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Réactions impliquant des impuretés et/ou des interstitiels
L’alliage métallique est susceptible de contenir des éléments en insertion dans sa maille cristalline en faible teneur (interstitiels) et le métal liquide peut également contenir des éléments dissous en faible quantité (impuretés). Ces interstitiels et impuretés peuvent jouer un rôle important dans les mécanismes de corrosion lorsque l’alliage solide est en contact avec le métal liquide. [Tortorelli, 1987] présente deux phénomènes de corrosion assistée par des interstitiels et impuretés. Le premier passe par la formation d’un composé intermédiaire contenant l’élément interstitiel ou l’impureté. Le second repose sur le transfert de l’élément sous sa forme élémentaire.
Formation d’un composé contenant interstitiels et/ou impuretés [Tortorelli, 1987] donne des exemples où les impuretés et interstitiels peuvent amener à des réactions avec les éléments d’alliage et le métal liquide.
Dans le cas du fer exposé au sodium contenant de l’oxygène, la formation de (Na2O)2FeO (ou Na4FeO3) solide est possible, ce composé peut aussi participer à l’augmentation de la concentration en fer dans le sodium liquide en équilibre avec le solide.
De la même manière, [Tortorelli, 1987] donne l’exemple du chrome exposé au sodium contenant de l’oxygène, qui amène à la formation d’un solide : la chromite de sodium (NaCrO2).
Le dernier exemple donné par [Tortorelli, 1987] est celui du chrome exposé au lithium, le système contenant de l’azote. L’azote est une impureté du lithium ou provient d’un alliage contenant du chrome et de l’azote. Le composé Li9CrN5 peut alors se former aux joints de grain de l’alliage, mais aussi augmenter la « solubilité apparente » du chrome dans le lithium (c’est-à-dire sa concentration dans le lithium en équilibre avec l’alliage contenant le chrome).
Parfois, la présence d’impuretés peut amener à la formation d’une couche compacte, comme dans le cas de l’oxygène dans l’eutectique plomb-bismuth [Martinelli et al., 2008]. Lorsque des aciers sont exposés à ce milieu, une couche d’oxydes peut se former et ralentir la dissolution des éléments de l’alliage dans le plomb-bismuth. Ce phénomène, proche de la passivation, se retrouve dans beaucoup d’exemples de matériaux exposés à des environnements corrosifs.
Les mécanismes aboutissant à la formation d’une nouvelle phase solide à partir d’une impureté dans le métal liquide et d’un élément de l’alliage solide, sont la diffusion de l’impureté dans le métal liquide, la diffusion de l’élément métallique dans l’alliage, le transport d’un ou des deux éléments dans la nouvelle phase et la réaction de formation de la nouvelle phase. [Dybkov 1986 ; Wagner, 1952] proposent des modèles pour décrire l’évolution de l’épaisseur d’une couche de surface lorsque la cinétique est déterminée par le transport dans la phase en cours de formation, un oxyde pour [Wagner, 1952].
Sinon, lorsque que la cinétique de croissance d’une couche est déterminée par le transport d’un élément dans l’alliage, [Wagner, 1952] propose un modèle puis le développe en considérant des interfaces mobiles dans le cas d’une oxydation interne [Wagner, 1959, Rapp, 1965]. [Dybkov, 1986] modélise cette cinétique dans le cas où la couche formée se dissout ou s’évapore.
Le schéma de la figure 2.2 propose un récapitulatif des mécanismes nécessaires à la formation d’une phase ? à partir d’un élément d’alliage ? et d’une impureté ? présente dans le métal liquide. L’identification de l’interface de réaction est alors nécessaire pour déterminer quelle espèce diffuse dans la phase ?.
Transfert d’un élément sous sa forme élémentaire
Le second phénomène de corrosion dû aux interstitiels et impuretés [Tortorelli, 1987] repose sur leur transfert de masse sous forme atomique. De par sa température et les phases dans lesquelles sont dissous les interstitiels, une phase peut être en excès ou en défaut d’un interstitiel par rapport à l’ensemble du système. Il est possible de réutiliser l’équation (2.2), où ????,?? est alors fonction de la température et de la phase avec laquelle le métal liquide est en contact et ???? est fonction des phases et de leurs températures en amont dans le cas d’un circuit, ? désigne l’élément interstitiel ou l’impureté. Les mécanismes en jeu sont proches des précédents, sans la formation d’une nouvelle phase solide, sans la diffusion d’élément d’alliage, mais avec la diffusion de l’impureté dans l’alliage ; son mécanisme de transfert est similaire à celui de la dissolution, schématisé sur la figure 2.1.
Formation de composés intermétalliques et de solutions solides
La corrosion par les métaux liquides peut également consister en la formation de solutions solides ou de composés intermétalliques contenant le métal liquide (« alloying », en anglais). [Tortorelli, 1987] estime que ce phénomène est très rare, mais qu’il peut être catastrophique pour les matériaux et qu’en conséquence il doit être correctement vérifié. Les mécanismes nécessaires à ces phénomènes sont proches de ceux résultant de la réaction avec une impureté ou un élément interstitiel, excepté que le transport dans le liquide n’est pas nécessaire, puisque c’est le métal liquide lui-même qui réagit.
Dans le cas de la corrosion des aciers austénitiques par le sodium liquide, cette formation de composés intermétalliques ou de solutions solides n’a pas lieu. En effet, la solubilité du sodium dans l’alliage est très faible, voire nulle. De plus, aucune phase intermétallique contenant du sodium et un élément d’alliage n’est connue.
Mécanismes et cinétiques des phénomènes de corrosion
Les phénomènes de corrosion nécessitent la mise en place de mécanismes de transport de la matière. Les mécanismes identifiés dans la partie précédente sont les réactions chimiques de formation et de dissolution (2.2.1), le transport de matière dans le métal liquide (2.2.2) (qu’il soit de la surface des solides vers le coeur du liquide ou du coeur du liquide vers la surface des solides), la diffusion à travers les phases formées entre le métal liquide et l’alliage étudié (2.2.3.1) et la diffusion dans l’alliage jusqu’à sa surface (2.2.3.2) et (2.2.3.3).
Réactions chimiques de formation et de dissolution
D’après [Anno et al., 1971], la réaction chimique est la rupture de la liaison métallique avec l’alliage et la formation d’une nouvelle liaison. Elle peut être une liaison métallique lorsqu’il s’agit de la dissolution dans le métal liquide ou une liaison ionique lorsqu’il s’agit de la formation d’un oxyde.
Modèle local à l’interface [Balbaud-Célérier et al., 2010 ; Zhang et al., 2010] considèrent que la réaction de dissolution résulte de l’équilibre statistique entre la réaction dans un sens (par exemple la dissolution) et la réaction dans l’autre sens (par exemple la précipitation). En considérant que la cinétique de dissolution est proportionnelle à la concentration de l’élément ? dans l’alliage à sa surface et que la cinétique de précipitation est proportionnelle à la concentration de l’élément dissous dans le métal liquide.
Diffusion à l’état solide
Un élément ?, présent dans l’alliage métallique ou dans le métal liquide, diffuse vers la surface de réaction où il réagit pour se dissoudre ou pour former une nouvelle phase. Un gradient de concentration en ? s’établit alors dans l’alliage métallique (2.2.3.2 et 2.2.3.3). Lorsqu’une nouvelle phase se forme, l’élément ? peut réagir sur l’interface côté alliage ou côté métal liquide. Dans ce dernier cas, l’élément ? diffuse dans la phase en cours de formation (2.2.3.1). Dans cette partie, nous ne décrivons pas les mécanismes de diffusion de manière exhaustive. Nous présentons uniquement les lois que nous utiliserons par la suite.
Rôle des joints de grains
Profil de concentration autour d’un joint de grains
Localement, les alliages présentent des hétérogénéités, par exemple des joints de grains. Or la diffusion d’une espèce peut être plus rapide dans les joints de grains que dans les grains. Les profils de concentration dépendent alors de deux dimensions, ? la distance depuis la surface du matériau et ? la distance selon une direction orthogonale au joint de grains (figure 2.5).
Concentration moyenne en fonction de la profondeur dans un matériau polycristallin
Les mesures de diffusion aux joints de grains utilisent généralement des radiotraceurs déposés en couche mince à la surface du matériau étudié. Après un recuit de diffusion, le matériau est découpé en tranches fines parallèlement à sa surface et on mesure la radioactivité de chaque tranche. Par cette méthode, on obtient finalement la concentration moyenne de l’élément qui diffuse en fonction de la profondeur dans le matériau. Ce profil de concentration moyenne dépend de la diffusion en volume et de la diffusion aux joints de grains de l’alliage. Un traitement mathématique permet d’extraire les coefficients de diffusion de cette mesure à partir du profil théorique exact ou de solutions analytiques approchées comme celles proposées par [Le Claire, 1963 ; Kaur et al., 1995, Mehrer, 2007].
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Table des matières
Introduction
1. Contexte industriel, scientifique et technique
1.1. Réacteurs de 4e génération : les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium
1.2. Conséquences de la corrosion dans les RNR-Na
1.3. Définition de la corrosion
1.4. Moyens disponibles
2. Description de la corrosion des métaux et alliages par le sodium liquide
2.1. Phénomènes de corrosion par les métaux liquides et identification des mécanismes associés
2.2. Mécanismes et cinétiques des phénomènes de corrosion
2.3. Phénomènes de corrosion par le sodium liquide
2.4. Mécanismes et étapes cinétiquement déterminantes de la corrosion par le sodium liquide38
2.5. Conclusions
3. Équilibres physico-chimiques entre un acier 316L(N) et le sodium liquide
3.1. Activité des éléments d’alliages et phases possibles
3.2. Équilibres des éléments d’alliage avec le sodium liquide
3.3. Équilibres des éléments d’alliage avec le sodium liquide en présence d’oxygène
3.4. Conclusions
4. Matériau, méthodes, conditions et moyens de caractérisations
4.1. Matériau testé et sodium utilisé
4.2. Dispositif d’essais d’immersion : l’installation CORRONa
4.3. Conditions d’immersion des échantillons
4.4. Moyens de caractérisation
4.5. Conclusions
5. Résultats expérimentaux de corrosion dans le sodium liquide contenant de l’oxygène
5.1. Corrosion dans le sodium contenant 200 μg.g-1 d’oxygène à 550 °C
5.2. Effet de la température sur la corrosion dans le sodium
5.3. Évolution de la composition du chrome dans l’acier 316L(N) immergé dans le sodium liquide
5.4. Conclusions générales
6. Mécanismes de formation et de dissolution de la chromite de sodium sur l’acier 316L(N)
6.1. Localisation de la réaction d’oxydation
6.2. Étude de la diffusion en phase solide
6.3. Modélisation des mécanismes compétitifs de la croissance et de la dissolution de la chromite de sodium
6.4. Conclusions
Conclusions et perspectives
Conclusions
Perspectives
7. Références
8. Listes
8.1. Listes des tableaux
8.2. Listes des figures
9. Annexes
9.1. Chapitre 2 « Description de la corrosion des métaux et alliages par le sodium liquide » A1
9.2. Chapitre 3 « Équilibres physico-chimiques entre un acier 316L(N) et le sodium liquide »A2
9.3. Chapitre 4 « Matériau, méthodes, conditions et moyens de caractérisation »
9.4. Chapitre 5 « Résultats expérimentaux de corrosion dans le sodium liquide contenant de l’oxygène »
9.5. Chapitre 6 « Mécanismes de formation et de dissolution de la chromite de sodium sur l’acier 316L(N) »
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