Mécanismes de concentration et de dilution des urines

La définition de l’insuffisance rénale aiguë (IRA) est consensuelle et universelle depuis 2012 : toute augmentation récente de 0,3 mg/dl ou 26,5 μmol/l de la créatininémie et/ou une baisse de la diurèse ˂ 0,5 ml/Kg/h pendant 6 à 12h suffit à poser le diagnostic [80]. Le médecin anesthésiste-réanimateur est fréquemment confronté aux patients souffrant d’insuffisance rénale aigue (IRA), que ce soit en période périopératoire ou en réanimation. L’IRA est une complication fréquente au décours des chirurgies majeures ou des états d’agression aigue des patients admis en réanimation. La survenue d’une IRA est un événement grave, associé à une lourde morbidité, mais aussi d’une surmortalité. L’IRA complique la prise en charge médicale du fait du risque de sous ou surdosage médicamenteux, d’une durée de ventilation mécanique prolongée, d’une durée de séjour en réanimation et hospitalière prolongée ou encore de la nécessité de la mise en œuvre de technique d’épuration extrarénale (EER) dans les cas les plus sévères [51]. Enfin, une IRA engendre un surcoût évident au cours de l’hospitalisation et semble associée à un risque plus important de développer une insuffisance rénale chronique. La prévalence de l’insuffisance rénale varie grandement dans la littérature médicale, de 10 à 100 % des patients en réanimation, en fonction des définitions utilisées et des populations étudiées. [51] Dans une large étude prospective observationnelle internationale incluant 29 269 patients de réanimation, Uchino et al. ont rapporté que 5,7 % des patients avaient présenté une IRA (définie par la nécessité de recours à une technique d’épuration extrarénale et/ou un débit urinaire inférieur à 200 ml/12 h et/ou une élévation de l’urée plasmatique supérieure à 30 µmol/L) en réanimation. La mise en œuvre d’une technique d’EER concerne 3 à 5 % des patients de réanimation. De 0,3 à 1,4 % des patients nécessitent le recours à une technique d’EER après chirurgie cardiaque. Enfin, environ 1 % des patients développe une IRA au décours d’une chirurgie majeure en excluant la chirurgie cardiaque (chirurgie viscérale, urologique et orthopédique) [57, 85]. Face à ce constat et pour mieux appréhender la problématique de l’insuffisance rénale aiguë dans notre contexte, nous avons effectué cette étude rétrospective de janvier 2010 à juin 2017, portant sur les patients présentant une insuffisance rénale aiguë à l’admission, en cours d’hospitalisation ou en post-opératoire d’une chirurgie majeure.

Définition

L’insuffisance rénale aiguë (IRA) désigne un syndrome caractérisé par une chute rapide (en quelques heures ou quelques jours) du débit de filtration glomérulaire avec l’incapacité pour les reins d’éliminer les produits du métabolisme azoté et d’assurer le maintien de l’homéostasie (acido-basique et hydro-électrolytique) [68, 80]. Grâce aux travaux d’experts internationaux, une définition universelle est désormais disponible pour le diagnostic de l’IRA. Cette définition fut d’abord établie en 2004 pour la classification dite RIFLE (Risk, injury, failure, loss, end stage renal disease), puis corrigée par le groupe AKIN (Acute kidney injury network) en 2007 et finalement éditée parmi les recommandations des « KDIGO » (pour Kidney disease improving global outcomes) en 2012. [1,80] Récemment et grâce au travail des experts regroupés au sein du groupe KDIGO (Kidney Disease Improving Global Outcomes), une définition consensuelle de l’IRA a été mise au point et proposée comme référence. Elle est basée sur la présence d’au moins un des trois critères suivants [71, 80] :
– Une augmentation de la créatinine plasmatique de ≥ 26,5 μmol/l sur une période de 48h ;
– Une augmentation de la créatinine plasmatique de ≥ 1,5 fois la valeur de base sur une période de 7 jours ;
– Une diminution de la diurèse de < 0,5 ml/kg/h sur 6h.

Epidémiologie

L’incidence globale d’IRA chez les patients hospitalisés tout venant a été évaluée à environ 2 % [100, 156]. Selon les définitions, 1 à 44 % des patients hospitalisés présentent une IRA [27, 68]. Basée sur la classification RIFLE, cette incidence reste extrêmement variable selon le type de patients considérés allant de 11 à 100 % des patients étudiés. Le sepsis et la période péri-opératoire restent les situations les plus à risque. Uchino et al. [150] ont évalué l’agression rénale aiguë (ARA) dans une étude prospective observationnelle menée dans 54 réanimations de 23 pays. Sur les 29269 patients admis en réanimation en 15 ans, 1738 (5,7 %) présentaient une IRA (avec une grande variabilité selon les pays) à l’admission ou lors de leur hospitalisation. La plus grande étude observationnelle rétrospective menée sur 5 ans aux USA dans 191 services de réanimation a inclus 325395 patients dont 71486 (22 %) ont développé une ARA [147]. Pour les 2/3 d’entre deux, l’ARA survenait précocement dans les 2 premiers jours. La mortalité globale de ces patients était de 10,9 % et était plus importante en cas d’ARA tardive. Une étude récente prospective multicentrique incluant 2901 patients de 17 réanimations finlandaises a évalué l’incidence de l’ARA à court terme (2 jours) en utilisant les critères diagnostiques KDIGO [118]. Les auteurs retrouvaient une incidence globale d’ARA de 39,3 % dont 10,2 % nécessitaient une EER. La fréquence de l’ARA en péri-opératoire dépend largement du type de chirurgie et des critères diagnostiques retenus, variant de 5 à 10 % [1,2]. Une étude récente a inclus 1200 patients bénéficiant d’une chirurgie lourde non cardiaque et non vasculaire. Cette étude prospective monocentrique rapportait une incidence globale d’ARA postopératoire de 67 % sur les critères de RIFLE. Les facteurs de risque de survenue d’ARA étaient l’âge, le diabète, le risque cardiaque et le score ASA. [18]. Les patients présentant une ARA présentaient un taux de complications postopératoires cardiovasculaires plus important que ceux sans ARA (33,3 % vs 11,3 %) et un taux de mortalité intra-hospitalière plus élevé (6,1 % vs 0,9 %).

Rappels anatomiques 

Anatomie descriptive 

Le rein est un organe pair, rétro-péritonéal, qui sécrète l’urine. Chaque rein est muni d’un canal excréteur, l’uretère, qui descend verticalement dans la région rétro-péritonéale latérale, puis dans le pelvis pour aller s’aboucher dans la vessie, dont le conduit excréteur est l’urètre.

Les reins, grossièrement symétriques, sont situés dans les parties hautes de l’espace rétro-péritonéal, de part et d’autre de la colonne vertébrale. Ils se projettent latéralement par rapport aux apophyses transverses des 11ème et 12ème vertèbres dorsales, et des 1er et 2ème vertèbres lombaires. Le rein gauche est un peu plus haut situé que le rein droit.

Les reins ont la forme d’un haricot, de couleur rouge sombre, de consistance ferme dont le hile est situé à la partie moyenne du bord médial. Aplatis d’avant en arrière, les reins sont allongés presque verticalement, le grand axe étant un peu oblique en bas et en dehors, l’extrémité inférieure est plus latérale que l’extrémité supérieure. Ainsi on lui décrit :
– deux faces, antérieure et postérieure ;
– deux bords, latéral convexe, et médial présentant une échancrure (le hile) ;
– deux pôles, supérieur et inférieur.
Les dimensions moyennes du rein sont : 12 cm de longueur, 6 cm de largeur, 3 cm d’épaisseur et il pèse environ 150 g. [89] Sur le plan structural, à la coupe, le rein présente :
– Une capsule enveloppant le rein, fibreuse, résistante et se clive facilement du parenchyme.
– Un parenchyme avec une zone médullaire interne (médulla) rouge foncée, formée par des pyramides à sommet interne : les pyramides rénales de Malpighi ; au sommet desquelles s’ouvre la papille (La médullaire contenant les tubes collecteurs et certaines parties des tubes contournés) et une zone corticale externe (cortex) jaune rougeâtre, entourant les pyramides, constituée par les colonnes rénales de Bertin, lieu de passage des vaisseaux et nerfs. (Le cortex contenant les corpuscules rénaux formés par la capsule de Bowman entourant le floculus, une partie des tubes contournés et la partie initiale des tubes collecteurs).

Anatomie fonctionnelle 

Néphron

Le rein est formé d’unités fonctionnelles microscopiques anatomiquement distinctes : les néphrons. Leur nombre est d’environ un million par rein. Le néphron est constitué par un glomérule, un tubule rénal et un appareil juxtaglomérulaire.

Le glomérule 

Le glomérule ou corpuscule de Malpighi est une sphère de 150 à 200 μm de diamètre, recouverte d’une enveloppe, la capsule de Bowman. Il est constitué de deux pôles :
– Un pôle vasculaire où pénètre une artériole afférente et d’où part une artériole efférente, entre lesquelles se développe un peloton de capillaires artériels : le floculus. L’épithélium de la capsule se réfléchit pour engainer artérioles et capillaires, formant ainsi la première cavité du tube urinaire à l’intérieur du glomérule : c’est la chambre urinaire.
– Un pôle urinaire où l’épithélium glomérulaire s’épaissit pour se continuer avec celui du tube contourné proximal.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. Définition
2. Epidémiologie
3. Rappels anatomiques
3.1 Anatomie descriptive
3.2 Anatomie fonctionnelle
3.2.1 Néphron
3.2.1.1 Le glomérule
3.2.1.2 Tubule rénal
3.2.1.3 L’appareil juxta-glomérulaire
3.2.2 L’interstitium rénal
3.3 La vascularisation rénale
3.3.1 Les artères rénales
3.3.2 Les veines rénales
4. Rappels physiologiques
4.1 L’élaboration de l’urine
4.1.1 La filtration glomérulaire
4.1.2 La réabsorption tubulaire
4.1.3 La sécrétion tubulaire
4.2 Mécanismes de concentration et de dilution des urines
5. Physiopathologie
6. Diagnostic
6.1 Diagnostic positif
6.2 Diagnostic de gravité
6.2.1 Gravité liée à l’IRA
6.2.2 Gravité liée aux stades de l’IRA
6.3 Diagnostic topographique
6.3.1 IRA fonctionnelle
6.3.2 IRA organique
6.3.3 IRA obstructive
6.4 Diagnostic étiologique
6.4.1 IRA fonctionnelles
6.4.2 IRA organiques
6.4.3 IRA obstructives
6.5 Diagnostic différentiel
7. Prise en charge thérapeutique
7.1 Buts
7.2 Moyens
7.2.1 Symptomatiques
7.2.2 Etiologiques
7.3 Indications
7.3.1 IRA fonctionnelle
7.3.2 IRA organique
7.3.3 IRA obstructive
7.3.4 Traitement des complications
7.4 Traitement préventif
8. Evolution-pronostic
DEUXIEME PARTIE
1. Cadre d’étude et méthodologie
1.1 Cadre d’étude
1.2 Méthodologie
1.2.1 Le Type et période d’étude
1.2.2 Critères d’inclusion
1.2.3 Critères de non inclusion
1.2.4 Recueil des données et paramètres étudiés
1.2.5 Définition des variables opérationnelles de l’étude
1.2.6 Analyse statistique des données
RESULTATS
2. Résultats
2.1 Etude descriptive
2.1.1 Aspects épidémiologiques
2.1.1.1 Prévalence
2.1.1.2 Age
2.1.1.3 Genre
2.1.1.4 Durée de séjour
2.1.1.5 Origine géographique
2.1.1.6 Zone de résidence
2.1.1.7 Le service de provenance
2.1.2 Aspects cliniques
2.1.2.1 Motifs d’hospitalisation
2.1.2.2 Antécédents médicaux
2.1.2.3 Terrains obstétricaux
2.1.2.4 Antécédents chirurgicaux
2.1.2.5 Signes fonctionnels
2.1.2.6 Signes généraux
2.1.2.7 Donnés de l’examen physique
2.1.3 Aspects paracliniques
2.1.3.1 Biologie
2.1.3.2 Echographie rénale
2.1.4 Classification de KDIGO
2.1.5 Aspects étiologiques
2.1.5.1 Topographie de l’IRA
2.1.5.2 Etiologies de l’IRA
2.1.6 Aspects thérapeutiques
2.1.6.1 Traitement symptomatique
2.1.6.2 L’hémodialyse
2.1.7 L’évolution
2.1.8 Mortalité
2.2 Etude analytique
2.2.1 Corrélation entre l’âge et la mortalité
2.2.2 Corrélation entre la classification KDIGO et la mortalité
2.2.3 Corrélation entre l’hémodialyse et la mortalité
2.2.4 Corrélation entre les groupes étiologiques et la mortalité
2.2.5 Corrélation entre les complications de l’IRA et la mortalité
DISCUSSION
CONCLUSION

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