Mécanismes de résistance de Pseudomonas aeruginosa aux antibiotiques

Mécanismes de résistance de Pseudomonas aeruginosa aux antibiotiques

P. aeruginosa est caractérisé par une résistance naturelle à de nombreuses familles d’antibiotiques et par son aptitude à l’acquisition de nouvelles résistances vis- à-vis de composés habituellement actifs. Les principales familles d’antibiotiques présentant un intérêt thérapeutique sont les β-lactamines, les aminosides et les fluoroquinolones (Bert,et al. 2000).

Résistance aux β-lactamines

Les β-lactamines incluant les pénicillines, les céphalosporines, les monobactames et les carbapénèmes constituent la famille d’antibiotiques la plus fréquemment utilisée dans le traitement des infections à bactéries à Gram négatif, notamment P. aeruginosa. P. aeruginosa dispose pour contrer l’efficacité des β-lactamines d’une quinzaine de systèmes connus à ce jour (Chen, Yuan et al. 1995; Rio, Pina et al. 2002). L’activité d’une β-lactamine est la résultante de sa pénétration à travers la paroi bactérienne, de l’affinité pour sa cible et de sa capacité à résister à l’hydrolyse par d’éventuelles β-lactamases. Parmi les mécanismes de résistance de P.aeruginosa aux β-lactamines, nous distinguerons ici ceux appartenant à la résistance naturelle de ceux appartenant à la résistance acquise.

Résistance naturelle

P.aeruginosa est naturellement résistant à un grand nombre d’antibiotiques (à certaines βlactamines, mais également aux glycopeptides, macrolides, tétracyclines, acide nalidixique, chloramphénicol et triméthoprime). Les mécanismes participant à cette résistance naturelle aux β-lactamines sont au nombre de trois, fréquemment regroupés sous l’appellation de « résistance intrinsèque » de P. aeruginosa aux β lactamines : l’imperméabilité relative de la membrane externe, la présence de systèmes d’efflux actif et la production d’une β-lactamase chromosomique de classe C spécifique de cette espèce bactérienne.

Imperméabilité de la paroi 

La structure de la paroi externe de P. aeruginosa est semblable à celle de toute autre bactérie à Gram négatif, elle constitue une barrière semi-perméable qui s’oppose à la pénétration de grosses molécules ou de molécules hydrophobes nocives. Cependant, la perméabilité de la membrane externe de P. aeruginosa était 10 à 100 fois plus faible, elle n’est perméable qu’à 8% par rapport à la membrane externe d’Escherichia coli (Hancock and Brinkman 2002). Ceci est la conséquence des propriétés particulières de certaines protéines de la paroi de P. aeruginosa : les porines, initialement appelées ‘OMP’ pour « outer membrane proteins » (Nikaido, Nikaido et al. 1991), et du fait que cette espèce bactérienne possède un nombre peu élevé de ces protéines dans sa membrane externe (Satake, Yoneyama et al. 1991). L’analyse du génome de P. aeruginosa a permis d’identifier 163 protéines de la membrane externe (OMPs ; Outer Membrane Proteins), dont 72 sont regroupées en trois grandes familles de porines (Hancock and Brinkman 2002). Or, les porines sont des canaux hydrophiles transmembranaires, permettant le passage sélectif de petites substances hydrophiles à travers la membrane externe, vers l’espace périplasmique comme vers le milieu extérieur. Elles représentent donc la voie de passage privilégiée des βlactamines (ainsi que des fluoroquinolones hydrophiles). Contrairement aux autres molécules, les carbapénèmes n’utilisent pas la porine majoritaire OprF (outer membrane protein F) pour pénétrer dans la bactérie, mais une porine spécifique dénommée OprD (outer membrane protein D), probablement due à une analogie de structure existant entre les acides aminés basiques et la chaîne latérale de l’imipénème (Huang, Jeanteur et al. 1995).

La résistance à l’imipénème est apparue juste après le début de l’utilisation clinique de cette molécule en 1987 (Li, Luo et al. 2012). Elle a été rapidement liée à l’absence d’une protéine de la membrane externe de 45–∼49 kilo Dalton (kDa), (Li, Luo et al. 2012), l’OprD qui a été perdue sous l’effet de mutations chez les isolats cliniques de P. aeruginosa résistantes à l’imipénème (Hancock and Brinkman 2002). En comparaison avec l’imipénème, les autres carbapénèmes, le méropénème et le doripénème, sont moins affectées par la déficience de l’OprD (Ocampo-Sosa, Cabot et al. 2012). Cette β-lactamine ressemble fortement à un dipeptide contenant un résidu chargé positivement. La porine OprD est une porine spécifique qui se lie à des acides aminés basiques tels que l’histidine, la lysine et l’arginine, des dipeptides contenant un résidu basique, l’imipénème et gluconate (Huang, Jeanteur et al. 1995). En effet, la résistance aux carbapénèmes résultant de la perte de la porine OprD nécessite la présence d’AmpC inductible ou déréprimée de manière stable (Livermore 1992). Une étude en Tunisie rapporte que la résistance aux carbapénèmes des souches cliniques de P. aeruginosa était due à deux mécanismes combinés : une diminution de la transcription du gène de l’oprD et une hyper expression du système d’efflux MexAB–OprM (Hammami, Ghozzi et al. 2009).

Systèmes d’efflux actif

Contrairement à ce qui était admis depuis longtemps, la résistance intrinsèque de P.aeruginosa aux β-lactamines ne peut être imputée uniquement à la faible perméabilité de sa membrane externe. En effet, il a été récemment montré que des systèmes naturels d’efflux actifs sont insérés dans la paroi et permettent à P.aeruginosa d’expulser des antibiotiques appartenant à plusieurs familles, dont les β-lactamines (Li, Mima et al. 2003). Ce sont des systèmes complexes à trois composants qui permettent le rejet des molécules depuis l’espace périplasmique vers le milieu extérieur (Piddock 2006). Ces systèmes de pompes nécessitent la juxtaposition d’un transporteur (une protéine associée à la membrane cytoplasmique) et d’un canal localisé dans la membrane externe afin de permettre l’excrétion d’une molécule indésirable du cytoplasme vers le milieu extracellulaire en transitant par le périplasme (Nikaido 1996). De nombreuses pompes d’efflux ont été décrites chez P. aeruginosa qui sont désignées d’après leurs composants respectifs avec dans l’ordre: la protéine de fusion membranaire, la pompe et la protéine de membrane externe (MexAB-OprM ; MexCD-OprJ ; MexEF-OprN et MexXY-OprM) (Poole, Krebes et al. 1993; Li, Nikaido et al. 1995; Poole, Tetro et al. 1996; Kohler, Michea Hamzehpour et al. 1997; Poole 2001). Ces systèmes d’efflux ne sont pas exprimés de la même façon ; MexAB-OprM et MexXY-OprM sont produites constitutivement chez les souches de P. aeruginosa, alors que les deux autres systèmes d’efflux sont réprimés dans les souches sauvages (Masuda, Sakagawa et al. 2000). En plus de leur rôle dans la résistance naturelle, les pompes d’efflux MexAB-OprM et MexXYOprM peuvent contribuer, lorsqu’elles sont surproduites, à accroître la résistance de la bactérie à plusieurs familles d’antibiotiques. Ce phénomène est lié à la survenue de mutations spontanées dans les gènes régulateurs de ces systèmes. MexAB-OprM, MexCD-OprJ, et MexXY-OprM confèrent une résistance aux β lactamines (Poole 2011). Ainsi, la surproduction de MexAB-OprM entraîne une diminution de sensibilité à la plus large gamme de β-lactamines (parmi ces pompes) et est le plus souvent liée à la résistance aux β-lactamines chez les isolats cliniques de P. aeruginosa en Algérie (Drissi, Ahmed et al. 2008) ainsi que d’autre pays de la Méditerranée dont la Tunisie (Hammami, Ghozzi et al. 2009), l’Egypte (Gad, El Domany et al. 2007) et la France (Boutoille, Jacqueline et al. 2009). En effet, la surproduction des systèmes d’efflux MexEF-OprN, MexCD-OprJ, et MexXY-OprM peut être active sur les carbapénèmes sauf l’imipénème (Poole 2011). Pourtant, le système d’efflux MexAB-OprM semble avoir une contribution mineur à la résistance aux carbapénèmes dans cet organisme et fonctionne généralement en association avec d’autres mécanismes (Hammami, Ghozzi et al. 2009) (Poole 2011; Lee and Ko 2012). MexAB-OprM a été également impliqué dans la résistance à la ticarcilline et son expression est liée statistiquement à la résistance à l’aztréonam (Hocquet, Roussel-Delvallez et al.). La surproduction des systèmes MexCD-OprJ et MexXY OprM entraîne la résistance aux βlactamines zwitterioniques (céfépime, cefpirome) (Masuda, Sakagawa et al. 2000; Livermore 2002). On peut cependant noter dès à présent que trois antibiotiques semblent être des substrats privilégiés de ces pompes: la tétracycline, le chloramphénicol et la norfloxacine(Blair, Richmond et al. 2014).

La céphalosporinase chromosomique de P .aeruginosa : β-lactamase de classe C 

P.aeruginosa comme Enterobacter cloacae, Citrobacter freudii ou encore Serratia marscecens, possède une β-lactamase chromosomique typique de l’espèce dont l’existence est connue depuis plus de trente ans. Cette enzyme, souvent appelée « céphalosporinase chromosomique » de par la spécificité de son spectre de substrat, appartient à la classe moléculaire C de Ambler (Ambler, Coulson et al. 1991), déterminée par la présence de trois éléments de structure primaire conservés . Elle est codée par le gène ampC (Lodge, Minchin et al. 1990), existant également chez la plupart des entérobactéries, dont l’expression est régulée par au moins quatre gènes: ampR, ampG, ampD et ampE. Un modèle a été proposé pour tenter d’expliquer la régulation de l’expression du gène ampC chez les entérobactéries (Jacobs, Huang et al. 1994), et il est probable que ce modèle puisse également s’appliquer à P. aeruginosa, même si certains éléments de ce système de régulation semblent différents chez cette espèce. Produite à un niveau basal, cette enzyme participe à la résistance naturelle de P. aeruginosa vis-à-vis des β-lactamines (Campbell, Ciofu et al. 1997). En effet, cette enzyme est normalement produite à bas niveau du fait de l’action limitée d’AmpR activateur de la transcription d’ampCréprimé dans des conditions normales, mais sa production est également inductible par certaines β-lactamines comme les carbapénèmes et la céfoxitine, ou encore l’acide clavulanique (Jeannot and Plésiat. 2016). Dans les conditions d’induction, AmpR agit comme un activateur fort car il est déréprimé, la résistance touche alors l’ensemble des βlactamines, à l’exception des oxyiminocéphalosporines les plus récentes (céfépime et cefpirome) et des carbapénèmes (imipénème et méropénème). Cependant, l’induction est un phénomène temporaire réversible, contrairement à l’hyperproduction constitutive que nous détaillerons dans le chapitre suivant. Par ailleurs, il faut rappeler ici que l’activité de ce type de β-lactamases n’est pas inhibée par l’acide clavulanique.

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Table des matières

Introduction
Synthèse bibliographique
1. Pseudomonas aeruginosa
2. Epidémiologie
2.1. Réservoirs et vecteurs
2.2. Épidémiologie des infections
2.3. Epidémiologie de la résistance de P.aeruginosa
3. Mécanismes de résistance de Pseudomonas aeruginosa aux antibiotiques
3.1. Résistance aux β-lactamines
3.1.1. Résistance naturelle
3.1.2 Résistance acquise
3.2. Résistance aux aminosides
3.2.1. Mécanismes de nature enzymatique
3.2.2. Mécanismes de nature non enzymatique
3.3. Résistance aux fluoroquinolones
3.3.1. Modification d’affinité de la cible
3.3.2. Diminution de la pénétration de l’antibiotique
3.4. Résistance à la Colistine
4. Facteurs de pathogènicité de Pseudomonas aeruginosa
4.1 Facteurs de virulence cellulaire
4.2. Facteurs de virulence sécrétée
4.3. Régulation de l’expression des facteurs de virulence
5. Pseudomonas aeruginosa et Biofilm
5.1. Les étapes de la formation du biofilm de P.aeruginosa
5.2. La résistance de P.aeruginosa au sein de Biofilm
Matériel et Méthodes
1. Lieu d’étude
2. Souches bactériennes étudiées
3. Isolement et identification
4. Détermination de la sensibilité des souches aux antibiotiques
5-Détermination des concentrations minimales inhibitrices (CMIs) par E-test
6. Détection phénotypique des β-lactamases
6.1. Recherche de la production de BLSE
6.2. Recherche phénotypique de la production des carbapénèmases
6.2.1. Détection des carbapénèmases par le Carba NP test modifié
6.2.2. Test de Hodge
6.2.3. Détection de MBL par bandelette E-test
6.2.4. Détection des metallo-β-lactamases (MβL) : Test à l’EDTA
7. Recherche moléculaire des gènes de résistance
7.1. Résistance aux β-lactamines
7.1.1. Extraction de l’ADN bactérien : méthode rapide par ébullition
7.2. Polymerase Chain Reaction (PCR) standard
7.2.1. Gènes de résistance aux β-lactamines
7.2.2. Typage des carbapénèmases co-produites
7.2. Résistance aux aminoglycosides
7.3. Recherche de la coexistence des gènes de résistance plasmidique aux quinolones
7.4. Recherche des Intégrons de classe 1
8. Analyse des produits de l’amplification
8.1. Électrophorèse sur gel d’agarose
9. Séquençage par la méthode de Sanger
9.3. Purification des produits de séquençage
10. Détermination phénotypique des facteurs de virulence
10.1. Détermination de la cinétique de formation de biofilm
10.2. Détermination de l’effet des antibiotiques sur la cinétique de formation
de biofilm
10.3. Recherche de l’activité protéolytique
10.4. Recherche de l’activité hémolytique
10.5. Recherche de la DNase
10.6. Mise en évidence de la motilité
11. Etude de la relation épidémiologique entre les souches étudiées : électrophorèse en champ pulsé
11.1. Principe
11.2. Mode opératoire
12. Les tests statistiques
Résultats et Discussion
Résultats
1. Isolement et identification des souches bactériennes
1.1. Répartition des souches par service
1.2. Répartition des souches par type de prélèvements
1.3. Caractéristiques de la population
2. Etude de la sensibilité des souches aux antibiotiques
2.1. Etude de la sensibilité aux antibiotiques par diffusion sur gélose
2.2. Détermination des phénotypes de résistance aux bétalactamines
2.3. Concentrations minimales inhibitrices (CMIs) par E-test
2.4. Détermination des Concentration minimales inhibitrices (CMIs) des souches PAMBL
3. Recherche phénotypique des carbapénèmases
4. Détermination des supports génétiques de la résistance
4.1. Détection moléculaire des gènes codant pour des carbapénèmases
4.2. Recherche moléculaire des β-lactamases à spectre étendu
5. Recherche moléculaire de la résistance associée
5.1. Résistance aux aminosides
5.2. Résistance aux quinolones
6. Résistance non enzymatique
7. Recherche des integrons de classe1
8. Détermination phénotypique des facteurs de virulence
8.1. Détermination des facteurs de virulence secrétés
8.2. Formation de Biofilm
8.3. Corrélation entre la multirésistance aux antibiotiques et la virulence phénotypique
8.4. L’étude de l’impact des concentrations sub-inhibitrices des antibiotiques sur la formation des biofilms
Discussion
Conclusion
Références bibliographiques
Résumés
Productions scientifiques
Annexes

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