Mécanismes d’incorporation des éléments traces dans la pyrite diagénétique

Les sulfures de fer dans la zone critique

Les sulfures de fer sont rencontrés dans de nombreux environnements, en particulier dans les systèmes hydrothermaux ou, à basse température, dans les milieux anoxiques marins et continentaux . Ils peuvent se forment à partir de différentes formes solides ou dissoutes du fer qui réagissent avec le sulfure d’hydrogène (H2S). Dans les systèmes hydrothermaux, ce dernier est issu du dégazage du manteau ou des magmas, tandis que, à basse température il résulte des processus microbiens de sulfato-réduction. En effet, à basse température, la réduction abiotique des formes oxydées du soufre en sulfure se produit très lentement. Il en résulte que, dans les environnements anoxiques comme les sédiments marins par exemple (Huerta-Diaz and Morse, 1992; Kraal et al., 2013), la catalyse de la sulfatoréduction s’opère au travers d’espèces d’archées ou de bactéries (Rickard and Luther, 2007). En milieu continental, la sulfato-réduction peut se produire dans les sédiments lacustres, fluviatiles, côtiers, de deltas et dans les mangroves, ainsi que dans la zone saturée des sols (Huerta-Diaz and Morse, 1992; Rickard, 2012; Noël et al., 2015). Depuis une vingtaine d’années, ces environnements sont regroupés sous le concept de Zone Critique, proposé par le National Research Council des Etats-Unis pour désigner l’enveloppe la plus externe de la Terre. Ce terme a été adopté pour mettre en avant la complexité de cette étendue pour le maintien de la vie sur Terre. Cette zone, qui s’étend de l’atmosphère aux roches de basse profondeur, est le berceau des interactions entre l’eau, l’air, les roches et les organismes vivants (Richter and Mobley, 2009).

Le fer se présente majoritairement sous deux états d’oxydation, le fer ferreux (Fe(II)) et le fer ferrique (Fe(III)), qui entrent dans la composition d’un grand nombre de minéraux de type (oxyhydr)oxydes, carbonates, phosphates et sulfures. Le soufre présente plusieurs états d’oxydation dans la nature : S(VI), le S(IV), le S(II), le S(0) et S(-II). En solution aqueuse, les formes H2S et HS- (pKa H2S/HS- = 7,0) sont les plus abondantes et la forme S2- est minoritaire (pKa HS- /S2- > 18) (Schoonen and Barnes, 1988).

Les différents sulfures de fer répertoriés sont le monosulfure de fer nanocristallin faiblement cristallisé (FeSnano), la mackinawite cristallisée (FeSm), la greigite (Fe3S4), la pyrrhotite (Fe(x-1)S) et la pyrite (FeS2) (Rickard and Luther, 2007). La mackinawite (FeS) est un monosulfure de fer au système cristallin quadratique dont les paramètres de maille sont a = b = 3,6765 Å et c = 5,0328 Å (Lennie et al., 1995). La pyrite (FeS2) est un disulfure de fer dont le système cristallin est cubique et les paramètres de maille sont a = b = c = 5,416 Å (Brostigen and Kjekshus, 1969). La marcassite (FeS2) est aussi un disulfure de fer polymorphe de la pyrite avec un système cristallin orthorhombique (Rieder et al., 2007). La greigite (Fe3S4) est de système cristallin cubique et de paramètres de maille a = b = c = 9,876 Å (Lennie et al., 1997) et la pyrrhotite (Fe1-xS) dont le système cristallin varie en fonction des polymorphes (Rickard and Luther, 2007). Des formes dissoutes de sulfures de fer de type FeScluster ont également pu être identifiées dans certains milieux (Rickard and Luther, 2007). Tous ces composés précipitent en conditions anoxiques, dans des milieux réducteurs dont le redox est contrôlé par la production de H2S biogénique.

Parmi ces phases, les monosulfures de fer sont particulièrement instables et sont définis de manière opérationnelle comme des acid volatile sulfides (AVS) (Morse et al., 1987; Suits and Wilkin, 1998; Rickard and Morse, 2005). En effet, lors de l’ajout de HCl dans des sédiments anoxiques, un dégazage de H2S s’opère. Les matériaux qui produisent ces sulfures d’hydrogène seraient issus de l’élimination des sulfures par réaction avec le Fe(II) et sont décrits comme étant des AVS (Suits and Wilkin, 1998; Praharaj and Fortin, 2004; Rickard and Morse, 2005). Cette méthode permettrait ainsi de quantifier les monosulfures de fer et de les distinguer de la pyrite dans les sédiments anoxiques (Suits and Wilkin, 1998).

Dans la zone critique, ces minéraux se forment dans les sédiments au travers du processus de diagénèse précoce, lors de la maturation des sédiments pré-enfouissement (Shaw et al., 1990). En cas d’oxydation par l’oxygène, ces sulfures peuvent être à l’origine de pollution des milieux par l’oxydation des sulfures par le Fe(III) (augmentant ainsi la concentration en Fe(II)) et permettant l’acidification des milieux par formation d’ions sulfates et la libération d’éléments traces piégés lors de la formation de la pyrite (Burton et al., 2006a, b; Kraal et al., 2013).

La pyrite

Selon les estimations, environ 5 millions de tonnes de pyrite se forment chaque année dans les océans (Rickard and Luther, 2007). Selon Berner, (1970), il s’agirait du principal puits de fer et de soufre dans les environnements marins. La pyrite est le sulfure de fer à la plus forte stabilité d’un point de vue thermodynamique (Vaughan and Lennie, 1991). Cette stabilité pourrait être une des raisons pour lesquelles la pyrite est le sulfure de fer le plus abondant sur la surface de la Terre (Schoonen and Barnes, 1991; Rickard and Luther, 2007). Certaines espèces de sulfures de fer comme le FeSnano sont qualifiées de métastables, c’est-à-dire qu’elles sont particulièrement réactives chimiquement. De ce fait, elles peuvent être déstabilisées relativement facilement et fournir les éléments nécessaires pour la précipitation de pyrite. On rencontre ce minéral dans différents types d’environnements géologiques, tels que les veines hydrothermales, les milieux sédimentaires ou les roches métamorphiques. La découverte de la pyrite a été attribuée à Dioscoride, médecin, pharmacologue et botaniste grec autour de l’an 50. Le nom de ce minéral provient du grec pyrítēs qui signifie « pierre à feu » (Rickard, 2012). Ce nom lui aurait été attribué à cause des étincelles produites par la pyrite en cas de choc.

Les cristaux de pyrite forment des cubes, des octaèdres ou des cuboctaèdres (Wang and Morse, 1996) . Lorsqu’elle est microcristalline, sa couleur jaune métallique fait qu’elle peut parfois être confondue avec l’or, bien qu’elle soit quatre fois moins dense que ce métal, d’où son célèbre surnom d’ « Or des Fous ». Sa structure cristallographique a été l’une des premières à avoir été déterminée par Bragg en 1913, à l’aide de la diffraction des rayons X. La pyrite cristallise dans le système cubique et est décrite dans le groupe d’espace Pa3. Ce minéral est composé de cations Fe2+ et d’anions disulfure S₂²⁻ (qui peuvent être parfois désignés par l’annotation −S-S−). Dans la pyrite, les cations Fe2+ sont en coordination octaédrique, tandis que les atomes de Sont des liaisons avec trois atomes de Fe2+ et un autre atome de S- , ils sont donc en coordination tétraédrique. Les groupes disulfure S₂²⁻ sont situés au centre du cube et aux milieux des arêtes du cube, tandis que les atomes de Fe sont situés aux sommets du cube et au centre de ses faces (Rickard et Luther, 2007).

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Table des matières

I. Introduction générale
II. Etat de l’Art
II. 1. Les sulfures de fer dans la zone critique
II. 2. La pyrite
II. 3. Pyrite et éléments traces dans les sédiments, environnement et paléoenvironnements
II. 4. L’influence des éléments traces sur la formation de la pyrite
II. 5. Les mécanismes de formation de la pyrite
II. 6. Objectifs de la thèse et approche adoptée
III. Matériels et méthodes
III. 1. Synthèse de pyrite en laboratoire
III. 1. a) Synthèses de pyrite en présence d’ETM
III. 1. b) Prélèvements d’échantillons solides et liquides durant les expériences
III. 2. Prélèvements sur le terrain et traitement des échantillons en laboratoire
III. 2. a) Le lac de Tignes
III. 2. b) Prélèvement de sédiments et post-traitement des échantillons
III. 2. c) Echantillonnage des carottes en conditions anoxiques
III. 3. Analyses minéralogiques et cristallochimiques des échantillons
III. 3. a) Diffraction des rayons X (DRX) sur poudre en anoxie
III. 3. b) Fluorescence X sur poudres
III. 3. c) WAXS-PDF : diffusion des rayons X aux grands angles et analyse structurale par fonction de Distribution de Paires
III. 3. d) Spectroscopie d’absorption des rayons X (XANES et EXAFS) au seuil K du fer et du soufre
III. 3. e) Microscope électronique à Balayage (MEB)
III. 3. f) Microscope Electronique à Transmission (MET)
III. 3. g) Microsonde électronique (Electronic Microprobe Analyzer ou EMPA)
III. 3. h) Dosages du fer et du soufre par spectrophotométrie
III. 3. i) Spectrométrie à couplage inductif (ICP-OES et ICP-MS)
IV. Influence des traces d’As ou de Ni sur la cinétique de formation de la pyrite à basse température
IV. 1. Résumé
IV. 2. Abstract
IV. 3. Introduction
IV. 4. Materials and Methods
IV. 4. a) Pyrite syntheses at ambient temperature under anoxic conditions
IV. 4. b) X-ray Absorption Spectroscopy at the Fe and S K-edges
IV. 4. c) EXAFS and XANES data analysis
IV. 4. d) Powder X-Ray Diffraction (XRD) and Wide Angle X-ray scattering – Pair distribution function (WAXS-PDF) data collection and analysis
IV. 4. e) Scanning Electron Microscopy coupled with Energy Dispersive X-ray Spectroscopy (SEM-EDXS)
IV. 5. Results
IV. 5. a) Kinetic of pyrite formation in the presence or absence of Ni or As
IV. 5. b) Evolution of solid-state speciation of sulfur over the course of pyrite synthesis
IV. 5. c) Mineralogy of the FeS precursors of pyrite
IV. 6. Discussion
IV. 6. a) Mineralogical precursors of pyrite
IV. 6. b) Mechanism of pyrite formation
IV. 6. c) Influence of Ni and As on pyrite nucleation and growth
IV. 6. d) Environmental and geological implications
IV. 6. e) Impact on paleo-reconstructions of ancient environments
IV. 7. Conclusions
IV. 8. Supplementary Information
V. Fractionnement solide-liquide de V, Mn, Co, Ni, Cu, Zn, As, Se et Mo lors de la pyritisation par la voie des polysulfures : cinétique et mécanismes d’incorporation
V. 1. Résumé
V. 2. Abstract
V. 3. Introduction
V. 4. Materials and Methods
V. 4. a) Pyrite syntheses in the presence of trace elements
V. 4. b) Mineralogical and chemical analysis of the solid phases
V. 4. c) Chemical analysis of the liquid phases
V. 5. Results
V. 5. a) Kinetic evolution of the solids mineralogy during the syntheses
V. 5. b) Variations of total Fe and pH during the syntheses experiments
V. 5. c) Solid/liquid partition of the trace elements
V. 5. d) Trace elements distribution at the nanoscale
V. 6. Discussion
V. 6. a) Role of trace elements on the kinetics of pyrite formation
V. 6. b) Pyrite formation process and trace elements incorporation mechanisms
V. 6. c) Extent of trace element incorporation and comparison with natural pyrites
V. 7. Conclusion
V. 8. Supplementary Information
VI. Etude de la diagenèse des sulfures dans les sédiments du lac de Tignes
VII. Conclusion

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