Mécanismes entrainant la corrosion des armatures du béton armé

Réseau poreux des matériaux cimentaires

Tous les matériaux cimentaires sont des matériaux poreux (c‘est ce qui permet essentiellement l’avancée des agents agressifs dans la matrice cimentaire). Cette porosité a plusieurs origines :
● des bulles d’airs incorporées lors du gâchage,
● des pores de C-S-H,
● les espaces intergrains des anhydres partiellement hydratés,
● des capillaires remplis ou partiellement remplis de la solution interstitielle.

La porosité est de l’ordre de 50 % pour les pates de ciment et de 10 à 20 % pour les bétons. Cette différence s’explique par la faible porosité des granulats dans les bétons inférieure à 5 % (XING 2011). La connectivité et la taille de ces pores varient en fonction du liant utilisé. Les liants avec additions minérales et surtout les laitiers sont réputés pour donner des pores plus petits que ceux d’un CEM I et des réseaux plus tortueux ce qui freine la diffusion d’espèces comme les chlorures ou les sulfates (POWERS et BROWNYARD 1948) (FELDMAN 1983) (FRIAS 2000) (LAMMERTIJN 2008).

Mécanismes entrainant la corrosion des armatures du béton armé 

La durée de vie du matériau est fonction de la période d’incubation de la corrosion correspondant au temps que mettent les agents agressifs pour atteindre le premier lit d’armature  . Dans les deux sections suivantes, seule la phase d’incubation sera considérée. En effet, l’intérêt des mesures expérimentales de durabilité est de mieux comprendre les mécanismes de pénétration des agents agressifs et de bâtir des modèles de prédiction de la durée de vie des ouvrages.

Le phénomène de carbonatation des matériaux cimentaires 

Processus et réactions chimiques associées à la carbonatation

Dans les conditions normales de température et d’humidité (Figure 5), le CO2 se dissout dans la solution interstitielle sous la forme de H2CO3. Ce diacide va se dissoudre et libérer des ions H+ dans le milieu ce qui provoque une diminution du pH (pouvant aller jusqu’à des valeurs de 9).

Le processus de carbonatation peut aussi dégrader les phases aluminates. Les phases AFt et AFm se décomposent en gypse CaSO4.2H2O, gel d’alumine Al(OH)3 et en carbonate de calcium (CASTELLOTE, FERNANDEZ, et al. 2009). Les ions carbonates dissous dans la solution interstitielle ont aussi la possibilité de se fixer aux phases AFm pour former des monocarboaluminates. Enfin, les ions Na+ et le K+ (présents initialement dans le ciment ou les additions minérales) se carbonatent rapidement en des composés solides comme Na2CO3 et K2CO3 en présence d’ions carbonates. (CASTELLOTE, FERNANDEZ, et al. 2009).

Ralentissement de la carbonatation

Le processus de carbonatation nécessite que le matériau ne soit ni totalement saturé afin que le CO2 puisse diffuser ni totalement sec auquel cas le CO2 ne pourra pas se dissoudre dans la solution interstitielle (THIERY 2005). Le CaCO3 produit par la carbonatation comble les pores. En effet, le volume molaire de Ca(OH)2 est 33,2 cm3 /mol alors que celui de CaCO3 est de 36,9 cm3 /mol soit une augmentation de 11 %. Le volume molaire passe de 12 à 16 cm3 /mol entre un C-S-H sain et un C-S H carbonaté (30 % d’augmentation) (THIERY 2005). Les carbonates formés occupent donc une partie des vides capillaires initiaux et limitent par conséquent la diffusion du CO2 dans le matériau (autofreinage) ainsi que d’autres espèces chimiques (BAR-NES, et al. 2008). Le carbonate de calcium se formant à la surface des phases solides (Figure 6) (GROVES et RODWAY 1990), il peut freiner la dissolution des phases dans la solution interstitielle (THIERY 2005) (CASTELLOTE et ANDRADE 2008).

L’effet de certaines additions minérales ajoutées au ciment peut augmenter la compacité des bétons et donc diminuer la diffusivité des espèces agressives.

Modèle analytique de carbonatation à front non raide : prise en compte des effets cinétiques

L’hypothèse de base est que le temps caractéristique de la réaction chimique de carbonatation ne peut pas être considéré comme infiniment petit (THIERY 2004). Ce modèle montre donc l’importance des cinétiques chimiques sur la forme du front de carbonatation notamment qu’un certain temps est nécessaire pour que la surface du matériau soit entièrement carbonatée. Selon ce modèle, la cinétique de dissolution de la portlandite apparaît comme primordiale. Ce modèle tient compte de la formulation du matériau mais pas du domaine de prédominance des espèces chimiques HCO3⁻ et CO3²⁻ en fonction du pH, de l’effet de colmatage, de la variation du taux de saturation et de la carbonatation C-S-H.

Modélisation de la carbonatation de type numérique 

Dans cette partie, quelques exemples simplifiés de modélisations de type numérique sont présentés. Le détail de ces modèles est précisé aux différentes références.

Saetta (A. SAETTA 1993):
Le modèle tient compte des transferts hydriques et thermiques, de la carbonatation de la portlandite avec une cinétique globale (la réaction du CO2 avec la portlandite), de la concentration en CO2, de l’autofreinage, du front de carbonatation non raide. Mais ce modèle ne considère pas le colmatage des pores. De plus, il n’y a pas de prédiction de pH. Une étude de sensibilité basée sur leur modèle a montré que les variations de concentration en CO2 affectent le plus le taux de carbonatation (SAETTA et VITALIANI 2004). Cette modélisation a été complétée par STEFFENS et al. (STEFFENS, DINKLER et AHRENS 2002) qui ont amélioré la description des transferts hydriques. Ils introduisent une loi de sorption analytique qui relie la teneur en eau à l’humidité relative des pores. Cette amélioration permet d’évaluer le risque réel de corrosion en fonction de l’état hydrique du matériau.

Ishida et Maekawa ( DuCOM) (ISHIDA et MAEKAWA 2000), (MAEKAWA et ISHIDA 2002): Le modèle considère toutes les espèces en solution (les ions calcium et hydroxydes), les équilibres en solution entre les espèces provenant de la dissolution-dissociation du CO2, le colmatage des pores par réduction de porosité. Dans ce modèle, une cinétique globale est attribuée à la précipitation des carbonates de calcium (CaCO3). Cette description de la carbonatation validée par des essais de carbonatation accélérée est implantée dans le code de calcul DuCOM (MAEKAWA et ISHIDA 2002) afin de coupler la carbonatation avec l’évolution de l’hydratation et du transport hydrique. Le modèle permet de simuler les fluctuations du pH et d’obtenir un front de carbonatation graduel (Figure 9). Mais, la cinétique est attribuée à la seule réaction de précipitation de la calcite alors qu’elle est immédiate comparée à la dissolution de la portlandite.

Bary et Sellier (BARY et SELLIER 2004):
Le modèle est basé sur le couplage des transferts de CO2 dans la phase gazeuse avec ceux de l’eau liquide et des ions calciums en solution aqueuse dans les pores. Il tient compte de la carbonatation de l’ensemble des hydrates (portlandite, C-S-H et les phases aluminates hydratées). Le mécanisme de la carbonatation est décrite par une décalcification de la matrice cimentaire et par un appauvrissement de la solution interstitielle en calcium du à la précipitation du carbonate de calcium. Les auteurs utilisent donc un modèle chimique de lixiviation de la matrice cimentaire gouverné par la seule concentration en Ca2+ de la solution interstitielle. Dans ce modèle, compte tenu des constantes cinétiques utilisées, la précipitation de carbonate de calcium est instantanée alors que la dissolution de la portlandite et des C-S-H sont à l’équilibre. Cette description conduit à des fronts de carbonatation relativement raides.

Thiery (THIERY 2005):
Parmi, les hypothèses du modèle, les étapes limitantes cinétiquement sont la dissolution de la portlandite et la dissociation de H2CO3 les autres réactions sont considérées à l’équilibre. Il établit une loi de cinétique prenant en compte la limitation d’accessibilité des sites réactionnels de dissolution de la portlandite ainsi qu’une loi d’évolution de la porosité en fonction de la carbonatation. La carbonatation des C-S H et de la portlandite sont considérées simultanées mais de vitesses différentes et on néglige celle de l’ettringite et du monosulfoaluminate. La présence d’alcalins responsables du haut niveau de pH et pouvant former aussi des carbonates est négligée. La pression totale du gaz est considérée égale à la pression extérieure et constante. Le transport du CO2 se résume à une diffusion simple. L’eau supplémentaire provient uniquement de la dissolution de la portlandite. Le transport d’humidité de la phase vapeur est négligé par rapport à celui de la phase liquide. L’eau des pores est soumise à une pression capillaire.

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Table des matières

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 2 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LES MECANISMES DE DEGRADATION DES BETONS ARMES
2.1 Introduction
2.2 Le matériau cimentaire sain
2.2.1 L’hydratation des ciments et les réactions avec les additions minérales (métakaolin, cendres volantes et laitier)
2.2.2 Caractéristiques des principales phases hydratées
2.2.2.1 La portlandite Ca(OH)2
2.2.2.2 Les silicates de calcium hydratés (C-S-H)
2.2.2.3 Les aluminates de calcium hydratés
2.2.3 Réseau poreux des matériaux cimentaires
2.3 Mécanismes entrainant la corrosion des armatures du béton armé
2.3.1 Le phénomène de carbonatation des matériaux cimentaires
2.3.1.1 Processus et réactions chimiques associées à la carbonatation
2.3.1.2 Ralentissement de la carbonatation
2.3.1.3 Modélisation de la carbonatation des bétons
2.3.2 La pénétration des ions chlorures dans les matériaux cimentaires
2.3.2.1 Origines de la contamination par les chlorures
2.3.2.2 Interactions physico-chimiques entre le chlore et la matrice cimentaire
2.3.2.3 Ralentissement à la pénétration des ions chlorures
2.3.2.4 Modélisation de la pénétration des ions chlorures dans le béton
2.3.3 Le phénomène de corrosion des armatures métalliques dans les bétons armés
2.4 La réaction sulfatique d’origine externe
2.4.1 Introduction
2.4.2 Réactions chimiques et dégradations du béton associées à la pénétration des sulfates.
2.4.3 Influence du cation associé au sulfate
2.4.4 Influence de la composition du béton
2.4.5 Formation de la thaumasite et couplages avec d’autres anions
2.5 Conclusion
CHAPITRE 3 : PRESENTATION DE LA CAMPAGNE EXPERIMENTALE
(MATERIAUX ET METHODES)
3.1 Introduction
3.2 Matériaux de l’étude
3.2.1 Les bétons
3.2.1.1 Type de bétons visés
3.2.1.2 Squelette granulaire
3.2.1.3 Ciment et additions minérales
3.2.1.4 Adjuvant et E/liant
3.2.1.5 Résumé des formules de béton
3.2.1.6 Confection des éprouvettes, démoulage et conditions de cure
3.2.1.7 Tests sur bétons frais (affaissement, température, masse volumique, air occlus) et résistances mécaniques à la compression à 28 jours
3.2.2 Les pâtes de ciment
3.3 Pénétration des différentes espèces agressives dans les matériaux
3.3.1 Expériences de carbonatation naturelle
3.3.2 Expériences de carbonatation partielle et totale en conditions accélérées
3.3.3 Expériences de diffusion des ions chlorures et sulfates
3.3.4 Expériences de migration sous champs électrique des ions chlorures et mesures de la résistivité électrique
3.4 Quantification des interactions chlorures-matrice cimentaire : méthode des équilibres
3.5 Caractérisation de la microstructure
3.5.1 Justification des choix sur l’utilisation des différentes techniques d’exploration microstructurale
3.5.2 Investigation de la porosité totale et du réseau poreux
3.5.3 Méthodes et techniques utilisées pour quantifier les phases de la matrice cimentaire ..
3.5.3.1 La portlandite
3.5.3.2 Les phases aluminates
3.5.3.3 Les C-S-H
3.5.3.4 Les phases produites ou dégradées lors de la pénétration d’agents agressifs
3.5.4 Résumé et principes des différentes techniques de caractérisation microstructurale utilisées dans cette étude
3.5.4.1 Porosité à l’eau
3.5.4.2 Porosimétrie par intrusion de mercure
3.5.4.3 Diffraction des Rayons X
3.5.4.4 Analyses thermiques (ATG/ATD/DTG)
3.5.4.5 Résonance Magnétique Nucléaire du solide par rotation à l’angle magique sur les noyaux de l’27Al et du 29Si
3.6 Conclusions sur les matériaux, les techniques et les méthodes utilisées au cours de cette étude
CHAPITRE 4 : CARACTERISATION DES MATERIAUX CIMENTAIRES SAINS ET CARBONATES
4.1 Introduction
4.2 Caractérisation de l’état sain selon l’addition minérale à différents temps de cure à l’eau
4.2.1 Résistance à la compression des bétons
4.2.2 Porosité accessible à l’eau et au mercure des bétons et pâtes
4.2.3 Quantification et évolution des phases de la matrice cimentaire
4.2.3.1 Quantification de la portlandite et de la calcite et estimation des autres phases en présence
4.2.3.2 Quantification et évolution des phases aluminates
4.2.3.3 Quantification du taux d’hydratation des phases anhydres et évolution des C-S-H
4.2.3.4 Synthèse et évolution microstructurale selon le liant
4.2.4 Synthèse sur les matériaux sains et leur évolution en fonction du temps de cure à l’eau
CHAPITRE 5 : CONCLUSION GENERALE

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