Mécanismes de pyrolyse des hydrocarbures et dépôt de pyrocarbone par CVD/CVI

Dépôt du pyrocarbone par CVD/CVI pour les composites C/C 

Les composites C/C

Un matériau composite est un solide polyphasé comportant deux ou plusieurs constituants associés à l’échelle microscopique, dans le but de conférer au matériau à l’échelle macroscopique un ensemble de propriétés originales, que chacun des constituants pris séparément ne possède pas [Naslain,1985]. Il existe une multitude de classes de matériaux composites, liée à la diversité de combinaisons possibles entre renfort, matrice et parfois interphase entre renfort et matrice. Parmi les composites thermostructuraux (i.e. à hautes performances mécaniques et thermiques), les composites carbone-carbone (C/C) sont composés d’un renfort fibreux en carbone et d’une matrice carbonée. Ils allient une faible masse volumique (environ 2,2 g/cm3 ) à une grande résistance mécanique conservée même à haute température (environ 2000 °C). Leur principal inconvénient est leur oxydabilité au-dessus de 400°C. Par ailleurs ils englobent une très large gamme de matériaux qui sont développés, en fonction de leurs applications, par un choix judicieux du renfort fibreux, de la nature de la matrice, ainsi que de la technique et des conditions d’élaboration [Cavalier, 1998]. L’élaboration de ces matériaux et notamment de la matrice nécessite généralement des durées et des coûts de fabrication élevés, qu’il apparaît par conséquent important de diminuer. La compréhension des mécanismes intervenant dans la formation de la matrice est donc prépondérante.

Propriétés et applications

Un des principaux intérêts des composites C/C réside dans leurs hautes performances thermomécaniques. Leur résistance aux chocs thermiques et mécaniques, alliée à la conservation de leurs propriétés mécaniques à haute température, en font un matériau thermostructural de prédilection pour certaines pièces d’engins utilisés dans le domaine aérospatial. Leur légèreté constitue également un avantage important dans ce domaine d’application. Les composites C/C sont ainsi utilisés dans les matériaux constitutifs des boucliers thermiques, des cols et des divergents de tuyère. Leur très bonne résistance à l’ablation explique également leur utilisation dans ce dernier type d’applications, puisque ces matériaux sont capables de dissiper de grandes quantités de chaleur avant d’être dégradés. Les qualités thermomécaniques des composites C/C sont à l’origine de leur emploi dans les outillages de fours de traitement thermique, les pièces pour l’industrie verrière, les matériaux de première paroi pour les réacteurs de fusion nucléaire.

Les composites C/C présentent également des propriétés tribologiques intéressantes qui en font des matériaux particulièrement adaptés pour des applications de freinage [Naslain, 1979 ; Rérat, 1996]. Ils se sont ainsi imposés pour les freins d’avions militaires et civils, de même que pour ceux des voitures de formule 1. Enfin, ces matériaux sont utilisés dans le domaine médical car ils sont biocompatibles et leurs caractéristiques mécaniques proches de celles des os ont été mises à profit pour la réalisation de prothèses osseuses.

Procédés d’élaboration

L’élaboration d’un composite C/C consiste à densifier par l’apport de la matrice carbonée le réseau fibreux du matériau. La matrice carbonée est apportée au sein du réseau de pores à partir de précurseurs organiques, qui peuvent être à l’état gazeux ou liquide. Le choix de la technique de densification dépend de l’application et des propriétés des matériaux recherchés, mais également de l’architecture du réseau fibreux :
– pour l’élaboration par voie liquide, le renfort fibreux subit une imprégnation par un précurseur liquide organique de type résine (phénolique, furanique, etc…) ou de type brai de pétrole ou de houille), puis est ensuite transformé en carbone solide par traitement en température ;
– pour l’élaboration par voie gazeuse, qui constitue le cadre de cette étude, le pyrocarbone constitue la matrice solide et est déposé au sein du milieu poreux par craquage d’un hydrocarbure ou d’un mélange d’hydrocarbures porté à haute température (notamment entre 800 et 1200°C) selon le principe de l’infiltration chimique en phase vapeur (CVI).

Pour chacune des techniques d’élaboration employées, plusieurs cycles de fabrication sont nécessaires afin d’obtenir une densification suffisante du renfort. Une étape finale de traitement à très haute température est généralement appliquée au matériau pour en améliorer la texture. Le transport réactif des espèces gazeuses à l’intérieur d’un four de CVI relève des mêmes processus physico-chimiques que ceux intervenant en CVD, :
– transport par convection du précurseur vers la zone réactive,
– réactions chimiques homogènes du précurseur conduisant à des intermédiaires réactionnels,
– diffusion à travers une couche limite vers la surface du substrat,
– réactions hétérogènes (physisorption, chimisorption des réactifs, réactions de surface, désorption des produits de réaction),
– transport vers la sortie du réacteur des espèces produites et des réactifs n’ayant pas réagi.

Ces étapes sont interdépendantes et il est délicat d’appréhender le procédé de CVD dans son ensemble. Néanmoins il peut s’avérer que l’une d’entre elles soit limitante et qu’elle détermine alors la cinétique du processus de dépôt indépendamment des autres. On distingue ainsi :
– le régime de contrôle chimique où la cinétique chimique est déterminante par rapport au transport en phase gazeuse,
– le régime de transfert de masse où les phénomènes de transport gazeux (diffusion et convection) sont lents par rapport aux réactions chimiques.

Dans le cas du dépôt par CVI, il se produit un phénomène supplémentaire : le transport des espèces au sein des pores c’est-à-dire le processus d’infiltration. Il existe plusieurs variantes pour les procédés d’infiltration chimique [Naslain et Langlais, 1986]. Du point de vue industriel, la CVI isotherme isobare (I-CVI) [Buckley, 1988] est encore, et de loin, la plus utilisée. D’autres techniques, en particulier la CVI isobare à gradient de température (TG-CVI) [Golecki, 1995] et la CVI à gradient de pression ou CVI forcée (F-CVI) [Stinton, 1995] sont également l’objet d’importants efforts de recherche et sont en cours de transposition à l’échelle industrielle. La CVI pulsée [Dupel, 1993] est une autre technique bien adaptée au dépôt de céramiques multicouches mais difficilement transposable telle quelle à des réacteurs de dimensions industrielles.

Mécanismes de formation du pyrocarbone par CVD/CVI : étude bibliographique des principaux travaux

Principaux travaux antérieurs

Le pyrocarbone est une forme de carbone polyaromatique dite « turbostratique » [Biscoe et Warren, 1942] (ou encore « prégraphitique »), présentant de petites zones ordonnées de plans de graphènes mais qui restent désordonnées les unes par rapport aux autres. Chaque zone constitue une « USB », unité structurale de base, également appelée « cristallite » ou « domaine cohérent » . La distribution et l’orientation des cristallites dans l’espace définissent la notion de texture, qui correspond à l’ordre à longue distance. La structure du pyrocarbone concerne la manière dont s’agencent à l’échelle locale les atomes de carbone de façon ordonnée.

Le premier modèle pour le mécanisme de formation du pyrocarbone a été proposé par Grisdale à partir d’études sur la structure et l’état de surface de dépôts de pyrocarbone par microscopie et diffraction électronique [Grisdale et al., 1951 et 1953]. Ce modèle repose sur la nucléation en phase gazeuse de « gouttelettes » (processus homogène de type polymérisation d’espèces aromatiques) qui se déposent sur le substrat. La texture du dépôt est liée à l’état de viscosité des gouttelettes au moment du contact avec le substrat, les gouttelettes qui ne rencontrent pas le substrat ou qui ne sont pas suffisamment fluides pour s’étaler servent de germes pour la formation de suies.

Quelques années plus tard, Tesner a également pris en compte la nucléation homogène d’espèces lourdes sous forme de gouttelettes mais ces dernières interviennent uniquement selon lui dans la formation de suies parasites par rapport au dépôt de pyrocarbone [Tesner, 1959]. Il considère que le dépôt est issu de la condensation hétérogène directe de molécules gazeuses et non pas de la consommation de gouttelettes.

Dans le cadre de l’industrie nucléaire (revêtement de particules de combustible), Bokros s’est intéressé à la corrélation entre espèces gazeuses et texture du dépôt obtenu sur lit fluidisé à partir de méthane [Bokros, 1965 A, 1965 B et 1969]. Il considère que l’état d’avancement des réactions de pyrolyse régit les mécanismes de dépôt et donc la nature des pyrocarbones déposés. L’observation des dépôts par microscopie optique en lumière polarisée (MOLP) lui permet de définir trois types de microstructures, classés en deux grandes familles suivant que les dépôts présentent ou non des grains ou des cônes de croissance :
– les pyrocarbones « granulaires » ou « colonnaires » formés de grains de taille variable ou de cônes de croissance,
– les pyrocarbones « isotropes » (optiquement inactifs) et « laminaires » (présentant une croix de Malte plus ou moins contrastée en lumière polarisée) sans grains ou cônes visibles.

Bokros propose que les espèces les plus légères dans le gaz conduisent à la formation des pyrocarbones de type laminaire dans les conditions de faible température et faible pression partielle en méthane. Pour les pyrocarbones de type isotrope, Bokros s’inspire des conclusions de Grisdale et Tesner et suppose que cette variété est produite à partir d’un mélange d’espèces de grande taille et de gouttelettes formées dans des conditions de pyrolyse à température moyenne et haute pression partielle en méthane permettant la nucléation homogène. Enfin le pyrocarbone de type granulaire serait formé par un mécanisme nettement différent des précédents à haute température et très faible pression en méthane, suivant un processus de croissance cristalline hétérogène ordonnée. En 1960, Diefendorf s’est efforcé de comprendre le processus de croissance hétérogène du pyrocarbone en fonction du paramètre pression à partir d’une série d’expériences de CVD menées dans un four tubulaire [Diefendorf, 1960]. Il propose trois mécanismes hétérogènes en fonction de la pression :
– aux très faibles pressions, la croissance hétérogène des plans de graphène se fait latéralement atome par atome sur les bords graphitiques ou éventuellement à partir de défauts de surface,
– aux pressions plus élevées, avec un degré d’avancement plus grand des réactions de pyrolyse, la nucléation de nouvelles couches graphitiques est rendue possible par le dépôt de larges molécules polyaromatiques parallèlement au substrat à partir desquelles se produit une croissance latérale des couches graphitiques, également atome par atome ; le pyrocarbone ainsi obtenu est hautement ordonné,
– aux pressions suffisamment élevées pour permettre la formation de particules de suie dans la phase gazeuse, celles-ci peuvent s’incorporer au dépôt et en perturber ainsi la structure.

Néanmoins, ce n’est que plus tard, en 1969, que Diefendorf s’intéresse à la composition de la phase gazeuse et approfondit la corrélation entre la formation de certaines espèces dans la phase gazeuse et la microstructure du pyrocarbone déposé à partir du précurseur méthane et du mélange hydrogène/acétylène [Diefendorf, 1969]. Il détermine ainsi à partir de calculs théoriques la pression partielle à l’équilibre thermodynamique de différentes espèces légères (jusqu’au benzène) produites pour une pression de méthane de 1kPa. Diefendorf insiste sur la nécessité de déterminer très précisément la géométrie du réacteur et celle du substrat qui sont des paramètres importants conditionnant également la nature du dépôt. L’observation en MOLP lui permet de distinguer trois types de microstructures :
– le pyrocarbone « basse température », de densité variable, déposé dans des conditions où les espèces aromatiques, thermodynamiquement stables, n’ont pas le temps de se former,
– le pyrocarbone « laminaire aromatique », de densité élevée et hautement orienté, formé à partir d’espèces aromatiques,
– le pyrocarbone « isotrope », de faible densité et faible orientation préférentielle, est issu de l’incorporation au dépôt de particules de suie formées à partir d’espèces aromatiques.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre I : Introduction générale : dépôt du pyrocarbone par CVD/CVI pour les composites C/C
I.1/ Les composites C/C
I.1.1/ Propriétés et applications (Figure 1-0)
I.1.2/ Procédés d’élaboration
I.2/ Mécanismes de formation du pyrocarbone par CVD/CVI : étude bibliographique des principaux travaux
I.2.1/ Principaux travaux antérieurs
I.2.2/ Principaux travaux actuels
a/ Travaux réalisés à l’ICT (« Institut fur Chemische Technik », Karlsruhe)
b/ Travaux réalisés au LCTS (« Laboratoire des Composites Thermostructuraux », Pessac)
I.3/ Objectifs de l’étude
Chapitre II : Etude de la composition de la phase gazeuse en cours d’infiltration et corrélation avec la texture des pyrocarbones laminaires déposés à partir du propane
II.1/ Rappel sur la nomenclature des microtextures de PyC d’après Le Poche [Le Poche, 2003]
II.2/ Aspect expérimental
II.2.1/ Dispositif expérimental
II.2.2/ Conditions d’infiltration
II.2.3/ Nature des préformes infiltrées
II.3/ Analyse in-situ par spectroscopie IRTF et chromatographie CPG en CVD/CVI
II.3.1/ Description des méthodes d’analyse
II.3.2/ Analyse semi quantitative par spectroscopie IRTF en cours d’infiltration
a/ Conditions d’infiltration à temps de passage élevé (dépôt LHA) – Figure 5
b/ Conditions d’infiltration à temps de passage intermédiaire (dépôt LFA) – Figure 6
c/ Conditions d’infiltration à très faible temps de passage (dépôt LC) – Figure 7
d/ Sensibilité de la phase gazeuse aux paramètres opératoires pour le dépôt de PyC LC
II.3.3/ Analyse quantitative par chromatographie CPG
II.3.4/ Confrontation avec d’autres études similaires récentes
a/ Analyse de la phase gazeuse dans un réacteur parfaitement agité par CPG [Ziegler, 2004]
b/ Analyse de la phase gazeuse dans un réacteur CVD par spectrométrie de masse avec prélèvement par jet moléculaire [Aubry, 2002]
c/ Bilan de la confrontation des différentes analyses
II.4/ Corrélation avec la texture des pyrocarbones laminaires déposés
II.4.1/ Description des méthodes de caractérisation
a/ Microscopie optique en lumière polarisée (MOLP)
b/ Microscopie électronique en transmission couplée à l’analyse par diffraction électronique à aire sélectionnée (MET/DEAS)
c/ Microspectroscopie Raman en polarisation
II.4.2/ Observations par MOLP
II.4.3/ Observations par MET/DEAS
II.4.4/ Observations par microspectroscopie Raman polarisé – préforme P3
II.5/ Discussion sur les mécanismes hétérogènes de formation des pyrocarbones laminaires
II.6/ Conclusion
Chapitre III : Modélisation des mécanismes de pyrolyse des hydrocarbures conduisant au dépôt de pyrocarbone par CVD/CVI
III.1/ Contexte de la modélisation
III.1.1/ Equations de conservation mises en jeu dans la modélisation des réacteurs de CVD/CVI
a/ Conservation des espèces gazeuses
b/ Conservation de la masse
III.1.2/ Codes de modélisation d’écoulements réactifs utilisés dans cette étude
III.1.3/ Description des mécanismes réactionnels étudiés
III.2/ Validation des mécanismes homogènes détaillés par confrontation avec les résultats expérimentaux
III.2.1/ Conditions de pyrolyse
III.2.2/ Confrontation des mécanismes homogènes détaillés avec les résultats expérimentaux
a/ Pyrolyse du propane – réacteur à parois chaudes isobare : étude semi-quantitative (IRTF)
b/ Pyrolyse du propane – réacteur à parois chaudes isobare : étude quantitative (CPG)
c/ Pyrolyse du propane – réacteur parfaitement agité : étude quantitative (CPG)
d/ Pyrolyse du méthane – réacteur à parois chaudes isobare : étude quantitative (CPG)
III.3/ Corrélation avec le dépôt de pyrocarbone par CVD/CVI
III.3.1/ Analyse des flux réactionnels pour la pyrolyse du propane et du méthane
III.3.2/ Confrontation entre le rapport acétylène/benzène et la texture de pyrocarbone déposée à partir des précurseurs méthane et propane
III.3.3/ Corrélation entre l’évolution de la phase gazeuse et les microtextures principales déposées à partir du précurseur propane
III.3.4/ Corrélation entre l’évolution de la phase gazeuse et les microtextures principales déposées à partir du précurseur méthane
III.3.5/ Généralisation sur la parité des précurseurs effectifs des pyrocarbones LC et LFA
III.4/ Perspectives pour l’élaboration d’un mécanisme hétérogène
III.4.1/ Description de la surface
III.4.2/ Calcul des constantes cinétiques hétérogènes
III.5/ Conclusion
Chapitre IV : Synthèse générale : proposition d’un mécanisme global de dépôt des pyrocarbones laminaires
IV.1/ Rappel des principaux résultats de cette étude
IV.1.1/ Etude de la composition de la phase gazeuse en cours d’infiltration et corrélation avec la texture des pyrocarbones laminaires déposé à partir du précurseur propane
IV.1.2/ Modélisation des mécanismes de pyrolyse des hydrocarbures conduisant au dépôt de pyrocarbone par CVD/CVI
IV.2/ Bilan : nature des précurseurs effectifs et mécanismes hétérogènes de formation des microtextures LC, LFA et LHA
IV.2.1/ Nature des précurseurs effectifs
IV.2.2/ Mécanismes hétérogènes de formation des microtextures LC, LFA et LHA
IV.3/ Proposition d’un mécanisme global de dépôt des pyrocarbones laminaires à partir des précurseurs propane et méthane
IV.3.1/ Mécanismes globaux de dépôt des microtextures principales à partir du propane et du méthane
IV.3.2/ Transitions entre les différentes microtextures
IV.4/ Perspectives
CONCLUSION
Références bibliographiques

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