Mecanismes de dispersion des semences de deux especes de BAOBABS

Au cours des cinquante dernières années, l’humanité a modifié les écosystèmes au gré de la croissance démographique et du développement technologique. Les activités humaines se traduisent par des changements des modes d’usage des terres, par une surexploitation des ressources naturelles, par l’introduction d’espèces exotiques et par le bouleversement des grands cycles biogéochimiques de l’échelle locale à l’échelle planétaire (Hooper et al., 2005). Les changements de paysage à travers l’intensification agricole affectent la disponibilité des habitats des espèces (Saunders et al., 1991). L’introduction d’espèces modifie les relations et les interactions interspécifiques parfois au détriment des espèces autochtones et endémiques (Vitousek et al., 1997). Les plantes tropicales sont les plus affectées par ces changements (Wright, 2005). Plus de 30 % des arbres tropicaux sont exposés au risque d’extinction face au changement climatique (GIEC, 2007).

Les baobabs (genre Adansonia) sont reconnus comme l’un des arbres les plus emblématiques de Madagascar. Parmi les neuf espèces de baobabs connues dans le monde, six sont endémiques de la grande Île (Pettigrew et al., 2012). Or, ces espèces sont exposées à des pressions anthropiques de plus en plus croissantes. Les habitats des baobabs sont le plus souvent confrontés au défrichement exercé pour l’agriculture et le pâturage (Baum, 1996). La conservation de ces espèces patrimoniales constitue un enjeu prioritaire tant au niveau national qu’international.

Toute idée de conservation doit passer par une meilleure compréhension et une connaissance des processus biologiques et écologiques qui permettent aux espèces de survivre au sein des écosystèmes modifiés par l’Homme. Parmi les processus biologiques se trouve la dispersion des semences qui relie la fin de cycle de reproduction d’une plante et l’établissement de sa descendance (Wang et Smith 2002). La dispersion des semences d’une espèce végétale dans un paysage est une des phases mobiles du cycle de développement (Howe et Miriti, 2004). A ce titre, elle joue un rôle fondamental dans la dynamique des populations (Nathan et Muller-Landau, 2000 ; Wang et Smith, 2002). Les capacités d’une espèce à se disperser, se renouveler, à coloniser et à s’agrandir dans un espace, déterminent son maintien dans un écosystème fragilisé ou perturbé par l’Homme (Howe et Miriti, 2004).

MODELE D’ETUDE 

Systématique du genre Adansonia

Les baobabs sont des végétaux ligneux dominants parmi les plus caractéristiques dans les écosystèmes forestiers tropicaux « secs » des pays sub-sahariens africains, du Nordouest de l’Australie, dans le Sud et le long de la côte occidentale de Madagascar. Le genre Adansonia appartient à la famille des Malvaceae, à la sous famille des Bombacoideae (Alverson et al., 1999 ; Judd et Manchester, 1997). Il regroupe actuellement neuf espèces dans le monde (Pettigrew et al., 2012). Sept espèces existent à Madagascar dont six sont endémiques (A. grandidieri Baill., A. suarezensis H. Perrier, A. rubrostipa Jum. & H. Perrier, A. za Baill., A. madagascariensis Baill., A. perrieri Capuron). Cependant, l’une d’entre elle, A. madagascariensis a été récemment identifiée à Mayotte (Danthu, com. pers). L’espèce (A. digitata L.,) se trouve au Nord-ouest de Madagascar et dans le continent Africain. Une nouvelle espèce a été découverte en Afrique de l’Est (A. kilima) (Pettigrew et al., 2012). L’espèce (A. gregorii F. Muell.) est endémique de la région de Kimberley au Nordouest de l’Australie (Baum, 1995 ; Wickens et Lowe, 2008). Les auteurs ont avancé l’hypothèse selon laquelle la dispersion à longue distance par flottaison des fruits est à l’origine de la distribution actuelle de ces espèces (Baum, 1995 ; Wickens, 1983).

Trois sections taxonomiques différentes selon la morphologie florale sont reconnues au sein du genre : la section Adansonia comprend les deux espèces africaines (A. digitata et A. kilima) ; la section Brevitubae regroupe les deux espèces endémiques de Madagascar (A. suarezensis et A. grandidieri) ; et les quatre autres espèces malgaches ainsi que l’espèce australienne appartiennent à la section Longitubae (Baum, 1995).

Morphologie des fruits et graines

Les fruits des baobabs sont de grandes baies indéhiscentes de forme variable, sphériques à oblongues selon les espèces avec un apex apiculé, pointu ou arrondi. Ils contiennent en moyenne plus d’une centaine de graines enfouies dans une pulpe farineuse blanche, mais aussi présentant un épicarpe (encore appelé coque ou cabosse) très lignifié de couleur brunâtre, d’épaisseur variable de texture plus ou moins résistante selon les espèces (Baum, 1996 ; Schatz, 2001). Les graines réniformes de couleur noire à brun foncé sont de taille et de poids variable selon les espèces (Razanameharizaka et al., 2006).

Ecologie de la germination 

La famille des Malvaceae possède en général des graines dures, orthodoxes (supportant une forte déshydratation prolongée sans perdre son pouvoir germinatif) dont le tégument est imperméable (Van Assche et Vandelook, 2006). Les travaux menés par Razanameharizaka et al. (2006) ont permis de regrouper les baobabs en deux catégories distinctes selon les caractéristiques de leurs graines : le premier groupe formé par cinq espèces (A. rubrostipa, A. madagascariensis, A. perrieri, A. gregorii et A. digitata) est caractérisé par des graines ayant une forte dormance tégumentaire ; le deuxième groupe est formé par les deux espèces de la section Brevitubae (A. suarezensis et A. grandidieri) dont les graines sont capables de germer sans scarification préalable. Les graines de ces deux espèces de baobabs ne présentent pas de dormance tégumentaire. Divers traitements expérimentaux tels que la scarification manuelle, le trempage dans l’eau bouillante et l’immersion dans l’acide sulfurique concentré (H2 S04, 95%) à différentes intervalles de temps ont été mis au point pour lever la dormance physique des graines de baobabs (Danthu et al., 1995 ; Esenowo, 1991 ; Razanameharizaka et al., 2006). Le trempage dans l’eau bouillante et la scarification par l’acide sulfurique sont les traitements les plus efficaces (Razanameharizaka et al., 2006).

Anatomie des graines 

L’étude de la structure histologique du tégument des graines a permis de donner des éléments d’explication sur la différence de la capacité germinative des graines de baobabs. Selon Razanameharizaka (2009), les graines des deux espèces de la section Brevitubae présentent des tissus à mucilage au niveau du parenchyme interne du tégument. Par contre, ces tissus sont absents chez les graines des autres espèces de baobabs. Ces tissus permettent les échanges hydriques entre la graine et le milieu externe et favorisent ainsi l’imbibition et la germination. La présence de ces tissus chez les deux espèces de la section Brevitubae est le premier élément explicatif d’un point de vue histologique de leur capacité germinative élevée. L’épaisseur des couches de macrosclérides, différente selon les espèces, constitue également un facteur expliquant la dormance tégumentaire des graines. Les espèces ayant une forte dormance tégumentaire ont des couches de macrosclérides plus épaisses. Pour toutes les espèces, la présence de la cuticule pendant les stades de maturation des graines provoque la dormance tégumentaire (Razanameharizaka, 2009).

Etat des connaissances sur la dispersion des graines du genre Adansonia 

En Afrique, l’homme consomme la pulpe sucrée entourant les graines et disperse ces dernières aux alentours des villages (Baum, 1995 ; Dhillion et Gustad, 2004). Les jeunes individus de baobabs sont ainsi spatialement agrégés dans les villages et les champs (Venter et Witkowski, 2010). Au Sud-ouest du Mali, le recrutement de jeunes individus d’A. digitata est plus élevé dans les villages et les champs que sur les falaises, suggérant un rôle de l’Homme dans la dispersion de cet arbre (Duvall, 2007). La dispersion d’A. digitata est aussi assurée par les babouins (Venter et Witkowski, 2010 ; Wickens et Lowe, 2008). En Australie, les graines d’A. gregorii sont dispersées par les kangourous (Baum, 1995 ; Bowman, 1997). Au sein des baobabs malgaches, l’hypothèse de l’anachronisme de dispersion par l’implication de la mégafaune disparue a été émise (Baum, 1995; Andriantsaralaza et al., 2010). La mégafaune malgache a en effet connu une vague d’extinction massive entre 2000 et 500 ans BP (Burney et al., 2004 ; Godfrey et Irwin, 2007). Parmi les grands animaux disparus se trouvent les grands oiseaux ratites (Aepyornis, Mullerornis), des hippopotames (Hippopotamus), des lémuriens géants (Palaeopropithecus, Archaeoindris, Babakotia, Mesopropithecus, Megaladapis, Archaeolemur, Hadropithecus, Pachylemur, Daubentonia) et les tortues géantes (Aldabrachelys abrupta et A. grandidieri). Les grands oiseaux ratites se seraient éteints beaucoup plus tard, vers la fin du 17ème siècle, si l’on se réfère au témoignage d’Etienne de Flacourt (De Flacourt, 1658). Le rôle des lémuriens actuels dans la dispersion des graines de baobabs reste controversé. En effet, Du Puy (1996) rapporte que le lémurien couronné (Eulemur coronatus) consomme les fruits d’A. suarezensis mais semble ingérer seulement la pulpe en laissant les graines au sol. Par contre, Wickens et Lowe (2008) rapportent que ces lémuriens sont des prédateurs des graines de baobabs d’A. suarezensis. Le lémurien à fourche de la Montagne d’Ambre (Phaner furcifer electomontis), à l’extrême nord de l’île, se nourrit de fruits d’A. suarezensis (Baum, 1995 ; Du Puy, 1996). Le lémurien à queue rousse (Lepilemur ruficaudatus) rencontré dans les forêts sèches de l’Ouest (Mittermeier et al., 2008), consomme de fruits immatures d’A. rubrostipa (Ganzhorn et Kappeler, 1996). Le lémurien brun (Eulemur fulvus), rencontré dans les forêts denses sèches de l’Ouest (Mittermeier et al., 2008) se nourrit quant à lui de fruits immatures d’A. rubrostipa et de fruits matures d’A. za (Ganzhorn et Kappeler, 1996). Le rôle des animaux introduits reste inconnu. Le rôle éventuel des potamochères dans la dispersion des graines de baobabs reste incertain (Du Puy, 1996 ; Perrier de la Bathie, 1953), l’état des graines après ingestion étant inconnu (Wickens et Lowe, 2008).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I : Cadre conceptuel
I- MODELE D’ETUDE
I-2- Systématique du genre Adansonia
I-3- Morphologie des fruits et graines
I-4- Ecologie de la germination
I-5- Anatomie des graines
I-6- Etat des connaissances sur la dispersion des graines du genre Adansonia
I-7- Généralités sur les espèces étudiées
II- MECANISMES DE DISPERSION
II-1- Définition de la dispersion
II-2- Intérêts biologiques de la dispersion
II-3- Modes de dispersion
II-4- Anachronisme de dispersion
II-5- Phases de la dispersion
II-6- Efficacité de la dispersion : les deux grandes composantes
II-7- Concept de la limitation par la dispersion: conséquences sur le recrutement
III- FILTRES ENVIRONNEMENTAUX
III-1- Définition du filtre environnemental
III-2- Filtres abiotiques
III-3- Filtres biotiques
III-4- Perturbations de l’habitat comme filtre environnemental
III-5- Effet des filtres et des perturbations sur une population longévive
IV-IMPORTANCE DE LA DISPERSION DANS LA DISTRIBUTION SPATIALE DES POPULATIONS VEGETALES
IV-1- Théorie de la niche écologique
IV-2- Théorie neutre de la biodiversité
IV-3- Les principaux types de répartition spatiale
PARTIE II: Dispersion par endozoochorie et effets de l’ingestion des graines d’A. rubrostipa et d’A. grandidieri par les animaux disperseurs potentiels sur leur germination
I- INTRODUCTION
II- MATERIELS ET METHODES
II-1- Matériel biologique
II-2- Observation préliminaire sur l’appétence pour les fruits
II-3- Consommation des graines par les différents types de vertébrés étudiés
II-4- Mesure de la durée du transit digestif et état des graines fécales
II-5- Tests de germination
II-6- Analyse statistique des résultats
III- RESULTATS ET INTERPRETATIONS
III-1- Temps de transit des graines des deux espèces de baobabs
III-2- Tests de germination des graines
III-3- Comparaison de l’état des graines ingérées par les animaux étudiés et de leur germination
III-4- Comparaison des taux de germination des graines des deux espèces de baobabs
IV- DISCUSSION
IV-1- Effet de la consommation des graines d’A. rubrostipa par les tortues géantes sur leur germination
IV-2- Effet de la consommation des graines d’A. rubrostipa par les lémuriens sur leur germination
IV-3- Effet de la consommation des graines de baobabs par les bovins et les caprins sur leur germination
IV-4- Efficacité de la dispersion : comparaison des trois types d’animaux étudiés
CONCLUSION PARTIELLE
PARTIE III: Dispersion par hydrochorie et effets de la flottaison et de l’immersion des fruits et des graines d’A. rubrostipa et d’A. grandidieri sur leur germination
I- INTRODUCTION
II- MATERIELS ET METHODES
II-1- Matériel biologique
II-2- Test de flottaison des diaspores
II-3- Tests de germination
II-4- Analyse statistique des résultats
III- RESULTATS ET INTERPRETATIONS
III-1- Flottaison des diaspores
III-2- Taux de germination des graines immergées
III-3- Temps initiaux de germination des graines immergées
IV- DISCUSSION
IV-1- Effet de la capacité de flottaison des diaspores sur la dissémination des graines de baobabs
IV-2- Effet de la résistance des graines de baobabs à l’immersion sur leur germination
IV-3- Dispersion par hydrochorie : Stratégies des deux espèces de baobabs
CONCLUSION GENERALE

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