caractérisent par une série d’activation moléculaire, basée le plus souvent sur des phosphorylations en chaîne catalysées par des protéines kinases (Alberts et coll., 1995).

Ces phosphorylations séquentielles de molécules de signalisation intermédiaires aboutissent à terme à l’activation de facteurs de transcription nucléaire, dont la translocation dans le noyau et la fixation au niveau de l’ADN, engendrent l’activation de l’expression de gènes spécifiques stimulant, dans le cas de la transduction d’un signal de prolifération, l’entrée de la cellule dans le cycle cellulaire. Parmi les différents systèmes de transduction impliqués dans l’intégration et la transmission du signal de prolifération cellulaire induits par les facteurs de croissance, le système mettant en jeu la kinase MAP, pour Mitogen-Activated Protein, joue un rôle de tout premier plan. En guise d’exemple, ce système de signalisation et les différents acteurs mis en jeu sont représentés dans la Figure 2. Les systèmes de transduction du signal aboutissent à un transfert de l’information au noyau cellulaire où se déroulent des changements spécifiques dans la régulation de l’expression de certains gènes. Cette régulation a lieu essentiellement au niveau transcriptionnel et est contrôlée par l’activation de facteurs régulateurs appelés facteurs de transcription.

Ces facteurs possèdent une structure modulable, composée de plusieurs domaines spécifiques, dont principalement des domaines de liaison à l’ADN et des domaines de régulation de la transcription (Cotran et coll., 1999). Les domaines de liaison à l’ADN permettent au facteur de transcription de s’associer à des séquences nucléotidiques spécifiques par l’intermédiaire de différents mécanismes moléculaires (liaisons par homéodomaines, par domaines à doigt de zinc…). Les domaines de régulation transcriptionnelle oriente l’activité du facteur soit vers l’augmentation de la transcription (domaine activateur) soit vers la diminution (domaine répresseur) de l’activité transcriptionnelle (Tijan et coll., 1994).

La réplication de l’ADN : phase S du cycle cellulaire

Pour que la division cellulaire puisse donner naissance à deux cellules filles contenant les mêmes informations génétiques, il est nécessaire qu’avant la division le contenu d’ADN de la cellule soit dupliqué. Ceci est réalisé durant la phase S du cycle par la réplication de l’ADN. La réplication fait intervenir de nombreux systèmes enzymatiques, agissant de façon séquentielle et coordonnée. La principale famille d’enzymes intervenant dans cet événement correspond à celle des ADN polymérases qui assurent la duplication de la double hélice. Au cours de la réplication de l’ADN, chacune des chaînes de la double hélice d’ADN sert de matrice pour la fabrication d’une chaîne entièrement nouvelle. De ce fait, chaque gène est présent non plus en deux mais quatre copies, deux d’origine maternelle et deux d’origine paternelle, et chacune des deux cellules filles d’une cellule qui se divise hérite d’une nouvelle double hélice d’ADN contenant une ancienne et une nouvelle chaîne (Alberts et coll., 1995).

Cependant pour que les ADN polymérases puissent catalyser la polymérisation des nucléotides triphosphates de la chaîne compléméntaire à partir de la chaîne matrice, la double hélice doit être, successivement, déroulée, ouverte, puis les deux brins écartés, afin d’être accessible aux systèmes enzymatiques assurant sa réplication. Deux types de protéines de réplication contribuent à ce processus : les ADN hélicases d’une part et des protéines de déstabilisation de la double hélice et de liaison à l’ADN simple brin d’autre part, qui facilitent l’ouverture de la chaîne double brin et stabilisent l’ADN monocaténaire. Ensuite, la synthèse d’un brin complémentaire, qui débute en plusieurs sites d’origine, appelés fourches de réplication et dont le nombre est estimé entre 20 000 et 30 000 par cellule, peut être assurée par les ADN polymérases, l’action de ces dernières nécessitant par ailleurs au niveau de ces fourches de réplication la coopération de protéines non enzymatiques agissant comme cofacteurs. La plupart des molécules d’ADN polymérases synthétisent d’elles-mêmes des fragments de chaînes nucléotidiques de façon discontinue avant de se séparer de la chaîne matrice d’ADN. Ces fragments seront ensuite secondairement soudés entre eux par une autre famille d’enzymes, les ADN ligases.

Enfin, du fait de la disposition topographique naturelle enroulée de la double hélice, l’ouverture et le déroulement de l’ADN lors de la progression de la fourche de réplication le long des chromosomes provoquent d’importantes forces de tension dues au superenroulement de l’hélice d’ADN parentale en avant de la fourche.

Les CDK et cyclines

Le système de contrôle du cycle cellulaire est basé sur deux familles de protéines clés. La première est une famille de protéines kinases cycline-dépendantes ou CDK, qui induisent et coordonnent les processus en aval essentiels à la duplication et à la division des constituants de la cellule. Comme toutes les protéines kinases, les CDK agissent en phosphorylant des protéines spécifiques, tout particulièrement pour cette famille sur des résidus sérine et thréonine. La famille des CDK comprend chez les cellules eucaryotes huit membres aujourd’hui identifiés, dénommés par les initiales CDK suivies par les chiffres de 1 à 8. La seconde est une famille de protéines spécialisées, appelées cyclines, qui se lient aux molécules CDK et contrôlent leur capacité à phosphoryler les protéines cibles appropriées. L’assemblage cyclique, l’activation et le désassemblage des complexes cycline / CDK sont les principaux évènements sur lesquels reposent le cycle cellulaire (Arellano, 1997).

Les cyclines sont appelées ainsi parce qu’elles subissent un cycle de synthèse et de dégradation à chaque étape du cycle de division de la cellule. Sept familles de cyclines, dénommées par les lettres A, B, C, D, E, F et G, ont été à ce jour mises en évidence dans les cellules de mammifères. Parmi elles, seules cinq ont cependant des fonctions clairement identifiées dans la régulation du cycle. Elles se répartissent en deux classes : les cyclines G1 (correspondant aux familles C, D et E) qui se lient aux molécules CDK pendant la phase G1 et sont nécessaires pour l’entrée en phase S, et les cyclines mitotiques (correspondant aux familles A et B), qui se lient aux molécules CDK pendant la phase G2 et sont nécessaires à l’entrée en mitose. Les différentes phases et transitions du cycle cellulaire sont donc caractérisées et gouvernées par différentes combinaisons d’associations entre cyclines et CDK, l’interaction avec une cycline entraînant des modifications structurales essentielles à l’activité catalytique des CDK (Morgan, 1995). Un schéma général simplifié du rôle des complexes CDK / cycline dans la progression du cycle cellulaire est représenté Figure 4. La régulation générale de l’activité des différents complexes CDK / cycline est assurée par trois types différents de mécanismes, représentés Figure 5.

Le premier mécanisme, fondamental, fait intervenir essentiellement l’expression différentielle des différentes classes de cycline au cours de la progression du cycle. En effet, le niveau d’expression des différentes CDK a été déterminé comme demeurant quasiment invariant durant le cycle. Par contre, le niveau d’expression des différentes familles de cyclines varie spécifiquement durant les différentes phases du cycle cellulaire. Leur activité est maximale au moment où elles atteignent leur pic d’expression (spécifique pour chaque famille de cycline d’une phase donnée du cycle cellulaire) puis disparaît du fait de leur dégradation rapide lorsque la cellule parvient à la phase suivante du cycle cellulaire (Evans et coll., 1983) (Figure 4). Cette dégradation met principalement en jeu le système ubiquitine-protéasome. Dans ce système les protéines devant être éliminées sont d’abord conjuguées à un petit cofacteur protéique, l’ubiquitine, puis la protéine ubiquitinée modifiée est spécifiquement reconnue et dégradée par le protéasome, un volumineux complexe protéolytique multimérique macromoléculaire (Deshaies, 1995).

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Table des matières

AVANT PROPOS
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
LES MARQUEURS DE PROLIFERATION EN ONCOLOGIE
VETERINAIRE
Introduction
I.Le cycle cellulaire : déroulement, mécanismes et régulation
I.A. La prolifération cellulaire : généralités
I.A.1. Populations cellulaires dans un organisme et capacités prolifératives
I.A.2. Différentes phases du cycle cellulaire
I.A.3. Chronologie du cycle cellulaire
I.B. L’entrée dans le cycle cellulaire
I.B.1. Le signal de prolifération
I.B.2. La transmission intracellulaire du signal de prolifération
I.C. Déroulement et mécanismes des différentes phases du cycle cellulaire
I.C.1. Les phases de croissance G1 et G2
I.C.2. La réplication de l’ADN : phase S du cycle cellulaire
I.C.3. Le déroulement de la mitose : phase M du cycle cellulaire
I.D. Mécanismes généraux du contrôle du cycle cellulaire
I.D.1. Les CDK et cyclines
I.D.2. Le point de restriction et les points de contrôles (checkpoints
I.E. Mécanismes de contrôle spécifiques des transitions du cycle cellulaire
I.E.1. Régulation des phases précoces du cycle : progression en G1 et transition G1-S
I.E.2. Régulation des phases tardives du cycle : transition G2-M et progression de la mitose
II.La prolifération cellulaire en oncologie : significations et techniques d’étude
II.A. Biologie et cinétique de la prolifération cellulaire néoplasique et de la croissance tumorale
II.A.1. Les cycles cellulaires normaux et néoplasiques : analogies et différences
II.A.2. Bases moléculaires et géniques de la prolifération cellulaire néoplasique
II.A.3 La croissance tumorale
II.A.3.a. Les paramètres de la croissance tumorale
II.A.3.b. Le temps de doublement : intérêt en clinique oncologique
II.B. Techniques d’étude de la prolifération : applications en clinique Oncologique
II.B.1. Techniques d’incorporation
II.B.1.a. Principe général
II.B.1.b. Intérêts et limites en clinique oncologique vétérinaire
II.B.2. Analyse du contenu cellulaire en ADN
II.B.2.a. Principe général
II.B.2.b. Intérêts et limites en clinique oncologique vétérinaire
II.B.3. Index mitotique
II.B.3.a. Principe général
II.B.3.b. Intérêts et limites en clinique oncologique vétérinaire
II.B.4. Organisateurs nucléolaires (AgNORs)
II.B.4.a. Principe général
II.B.4.b. Intérêts et limites en clinique oncologique vétérinaire
II.B.5. Détection immunohistochimique des marqueurs de prolifération
II.B.5.a. Principe général
II.B.5.b. Intérêts et limites en clinique oncologique vétérinaire
III. Les marqueurs de prolifération cellulaire PCNA (Proliferating Cell Nuclear Antigen) et Ki-67
III.A. L’antigène nucléaire de prolifération cellulaire ou Proliferating Cell Nuclear Antigen (PCNA) : biologie et utilisation comme marqueur de prolifération
III.A.1. Historique et découverte
III.A.2. De la structure à la fonction
III.A.3. Expression durant le cycle cellulaire
III.A.4. Significations biologiques et utilisations comme marqueur de prolifération
III.B. L’antigène Ki-67 : biologie et utilisation comme marqueur de prolifération
III.B.1. Historique et découverte
III.B.2. De la structure à la fonction
III.B.3. Expression durant le cycle cellulaire
III.B.4. Significations biologiques et utilisations comme marqueur de prolifération
III.C. Utilisations de la détection des marqueurs de prolifération PCNA et Ki-67 en oncologie vétérinaire
III.C.1. Détection immunohistochimique des marqueurs de prolifération PCNA et Ki-67 sur tissus animauxIII.C.2. Applications à l’évaluation pronostique et thérapeutique en oncologie vétérinaire spontanée
III.C.2.a. Tumeurs mammaires
III.C.2.b. Lymphomes malins
III.C.2.c Autres types tumoraux
Conclusion
ETUDE EXPERIMENTALE
APPLICATION DE LA DETECTION IMMUNOHISTOCHIMIQUE
DES MARQUEURS DE PROLIFERATION PCNA ET Ki-67 A
L’ETUDE PRONOSTIQUE DU MASTOCYTOME CUTANE CANIN
Introduction
Matériels et méthodes
I.Matériel tumoral
II.Fiche de renseignements
III. Analyse histopathologique
IV.Immunohistochimie
IV.A. Modes opératoires
IV.B. Quantifications des marquages
IV.C. Déterminations des index de prolifération Ki-67 et PCNA
V.Analyse statistique
V.A. Généralités
V.B. Tests statistiques
V.B.1. Applications aux résultats de l’analyse histologique
V.B.2. Applications aux résultats de l’analyse immunohistochimique
Résultats
I.Caractéristiques épidémiologiques de la population
I.A. Répartition selon l’âge
I.B. Répartition selon le sexe
I.C. Répartition selon la race
I.D. Répartition selon la localisation tumorale
II.Résultats clinico-pathologiques
II.A. Taux et durée de survie
II.B. Comportement biologique et évolution
II.B.1. Récidive locale
II.B.2. Éclosion multicentrique
II.B.3. Dissémination métastatique
III. Résultats de l’analyse histologique (grading
III.A. Répartition en fonction du grade histologique
III.B. Étude de survie en fonction du grade histologique
V.Résultats de l’analyse immunohistochimique (détection des marqueurs de proliferation)
IV.A. L’antigène nucléaire de prolifération cellulaire (PCNA)
IV.A.1. Caractéristiques du marquage
IV.A.2. Corrélations des marquages
IV.A.3. Statistiques descriptives
IV.A.4. Signification pronostique
IV.B. L’antigène Ki-67
IV.B.1. Caractéristiques du marquage
IV.B.2. Corrélations des marquages
IV.B.3. Statistiques descriptives
IV.B.4. Signification pronostique
IV.C. Corrélation des marquages Ki-67 et PCNA
V. Etude particulière des tumeurs de différenciation intermédiaire (grade 2 de Patnaik
V.A. Population d’étude
V.B. Caractéristiques descriptives des immunomarquages PCNA et Ki-67
V.C. Valeur pronostique du marqueur de prolifération PCNA
V.D. Valeur pronostique du marqueur de prolifération Ki-67
V.E. Valeur pronostique de la détection associée des marqueurs de prolifération Ki-67 et PCNA
V.F. Protocole d’immunomarquage proposé pour les tumeurs de grade 2
Discussion
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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