Mécanismes de défense contre les agents pathogènes
Mytilus edulis
Généralités
Le phylum des mollusques est l’un des plus larges, diversifiés et importants groupes du règne animal (Gosling, 2008). Il renferme des métazoaires des plus étranges et des plus familiers . Parmi les classes majeures représentatives des mollusques, on retrouve le groupe des gastéropodes avec plus de 100 000 espèces suivi des bivalves contenant plus de 15000 espèces (Encyclopædia Britannica, 2016; Gosling, 2015).
Les bivalves, appelés également lamellibranches, sont caractérisés par leur forme comprimée latéralement avec une symétrie bilatérale conservée et une coquille composée de deux valves articulées entre elles par une charnière médiodorsale et un ligament non calcifié. Une autre caractéristique de cette classe est l’absence de la tête et du radula, organe typique de la plupart des mollusques (Lecointre and Guyader, 2001).
La moule bleue fait partie des représentants les plus connus des bivalves. Elle appartient à la famille des mytilidés et au genre Mytilus. L’appellation « moule bleue » peut se référer à plusieurs espèces (Mytilus trossulus, M. edulis et M. galloprovincialis) du fait que ces organismes frères sont capables de se reproduire entre eux et générer des hybrides (Hilbish et al., 2002; Toro et al., 2004). Toutefois, malgré la ressemblance morphologique, ils possèdent des physiologies distinctes et une répartition géographique différente (Gosling, 2008). Dans ce manuscrit, la dénomination « moule bleue » désigne l’espèce Mytilus edulis, objet de ce travail.
Ecologie et répartition
Mytilus edulis vit en milieu marin dans la zone de balancement des marées (zone intertidale) et dans les eaux peu profondes en se fixant solidement à des substrats durs par le biais des fibres du byssus. Cet organisme sessile s’attache également aux autres individus en formant des amas pour mieux se protéger contre les vagues (Gosling, 2008). La moule présente un modèle de grande distribution, principalement dû à sa capacité de supporter de larges fluctuations de salinités, dessiccation, température et oxygène. Elle a une aire de répartition très vaste dans le monde. Elle est présente au sud de l’océan Arctique et au nord des océans Atlantique et Pacifique. Sur la côte Est américaine, ses populations se distribuent du Labrador à la Caroline du Nord (Wells and Gray, 1960). En Europe, on trouve cette espèce dans l’Atlantique, en France, sur la côte de la Nouvelle-Zemble et l’Islande. La moule bleue colonise l’estran, zone qui s’étend de la ligne du flux maximum (vives eaux) à la ligne de reflux maximum (mortes eaux).
Anatomie et nutrition
La moule a une coquille de forme triangulaire et allongée avec des bords arrondis, formée de deux valves symétriques, réunies du côté antérieur par un ligament élastique . Un deuxième muscle adducteur situé au pôle postérieur permet l’ouverture de l’animal lors de son alimentation. A l’intérieur de la coquille, on trouve le manteau et les organes internes de l’animal (estomac, foie, reins, gonade, cœur, bouche). Le manteau est constitué de deux lobes de tissus tapissés de cellules nerveuses. Il est également responsable de la sécrétion des couches de la coquille. La moule possède un long pied qu’elle peut sortir par l’entrebâillement de la coquille et utiliser pour se déplacer. A la base de cette saillie musculaire se trouve la glande byssogène permettant la formation du byssus. Ce dernier est constitué d’un disque adhésif muni de nombreux filaments de nature protéique très résistants que l’animal peut rompre les uns après les autres pour se déplacer.
Deux branchies flottent dans la cavité palléale contre la masse viscérale. Chaque branchie a la forme d’un « W » et est formée par un feuillet direct qui descend de l’axe branchial et se replie au niveau du sillon marginal pour former le feuillet réfléchi avec son sillon dorsal . Ces feuillets comprennent des longs filaments à fines structure avec une orientation dorsale-ventrale. La paroi des filaments est constituée d’un épithélium simple qui porte de nombreux cils : cils frontaux, latéro-frontaux et latéraux. Ceux-ci sont animés de mouvements ondulatoires incessants qui entretiennent la circulation de l’eau dans la cavité palléale.
Le système circulatoire est composé du cœur dorsal qui comprend deux oreillettes latérales et un ventricule . L’hémolymphe, incolore, est propulsée à partir du ventricule dans deux aortes pour être distribuée aux différentes parties de l’organisme par un réseau de vaisseaux sanguins. Le système artériel, qualifié de diffus, aboutit à des espaces libres sans parois propres : les lacunes. Ainsi l’hémolymphe n’est plus canalisée dans des vaisseaux individualisés et baigne directement les tissus. Elle circule vers les reins pour purification puis gagne les branchies où elle s’enrichit en oxygène avant de retourner aux oreillettes du cœur. L’hémolymphe assure de nombreuses fonctions physiologiques comme les échanges des gaz dissous, l’osmorégulation, la distribution des nutriments et l’élimination des déchets. Elle joue aussi le rôle de fluide squelettique, assurant la rigidité de certains organes comme les palpes labiaux, le pied ou encore le bord de manteau (Gosling, 2008).
Mytilus edulis est un animal filtreur et microphage. Elle se sert de ses branchies pour recueillir le seston nécessaire à son alimentation et l’oxygène nécessaire à sa respiration. L’eau de mer chargée en particules et en oxygène dissous est pompée par le siphon inhalant, ensuite propulsée hors de la cavité palléale par le siphon exhalant . Les nombreux cils vibratiles des branchies sont responsables de l’entretien du courant d’eau mais assurent également un courant permanent de mucus amenant la nourriture vers les palpes labiaux et ensuite vers la bouche. Ainsi, les fines particules, essentiellement des algues microscopiques, sont ingérées et digérées par le système digestif et les plus grosses particules sont rejetées. Quant à l’oxygène capté, il pénètre dans l’hémolymphe pour être distribué dans tout l’organisme.
Défenses immunitaires de la moule bleue
Comme tous les invertébrés, la moule bleue est dotée d’un système immunitaire exclusivement inné. Ce dernier utilise des cellules circulantes appelées hémocytes et une grande variété d’effecteurs moléculaires. Différents mécanismes cellulaires sont impliqués pour protéger l’animal des microorganismes envahisseurs comme la phagocytose, les réactions cytotoxiques incluant la libération des enzymes lysosomales, des peptides antimicrobiens et des radicaux libres. L’hémolymphe contient un faible taux de protéines incluant des lectines solubles, des enzymes lysosomales et une variété de peptides antimicrobiens.
L’immunité cellulaire
Les hémocytes
Chez les mollusques bivalves, les hémocytes sont considérés comme les effecteurs de défense contre les microbes. Ces cellules actives du système immunitaire sont capables de s’infiltrer dans les tissus afin de rejoindre le site d’infection. Elles participent également à diverses fonctions biologiques et physiologiques telles que la réparation de la coquille (Johnstone et al., 2008; Mount et al., 2004) et le transport des particules nutritives (Beninger et al., 2003). En observation microscopique, ces immunocytes forment une population hétérogène. Plusieurs classifications ont été proposées ces dernières années et souvent, deux principaux types cellulaires sont décrits: les cellules granulaires et les cellules agranulaires (Stefano, 1990). Le Foll et al. (2010) ont distingué trois groupes cellulaires chez Mytilus edulis à partir de critères cytochimiques, morphologiques et fonctionnels: des petits basophiles semi-granulés, des hyalinocytes agranulés et des éosinophiles granulocytes plus complexes.
Comme chez tous les autres bivalves, l’origine des hémocytes reste inconnue. Plusieurs hypothèses ont été émises sur la présence ou l’absence d’un tissu hématopoïétique et sur la différenciation des cellules. Certaines études supposent qu’elles proviennent de tissus diffus dans le manteau et les branchies (Smith, 2001) tandis que d’autres ont élaboré des modèles d’ontogenèse hémocytaire (Mix, 1976). Plus récemment, une étude effectuée chez l’huitre Crassostrea rhizophorae a suggéré la provenance des hémocytes à partir d’un seul type cellulaire. D’après les auteurs, les différentes sous populations hémocytaires correspondent à plusieurs stades de maturation ou d’activité (Rebelo et al., 2013). Toutefois, l’absence de connaissances sur l’organe producteur et l’existence de lignées cellulaires indépendantes ne permet pas de vérifier ces hypothèses et conclure sur l’origine de ces cellules.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 1 : Mécanismes de défense contre les agents pathogènes
I. Mytilus edulis
1. Généralités
2. Ecologie et répartition
3. Anatomie et nutrition
4. Reproduction et cycle de vie
II. Défenses immunitaires de la moule bleue
1. L’immunité cellulaire
1.1. Les hémocytes
1.2. Les mécanismes de défense cellulaire
1.2.1. La phagocytose
1.2.2. L’encapsulation
1.2.3. La mort cellulaire programmée
2. L’immunité humorale
2.1. Cascade de la prophénoloxydase
2.2. Enzymes lysosomales hydrolytiques
2.3. Inhibiteurs de protéases
2.4. Peptides antimicrobiens
III. Pathologies
IV. Les bactéries du genre Vibrio
1. Caractéristiques phénotypiques, écologiques et taxonomiques
1.1. Caractéristiques phénotypiques
1.2. Caractéristiques écologiques
1.3. Taxonomie
2. Pouvoir pathogène
2.1. Les vibrions pathogènes pour l’Homme
2.1.1. V. cholerae
2.1.2. V. parahaemolyticus
2.1.3. V. vulnificus
2.2. Les vibrions pathogènes des organismes marins
2.2.1. Chez les poissons
2.2.2. Chez les coraux
2.2.3. Chez les crustacés
2.2.4. Chez les mollusques
3. Facteurs de virulence
Chapitre 2 : Mécanismes de défense contre les contaminants chimiques : le système MXR
I. Contamination chimique des milieux aquatiques
1. Impact des polluants
2. Biosurveillance
II. Mécanismes de défense contre les xénobiotiques
1. Les métallothionéines
2. Les enzymes de phase 0, I, II et III
3. Le système MXR
III. Les Transporteurs ABC effecteurs du phénotype MXR
1. La famille ABC
1.1. Structure
1.2. Mécanismes de transport
2. Les principaux transporteurs impliqués dans la résistance MDR/MXR
2.1. La P-glycoprotéine (Pgp)
2.2. Les Multidrug related proteins (MRPs)
2.3. La Breast cancer resistance protein (BCRP)
3. Les outils d’étude du système MXR chez les bivalves
3.1. Détection moléculaire et protéique
3.2. Approche fonctionnelle biochimique
4. Régulation du système MXR chez les bivalves
4.1. Par les contaminants
4.2. Effet saison
MATERIEL ET METHODE
I. Souches bactériennes
1. Préparation des suspensions bactériennes
2. Transformation en souches GFP
II. Contaminants chimiques
III. Modèles d’exposition
1. In vitro
2. In vivo
2.1. Injection
2.2. Cohabitation
2.3. Balnéation
RESULTATS
DISCUSSION GENERALE
CONCLUSION GENERALE