Physiologie rénale
Le rein joue un rôle fondamental dans l’homéostasie. Il joue également un rôle dans l’élimination des déchets du métabolisme et des produits toxiques. Au repos, 25% du débit cardiaque passe à travers le rein, alors que cet organe ne représente que 0,5% du poids corporel. Cette richesse de son irrigation sanguine témoigne de l’importance du travail fournit par ce dernier. Les deux reins filtrent en moyenne 1,2 litre de sang par minute.
Filtration glomérulaire
Richards, par ses microponctions, a mis en évidence le rôle du glomérule en démontrant que le liquide glomérulaire avait une composition identique à celle du plasma privé de ses protéines et de ses lipides [13]. Ce liquide glomérulaire constitue ainsi un ultra filtrat du plasma et est de l’ordre de 20% chez l’homme.
La filtration glomérulaire est un transfert d’eau et de solutés qui se fait passivement sans consommation d’oxygène, à travers la paroi des capillaires glomérulaires selon un gradient de pression.
Débit sanguin rénal
Le débit sanguin rénal représente environ 25% du débit cardiaque, soit 600 ml/min/1,71m² pour chaque rein. Il est légèrement moins important chez la femme et est déterminé par la pression artérielle de perfusion et les résistances vasculaires intra-rénales. Il ne dépend pas des besoins métaboliques du rein contrairement à ce qui se passe dans d’autres organes, car le rein ne consomme que 10 à 15% de l’oxygène qui lui est présenté.
Le rôle fondamental de la circulation rénale est de protéger et donc de maintenir la filtration glomérulaire contre les variations hémodynamiques systémiques. La filtration glomérulaire constitue un bon reflet de la fonction rénale et obéit à des mécanismes locaux et généraux très précis.
Mécanisme myogène
Toute augmentation de la pression artérielle de perfusion entraine un étirement de la paroi. Ce dernier est à l’origine d’une entrée massive de calcium dans la cellule musculaire lisse de l’artériole afférente. Celle-ci répond par une vasoconstriction active. Ce mécanisme peut être inhibé par la Papavérine, un puissant myorelaxant et par les inhibiteurs calciques.
Rétrocontrôle tubulo-glomérulaire
La macula densa renferme en son sein des osmorécepteurs sensibles à l’osmolarité du filtrat dans le tube contourné distal. L’augmentation de la quantité de chlorure de sodium (NaCl) et en particulier du chlore (Cl) arrivant dans le tube contourné distal entraine une augmentation de leur réabsorption à travers la macula densa. Ce qui provoque une vasoconstriction de l’artériole afférente et par conséquent une diminution du débit sanguin rénal et du débit de filtration glomérulaire. Le médiateur entre la macula densa et la structure vasculaire n’estpas encore identifié.
Le rôle physiologique de ce rétrocontrôle serait d’augmenter immédiatement le débit sanguin rénal et le débit de filtration glomérulaire devant toute augmentation de la pression de perfusion dans l’artère rénale. Si la balance glomérulo-tubulaire est conservée, l’augmentation de la réabsorption de NaCl secondaire à l’augmentation du débit d’eau et de NaCl au niveau de la macula densa permet le retour du débit sanguin rénal et de la filtration glomérulaire à des valeurs proches de leurs valeurs initiales. En cas de diminution de la pression dans l’artère rénale, le mécanisme inverse est mis en jeu.
Ce système de rétrocontrôle négatif permet donc de maintenir le débit sanguin rénal et le débit de filtration glomérulaire autour d’une valeur d’équilibre .
Systèmes hormonaux intra-rénaux
Le rein synthétise plusieurs substances autacoїdes vasoactives exerçant leurs effets biologiques sur la vascularisation intra-rénale. Ces substances sont retrouvées dans trois systèmes :
– le système Rénine angiotensine intra-rénal
– le système des prostaglandines
– et le système Kinine kallicréine
Système rénine angiotensine (SRA) intra-rénal
Les cellules glomérulaires de l’artériole afférente synthétisent la rénine qui est préférentiellement libérée dans l’interstitium rénal permettant la formation locale d’angiotensine I à partir de l’angiotensinogène p rovenant du foie. Cette angiotensine I est convertie en sa forme active, angiotensine II grâce à l’enzyme de conversion. La circulation rénale subit alors une double influence de l’angiotensine II produite localement et de l’angiotensine II circulante.
L’angiotensine II, un des plus puissants agents vasoconstricteurs connus, agit sur le parenchyme rénal à différents niveaux. Elle agit sur la microcirculation glomérulaire entrainant une élévation prédominante des résistances de l’artériole efférente. Ceci provoque une chute du débit sanguin rénal et une augmentation de la pression hydrostatique glomérulaire. L’angiotensine II entraine en outre une baisse du coefficient de filtration glomérulaire (Kf) expliquée probablement par une contraction des cellules mésangiales glomérules.
En plus de ces effets, elle a un rôle régulateur sur la microcirculation médullaire par le biais de récepteurs spécifiques disposés en regard des faisceaux vasculaires dans la zone profonde de la médullaire externe.
Système des prostaglandines (PG)
Les prostaglandines sont synthétisées dans le cortex et la médullaire à partir de l’acide arachidonique produit par le foie. La voie essentielle de synthèse est celle de la cyclo-oxygénase menant à la formation deprostaglandines PG E2, PG D2 et PG I2 (prostacycline) qui sont vasodilatatrices. Elle donne également de la thromboxane A2 vasoconstrictrice et de laprostaglandine PG F2α qui n’a pas de propriété vasomotrice importante.
Le métabolisme de l’acide arachidonique peut également se faire par la voie de la lipo-oxygénase donnant ainsi l’acide hydroxy-peroxy-eїcosatétraénoїque (HPET), l’acide hydroxy-eїcosatétraénoїque (HET) et des leucotriènes. Le rôle physiologique exact de ces substances n’ayant pas encore été clairement démontré, certains arguments expérimentaux suggèrent que leur production accrue aurait un effet délétère sur la filtration glomérulaire au cours des glomérulonéphrites inflammatoires et/ou immunologiques.
Les prostaglandines agissent sur la microcirculation glomérulaire entrainant une diminution constante des résistances artériolaires afférente et efférente, responsable d’une augmentation conséquente des débits sanguin glomérulaire et de filtration glomérulaire.
Système Kinine kallicréine (KK)
La Kallicréine rénale est synthétisée par les cellules tubulaires distales. Elle active par protéolyse le kininogène pour former de la bradykinine et de la lysyl bradykinine qui sont libérées dans la lumière du tube distal ou dégradées par des kininases. Ces kinines sont vasodilatatrices. Elles augmentent le débit sanguin rénal, diminuent les résistances rénales mais ne modifient pas le débit de filtration glomérulaire.
Interactions entre SRA, PG et KK
L’angiotensine II stimule la synthèse de prostaglandines rénales et augmente l’excrétion urinaire de la kallicréine et donc probablement la synthèse de kinine.
Les prostaglandines et les kinines stimulent à leur tour la secrétion de rénine et augmentent par conséquent l’activité du système rénine angiotensine.
Réabsorption passive
La réabsorption passive se fait par diffusion simple. Le gradient électrochimique et osmotique naissant de la réabsorption active du Na⁺assure le transport passif de l’eau et de nombreuses substances. Ces dernières passent du tubule aux capillaires péri-tubulaires grâce à une différence de concentration. Elles diffusent du milieu le plus concentré vers le milieu le moins concentré.
Parmi les substances réabsorbées passivement, on distingue : l’urée, HCO³‾ et Cl‾ entre autres.
La réabsorption du sodium, un cas particulier
Les 99,5% du sodium filtré sont réabsorbés dont 67% dans le tube contourné proximal, 25% au niveau de l’anse de Henlé et 8% dans le segment de dilution (tube contourné distal et tube collecteur).
Au niveau du tube contourné proximal
La réabsorption du sodium entraine une réabsorption équivalente de chlore grâce au gradient électrochimique et une réabsorption passive d’eau par osmose.
Le passage du sodium de la lumière tubulaire vers la cellule tubulaire se fait passivement par diffusion. La réabsorption active du sodium a lieu par la suite dans la membrane baso-latérale de la cellule tubulaire grâce à la pompe Na⁺/K⁺ATPase dépendante. Cette dernière fait sortir le Na⁺ de la cellule vers l’interstitium et fait entrer activement le potassium dans la cellule tubulaire.
Classification de l’insuffisance rénale aiguë
En 2004, le groupe de consensus ADQI (Acute Dialysis Quality Initiative) a proposé une nouvelle classification dite ‹RIFLE› qui est un acronyme avec trois niveaux de sévérité progressifs (Risk-Injury-Failure) et deux critères de durée de la perte de la fonction rénale (loss-End-Stage Kidney Disease) (Tableau I). Cette classification repose sur des critères représentés par la créatinine sérique et la diurèse. Le stade correspondant à la classification la plus sévère est retenu en cas de discordance entre la diurèse et la créatinine ou le débit de filtration glomérulaire.
Acidose métabolique
L’IRA s’associe assez fréquemment à une acidose métabolique induite par la rétention de sulfate et de phosphate. La sévérité de cette acidose dépend fortement du débit urinaire. Elle est plus marquée en cas d’oligo-anurie. Son diagnostic est évoqué devant une dyspnée de type Küssmaul avec ou sans signes neurologiques et confirmé par la gazométrie qui retrouve un taux de bicarbonates< 22mmol/l avec une PaCO <38mmhg. Le pH étant normal ou <7,38.
Surcharge hydrosodée
Une inflation hydrosodée est également retrouvée dans la majorité des cas avec un excès d’eau plus important que la rétention sodée. Ce qui entraine une hyponatrémie de dilution avec hyperhydratation cellulaire dont la symptomatologie peut aller d’une simple confusion à une hypertension intracrânienne avec œdème cérébral. On note par ailleurs, une hyperhydratation extracellulaire se traduisant par la constitution d’œdèmes déclives, d’ascite et de façon assez constante d’un œdème aigu des poumons pouvant engager le pronostic vital.
Encéphalopathie urémique
Elle est fonction de la sévérité et de l’évolutivité de l’atteinte rénale. Sa symptomatologie est très variée avec souvent des troubles psychiques au début puis s’installe un syndrome confusionnel associé le plus souvent à des signes neurologiques objectifs comme un nystagmus, une dysarthrie, des fasciculations, une astérixis, des myoclonies et une asymétrie des reflexes ostéo-tendineux. En l’absence de prise en charge adéquate, cette symptomatologie peut évoluer vers des crises convulsives voire même un coma.
Insuffisance rénale aiguë organique
Elle est classée en fonction de la tunique atteinte : tubules, interstitium, glomérules, vaisseaux. L’étiologie la plus fréquente est la nécrose tubulaire aiguë.
Nécrose tubulaire aiguë
Elle représente 80 % des causes d’IRA organique et est liée à une agression ischémique, pigmentaire ou toxique des cellules épithéliales tubulaires. Cette forme d’IRA est réversible après correction du facteur causal, le plus souvent si elle est isolée. Sa symptomatologie est généralement pauvre tout au plus nous pouvons avoir une oligo-anurie. L’examen aux bandelettes urinaires retrouve une leucocyturie isolée sans nitrite ni protéinurie ni hématurie.
L’analyse du sédiment urinaire objective la présence d’une leucocyturie abactérienne avec des cylindres granuleux, pigmentés, constitués de protéines de Tamm-Horsfall et des débris de cellules tubulaires. Environ 60% des cas de nécrose tubulaire aiguë surviennent dans un contexte chirurgical ou posttraumatique.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LITTERATURE
CHAPITRE I : RAPPELS SUR LE REIN
I.1. Anatomie du rein
I.1.1. Aspect général
I.1.2. Néphron
I.1.2.1. Glomérule
I.1.2.2. Tube rénal
I.1.2.3. Appareil juxta glomérulaire
I.1.2.4. Tissu interstitiel
I.1.3. Vascularisation et innervation
I.1.3.1. Artères rénales
I.1.3.2. Veines rénales
I.1.3.3. Lymphatiques
I.1.3.4. Nerfs
I.2. Physiologie rénale
I.2.1. Filtration glomérulaire
I.2.1.1. Débit sanguin rénal
I.2.1.2. Principes de filtration
I.2.1.3. Mécanismes de régulation du débit sanguin rénal et de la filtration glomérulaire
I.2.1.3.1. Régulation intrinsèque
I.2.1.3.1.1. Autorégulation
I.2.1.3.1.2. Systèmes hormonaux intra-rénaux
I.2.1.3.2. Régulation extrinsèque
I.2.1.3.2.1. Système nerveux sympathique
I.2.1.3.2.2. Hormones extra-rénales
I.2.2. Fonctions tubulaires
I.2.2.1. Réabsorption tubulaire
I.2.2.1.1. Réabsorption active
I.2.2.1.2. Réabsorption passive
I.2.2.2. La réabsorption du sodium : un cas particulier
I.2.2.2.1. Au niveau du tube contourné proximal
I.2.2.2.2. Au niveau de l’anse de Henlé
I.2.2.2.3. Dans le segment de dilution
I.2.2.3. Sécrétion tubulaire
I.2.2.4. Composition de l’urine
CHAPITRE II : INSUFFISANCE RENALE
II.1. Insuffisance rénale aiguë
II.1.1. Epidémiologie
II.1.1.1. Prévalence
II.1.1.2. Incidence
II.1.2. Pathogénie
II.1.3. Classification de l’insuffisance rénale aiguë
II.1.4. Diagnostic de l’insuffisance rénale aiguë
II.1.4.1. Diagnostic positif
II.1.4.2. Diagnostic de gravité
II.1.4.3. Diagnostic différentiel
II.1.4.4. Diagnostic étiologique
II.1.4.4.1. Enquête étiologique
II.1.4.4.2. Etiologies
II.1.4.4.2.1. Insuffisance rénale aiguë prérénale ou fonctionnelle
II.1.4.4.2.2. Insuffisance rénale aiguë postrénale ou obstructive
II.1.4.4.2.3. Insuffisance rénale aiguë parenchymateuse ou organique
II.1.5. Prise en charge thérapeutique
II.1.5.1. Curative
II.1.5.1.1. Buts
II.1.5.1.2. Moyens
II.1.5.1.3. Indications
II.1.5.1.3.1. Traitement symptomatique
II.1.5.1.3.2. Traitement étiologique
II.1.5.1.3.3. Traitement de suppléance de la fonction rénal
II.1.5.2. Préventive
II.2. Insuffisance rénale chronique
II.2.1. Epidémiologie
II.2.1.1. Prévalence
II.2.1.2. Incidence
II.2.2. Physiopathologie
II.2.3. Classification de la maladie rénale chronique
II.2.4. Aspects cliniques et paracliniques
II.2.4.1. Circonstances de découverte
II.2.4.2. Complications
II.2.5. Diagnostic étiologique
II.2.6. Prise en charge thérapeutique de l’IRC
II.2.6.1. Curative
II.2.6.1.1. Buts
II.2.6.1.2. Moyens et méthodes
II.2.6.2. Préventive
II.2.6.2.1. Prévention primaire
II.2.6.2.2. Prévention secondaire
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
CHAPITRE I : POPULATION ET METHODOLOGIE
I. Type et cadre d’étude
II. Période d’étude
III. Définition de la population
III.1. Critères d’inclusion
III.2. Critères de non inclusion
III.3. Méthode d’échantillonnage
IV. Collecte des données
IV.1. Outil de collecte
IV.2. Méthodologie de collecte
IV.2.1. Dosage de la créatininémie
IV.2.2. Autres paramètres
V. Définition opérationnelle des variables
V.1. Insuffisance rénale
V.2. Hypertension artérielle
V.3. Diabète sucré
V.4. Dyslipidémie
V.5. Indice de masse corporelle
V.6. Obésité abdominale
V.7. Tabagisme
V.8. Activité professionnelle
V.9. Sédentarité
V.10. Syndrome métabolique
VI. Aspects éthiques
VII. Analyse statistique
CHAPITRE II : RESULTATS
I. Description de la population
I.1. Caractéristiques sociodémographiques
I.1.1. Effectif retenu
I.1.2. Lieu de résidence
I.1.3. Sexe
I.1.4. Age
I.1.5. Scolarisation
I.1.6. Activité professionnelle
I.2. Caractéristiques anthropométriques
I.2.1. Indice de masse corporelle
I.2.2. Périmètre abdominal
I.3. Autres paramètres étudiés
I.3.1. Tabagisme
I.3.2. Hypertension artérielle
I.3.3. Diabète
I.3.4. Sédentarité
I.3.5. Dyslipidémie
I.3.6. Syndrome métabolique
I.3.7. Signes fonctionnels
II. Profil épidémiologique de l’insuffisance rénale dans la population générale de Saint Louis
II.1. Prévalence
II.2. Insuffisance rénale et population à risque
II.2.1. Hypertension artérielle
II.2.2. Diabète
II.2.3. Obésité
II.2.4. Dyslipidémie
II.2.5. Tabagisme
II.2.6. Sédentarité
II.2.7. Association de 2 FDR ou plus
CHAPITRE III : DISCUSSION
I. Caractéristiques générales de la population
I.1. Sociodémographiques
I.1.1. Lieu de résidence
I.1.2. Sexe
I.1.3. Age
I.1.4. Scolarisation
I.1.5. Activité professionnelle
I.2. Autres caractéristiques
I.2.1. Obésité
I.2.2. Tabagisme
I.2.3. HTA
I.2.4. Diabète
I.2.5. Sédentarité
I.2.6. Dyslipidémie
I.2.7. Syndrome métabolique
II. Profil épidémiologique de l’insuffisance rénale dans la population générale de Saint Louis
II.1. Prévalence
II.2. Insuffisance rénale et populations à risque
II.2.1. Hypertension artérielle
II.2.2. Diabète
II.2.3. Obésité
II.2.4. Dyslipidémie
II.2.5. Tabagisme
II.2.6. Sédentarité
II.2.7. Association de 2 facteurs de risque ou plus
III. Limites de l’étude, suivi des patients et perspectives
III.1. Limites
III.2. Suivi des patients ayant une insuffisance rénale
III.3. Perspectives
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES