Mécanismes de rupture des tôles et des joints soudés bout à bout en alliage d’aluminium 6056

Précipitation et comportement mécanique des 6000

       La faible précipitation dans les alliages d’aluminium de la série 6000 n’influence pas le comportement linéaire élastique du matériau. Cependant, la valeur de la limite d’élasticité dépend de la présence de ces précipités durcissants puisqu’ils constituent des obstacles au mouvement des dislocations. Dans les alliages de la série 6000, la microstructure et la précipitation influencent directement la contrainte d’écoulement (point à partir duquel les dislocations peuvent se déplacer) et ensuite la capacité d’écrouissage. Selon la nature des obstacles à franchir : la nature de la solution solide qu’est la matrice, les dislocations générées par l’écrouissage, les contraintes résiduelles, les joints de grains et les précipités, les mécanismes seront différents. Par exemple, deux mécanismes de durcissement structural peuvent intervenir dans le cas des précipités [36] : le franchissement de l’obstacle par cisaillement, qui concerne en général les précipités cohérents ou semi-cohérents avec la matrice et de petite taille etle contournement de l’obstacle par le mécanisme d’Orowan, qui concerne les précipités incohérents ou de taille élevée. Le durcissement structural permet d’obtenir une limite d’élasticité élevée ; le survieillissement donne à l’alliage une capacité d’écrouissage satisfaisante pour obtenir un bon niveau de ténacité. Toutefois, la présence de ces précipités, en plus des dispersoïdes au manganèse, introduit des sites potentiels de germinations de cavités en rupture ductile, qui serons retrouvés lors des examens fractographiques des éprouvettes.

Principaux essais et matériaux étudiés

       La ténacité des tôles dépend étroitement de leur épaisseur [16, 62, 67]. En effet, il a été montré que la ténacité augmente tout d’abord avec l’épaisseur des éprouvettes et diminue ensuite, dès qu’une valeur critique d’épaisseur est atteinte [16, 67]. Plusieurs auteurs ont étudié l’effet d’épaisseur des éprouvettes sur la ténacité et le mode de rupture. Zinkham [81] (figure 2.3-a) a étudié l’effet d’épaisseur (1.6, 4.7 et 7.9 mm) sur la ténacité d’un alliage 7075-T6 et a montré une augmentation globale de la ténacité avec l’augmentation de l’épaisseur, la normale à la surface de rupture étant toujours inclinée par rapport à la direction de sollicitation. D’autres auteurs comme Kambour, Mahmoud (figure 2.3-b) et Taira [46, 51, 73] ont également montré une rupture inclinée avec des lèvres de cisaillement pour différents types d’essais tels que les essais Double Cantilever, CT, CCT et DENT, avec des valeurs d’épaisseur s’étendant de 0.25 à 33 millimètres sur l’ensemble de ces auteurs et sur divers matériaux comme des alliages d’aluminium tels que du 7075-T6, du 6061-T6 et du 2024- T351, des aciers tels que Fe-3%Si, 0.04%C, Cr-Mo-V, X70, En25 et d’autres matériaux tels que du cuivre laminé à froid, des alliages de titane et du polycarbonate. Par contre, et la différences est essentiellement là, des surfaces de rupture plates ont été mises en évidence sur du 6082-T0 (1 à 6 millimètres) et d’autres matériaux montrant un écrouissage élevé [62] (figure 2.3-c). Toutes les études mentionnées ci-dessus ont permis de montrer la présence d’une valeur critique de l’épaisseur dans l’évolution de la ténacité en fonction de l’épaisseur (figure 2.4 : (a) ec= 5 mm et (b) ec= 2.5 mm). Certains des auteurs cités se sont concentrés sur la partie croissante [62, 81] (figure 2.4-a) et d’autres sur la partie décroissante de la courbe [16, 73, 49, 39] (figure 2.4-b). Sur cette courbe, l’amorçage semble indépendant de l’épaisseur, ce qui conduit naturellement à étudier la propagation. La figure 2.4-a, montre les résultats obtenus par T. Pardoen sur des éprouvettes de type DEN (double edge notched) sur le 6082-T0 et les compare à ceux obtenus sur le 7075-T6. Pour le matériau 7075-T6, il y a un maximum de la ténacité, pour une épaisseur t0, proche de 1.5 mm puis les valeurs décroissent jusqu’à 7.5 mm contrairement au 6082-T0 qui semble avoir un maximum vers 5 mm. Plusieurs paramètres semblent influencer la ténacité. Ceux qui seront plus particulièrement étudiés ici sont : l’effet de la capacité d’écrouissage et l’effet de l’épaisseur.

HT : fabrication et mise au point du traitement thermique

       Au cours de cette étude, plusieurs traitements thermiques ont été examinés à partir du matériau AR. Le but est de comprendre pourquoi dans certains cas, et comme la bibliographie le montre (section 2.2 de la partie I), la rupture est le plus souvent en biseau et dans d’autres cas la rupture est à plat. Le matériau AR présente, le plus souvent, une rupture en biseau. Cependant, T. Pardoen [62] obtient sur un matériau de type 6082 avec un traitement thermique de type T0 (recuit), une rupture le plus souvent à plat. Il semble donc possible d’obtenir les deux modes de rupture (à plat et en biseau) sur les alliages d’aluminium : en biseau pour les alliages durcis par précipitation et à plat pour les alliages très doux présentant une bonne capacité d’écrouissage (6082 traité T0). Un traitement thermique permettant de passer d’un type à l’autre, sur un même alliage, ici le 6056, a été défini. En partant de l’état AR, l’objectif est donc de garder les phases potentiellement endommageantes (ici les phases au fer, voire les dispersoïdes et précipités solubles de taille similaire) constantes, tout en modifiant la loi de comportement du matériau afin d’obtenir une transition de la rupture en biseau vers la rupture à plat :
• pour (au moins) certaines géométries d’éprouvettes, entre le matériau AR et le matériau traité.
• pour le matériau traité : entre les géométries sévèrement entaillées et les autres (effet du taux de triaxialité des contraintes) en fonction de l’épaisseur de l’éprouvette. Pour ce faire, une géométrie « moyennement entaillée » (EU05, épaisseur 6 mm, plan en Annexe) a été choisi. Par ailleurs cette géométrie est proche de celle utilisée par T. Pardoen [62] et pour le traitement thermique AR, le mode de rupture est en biseau. Divers traitements thermiques ont été testés, en évitant la simple mise en solution/trempe qui aurait entraîné des complications expérimentales liées aux phénomènes de mûrissement (formation de zones GP) lors du stokage, même bref, des éprouvettes traitées avant les essais mécaniques. Le traitement a été considéré comme valide dès l’obtention d’une rupture à plat. Le matériau AR a, tout d’abord, été sur-revenu pendant 20h à 250◦C de façon à réduire la dureté. Ce traitement a ramené la dureté de 115 à 75 HV10. Néanmoins, l’essai de traction (à 20◦C) a montré une surface de rupture en biseau. Il en va de même pour le traitement thermique du type T4 dont la dureté est de 100 HV10 (mise en solution, trempe et vieillissement naturel) qui a également montré une rupture en biseau. Les trois traitements thermiques décrits (AR, sur-revenu 20h et T4), ont des valeurs de dureté assez élevées par rapport à celle de la solution solide homogène. Un traitement de type recuit semblerait donc judicieux. Les conditions choisies sont : 30 minutes à 550◦C refroidi à l’air. Les éprouvettes sont préalablement usinées et enfournées à four chaud. Les éprouvettes restent 30 minutes dans le four puis elles sont retirées pour être posées sur la table et refroidies sous air calme. L’essai mécanique sur l’éprouvette de traction EU05 de 6 mm d’épaisseur a montré une surface de rupture plate. Ces conditions sont donc validées indépendamment de l’état de précipitation, puisque l’objectif était d’avoir une rupture à plat. Cela étant rempli, le traitement thermique est appliqué sur toutes les épaisseurs et l’analyse de la précipitation est détaillée plus loin dans ce chapitre. Afin de connaître l’histoire thermique de ces éprouvettes et de justifier le mode de refroidissement différent appliqué aux éprouvettes d’épaisseur 1.4 mm, une série de traitements thermiques a été menée en instrumentant les éprouvettes à l’aide de thermocouples chromel-alumel (diamètre des fils 250 µm), soudés par point sur la surface supérieure de l’éprouvette. Pour l’éprouvette de 1.4 mm, il a fallu trouver un compromis entre la tenue du thermocouple et la géométrie du sandwich. Une perforation de la plaque supérieure a permis de faire passer les fils du thermocouple et un ciment a consolidé l’ensemble. Les courbes d’évolution de la température, obtenues par cette méthode sont très reproductibles. Elles sont données sur la figure 1.1 qui représente la température mesurée pour les épaisseurs 1.4 (doublée), 3.2 et 6.0 mm refroidies à l’air et l’épaisseur de 1.4 mm refroidie en sandwich. Elles montrent que la température de 550◦C est effectivement atteinte en 20 minutes et est maintenue pendant 10 minutes. D’après les travaux de Myrh et Grong [58], le temps nécessaire pour dissoudre toutes les phases durcissantes est de quelques secondes. Les 10 minutes de maintien sont alors largement suffisantes à cette température. Le tableau 1.1 récapitule les conditions et les duretés des courbes de la figure 1.1, la légende du graphique donne également les vitesses de refroidissement (pente de la droite qui commence à partir de la 30ième minute).

Caractérisation des phases plus fines par MET

        Ces observations ont été réalisées au LTPCM grâce à Alexis Deschamps et à Damien Fabrègue. Les échantillons ont été préparés suivant la méthode utilisée dans [27] : Un carottage par électroérosion avec un diamètre φ = 3 mm est réalisé dans la tôle de 6 mm. Ces carottes sont ensuite découpées à la microtronçonneuse suivant des lames de 150 à 200 µm d’épaisseur. Ces lames sont ramenées à 120 µm par polissage manuel au papier abrasif à grain de plus en plus fin. Un polissage électrochimique est réalisé à l’aide d’un amincisseur électrolytique par jet de type Tenupol à -30◦C. Les observations au MET ont été réalisées en imagerie conventionnelle en champ clair, en champ sombre et en diffraction des électrons en sélection d’aire avec un porte objet à double inclinaison. Les figures 1.6 et 1.7 montrent les différents types de précipités observés dans les deux matériaux dans de bonnes conditions à cette échelle. Sur la figure 1.6, plusieurs types de précipités sont observables. Les dispersoïdes (fléchés sur la figure 1.6) mesurent en moyenne 200 nm et sont de forme polygonale. Des précipités se sont également formés aux joints de grains. Ils mesurent entre 50 et 100 nm. Des précipités en forme d’aiguilles sont orientés dans les directions <100> du réseau cristallin et mesurent 10x10x100 nm (cercle fig. 1.6-a). Ces derniers n’ont pas été analysés chimiquement mais ils pourraient être d’après leurs caractéristiques des β′′/Q′. Il y a aussi une zone dénudée de précipités (PFZ) qui mesure entre 50 et 100 nm. Sur la figure 1.7, diverses familles de précipités sont reconnaissables sur le matériau HT. Une population, de l’ordre de 100 nm de diamètre, qui est très probablement (en l’absence de microanalyse, non disponible sur ce microscope) la famille des dispersoïdes, déjà présente dans le matériau AR et non modifiée par le traitement thermique est observée. Cependant, comme cela sera montré sur les fractographies du chapitre 3, la taille apparente de ces particules est plus élevée sur le matériau AR du fait de la présence d’une phase accolée (probablement dissoute lors du traitement thermique HT). Le faible nombre de particules analysées ne permet cependant pas de conclure sur ce point. En plus des dispersoïdes, d’autres précipités de taille équivalentes sont observés, ils possèdent une partie parallélépipédique et une partie sphérique. Ces derniers pourraient être des précipités de phases β′ ou de phase β ou bien à la structure biphasée QP/QC.

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Table des matières

I Introduction générale 
1 Introduction 
1.1 Contexte
1.2 Problématique
1.3 Sommaire
2 Etude bibliographique
2.1 Généralités propres aux alliages de la série 6000
2.1.1 Introduction
2.1.2 Le durcissement structural
2.1.2.1 Principe de base
2.1.2.2 Traitements thermiques des alliages de la série 6000
2.1.2.3 Précipitation des alliages de la série 6000
2.1.3 Précipitation et comportement mécanique des 6000
2.1.4 Conclusion
2.2 Étude de l’effet d’épaisseur sur la rupture des tôles
2.2.1 Introduction
2.2.2 Principaux essais et matériaux étudiés
2.2.3 Conclusion
2.3 Le soudage des alliages d’aluminium
2.3.1 Transformations métallurgiques liées au soudage
2.3.2 Paramètres influençant les propriétés de la soudure
2.3.3 Les conséquences mécaniques du soudage
2.3.4 Modélisation de structures soudées
2.3.5 Conclusion
2.4 Conclusion
II Mécanismes de rupture des tôles d’aluminium 6056 
1 Présentation du matériau 
1.1 Introduction
1.2 Les états AR et HT de l’AA6056
1.2.1 AR : gamme de fabrication
1.2.2 HT : fabrication et mise au point du traitement thermique
1.3 Analyse chimique de l’AA6056
1.4 Suivi du vieillissement par des essais de dureté
1.4.1 Dureté sur AR et sur HT
1.5 Caractérisation microstructurale par MO et MEB
1.5.1 Structure granulaire
1.5.2 Analyse des précipités
1.6 Caractérisation des phases plus fines par MET
1.7 Analyse des lames minces par EDX au MEB
1.8 Conclusion
2 Essais mécaniques 
2.1 Introduction
2.2 Prélèvement des éprouvettes
2.3 Dispositifs expérimentaux
2.3.1 Dispositifs de traction sur éprouvettes lisses
2.3.2 Dispositifs de traction sur éprouvettes entaillées en U et V
2.3.3 Dispositifs de traction sur éprouvettes Kahn
2.4 Résultats des essais mécaniques
2.4.1 Essais de traction sur éprouvettes lisses
2.4.1.1 Écrouissage
2.4.1.2 Anisotropie
2.4.1.3 Effet de vitesse
2.4.2 Essais de traction sur éprouvettes entaillées
2.4.2.1 Influence du sens de prélèvement des éprouvettes
2.4.2.2 Influence de l’épaisseur pour une géométrie donnée
2.4.2.3 Influence de la géométrie pour une épaisseur donnée
2.4.2.4 Influence de l’écrouissage
2.4.3 Essais sur éprouvettes de type Kahn
2.5 Conclusion
3 Étude des mécanismes de rupture 
3.1 Introduction
3.2 Mécanismes macroscopiques
3.3 Mécanismes microscopiques
3.4 Étude de l’endommagement
3.5 Conclusion
4 Discussion 
4.1 Effet du traitement thermique sur les mécanismes de rupture
4.2 Mécanismes de rupture microscopique
4.3 Effet d’épaisseur sur la rupture
4.4 Effet de l’écrouissage sur les propriétés mécaniques
5 Modélisation numérique de l’effet d’épaisseur et de l’écrouissage
5.1 Introduction
5.2 Présentation du modèle et méthode d’identification des paramètres
5.2.1 Loi d’écrouissage
5.2.2 Modèle d’endommagement
5.2.3 Évolution de la porosité
5.2.4 Critère d’anisotropie
5.2.5 Indicateur de localisation : post-processeur
5.3 Résultats des simulations
5.3.1 Résultats sur les courbes de chargement macroscopique
5.3.2 Résultats sur l’indicateur de localisation
5.4 Conclusion
6 Conclusion 
III Mécanismes de rupture d’un joint soudé bout à bout par Laser CO2 en alliage d’aluminium 6056 
1 Introduction 
2 Présentation du matériau 
2.1 Procédé de fabrication et traitement thermique
2.2 Microstructure du joint soudé
2.2.1 Analyse des phases
2.2.2 Structure granulaire
2.2.3 Microstructure
2.2.4 Essais de dureté après le traitement T78
2.3 Nature des défauts présents dans le cordon de soudure
2.4 Conclusion
3 Essais mécaniques sur joints soudés et mécanismes de rupture 
3.1 Introduction
3.2 Prélèvement des éprouvettes
3.3 Les essais de traction sur éprouvettes lisses
3.4 Les essais sur éprouvettes entaillées
3.4.1 Influence de la position de l’entaille sur la rupture
3.4.2 Influence du rayon à fond d’entaille
3.5 Essais sur éprouvettes de type Kahn
3.5.1 Kahn sens L
3.5.2 Kahn sens T
3.6 Essais CCT
3.7 Conclusion
4 Étude des mécanismes de rupture 
4.1 Étude macro/microscopique des mécanismes de rupture
4.2 Étude de l’anisotropie et de l’endommagement
4.3 Conclusion
5 Discussion 
5.1 Influence des défauts de soudage et de la géométrie sur le comportement
5.2 Effet d’épaisseur sur les essais de type Kahn
5.3 Mécanismes de rupture microscopique
5.4 Conclusion
6 Modélisation numérique du comportement des joints soudés 
6.1 Introduction
6.2 Présentation du modèle et de la méthode d’identification des paramètres
6.3 Critère
6.4 Résultats
6.5 Conclusion
7 Conclusion 
IV Conclusion et Perspectives 
Références bibliographiques

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