Mécanismes de la douleur post opératoire dans la chirurgie abdominale majeure

Mécanismes de la douleur post opératoire dans la chirurgie abdominale majeure 

La chirurgie abdominale majeure est considérée comme particulièrement douloureuse notamment lors des efforts de toux et de la mobilisation des patients [7]. En chirurgie abdominale, la douleur est initialement causée par un excès de nociception, en rapport avec la pathologie initiale et l’acte chirurgical. Le traumatisme tissulaire provoqué par l’incision chirurgicale engendre la synthèse de médiateurs inflammatoires locaux et de substances algogènes endogènes. Il s’agit des prostaglandines, sérotonine, substance P, bradykinine, histamine, ions hydrogène, potassium…. Il en résulte un phénomène d’inflammation à l’origine d’une hyperalgésie primaire [28] qui se définit comme une sensation douloureuse exagérée au niveau même de la lésion (zone d’incision) [45]. Les prostaglandines ne sont pas directement à l’origine de la sensation douloureuse mais augmentent la sensibilité des nocicepteurs aux autres stimuli avec un rôle dans l’entretien de l’hyperalgésie primaire [59]. Le recrutement direct (stimulus via le canal sodique dépendant) ou indirect (substances algogènes) des nocicepteurs va générer des potentiels d’action (transduction), qui vont se propager le long des fibres sensitives de petit calibre C et Aδ. L’influx se propage ensuite vers la corne dorsale de la moelle mais aussi de façon antidromique (reflexe d’axone). Il se produit alors la libération de substance P, à l’origine de l’inflammation neurogène, en « tache d’huile » [44] c’est à dire qui diffuse aux tissus adjacents, responsable de l’apparition de la douleur diffuse. Au niveau médullaire, les fibres convergent vers la corne dorsale, zone d’intégration des messages. A ce niveau, les acides aminés excitateurs (glutamate, aspartate,…) et les neuropeptides (substance P, opioïdes endogènes, calcitonin gene related peptide ou CGRP, GABA, …) vont moduler le message douloureux. Ainsi la modulation de la douleur résulterait d’une balance entre l’activité des systèmes anti-nociceptifs et pro nociceptifs [57]. Les récepteurs opioïdes μ jouent un rôle important dans la transmission du signal entre les fibres nerveuses venant de la périphérie et les neurones supraspinaux. Les agonistes naturels de ces récepteurs (enképhaline, endorphine, ..) inhibent spécifiquement la transmission des signaux douloureux (principalement substance P) au niveau de la moelle épinière. Le glutamate participe à la transmission spinale du message nociceptif, et ses récepteurs sont repartis en deux groupes (NMDA et AMPA). En réponse à des stimulations nociceptives périphériques soutenues, il existe un état d’hyperexcitabilité des neurones de la corne postérieure avec activation des récepteurs NMDA [43] ; ce phénomène participe aux mécanismes centraux d’hyperalgésie. Il semble prédictif du risque de douleur chronique post opératoire et n’est que peu modulable en routine par les antalgiques utilisés pour soulager la douleur aigue [38]. Le niveau de sensibilisation du système nerveux central peut être évalué à travers la mesure de la surface d’hyperalgésie péri-cicatricielle par un filament de Von FREY [62]. Ainsi, il a été mis en évidence qu’il existait une zone d’hyperalgésie autour des cicatrices de laparotomies [37]. L’information est ensuite transmise de la moelle épinière vers les centres supérieurs via la voie spino-thalamique (composante sensorielle discriminative de la douleur) et la voie spino-réticulaire (composante émotionnelle de la douleur) (figure: 1).

Plusieurs facteurs influent sur la survenue d’hypersensibilité post-opératoire et expliquent les grandes variabilités inter-individuelles (génotype, âge, sexe, hyperalgésie pré-opératoire, consommation d’antalgiques au long cours, doses d’opioïdes per-opératoire…) [62].

Hyperalgésie post-opératoire

Définition

L’association Internationale pour l’étude de la douleur (IASP) définit l’hyperalgésie comme une réponse douloureuse plus intense en réponse à un stimulus nociceptif supraliminaire [67]. L’hyperalgésie post-opératoire correspond à tous les phénomènes d’hypersensibilité apparaissant après une intervention chirurgicale et représente l’expression clinique de phénomènes neurophysiologiques aboutissant à une sensibilisation du système de la nociception. Sa physiopathologie est complexe avec des phénomènes de sensibilisation localisés au niveau du nocicepteur (sensibilisation périphérique), et au niveau de la corne postérieure de la moelle épinière par activation des récepteurs NMDA (sensibilisation centrale). Ces deux phénomènes vont respectivement s’exprimer en périphérie sous la forme d’hyperalgésie primaire et secondaire [55]. L’hyperalgésie primaire siège au niveau de la lésion, en zone inflammatoire, et résulte des phénomènes de sensibilisation périphérique. L’hyperalgésie secondaire se définit comme une sensation douloureuse exagérée située à distance de la lésion et ce phénomène, suggère des modifications fonctionnelles du système nerveux central [70,77], celles-ci sont consécutives à une modification structurale des neurones («neuroplasticité») [15].

Mécanismes de l’hyperalgésie

– Les médiateurs de l’inflammation, produits au niveau du site chirurgical, vont activer les nocicepteurs périphériques puis les sensibiliser via une phosphorylation des récepteurs ionotropiques et des canaux ioniques voltagedépendants. Dans une seconde phase, ou assiste à la production de nouveaux canaux et récepteurs via la sensibilisation transcriptionnelle. La surexpression des canaux sodiques voltage dépendants est particulièrement nette en cas de processus inflammatoire. Cette amplification de la réactivité du nocicepteur participe aux phénomènes cliniques d’hyperalgésie primaire.
– La propagation de l’influx nociceptif dans la corne postérieure de la moelle épinière entraine l’ouverture des canaux sodiques à l’extrémité du neurone pré-synaptique, libérant un afflux de calcium (Ca++) mais aussi des neurotransmetteurs (glutamate notamment), qui vont être déversés dans la fente synaptique.

Le glutamate va se fixer sur le récepteur N-méthyl-D-aspartate (NMDA) post synaptique. Le NMDA est alors activé et provoque l’évacuation de l’ion magnésium (Mg++) qui obstruait le canal du récepteur NMDA. Le calcium afflue en post-synaptique, propageant le message nociceptif. Le calcium post-synaptique va également activer une enzyme appelée protéine kinase C (PKC). Celle-ci va à son tour activer le récepteur NMDA favorisant l’afflux du calcium et donc le message nociceptif. Il va aussi induire la synthèse du monoxyde d’azote (NO) qui de façon rétrograde va à son tour favoriser la libération de glutamate dans la fente synaptique, entretenant aussi l’afflux du calcium, donc le message nociceptif. Il existe ainsi deux phénomènes d’autoentretien du message nociceptif qui sont à l’origine de l’hyperalgésie secondaire (figure: 2).

Mécanismes de l’hyperalgésie induite par les morphiniques 

Lorsque le morphinique se fixe sur son récepteur post synaptique, les effets antalgiques de cette molécule vont entrainer l’activation des fibres inhibitrices du système nerveux central. Il n’y a donc pas de libération de calcium en présynaptique ni d’activation du neurotransmetteur (glutamate). Le récepteur NMDA est bloqué par l’ion magnésium, il n’y a pas d’afflux de calcium en post synaptique donc pas de transmission du message nociceptif. Le morphinique a donc un effet anti-nociceptif. Mais le morphinique va activer aussi la PKC par l’intermédiaire du récepteur μ et entrainer une activation des récepteurs NMDA avec afflux massif de calcium post synaptique et donc du message nociceptif. Le morphinique a donc aussi un effet pro nociceptif (figure: 3). La morphine est donc une substance anti et pro-nociceptive ; c’est la conjonction des deux effets qui va générer l’analgésie. Cette analgésie s’épuisera quand le phénomène facilitateur prendra le dessus sur le phénomène inhibiteur, se traduisant par une diminution puis une disparition des effets antalgiques de la morphine.

Pratique clinique

L’hyperalgésie aux morphiniques a été mise en évidence avec l’utilisation du Remifentanyl, morphinomimétique dérivé du Fentanyl et d’élimination très rapide [33]. Il a été montré qu’une forte dose de Remifentanyl en per-opératoire entrainait une augmentation des phénomènes d’hypersensibilité aigüe à la douleur en post opératoire. Cette hyperalgésie aux morphiniques est dose et durée dépendante. La dose seuil de Remifentanyl en per-opératoire capable d’augmenter cette hypersensibilisation en post opératoire est supérieure à 0,2 γ/kg/min [19]. Il est rapporté également que ce phénomène d’hyperalgésie est d’autant plus présent que la durée d’administration est supérieure à 90 minutes [19]. L’hypersensibilité se traduit également par une tolérance aiguë à la morphine. Celle-ci se définit comme une réduction progressive de l’efficacité de l’analgésie pour une même dose administrée, ce qui nécessite une augmentation des doses pour obtenir le même effet analgésique [17]. Les études cliniques ont montré que l’auto-administration post-opératoire de morphine par le patient (PCA) est d’autant plus importante (deux fois plus de morphine au cours des 24 premières heures post-opératoires) lorsque le sujet reçoit préalablement de plus fortes doses de morphine durant l’acte chirurgical [11].

Conséquences de l’hyperalgésie 

L’hyperalgésie peut majorer les douleurs post opératoires ; on note un score de douleur plus élevé chez les patients développant une hyperalgésie postopératoire [26], ainsi que la consommation accrue d’opiacés ou d’antalgiques. La présence de phénomènes hyperalgésiques post-opératoires se traduit par une surconsommation d’analgésique en post-opératoire immédiat. Elle s’évalue notamment par la surveillance de la consommation de morphine reçue en titration et en PCA sur les 72 premières heures post-opératoires [11]. Elle peut aussi, majorer les douleurs chroniques. Par définition, La douleur chronique ou syndrome douloureux chronique est un syndrome multidimensionnel, lorsque la douleur exprimée, quelles que soient sa topographie et son intensité, persiste au-delà de la disparition de l’influx nerveux qui est considéré comme agent causal, résiste au traitement habituel, ou entraîne une détérioration significative et progressive des capacités fonctionnelles et relationnelles du patient.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. Rappels
1.1. Mécanismes de la douleur post opératoire dans la chirurgie abdominale majeure
1.2. Hyperalgésie post-opératoire
1.2.1. Définition
1.2.2. Mécanismes de l’hyperalgésie
1.2.3. Mécanismes de l’hyperalgésie induite par les morphiniques
1.2.4. Pratique clinique
1.2.5. Conséquences de l’hyperalgésie
1.3. Pharmacologie de la kétamine
1.3.1. Propriétés pharmacologiques
1.3.1.1. Propriétés pharmacocinétiques
1.3.1.2. Propriétés pharmacodynamiques
1.3.2. Posologies
1.3.3. Effets indésirables
1.3.4. Indications
1.3.5. Contre-indications
1.4. Kétamine et analgésie post-opératoire
1.5. Pharmacologie de la lidocaine
1.5.1. Propriétés pharmacologiques
1.5.1.1. Propriétés pharmacocinétiques
1.5.1.2. Propriétés pharmacodynamiques
1.5.2. Posologie
1.5.3. Effets indésirables
1.5.4. Indications
1.5.5. Contre-indications
1.6. Lidocaine et analgésie post opératoire
DEUXIEME PARTIE
1. Cadre de l’étude
1.1. Les salles d’opération
1.2. La salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI)
1.3. Service de réanimation
1.4. Le personnel
2. Matériels et méthode
2.1. Type d’étude
2.2. Période d’étude
2.3. Population d’étude
2.3.1. Critères d’inclusion
2.3.2. Critères de non inclusion
2.3.3. Critères d’exclusion
2.4. Méthode d’étude
2.4.1. Pré-opératoire
2.4.2. Per-opératoire
2.4.3. Post-opératoire
2.5. Recueil des données
2.6. Paramètres étudiés
2.7. Exploitation des données
3. Résultats
3.1. Données épidemioloques
3.3.1. Nombre des patients et fréquence
3.3.2. Le sexe
3.3.3. L’âge
3.3.4. Données Pré-opératoires
3.3.4.1. Terrains
3.3.4.2. Type de Chirurgie
3.3.4.3. Classification ASA
3.3.5. Données Per-opératoires
3.3.5.1. Utilisation des morphiniques
3.3.5.2. Durée de la chirurgie
3.3.6. Post-opératoire
3.3.6.1. Qualité du réveil
3.3.6.2. Evaluation de la douleur postopératoire
3.3.6.3. La consommation des morphiniques en post-opératoire
3.3.6.4. Complications post-opératoire immédiates
DISCUSSION
1. Données épidémiologiques
1.1. Nombre des patients et fréquence
1.1.1. Sexe
1.1.2. Age
2. Données pré-opératoire
2.1. Terrains
2.2. Types de chirurgie
2.3. Classification ASA
3. Données per-opératoire
3.1. Utilisation des morphiniques
3.2. Durée de la chirurgie
4. Période post-opératoire
4.1. Qualité du réveil
4.2. Évaluation de la douleur en postopératoire
4.3. La consommation des morphiniques en post-opératoire
4.4. Complications postopératoires
CONCLUSION

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