Les pollinoses ou allergies aux pollens regroupent les manifestations cliniques dues aux pollens. Il s’agit le plus souvent d’une rhinite allergique ou “rhume des foins” très souvent associée à une conjonctivite allergique. Elle est également associée à un asthme et elle peut se compliquer par des infections locales dont les sinusites en particulier. Ce type d’allergie est lié à la concentration pollinique dans l’air. (1). Les pollinoses saisonnières constituent un problème de santé publique d’actualité qui s’intègre dans le cadre plus global des pathologies environnementales (2). Elles sont très fréquentes et concernent 10 à 30% de la population mondiale (3) ; dans les grandes villes et les zones industrielles (4). À Madagascar, on enregistre les mêmes formes cliniques des maladies allergiques susceptibles d’être liées au pollinose. Des études aéropalynologiques ont été effectuées à Antananarivo(5) (6) (7) à Mahajanga(8), à Antsirabe(9) et à Ambatondrazaka (10) en vue d’établir la liste des espèces potentiellement allergisantes. Le comptage pollinique est disponible dans de nombreux pays. Son intérêt est de donner aux médecins et aux patients allergiques une information sur le risque allergique selon la saison pollinique. À ce jour, aucune étude n’a été réalisée pour évaluer la pertinence de ce calendrier pollinique en tenant compte des manifestations cliniques chez les allergiques. Un des moyens disponibles pour ce faire est d’analyser l’effet à court terme sur la santé dans la population générale de l’exposition aux pollens en analysant les données sur la consommation de médicaments antiallergiques tout au long de ce calendrier pollinique.
Les allergies
Définition
Etymologiquement, le mot allergie vient du grec « allos » qui signifie autre et «ergos» qui signifie réaction, en d’autres termes le mot allergie pourrait signifier réaction différente. (11) En 1906, Von Pirquet a donné une définition plus précise de l’allergie comme étant une réaction immunitaire de l’organisme qui réagit spécifiquement ou un mécanisme contre un allergène par une réponse exagérée, se manifestant par de la rhinite, de l’asthme, de l’urticaire, de l’angiœdème, du choc anaphylactique, de l’eczéma etc. (12) Johansson quant à lui a défini l’hypersensibilité qui ressemble cliniquement aux manifestations allergiques. (13) L’hypersensibilité est un mécanisme immunologique de défense de l’organisme vis à vis d’agresseurs a priori inoffensifs, les allergènes, par une réaction anormale, inadaptée et excessive lors d’un contact avec celui-ci. Ces substances étrangères sont normalement bien tolérées, mais dans certaines conditions, le système immunitaire les considère à tort comme potentiellement délétères. L’allergie survient sur un terrain génétiquement prédisposé, le terrain « atopique ». Coca et Cooke en 1923, ont défini l’atopie comme un ensemble de syndromes ayant une transmission héréditaire: asthme allergique, dermatite atopique, rhinoconjonctivite allergique …
Mécanismes
Les réactions allergiques entrent dans le cadre des réactions d’hypersensibilités qui correspondent à des réactions immunitaires inappropriées.
Selon la classification de Gell et Coombs, on distingue quatre types de réactions d’hypersensibilité : (tableau I)
– La réaction d’hypersensibilité de type I ou immédiate, médiée par les IgE
– La réaction d’hypersensibilité de type II, ou cytotoxicité dépendante des anticorps
– La réaction d’hypersensibilité de type III, médiée par les complexes immuns
– La réaction d’hypersensibilité de type IV ou retardée, médiée par les lymphocytes.
Les réactions allergiques font partie des réactions d’hypersensibilité de type I médiée par les IgE (allergies à manifestations immédiates) et de type IV (allergies de contact).
Mécanismes des réactions d’hypersensibilité de type I ou immédiate
Les réactions d’hypersensibilité immédiate sont les plus fréquentes et sont médiées par les immunoglobulines E (IgE). Elles comprennent deux phases :
• une première phase de sensibilisation durant laquelle l’allergène entre en contact avec les macrophages du système immunitaire. Ils stimulent la production d’immunoglobulines E grâce à une réponse lymphocytaires de type Th2. Ces IgE se fixent sur les récepteurs spécifiques du fragment Fc de haute affinité (RFcε I) au niveau des mastocytes cutanés et muqueux et des basophiles du sang.
• une deuxième phase consistant en la réintroduction de l’allergène dans l’organisme. Elle débute lors du deuxième contact avec l’allergène qui va ponter les IgE se trouvant à la surface des mastocytes et polynucléaires basophiles.
Ce pontage provoque
– une dégranulation avec libération d’histamine, d’héparine, d’enzymes protéolytiques (tryptase, β-glucosaminidase …), de facteurs chimiotactiques (ECF-A …)
– la synthèse de médiateurs dérivés de l’acide arachidonique (prostaglandines, thromboxane, leucotriènes) et du PAF (facteur d’activation des plaquettes)
– la production de cytokines : IL-4, IL-6, TNF-α .
Les monocytes/macrophages, les polynucléaires éosinophiles et les plaquettes interviennent dans un 2ème temps essentiellement par l’intermédiaire des mêmes médiateurs. Ils participent majoritairement à la phase semi-retardée (≈ 6ème heure) de l’hypersensibilité immédiate.
Mécanisme de la réaction d’hypersensibilité de type IV ou retardée (HSR)
Elles sont des réactions à médiation cellulaire induites par des lymphocytes T sensibilisés. Elle se passe aussi en deux phases :
– Infiltration d’un tissu par des lymphocytes T CD4+ auxiliaires de type Th1 et activation de macrophages, de lymphocytes T cytotoxiques (TCD8), de cellules NK par les cytokines des lymphocytes Th1 ; cette activation abîme l’organe infiltré
– Recrutement local de macrophages par les cytokines et chimiokines des lymphocytes T auxiliaires activés. Si ce recrutement devient chronique : formation d’un granulome (Exemple : tuberculose) Les phénomènes de type IV sont toujours localisés dans un tissu. Les lésions apparaissent typiquement entre 48 à 72 heures après contact avec l’allergène d’où le nom d’hypersensibilité retardée. (16) Exemples de phénomènes de type IV :
– Dermatite de contact
– Réponse à certaines infections, ou corps étrangers (granulomes)
– Rejet des greffes
– De nombreuses maladies auto-immunitaires (diabète de type I, thyroïdite, etc.) .
Les allergènes peuvent être groupés dans trois groupes distincts :
• les pneumallergènes qui sont des allergènes en suspension dans l’air. Ils sont présents soit de façon continue et sont appelés allergènes perannuels (acariens et poils et phanères d’animaux), soit de façon saisonnière et sont appelés allergènes saisonniers (pollens).
• les trophallergènes ou allergènes alimentaires. On peut citer : l’œuf, l’arachide, le kiwi, etc.
• les allergènes de contact qui sont des produits chimiques contenus dans les crèmes, savons, shampooings, spray, désodorisants, etc. Il s’agit essentiellement des conservateurs et des excipients comme le parabène, mais aussi les parfums comme l’eugénol ou le géraniol.
Manifestations cliniques
La rhinite allergique
La rhinite allergique est une inflammation des parois nasales provoquée essentiellement par les pneumallergènes, comme les pollens, les phanères d’animaux. Les manifestations de la rhinite allergique sont :
– le prurit nasal,
– l’hyposmie ou l’anosmie
– la rhinorrhée,
– les éternuements,
– l’obstruction.
La dernière classification de l’ARIA définit la rhinite selon deux critères, selon sa durée et sa sévérité. Selon la durée, on distingue :
– la rhinite persistante quand elle survient quatre jours ou plus au cours d’une semaine et ce au moins quatre semaines dans l’année
– la rhinite intermittente quand elle survient moins de quatre jours par semaine et ce moins de quatre semaines par an.
Selon la sévérité des symptômes, on distingue :
– la rhinite légère : manifestations peu importantes ayant peu de répercussions sur le sommeil et la vie quotidienne.
– la rhinite modérée à sévère : manifestations invalidantes accompagnées d’une gêne lors des activités quotidiennes, professionnelles ou scolaires ainsi que d’une perturbation du sommeil.
Les rhinites peuvent alors être classées en rhinites intermittentes légères, modérées ou sévères, et en rhinites persistantes légères, modérées ou sévères. Toute rhinite allergique peut évoluer vers ou aggraver un asthme d’où l’intérêt de la prise en charge précoce et correcte de la rhinite.
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Table des matières
INTRODUCTION
RAPPEL THEORIQUE
1. Les allergies
1.1 Définition
1.2 Mécanismes
1.2..1 Mécanismes des réactions d’hypersensibilité de type I ou immédiate
1.2..2 Mécanisme de la réaction d’hypersensibilité de type IV ou retardée
1.3 Manifestations cliniques
1.3..1 La rhinite allergique
1.3..2 La conjonctivite allergique
1.3..3 L’asthme allergique
1.3..4 La dermatite atopique (eczéma atopique)
1.3..5 Urticaire
1.3..6 Anaphylaxie
1.3..7 Allergie médicamenteuse
1.3..8 Allergie aux piqûres d’insectes
1.4 Les pollinoses
1.4..1 Définition
1.4..2 La rhinoconjonctivite allergique
1.4..3 L’asthme allergique
1.5 Les bases du traitement antiallergique
1.5..1 Prévention de l’allergie et éviction des allergènes
1.5..2 Traitements médicamenteux
1.5..3 Immunothérapie spécifique des allergènes : désensibilisation
1.5..4 Education thérapeutique
1.5..5 Les recommandations thérapeutiques pour les pollinoses
2. Les pollens
2.1 Définitions
2.2 Genèse et pollinisation
2.3 Production pollinique
2.4 Contenu des grains de pollen
2.5 Paroi des grains de pollen
2.6 Caractères morphologiques
2.6..1 Orientation et axes
2.6..2 Taille
2.6..3 Forme
2.6..4 Ornementations
2.6..5 Apertures
2.6..6 Types polliniques
2.7 Recensement pollinique
2.7..1 Méthodes
2.7..2 Résultats et interprétation
3. Les familles potentiellement allergisantes
3.1 Gymnospermes
3.1..1 Famille des Cupressaceae
3.1..2 Famille des Pinaceae
3.2 Angiosperme
3.2..1 Famille des Arecaceae ou palmiers
3.2..2 Famille des Asteraceae
3.2..3 Famille des Caprifoliaceae
3.2..4 Chenopodiaceae – Amarantaceae
3.2..5 Famille des Mimosaceae
3.2..6 Famille des Moraceae
3.2..7 Famille des Poaceae ou Graminées
3.2..8 Famille des Salicaceae
4. Allergènes polliniques
5. Méthodes pour étudier les relations entre pic de pollinisation, consommation de médicaments antiallergiques et pollinoses
NOTRE ETUDE
1. Objectif
2. Matériels et méthodes
2.1 Lieu d’étude
2.2 Type d’étude
2.3 Méthodes
2.3..1 Recueil des données auprès des pharmacies
2.3..2 Technique d’obtention du calendrier pollinique
2.4 Critères d’inclusion
2.5 Critères d’exclusion
3. Paramètres étudiés
RESULTATS
1. Liste des pharmacies visitées
2. Consommation de médicaments antiallergiques (en nombre de boîtes vendues)
3. Calendrier pollinique à Antananarivo sur la période de janvier à décembre 2009
4. La liaison entre la consommation des médicaments antiallergiques dans la population générale et de l’exposition aux pollens
4.1 Liaison entre calendrier pollinique et consommation des antiH1
4.2 Liaison entre calendrier pollinique et consommation des antiH1 nasal
4.3 Liaison entre calendrier pollinique et consommation des beta2mimétiques
4.4 Liaison entre calendrier pollinique et consommation des corticostéroïdes inhalés
4.5 Liaison entre calendrier pollinique et consommation des corticostéroïdes nasaux
4.6 Liaison entre calendrier pollinique et consommation des corticostéroïdes par voie générale
4.7 Liaison entre calendrier pollinique et consommation des collyres
4.8 Liaison entre calendrier pollinique et consommation des corticostéroïdes nasaux et collyres
DISCUSSION
1. Calendrier pollinique à Antananarivo
2. Selon la méthodologie utilisée pour évaluer la liaison de ce calendrier avec les manifestations cliniques
3. Selon les médicaments consommés
4. Liaison entre calendrier pollinique et consommation médicamenteuse selon le type de plantes
4.1 Graminées
4.2 Astéracés
4.3 Arbres
5. Limites de notre étude
6. Perspectives
CONCLUSION