Mécanismes et conditions pour l’absorption électromagnétique

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Mise en oeuvre des mousses époxy chargées

Motivations pour le choix de la matrice

Actuellement, les absorbants les plus utilisés dans les chambres anéchoïques sont des absorbants pyramidaux réalisés à partir de mousse polyuréthane (PU). La figure 2.1 montre les deux chambres anéchoïques de l’IETR dont les absorbants sont réalisés à partir de cette mousse. Cette dernière est imprégnée avec une solution aqueuse contenant des particules de carbone absorbantes [1]. Ces absorbants présentent de nombreux avantages comme, par exemple, une faible densité (d = 0,066 mesurée pour l’APM12 Siepel [1]) qui résulte de la structure de la mousse dont les cellules sont ouvertes. Cette faible densité permet de faciliter l’installation des absorbants dans les chambres anéchoïques. Ces absorbants, de par leur souplesse et leur résilience, reprennent rapidement leur forme initiale après une sollicitation mécanique.
Figure 2.1. Chambres anéchoïques de l’IETR
Néanmoins, cette mousse présente plusieurs désavantages, liés à sa nature et à la méthode d’imprégnation de la charge, comme nous allons le souligner dans les paragraphes suivants. Comme le montre la figure 2.2, les pores de la mousse polyuréthane sont ouverts et communiquent entre eux, permettant l’imprégnation de la charge jusque dans le coeur de la mousse. La charge située à la surface des pores peut s’en détacher facilement et constituer à la fois une source de pollution nanométrique pour l’environnement et l’utilisateur et une source de vieillissement prématuré de l’absorbant. Les industriels tentent toutefois de proposer des solutions à ce problème comme par exemple recouvrir les absorbants d’une couche de peinture plastifiée protectrice [1].
Figure 2.2. Cliché MEB d’un absorbant électromagnétique du commerce élaboré à partir de mousse PU
Par ailleurs, le matériau n’est pas très homogène. Cette inhomogénéité résulte de deux processus. L’insertion de la charge au travers de la mousse se fait par imprégnation et essorage de la mousse PU dans une solution aqueuse contenant du carbone : ceci induit une répartition anisotrope du carbone dans l’absorbant. L’inhomogénéité peut aussi provenir du fait que la charge s’échappe de la mousse polyuréthane comme expliqué au paragraphe précédent. La photographie MEB de la figure 2.3 montre la pointe et la base d’une même pyramide : celles-ci n’ont clairement pas la même concentration en carbone.
La souplesse de cette mousse est également un handicap. En effet, elle rend la découpe de la mousse difficile et compromet la réalisation de géométries complexes nécessaires pour optimiser les performances des absorbants [2,3].
Afin de proposer un absorbant peu ou pas impacté par ces problèmes, la mousse époxy est proposée ici comme alternative. Contrairement à la mousse polyuréthane, la mousse époxy est rigide grâce, entre autres, à la présence de pores majoritairement fermés [4] comme le montre la figure 2.4. Cette rigidité permet la découpe de la mousse selon des formes plus complexes que la forme pyramidale.
Figure 2.4. Photographie MEB d’un absorbant électromagnétique élaboré à partir de mousse époxy Un autre avantage de cette mousse repose dans sa méthode de fabrication. Celle-ci permet l’intégration de la charge avant le moussage. La charge est alors située dans les parois de la mousse et elle ne peut pas en sortir. On limite ainsi la pollution et on améliore le vieillissement de ces absorbants.
Cette méthode d’élaboration permet aussi d’augmenter l’homogénéité de ces matériaux, car la charge n’est plus ajoutée après le moussage par imprégnation. Dans le cas d’une forme pyramidale, la pointe et la base de la pyramide auront alors la même concentration en carbone. Concernant la taille des pores, comme le montrent les photographies MEB des figures 2.2 et 2.4, les pores de la mousse époxy ont un diamètre en moyenne inférieur à 500 μm tandis que la mousse polyuréthane arbore des pores dont le diamètre est au moins deux fois plus grand.
La mousse époxy utilisée a une densité théorique de 0,17 ce qui lui permet d’être utilisée pour réaliser des absorbants pour les chambres anéchoïques. Ce matériau n’a à notre connaissance jamais été utilisé pour une application en tant qu’absorbant électromagnétique.

Réalisation des échantillons

La mousse époxy choisie pour réaliser la matrice des matériaux absorbants est un système bicomposant constitué d’une résine et d’un durcisseur, en l’occurrence la résine PB170 et le durcisseur DM02 provenant tous les deux de chez Sicomin [4]. La résine présente une viscosité égale à 15 000 ± 3 000 mPa.s à 20°C tandis que le durcisseur possède une viscosité égale à 130 ±
25 mPa.s à 20°C. Ces deux composants sont présentés en figure 2.5. Le durcisseur joue deux rôles : il fait mousser le mélange et polymériser la résine.
Figure 2.5. (a) et (b) Résine PB170 et (c) et (d) durcisseur DM02 de chez Sicomin
Ces deux composants doivent être mélangés selon des proportions stoechiométriques 100 : 36. Les proportions à adopter sont donc les suivantes : à 100 g de résine doivent être ajoutés 36 g de durcisseur. Si ces proportions ne sont pas respectées, les propriétés physiques et l’aspect du matériau ne seront pas optimaux. Par exemple, un manque de durcisseur aura pour conséquence la polymérisation incomplète de la résine et cela se traduira par un aspect collant et poisseux du matériau final.
La réaction entre le durcisseur et la résine est exothermique et le dégagement de chaleur est d’autant plus important que la hauteur de la coulée est grande ou que la densité de la mousse est importante. Le dégagement de chaleur, s’il est trop élevé, risque d’endommager le matériau qui risque même de brûler. En revanche, l’emploi d’un durcisseur lent limitera l’effet exothermique contrairement à un durcisseur rapide. Notre choix sur le durcisseur s’est donc porté pour ces raisons sur le DM02 qui est un durcisseur lent.
Le mode opératoire pour réaliser les échantillons est schématisé en figure 2.6 et est détaillé par les étapes suivantes :
Etape (a) : la charge est ajoutée à la résine et l’ensemble est mélangé à la spatule pendant environ une minute.
Etape (b) : le durcisseur est ensuite ajouté et l’ensemble est homogénéisé également à l’aide d’une spatule pendant encore une minute. L’ajout du durcisseur fait diminuer la viscosité du mélange qui devient alors plus facile à travailler.
Etape (c) : la mousse commence à se former, elle atteint au bout de quelques heures un volume environ 6 fois plus important que le volume de départ. Un temps de moussage de 6 heures est préconisé par le fabricant [4].
Etape (d) : la mousse est placée à l’étuve à 60°C pendant un minimum de 6 heures. Cette étape permet d’achever la polymérisation de l’époxy et donne à la mousse ses propriétés mécaniques définitives.
Etape (e) : la mousse est ensuite démoulée et découpée pour être ensuite caractérisée.

Mesure de la masse volumique et ajout d’un ignifugeant

Il est important de connaître la masse volumique des différents échantillons pour deux raisons principales. En premier lieu, la densité du matériau a un impact sur sa permittivité diélectrique qui augmente avec elle [5]. Une mousse chargée, dont l’étape de moussage ne s’est pas déroulée correctement aura en conséquence une permittivité supérieure à celle d’une mousse qui s’est bien développée. En effet, une mousse de densité d2 ayant le même taux de charge massique qu’une mousse de densité d1 telle que d2 > d1 aura une permittivité plus importante que cette dernière car la densité volumique des bulles d’air (ε’ = 1, tanδ ≈ 0) de la mousse sera moins importante. La mousse étant moins développée, comme schématisé en figure 2.7, la densité volumique de charges sera plus importante. Ceci entraînera forcément une plus grande permittivité pour cette mousse. Cet effet peut s’expliquer facilement en observant la loi de mélange écrite dans l’équation (2.2). La permittivité du composite εC sera plus grande dans le cas où la fraction volumique des charges Vi sera la plus importante, c’est-à-dire dans le cas où le moussage sera le moins développé.
Afin d’avoir des échantillons dont on peut comparer les propriétés diélectriques nous nous sommes assurés que leur méthode de réalisation était la même à chaque fois. Les masses volumiques que nous avons mesurées se trouvent toutes aux alentours de 140 kg/m3 avec une incertitude de mesure de 10 kg/m3. Il est à noter que cette masse volumique est légèrement inférieure à celle annoncée par le fabriquant (170 kg/m3).
Pour pouvoir être installés dans les chambres anéchoïques, les absorbants doivent respecter les standards de tenue au feu. Les absorbants à base de mousse polyuréthane sont donc traités avec un agent ignifugeant [6]. Une petite étude a été réalisée pour tester la faisabilité de l’ajout d’un agent ignifugeant à la mousse époxy. Pour cette étude, de l’hydroxyde d’aluminium a été utilisé.
Le tableau 2.1 regroupe les masses volumiques des différents échantillons (chargés ou non) réalisés avec et sans l’ajout d’ignifugeant. Ce tableau montre que l’ajout d’ignifugeant n’a pas perturbé la formation de la mousse époxy même lorsqu’elle est chargée avec des fibres de ε*1 ε*2 carbone (CF). L’ajout d’ignifugeant fait baisser légèrement la masse volumique mais la différence observée est de l’ordre de grandeur de l’incertitude de mesure.

Méthodes de caractérisation morphologique des matériaux

Microscope optique et loupe binoculaire

Afin d’observer les caractéristiques morphologiques et structurales de nos matériaux, un microscope optique Leica DM2500M ainsi qu’une loupe binoculaire Leica MS5 sont utilisés. Ces appareils sont présentés en figure 2.8. Pour le microscope, il n’est pas possible d’observer des objets dans leur intégralité dont les dimensions dépassent 2 mm, même avec le plus faible grossissement. La loupe binoculaire est alors utilisée en complément. Une caméra CCD Leica DFC 295 amovible permet de capturer les différentes images du microscope ou de la loupe binoculaire.

Microscope électronique à balayage

Pour observer la morphologie de nos matériaux, nous avons également utilisé un microscope électronique à balayage ou MEB (Jeol JSM IT100). Cet appareil, présenté en figure 2.9 (a), permet d’obtenir des images de la topographie de surface des matériaux grâce à l’interaction d’un faisceau d’électrons avec l’échantillon. L’analyse des différents signaux provenant de cette interaction permet de donner plusieurs informations sur l’échantillon comme son relief (analyse des électrons secondaires) ou sa composition chimique (analyse EDS, analyse des électrons rétrodiffusés) [7]. Comme les matériaux que nous observons ne sont pas tous de bons conducteurs électriques, il est parfois nécessaire de les métalliser afin d’empêcher l’accumulation locale des électrons incidents qui ne permet pas d’avoir une image exploitable à cause du phénomène de « charge » et qui peut même endommager l’échantillon. Une métallisation à l’or (quelques nanomètres) est réalisée à la surface de l’échantillon, au moyen du petit pulvérisateur présenté en figure 2.9 (b).
Cette couche étant très fine, elle ne perturbe pas l’observation de la topographie de surface de l’échantillon. Le dépôt est réalisé à une pression de 10 Pa et pendant une durée de 15 secondes. L’échantillon, métallisé ou non, est inséré dans l’enceinte du microscope électronique et le vide est fait à l’intérieur de celui-ci (P≈ 10-5 – 10-6 mbar). Un faisceau d’électrons est produit par l’échauffement d’un filament de tungstène, présent sur le schéma de la figure 2.10, et est focalisé sur l’échantillon au moyen de lentilles électromagnétiques. Plusieurs détecteurs sont placés autour de l’échantillon afin de recueillir les différents signaux provenant de l’interaction entre l’échantillon et les électrons incidents. Ces signaux sont analysés afin de produire une image visible à l’écran de l’ordinateur relié à ce microscope.

Sonde coaxiale

La sonde coaxiale est un dispositif relié à l’analyseur de réseau qui permet d’extraire la permittivité complexe d’un matériau sur lequel elle est posée à partir de la mesure du coefficient de réflexion S11 de ce matériau. Pour réaliser nos mesures, nous avons utilisé la sonde coaxiale de modèle Agilent 85070E, cette sonde est présentée en figure 2.12. La sonde coaxiale est constituée de deux cylindres conducteurs coaxiaux séparés par du téflon, un matériau diélectrique. Une tension électrique alternative est créée entre les deux cylindres conducteurs, celle-ci génère un champ EM à travers le téflon et dans le matériau étudié [9]. Les ondes EM se réfléchissent sur le matériau à caractériser vers l’intérieur de la sonde. Le VNA mesure ainsi, en fonction de la fréquence, le coefficient de réflexion S11 du matériau à partir duquel la permittivité complexe est calculée directement par le logiciel inhérent à la sonde. Le coefficient de réflexion est au préalable corrigé par un processus de calibration qui vise à supprimer les perturbations liées à l’analyseur de réseau, aux câbles et à la sonde elle-même. Pour effectuer la calibration de la sonde, celle-ci est mise en contact avec des matériaux de référence. En premier lieu elle est mise en contact avec l’air, dont la permittivité est connue (ε’=1 et tan δ = 0 dans toute la gamme de mesure), puis au contact d’un métal ou court-circuit (« short » sur la figure 2.12.(b)) qui réfléchit totalement les ondes vers l’intérieur de la sonde et enfin au contact d’eau distillée (20°C) dont la permittivité est également connue dans la gamme de mesure visée.

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Table des matières

1.1. Introduction
1.2. Les ondes hyperfréquences
1.3. Mécanismes et conditions pour l’absorption électromagnétique
1.4. Théories de la percolation et du milieu effectif
2.1. Introduction
2.2. Classification des absorbants en fonction de la largeur de bande de fonctionnement
2.3. Classification des absorbants en fonction de la nature de la charge absorbante
3.1. Introduction
3.2. Absorbants commercialisés pour les chambres anéchoïques
3.3. Cahier des charges pour les matériaux absorbants
Motivations pour le choix de la matrice
Réalisation des échantillons
Mesure de la masse volumique et ajout d’un ignifugeant
Microscope optique et loupe binoculaire
Microscope électronique à balayage
Analyseur de réseau
Sonde coaxiale
Espace libre
INTRODUCTION
2. ETUDE DE MOUSSES EPOXY CHARGEES EN PARTICULES DE CARBONE MECANISMES D’ABSORPTION LIES AUX PARTICULES DE CARBONE
PRESENTATION DES CHARGES CARBONEES UTILISEES
PRESENTATION DES ECHANTILLONS
PERMITTIVITE DIELECTRIQUE DES MOUSSES CHARGEES EN PARTICULES DE CARBONE
3. PROPRIETES DIELECTRIQUES DE RESINES CHARGEES EN NOIR DE CARBONE
INTRODUCTION
REALISATION DES ECHANTILLONS
COMPARAISON DE LA PERMITTIVITE DIELECTRIQUE DES MOUSSES ET DES RESINES EPOXY CHARGEES EN NOIR DE CARBONE
COMPARAISON DES PROPRIETES DIELECTRIQUES DES RESINES EPOXY ET RESINES POLYESTER CHARGEES EN NOIR DE CARBONE
4. COMPORTEMENT ELECTRIQUE ET DIELECTRIQUE DE LA MOUSSE CHARGEE PENDANT SA FABRICATION ..
EFFET DU MOUSSAGE SUR LES PROPRIETES DIELECTRIQUES
ETUDE DES PROPRIETES ELECTRIQUES DES RESINES CHARGEES
Mesure de la conductivité électrique
Effet du franchissement du seuil de percolation sur les propriétés diélectriques
Effet de l’ajout du durcisseur sur les propriétés électriques
5. CONCLUSION
RÉFÉRENCES
INTRODUCTION
PREPARATION DES ECHANTILLONS
PRESENTATION DES CHARGES
REALISATION DES ECHANTILLONS
OBSERVATIONS MORPHOLOGIQUES DES MOUSSES CHARGEES MOUSSES CHARGEES AVEC DES FIBRES DE 100 μM, 1 MM ET 3 MM
PRESENTATION DES ECHANTILLONS
RESULTATS
REALISATION DE PROTOTYPES D’ABSORBANTS
INTRODUCTION
REALISATION D’UN PROTOTYPE D’ABSORBANT PYRAMIDAL
4.2.1. Mesures préliminaires
4.2.2. Simulation des absorbants
4.2.3. Réalisation et mesure du coefficient de réflexion du prototype
REALISATION ET CARACTERISATION D’UN PROTOTYPE DE GEOMETRIE OPTIMISEE AMELIORATION DE L’HOMOGENEITE : VERS L’UTILISATION DE FIBRES PLUS LONGUES
INTRODUCTION
DISPERSION DES FIBRES AVEC LE MELANGE PAR CISAILLEMENT
5.2.1. Influence du temps de mixage sur les matériaux chargés avec 0,5 %wt de fibres 3 mm .. 132
5.2.2. Influence du temps de mixage sur les matériaux chargés avec 0,5 %wt de fibres 6 mm .. 133
5.2.3. Influence du temps de mixage sur les matériaux chargés avec 0,5 %wt de fibres 12 mm 136
5.2.4. Discussion
DISPERSION DES FIBRES PAR ULTRASONS ET COMPARAISON AVEC LES AUTRES METHODES DE DISPERSION
5.3.1. Elaboration des échantillons avec la méthode des ultrasons
5.3.2. Effet de la méthode de dispersion sur la longueur de fibres
5.3.3. Effet de la méthode de dispersion sur les propriétés diélectriques
5.3.4. Effet de la méthode de dispersion sur la performance d’absorption d’un absorbant pyramidal
VERS UN ABSORBANT HYBRIDE
REALISATION ET CARACTERISATION DES ECHANTILLONS HYBRIDES
SIMULATION D’ABSORBANTS HYBRIDES
DISCUSSION
CONCLUSION
RÉFÉRENCES

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