Mécanismes Et Évolution Des Théories De La Gouvernance D’Entreprise
Un Aperçu Historique
Sur L’Évolution Du Concept « Gouvernance »: Du point de vue étymologique, le terme « gouvernance » a la même origine que le mot « gouvernement ». C’est-à-dire le mot grec « Kubernân » et le mot latin « goubernar », deux termes qui signifient une même action « diriger le navire »2. Le mot « The governance » a été apparu dans les travaux des historiens anglo-saxons pour designer le « partage du pouvoir » entre les différents corps constitutifs de la société médiévale anglaise3. Éventuellement né en France au XIIIe siècle, le mot « gouvernance » renvoyait à la direction des bailliages4. Depuis une dizaine d’année seulement la gouvernance comme approche, se développe progressivement et prenait sa place dans plusieurs disciplines des sciences sociales telles que l’économie, la sociologie et la science politique, et, elle est fortement utilisée dans le monde des affaires, des entreprises, des organisations et du développement économique. Actuellement, des organismes telles que l’ONU, les institutions financières internationales (FMI, BM…etc), des individus tels que les universitaires, s’engagent à étudier et publier des publications et des recherches sur la question de la gouvernance mais avec des approches très différentes. C’est ce qui explique sans doute la diversité et la multitude des définitions que l’on donne à ce concept et les difficultés à l’appréhender correctement5. En effet, l’utilisation du ce terme de gouvernance dans l’ancien français au XIIIe siècle référait surtout à la manière ou à l’action de gouverner, de diriger ou de guider la conduite et recouvrait partiellement la notion de gouvernement, en avisant à rendre compte des questions constitutionnelles et juridiques concernant les affaires de l’état1.
Au siècle suivant, il passe en anglais « governance » et remonte aux termes désignant le pilotage des bateaux en latin classique et en grec ancien. Au vingtième siècle, l’utilisation du concept, dans un premier temps, et repris par des économistes et des sociologues qui s’intéressent par la coordination des activités économiques et des organisations, et dans un second temps par les politicologues intéressant aux questions occupant les gouvernements locaux2. Par la suite, le mot gouvernance est tombé dans l’oubli jusqu’à ce que des chercheurs principalement américains ont formulé économiquement la problématique de la gouvernance dans les années 1930, et qui s’est imposée seulement dans les années 1970, avec l’élaboration d’une théorie néolibérale du contrôle du pouvoir des managers par les actionnaires3.
D’origine économique, le concept gouvernance sera réactualisé dans un premier temps par l’économiste anglais, de nationalité américaine Ronald Coase à la fin des années 1930, (exactement en 1937), et dans un second temps, plus de quarante ans plus tard, par le courant néo-institutionnaliste américain à partir des travaux de Williamson (1975, 1985)4. Dans « The Nature of the firm : la nature de l’entreprise », Coase ouvre une voie alternative au postulat classique de l’échange optimal par les marchés et les prix en se questionnant sur l’émergence de la firme en soulignant que si le marché fonctionne automatiquement sans contrôle central et grâce à son système de prix, alors pourquoi émergent les entreprises ? Pour cet auteur, l’entreprise émerge comme résultat de ses modes de coordination interne permettant de réduire les coûts généré par le marché ; l’entreprise s’avère alors comme une alternative plus efficace que le marché en remplaçant ce dernier pour organiser certains échanges. Ce faisant, il donne un fondement économique au développement de la grande firme observable aux Etats-Unis dans les années 1920 – 19305. Pendant la période des années 1970 – 1980, le concept gouvernance a été renouvelé et coïncide avec une période où l’entreprise connaît des transformations importantes qui ouvrent la voie aux nouvelles pratiques économiques telles que la quasi-désintégration verticale de l’entreprise et l’entreprise en réseau6.
Caractéristiques Conceptuelles De La Gouvernance : Comme il est indiqué auparavant, trouver une définition conceptuelle de la gouvernance qui fait l’unanimité est quasiment impossible. Cette situation fait d’elle un concept polysémique et lui procure à la fois de la force et de la faiblesse2. Ceci si on souhait l’employer dans différents champs disciplinaires. Dans l’abondante littérateur qui lui est consacrée la notion de gouvernance est tour à tour qualifiée « l’idée de monde riche », « d’attrape-tout », de « concept fragile », « flou », « fluctuant », « passe-part tout », « transversal », etc. c’est ce qui explique sans doute qu’aujourd’hui, elle se prête à de nombreux usages et revêt de multiples significations3. Dans ce sens, Garry Stocker précise que « les études qui traitent de la gouvernance sont d’inspiration diverse et relativement disparates. Leurs origines théoriques sont variées : relations internationales, économie institutionnelle, études du développement, études des organisations, administration publique, science politique et théories d’inspiration foucaldienne »4. Selon cet auteur le caractère insaisissable, voire fuyant de ce concept fait qu’on ne peut pas l’appréhender de manière globale mais toujours en faisant référence à une époque ou à une région donnée : « la gouvernance, là encore comme une carte se rapporte à une époque et à une région déterminées. L’une des difficultés auxquelles se heurte la recherche d’une théorie capable d’organiser notre perception et de nous faire comprendre l’évolution d’un système de gouvernance tient à ce que cette théorie est à peine dégagée que déjà l’objet étudié se modifie »5. Mais ces difficultés de taille n’ont pas découragé les spécialistes, les universitaires et les décideurs qu’en prenant quand même certaines précautions.
Au début des années 1990, des travaux, pour la plus part collectifs sous formes d’ouvrages, installent le débat théorique au sein des milieux intellectuels et universitaires1. Dans ce cadre, le concept de gouvernance est utilisé aujourd’hui par tous, expert ou profane, privé ou public, du niveau local au niveau régional, dans de nombreux champs disciplinaires et dans plusieurs domaines: chacun se gargarise ou recommande de faire de la gouvernance, voire de la « bonne gouvernance »2. Cependant, même si le terme de « gouvernance » fait aujourd’hui partie d’un patrimoine international commun, il ne reste pas moins un concept polysémique, très marqué par la culture anglo-saxonne et exposé à des interprétations nécessairement diverses et subjectives3. Rhodes (1997) quand à lui, affirme que ce concept revêt des acceptions diverses, tout en précisant que la gouvernance est produite par des réseaux autonomes afin de combler le vide laisser par l’état4. En effet, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, et après la chute du mur de Berlin qui inaugurait la fin du monde bipolaire, la notion de gouvernance réapparaît à l’intérieur d’un courant de pensée assez hétéroclite, qui tendent redéfinir les processus classiques de prise de décision en tenant compte de la multipolarité naissante au sein d’un monde en pleine transformation5. En fait, l’état providence en occident est confronté à une crise sans précédent : déficit budgétaire, endettement des pouvoirs publics, échec des politiques sociales, emprise trop importante de l’état sur l’économie, etc6. En outre, il semblerait que l’état ait perdu son caractère central dans l’action politique, et ce dans trois domaines essentielleme7: les relations internationales, les régulations économiques et le rapport aux pouvoirs locaux. Face à cette faillite des Etats-Unis et des institutions internationales accusés d’être trop bureaucratiques, inefficaces et trop conservateurs, l’ouverture vers des différents acteurs, que ce soit au sein des entreprises, dans les Etats nationaux ou dans le système mondial, semble alors être la solution. L’on comprend alors mieux pourquoi l’essentiel des définitions de la gouvernance met en exergue une meilleure prise en compte par les gouvernants des initiatives privées.
Définitions De La Gouvernance D’Entreprise : Comme nous l’avons vu précédemment, il n’existe pas une définition unique et universelle pour le concept gouvernance d’entreprise, à cet effet, l’ensemble des définitions que nous allons présenter ci-dessous, sont multiples et se diffèrent d’un auteur à un autre selon la situation et le contexte de chaque pays. Selon Shleifer et Vishny (1997) la gouvernance de l’entreprise, « est l’ensemble des mécanismes par lesquels les apporteurs de capitaux garantissent la rentabilité de leur investissement »5. Ces deux auteurs centrent leur attention de définir la gouvernance dont la mission principale est de protéger les intérêts des actionnaires comme les seuls bénéficiaires exclusifs de la valeur. Ces auteurs abordent la gouvernance en termes de contrôle du comportement opportuniste des dirigeants et maximisation de la valeur actionnariale. Charreaux (1997) quand à lui, présente une définition plus large. Il définit la gouvernance des entreprises comme « l’ensemble des mécanismes qui gouvernent le comportement des dirigeants et délimitent leur latitude discrétionnaires. Il s’agit d’un éventail de normes qui visent à homogénéiser les fonctions d’utilité des dirigeants et des actionnaires »6.
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Table des matières
DEDICACES
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE : LE CADRE THEORIQUE DE LA GOUVERNANCE D’ENTREPRISE ET DE L’ACTIONNARIATSALARIÉ
PREMIER CHAPITRE: INTROUDICTION GENERALE A LA GOUVERNANCE D’ENTREPRISE
INTRODUCTION
SECTION I : Notions Et Évolution Des Théories De La Gouvernance D’Entreprise
1/- La Notion De La Gouvernance D’Entreprise
2/ – Définitions Et Principes De Gouvernance D’Entreprise
SECTION II: Mécanismes Et Évolution Des Théories De La Gouvernance D’Entreprise
1/- Les Mécanismes De La Gouvernance D’Entreprise
2/- Evolution Des Théories De La Gouvernance D’Entreprise
CONCLUSION
DEUXIÈME CHAPITRE : LES MODELES DE LA GOUVERNANCE D’ENTREPRISE ET LA CONVERGENCE DES SYSTEMES NATIONAUX
INTRODUCTION
SECTION I: Les Différents Modèles De La Gouvernance D’Entreprise
1)- Classification Des Modèles De La Gouvernance D’Entreprise
2)- Deux Modèles De Gouvernance D’Entreprise
SECTION II : Convergence Des Modèles De La Gouvernance D’Entreprise
1/ – Le Débat International Sur La Convergence Des Modèles De Gouvernance D’Entreprise
2/ Les Explications De La Diversité Des Modèles De Gouvernance D’Entreprise
3/ Les Scénarios De Convergence Des Modèles De Gouvernance D’Entreprise
CONCLUSION
TROISIÉME CHAPITRE : CADRE TEORIQUE ET ÉTAT DES PRATIQUES DE L’ACTIONNARIAT SALARIE DANS LE MONDE : CAS DES ÉTATS-UNIS, GRANDE BRETAGNE, ET LA France
INTRODUCTION
SECTION I:Cadre Théorique De l’Actionnariat Salarié, « Vers Le Développement D’Une Nouvelle Pratique Du Management »
1/ La Notion De L’Actionnariat Salarié : « Une Appellation Unique Pour Des Pratiques Très Différentes »
2/ L’Actionnariat Salarié Entre La Participation Financière Et La Participation À La Prise De Décision
3/ Les Déterminants Et Les Raisons De Développement De L’Actionnariat Salarié
SECTION II: Etat Des Pratiques De L’Actionnariat Salarié Dans Le Monde : Cas Des Etats Unis, Royaume-Uni, et La France
1) L’Actionnariat Salarié Aux Etats-Unis
2) L’Actionnariat Salarié Au Royaume-Uni
3/ L’Actionnariat Salarié En France
4/ L’actionnariat Salarié en Europe Occidentale
CONCLUSION
DEUXIÈME PARTIE : LES EFFETS DE L’ACTIONNARIAT SALARIÉ SUR LA PERFORMANCE DE L’ENTREPRISE : UNE ANALYSE THEORIQUE
QUATRIÉME CHAPITRE :LA PLACE DE L’ACTIONNARIAT SALARIÉ DANS L’APPROCHE ACTIONNARIALE ET L’APPROCHE PARTENARIALE DE LA GOUVERNANCE D’ENTREPRISE
INTRODUCTION
SECTION I : La Place De L’Actionnariat Salarié Dans L’Approche Actionnariale De La Gouvernance D’Entreprise
1/ L’Impact De L’Actionnariat Salarié Sur Les Droits De Propriété De L’Entreprise
2/ Les Effets De L’Insertion De L’Actionnariat Salarié Sur La Structure DePropriété :
les explications de la théorie des droits de propriété
3/ L’Actionnariat Salarié Et La Théorie De L’Agence
SECTION II : La Place De L’Actionnariat Salarié Dans L’Approche Partenariale De La Gouvernance D’Entreprise
1) Les Limites (Critiques) Du Modèle Actionnarial De Gouvernance D’Entreprise (Ou Modèle De La Sharholder Value
2) Le Passage D’Une Vision Financière (Moniste) À Une Vision Pluraliste (Humaine) De La Firme
3) Les Parties Prenantes : Une Nouvelle Donne Dans L’Entreprise
4)- La Gouvernance Partenariale Et Le Rôle De L’Actionnariat Salarié
CONCLUSION
CINQUIEME CHAPITRE : LES EFFETS DE L’ACTIONNARIAT SALARIÉ SUR LA PERFORMANCE DE L’ENTREPRISE : UNE REVUE DE LA LITTERATURE
INTRODUCTION
SECTION I : Les effets de l’actionnariat salarié sur les attitudes et les comportements des salariés : une revue de la littérature
1) L’impact de l’actionnariat salarié sur les attitudes et les comportements des salariés
2) Les modèles explicatifs des effets de l’actionnariat salarié sur les attitudes et les comportements des salariés actionnaires
SECTION II : Les Effets De l’Actionnariat Salarié Sur La Performance de L’Entreprise : Panorama Des Etudes Empiriques A Travers Le Monde, Méthodologies Et Résultats
1)- Les Méthodologies Des Etudes Empiriques
2)-Les Effets De L’Actionnariat Salarié Sur La Performance De L’Entreprise : Nature Et Caractéristiques De La Relation
3)- Actionnariat Salarié – Performance Des Entreprises : Un Panorama des Études Empiriques à Travers Le Monde, Méthodologies Et Résultats
CONCLUSION
TROISIÈME PARTIE : UNE MÉTA-ANALYSE APPLIQUÉE AUX EFFETS DE L’ACTIONNARIAT SALARIÉ SUR LA PERFORMANCE DE L’ENTREPRISE
SIXIÈME CHAPITRE :PRÉSENTATION DE LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
INTRODUCTION
SECTION I : Design Et Positionnement Epistémologique De La Recherche
1)- Design Et Positionnement Épistémologique De La Recherche
2)- Nature De La Recherche
SECTION II : Présentation De La Démarche Empirique : La Méta-analyse
1)- Historique Et Définitions De La Méta-analyse
2)- Les Principes Fondamentaux De La Méta-analyse
3)- Les Principales Etapes De La Méta-analyse
CONCLUSION
SEPTIÈME CHAPITRE:LA DÉMARCHE DE LA MÉTA-ANALYSE APPLIQUEÈ À LA RELATION ACTIONNARIAT SALARIÈ-PERFORMANCE DE L’ENTREPRISE
INTRODUCTION
SECTION I: Méta-Analyse Descriptive Appliquée À La Relation Actionnariat Salarié-Performance De L’Entreprise
1)- Collecte Des Études Empiriques
2)- Sélection Des Études Empiriques
3)- Le Codage Des Études Empiriques
SECTION II: Méta-Analyse Et Méta-Analyse De Régression : Résultats Et Discussion
1)- Trois Méta-Analyses Pour Trois Méthodologies Différentes
2)- La Méta-Analyse Des Etudes Comparatives (la performance en niveau
3)- La Méta-Analyse Des Etudes D’Evolution (Evolution De La Performance
4)- La Méta-Analyse Des Etudes Longitudinales (Performance Longitudinale
5)- Synthèse Des Résultats De La Méta-analyse
CONCLUSION
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES
ANNEXES
TABLE DES MATIÈRES
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