Mécanismes d’échappement de la tique
Les cellules de Langerhans
Ces cellules se distinguent des autres cellules de l’épiderme, mélanocytes et kératinocytes, par leur noyau lobulé, leur cytoplasme clair contenant des granules de Birbeck, leur intense activité ATPasique, et leurs prolongements dendritiques ; elles forment une sorte de filet tangentiel à la surface de la peau, comportant 460 à 1000 cellules par mm2. Ces cellules, que l’on trouve en plus petit nombre dans le derme et dans certaines muqueuses, sont d’origine mésenchymateuses. Bien que très peu phagocytaires, elles présentent des caractères communs avec les macrophages, notamment l’expression de molécules d’histocompatibilité de classe II, et la capacité de stimuler des lymphocytes T allogéniques en culture mixte, par présentation antigénique (Bach, Ed. Flammarion, 1993). Ces cellules ont donc un rôle important dans le développement de l’hypersensibilité de contact.Elles font partie des premières cellules à être au contact des molécules immunogènes de l’épiderme. En effet, les sécrétions des glandes salivaires, les immunoglobulines G et le complément ont été localisés au niveau des cellules de Langerhans dans la peau, au site d’attache de la tique (Allen et al., 1979). Les cellules de Langerhans captent les antigènes de la salive des tiques à ce niveau, et migrent au niveau du noeud lymphatique drainant la zone, où elles jouent le rôle de cellule présentatrice d’antigène aux lymphocytes. Il y a alors production d’anticorps circulants, qui avec le complément contribuent à la résistance acquise (Fivaz, 1989; Brossard et al., 1997).
Lors d’infestation par les tiques
La peau et les noeuds lymphatiques de souris BALB/c résistantes, infestées par Ixodes ricinus ont été examinés en utilisant in situ l’hybridation des ARNm de l’IFN, d’Il2 et d’Il4. L’infestation par des nymphes d’Ixodes ricinus induit une expression importante des ARNm de l’IFNet d’Il2, et une expression plus faible en ARNm d’Il4. Des infestations répétées induisent un taux plus élevé en IFNet Il2 dans la peau. Les observations suggèrent la présence d’une réponse cutanée Th1 provoquée par les immunogènes de la tique (Mbow et al., 1994). Wikel et al. (1986) ont transféré une résistance aux larves de Dermacentor andersoni à des Cochons d’Inde, avec 108 cellules viables de noeuds lymphatiques d’animaux résistants.Les cellules ont été transférées aux Cochons d’Inde 48 heures avant l’infestation d’une durée de 5 jours par 100 larves. Lorsque les cellules des noeuds lymphatiques de Cochons d’Inde résistants à Dermacentor andersoni ont été enrichies en lymphocytes B et T, et transmis passivement aux Cochons d’Inde receveurs, une résistance plus importante, de façon significative, a été transférée avec les cellules enrichies en lymphocytes T, par rapport à celles enrichies avec des lymphocytes B (Wikel et Whelen, 1986). Les lymphocytes T sont un élément clé dans la régulation et dans leur rôle effecteur des fonctions du système immunitaire, comprenant la production d’anticorps, l’hypersensibilité retardée et les cellules T cytotoxiques : l’activation par des antigènes spécifiques des lymphocytes T induit la production de cytokines, la différenciation et la réplication de cellules (Brossard et al., 1997).
Vis à vis des cytokines
De nombreuses expériences ont montré que les tiques suppriment la production de cytokines par les macrophages et les cellules T, ce qui induit une réduction du développement et de l’expression de la résistance à l’infestation (Wikel et al., 1997). Ù Des extraits de glande salivaire préparés à partir de femelles de Dermacentor andersoni gorgées, suppriment l’élaboration des cytokines par les macrophages et les cellules Th1 de souris de BALB/c non infestées (Ramachandra et al., 1992). 3 7 Ù Des extraits de glande salivaire de Dermacentor andersoni inhibent la production par les macrophages d’Il1 et TNFde Bos indicus et Bos taurus non infestés. De même, la production d’IFNa été supprimée. En revanche, la production d’IL4 n’est pas affectée (Wikel et al., 1997). De même, la sécrétion d’Il2 par les lymphocytes T est supprimée in vitro par la salive d’Ixodes dammini (Fivaz, 1989).Des extraits de glande salivaire préparés quotidiennement à partir de femelles de Dermacentor andersoni gorgées inhibent l’élaboration par les macrophages de l’Il1 et du TNF. Les mêmes extraits de glande salivaire réduisent la production par les lymphocytes Th1 d’Il2 et de l’IFN(Ramachandra et al., 1992). La réponse en cytokine par les Th2 n’est pas diminuée (Ramachandra et al., 1992). Les extraits de glande salivaire altèrent l’élaboration des cytokines TNFet Il1 par les macrophages de différentes manières. La production d’Il1 par des macrophages normaux est inhibée de 89,8% au jour 0 à 61,6% au jour 5. Le taux d’Il1 n’est pas altéré de façon significative des jours 6 à 9.Des cultures similaires montrent une inhibition importante de la production de TNF: diminution de la synthèse de TNFde 62,5% au jour 0 et de 94,6% au jour 9. Les molécules responsables de l’inhibition de la production de TNFet d’Il1 n’ont pas été identifiées. Les différences dans ces exemples du taux d’inhibition de la synthèse de ces 2 cytokines suggèrent la présence de plus d’un facteur de suppression ou que les récepteurs du TNFet d’Il1 ont une sensibilité différente à une même molécule de régulation (Wikel et al., 1994).
Vis à vis des cellules
Natural Killer (NK) Les extraits de glande salivaire (EGS) dérivés de femelles de Dermacentor reticulatus nourries pendant 6 jours sur des souris de laboratoire (EGSD6), induisent une baisse in vitro de l’activité des cellules NK humaines, (obtenues à partir de donneurs de sang en bonne santé), sur les cellules tumorales. Une telle diminution n’a pas été observée après traitement des cellules NK des mêmes donneurs par des EGS de tiques non nourries. La diminution de l’activité des cellules NK induite par les EGSD6 varie de 14 à 69% par rapport à l’activité des cellules NK non traitées (Kubes et al., 1994).La dilution au 10ième des EGSD6 diminue la capacité à réduire l’activité des cellules NK, et son effet est négligeable sur l’activité des cellules NK lors de dilution au 100ième: La diminution de l’activité des cellules NK est donc concentration dépendante. A la dilution 1/10ième , l’effet est faible, à la dilution 1/100ième, il est négligeable (Kubes et al., 1994). De nombreuses substance biologiques, incluant l’IFNpeuvent augmenter l’activité cytolytique des cellules NK : l’activité des cellules NK traitées avec des EGSD6 a été restaurée par l’IFNà un taux approchant celui des cellules non traitées. La suppression de l’inhibition par l’IFNindique que l’effet des EGSD6 sur l’activité des cellules NK n’est pas due à un effet cytotoxique (Kubes et al., 1994).Ces résultats montrent la présence d’un (de) facteurs(s) dans les produits des glandes salivaires de Dermacentor reticulatus qui influence l’activité des cellules NK in vitro. Le(s) facteurs(s) d’inhibition est synthétisé dans les glandes salivaires de la tique (probablement pendant le repas), et sécrété dans la peau au site de fixation en tant que composant pharmacologiquement actif de la salive de la tique. Bien que l’activité des cellules NK soit recouvrée après traitement à l’IFN, il a été montré que les EGS de Dermacentor andersoni réduisent la production de l’IFN. Ainsi les tiques sont capables de contre balancer l’effet restaurateur de l’IFNsur l’activité des cellules NK (Kubes et al., 1994).
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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 : Réactions immunitaires de l’hôte face à l’agression causée par les tiques
A- Les éosinophiles et les mastocytes
B- Les basophiles
C- L’histamine
D- Les cellules de Langerhans
E- Le complément
F Lymphocytes et immunoglobulines
1- Quelques rappels
2- Lors d’infestation par les tiques
PARTIE 2 : Mécanismes d’échappement de la tique
A- Vis-à-vis des mastocytes
B- Vis-à-vis du complément
C- Vis-à-vis des lymphocytes : diminution de la lymphoprolifération
D- Vis-à-vis des cytokines
E- Vis-à-vis des anticorps : diminution de la production d’anticorps par les plasmocytes
F- Vis-à-vis des cellules Natural Killer (NK)
PARTIE 3 : Applications pratiques
A- Facilitation de la transmission d’agents pathogènes
1- Rôle de l’immunomodulation induite par les tiques
2- Limitation de la transmission des agents pathogènes
B- La lutte contre les tiques par l’immunisation des hôtes contre des antigènes cachés :nouveaux vaccins
1- Recherche d’antigènes cachés
2- Mode d’action des nouveaux vaccins
3- Efficacité
4- Action croisée
5- Effet sur la transmission d’agents pathogènes
6- Limites de la vaccination
C- Sélection d’animaux résistants
1- Résistance polygénique
2- croisements entre races résistantes
3- Gène majeur
4- Croisements entre races à résistance polygénique et races porteuses de gène majeur
5- Résistance aux tiques et productivité
6- Les systèmes laitiers
Conclusion
Bibliographie
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