Mécanismes d’adhésion sur tôles grasses et tenue mécanique en milieu humide

Théories de l’adhésion

   Les mécanismes par lesquels deux matériaux solides sont maintenus ensemble par un contact interfacial intime ont été étudiés depuis de nombreuses années. Différentes théories ont été proposées afin d’expliquer la nature des forces et/ou interactions mises en jeu lors du processus d’adhésion, mais aucune de ces théories n’est capable à l’heure actuelle, d’expliquer de façon satisfaisante tous les cas rencontrés. On trouve dans la littérature des synthèses de diverses théories relatives à l’adhésion, [Kinloch, 1987 ; Shanahan, 1991 ; Roche, 1991 ; Packham, 1992] qui montrent la complexité des phénomènes mis en jeu au cours de l’adhésion de deux matériaux entre eux. Voilà cidessous un rappel des contributions principales reconnues à l’heure actuelle.
Théorie mécanique Cette théorie fût proposée initialement en 1925 par McBain et Hopkins [1925] dont les travaux concernaient notamment le collage du bois. L’adhésion est assurée par un ancrage mécanique du polymère qui pénètre dans les microcavités et irrégularités de surface du substrat avant la solidification. Un bon ancrage mécanique nécessite un choix judicieux de la rugosité de surface et dépend à la fois de la viscosité de l’adhésif et de la mouillabilité du substrat. Une bonne affinité adhésif/surface du substrat limite la formation de défauts liés à de l’air piégé.
Théories spécifiques
-Théorie de la diffusion : Les bases de cette théorie furent proposées par Voyutskii [1963] pour décrire l’adhésion de deux blocs de polymères de même nature (« auto-adhésion »). L’assemblage est dû à des mouvements de segments moléculaires à travers l’interface ; l’interpénétration des chaînes de polymères assure l’adhésion. Ce phénomène nécessitant une bonne affinité entre les deux solides en contact ; il est limité aux assemblages pour lesquels les deux constituants sont des polymères. Dans certains cas, l’emploi d’agents de couplage conduit à un mécanisme d’adhésion similaire à celui décrit ci-dessus, particulièrement dans le cas d’un collage entre une résine époxydique et un verre [Smith et coll., 1994].
-Théorie électrostatique : Deryagin et coll. [1957] ont observé, lors d’un essai de pelage sur le polychlorure de vinyle, des phénomènes électrostatiques qui les ont amenés à proposer une explication électronique au processus d’adhésion. On sait depuis que la dissipation d’énergie au cours d’un essai de pelage est liée principalement aux réponses visqueuses et viscoélastiques du matériau. Les transferts de charge observés seraient donc une conséquence de l’essai de pelage plutôt qu’une cause de l’adhésion entre les deux matériaux.
-L’adhésion chimique : Cette théorie considère la formation de véritables liaisons chimiques, résultants d’interactions intermoléculaires ou interatomiques (par exemple de type covalente ou ionique) entre la surface du substrat et le polymère ; l’exemple du collage du caoutchouc sur certains métaux est à ce sujet bien connu. Ces interactions, très fortes, conduisent à une adhésion résistante . La formation de ce type de liaisons est favorisée par l’application d’agents de couplage, notamment à base de silanes, à la surface du substrat.
-Théorie thermodynamique ou mouillage:  La théorie thermodynamique considère que les interactions interatomiques et intermoléculaires faibles constituent la base de l’adhésion. Elle est actuellement le modèle le plus utilisé dans l’approche des phénomènes d’adhésion. D’une manière générale, on considère que l’adhésion est assurée à l’échelle moléculaire par des interactions de types van der Waals (essentiellement dispersives) et des interactions polaires, acido-basiques, … (nondispersives). La résistance des assemblages collés dépend de la force et du nombre de ce type d’interaction. Le processus d’adsorption et les forces de surface (responsables de l’énergie libre de surface) influent directement sur le travail thermodynamique d’adhésion, Wa, comme l’exprime la relation de Dupré [Kinloch, 1987] :
Wa = γa + γb – γab Eq. I – 1 où γa, γb et γab sont respectivement les énergies libres de surface des deux matériaux (a et b) et de l’interface. Cette équation ne considère ni les phénomènes de chimisorption, ni d’interdiffusion ; il s’agit simplement du travail d’adhésion réversible. Une valeur de Wa négative se traduit par une séparation spontanée des deux solides. Il est possible de décomposer ce travail d’adhésion en plusieurs termes additifs liés aux diverses interactions dispersives et non-dispersives intervenant à l’interface [Kinloch, 1987] (cf. description en annexe 1 des différentes contributions aux énergies libres de surface).
Théories « massiques » : Les théories de l’adhésion massique sont fondées sur les propriétés intrinsèques des matériaux (substrat et adhésif), ainsi que sur les phénomènes interfaciaux susceptibles d’intervenir lors de la séparation [Shanahan, 1991]. Bikermann [1961] a introduit la notion d’interphase dans les années 1960. Pour lui, les faciès de rupture sont essentiellement cohésifs (cf. § I.3.2). Les fissures, naissant initialement à l’interface, sont déviées vers une zone moins performante (appelée couche de faible cohésion) propre à l’un des deux matériaux. Bikermann a défini sept classes de rupture à l’interphase. La première est provoquée par des poches d’air piégé. La migration d’impuretés persistante dans l’un et/ou l’autre des matériaux contribue à diminuer la résistance mécanique et à provoquer la rupture ; ces défauts sont à l’origine de la seconde et de la troisième classe de rupture. Les quatre autres classes font appel à des interactions air/matériaux ; l’environnement peut provoquer des dégradations physico-chimiques, diminuant ainsi la résistance de l’adhésion. Depuis, beaucoup d’attention est portée au concept d’interphase pour lequel des études tendent à modéliser sa formation [Amdouni, 1989 ; Maguire et Coll., 1994 ; Gaillard et coll., 1994 ; Bouchet et coll., 99]. La théorie rhéologique, développée par Gent , Andrews et coll. [Gent et Petrich, 1969 ; Gent et Schultz, 1972 ; Andrews et Kinloch, 1973], est particulièrement adaptée à l’adhésion des élastomères. L’énergie d’adhésion, W, mesurée par pelage sur un substrat rigide, est souvent nettement supérieure à la valeur théorique de Dupré, Wa. De plus, W dépend fortement de la température et de la vitesse de sollicitation mais reste toutefois proportionnelle à Wa. En effet, l’excès d’énergie est dissipé par des processus viscoélastiques liés à la déformation du (des) substrat(s) lors de leur séparation. Il a été démontré que l’énergie mesurée augmente avec la masse moléculaire entre nœuds deréticulation [Lake et Thomas, 1967]. Bien que les causes ne soient pas encore totalement déterminées, cet effet est attribué à une variation d’entropie liée à l’orientation de chaînes au cours de la séparation [Shanahan et Michel, 1991].

Essais mécaniques : généralités

  Le paramètre choisi est représentatif de l’adhérence si sa grandeur est liée aux variations des propriétés de l’interphase substrat/polymère et si l’amorçage (et éventuellement la propagation) de la fracture est de type adhésive, c’est-à-dire se produit au sein de l’interphase considérée. Dans le cas où la fracture est cohésive (donc survient au sein de l’adhésif ou du substrat), les variations du paramètre mesuré sont alors caractéristiques des propriétés intrinsèques (résistance à la décohésion ou à la rupture) du matériau où a lieu la rupture. Il existe un très grand nombre d’essais destructifs normalisés permettant la caractérisation du comportement mécanique des assemblages collés [Kinloch, 1987]. Ceux-ci font toujours l’objet d’études comparatives afin d’uniformiser les protocoles d’essais [Ikegami et coll., 1996]. Le développement de nouvelles technologies de mesure de l’adhésion est par ailleurs toujours d’actualité (citons notamment Shanahan [1997] et Sener [1999]). le cisaillement, la traction, le pelage et le clivage. Aucun de ces essais n’est capable de mesurer directement une énergie d’adhésion étant donné l’importance des phénomènes dissipatifs au sein de l’adhésif et/ou du substrat lors de la rupture. Ils sont généralement utilisés pour déterminer les lois de comportement de l’adhésif et des substrats ainsi que le type de rupture.

Paramètres affectant l’interphase substrat/polymère

   Parmi l’ensemble des paramètres pouvant affecter les propriétés mécaniques, physiques ou chimiques de l’interphase substrat/polymère, les plus pertinents sont :
– les propriétés physico-chimiques du substrat (nature chimique, rugosité),
– les propriétés physico-chimiques de la couche créée à la suite des traitements de surface des substrats (nature chimique, porosité, épaisseur),
– les propriétés physico-chimiques du polymère (nature chimique, viscosité, charges),
– les conditions d’application et de polymérisation de l’adhésif (température, hygrométrie),
– les conditions de vieillissement des assemblages collés (température, hygrométrie, durée),
– les conditions d’essais (température, hygrométrie).

Les agents flexibilisant

   Les agents flexibilisant sont incorporés afin de diminuer la rigidité de la matrice époxydique. Les plus couramment utilisés sont des élastomères de type polybutadiène fonctionnalisé tels que les copolymères butadiène/acrylonitryle à terminaisons amines ou carboxyles : ATBN et CTBN respectivement [Drake et Siebert, 1975 ; Siebert et coll., 1986]. Ceux-ci sont à même de réagir avec la résine époxydique, sans modifier les propriétés mécaniques ou la tenue thermique, tout en améliorant fortement la résistance au choc et l’énergie de rupture de l’adhésif [Hagnauer et Dunn, 1981 ; Mika et Bauer, 1988 ; Goulding, 1994 ; McEwan et coll., 1999]. Il semblerait même que ces constituants aient, dans certaines proportions, un rôle bénéfique pour le collage de tôles huilées (cf. IV.2) [Goodrich, 1986 ; Siebert et coll., 1986 ; Ogawa et coll., 1999 ; Jha et coll., 1999].

Réseau formé et caractéristique physico-chimique

   Les résines époxydiques sont décrites comme des structures formant un réseau tridimensionnel régulier sous certaines conditions (co-solubilité résine/durcisseur optimale, processus de réticulation maîtrisé [Kaelble et coll., 1988]). Malheureusement, ces conditions idéales ne sont pas toujours atteintes. Ainsi, Erath et Spurr [1958] ont mis en évidence la formation assez fréquente de globules de 400 à 900 Å de diamètre dans les résines phénoliques et époxydiques. Ces micelles, assez abondantes seraient dues à une plus grande rapidité des réactions de réticulation en certains points spécifiques de la résine. Ce type d’inhomogénéité structurale, caractérisée par des régions de densité de réticulation plus ou moins forte, peuvent être reliées à des conditions de co-solubilité et de réticulation non-optimales. Pour leur part, Lin [1986] et Hagnauer et Dunn [1981] relient l’hétérogénéité des réseaux époxydiques au type de durcisseur employé et à la température de réticulation. Par exemple, avec la DDA et pour des échantillons pré-réticulés à 100°C, la gélification a lieu à basse température et entraîne l’apparition d’agrégats cristallins formés par 20 à 30% de DDA résiduel. En revanche, si la pré-réticulation est effectuée à 160°C, la gélification intervient à haute température et la totalité de la DDA réagit. Naturellement, le type de réseau formé influence les propriétés mécaniques (température de transition vitreuse, Tg ; module d’Young, E ; …). Lin [1986] a ainsi démontré que la formation d’agrégats de DDA à 100°C engendre une augmentation de Tg et de E, ainsi qu’une diminution des contraintes et déformations à la rupture en traction.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Collage structural et problématique
I. L’adhésion structural
I.1. Définition
I.2. Théories de l’adhésion
I.2.1. Théorie mécanique
I.2.2. Théories spécifiques
I.2.3. Théories « massiques »
I.3. Adhérence : comportement mécanique des assemblages structuraux
I.3.1. Essais mécaniques : généralités
I.3.2. Facteurs influençant le comportement des joints structuraux
II. Les adhesifs epoxydiques
II.1. Généralités
II.1.1. Les prépolymères époxydiques
II.1.2. Les durcisseurs
II.1.3. Les additifs
II.2. Réticulation du système prépolymère époxydique/dicyandiamide
II.3. Réseau formé et caractéristique physico-chimique
III. Collage structural dans l’industrie automobile
III.1. Généralités
III.2. Intérêts du collage structural dans l’automobile
III.3. Limitations du collage structural
III.4. Bilan
IV. Problématique du collage de tôles grasses et démarche
IV.1. Problématique
IV.2. Etat des connaissances
IV.2.1. Compréhension des phénomènes rendant possible le collage de tôles huilées
IV.2.2. Performances mécaniques d’assemblages réalisés sur tôles huilées
IV.2.3. Bilan
IV.3. Axes de recherche et démarche adoptée
IV.3.1. Axes de recherche
IV.3.2. Choix de la démarche scientifique et méthodologique
V. Conclusion
Chapitre 2 : Matériaux et techniques expérimentales
I. Matériaux
I.1. Tôle
I.2. Huile
I.3. Adhésifs structuraux
I.3.1. Formulation
I.3.2. Charge
II. Techniques expérimentales
II.1. Préparation des assemblages collés sur tôles grasses
II.1.1. Préparation des substrats
II.1.2. Réalisation de l’adhésif
II.1.3. Cycle thermique de réticulation
II.2. Techniques d’analyse des surfaces et interfaces
II.2.1. Par Spectrométrie InfraRouge à Réflexion Totale Atténuée au cours du cycle thermique de réticulation
II.2.2. Par mouillage en température
II.3. Techniques d’essais mécaniques
II.3.1. Elaboration des joints structuraux
II.3.2. Essais mécaniques
II.3.3. Conditions de vieillissement
Chapitre 3 : Mécanismes d’adhésion en présence d’huile – Devenir de l’huile
I. Démarche
II. Hypothèse du contact adhesif/substrat par chassage thermodynamique
II.1. Considération thermodynamique
II.2. Test avant cuisson par analyse ATR
II.2.1. Résultats
II.2.2. Domaine de validité
II.3. Test après cuisson par observation de fractures cryogéniques
II.3.2. Résultats
III. Hypothèse du contact adhesif/substrat par diffusion d’huile dans l’adhésif
III.1. Localisation de l’huile par marquage
III.1.1. Principe
III.1.2. Application et observation
III.1.3. Validation et limitations de la méthode
III.2. Localisation de l’huile par observation MEB
III.2.1. Principe
III.2.2. Application et observation
III.2.3. Validation et limitations
III.3. Détermination du gradient de concentration de l’huile dans l’adhésif
III.3.1. Principe et intérêt de cette approche
III.3.2. Application et observation
III.3.3. Limitations
IV. Bilan
IV.1. Bilan des mécanismes d’adhésion en présence d’huile
IV.2. Bilan de la localisation d’huile au sein de l’assemblage gras collé
IV.3. Discussion
Chapitre 4 : Influence de l’huile sur la formation des interphases et sur le comportement de l’adhésif
I. Suivi continu par ATR de l’interphase au cours du cycle thermique de cuisson
I.1. Objectif de la cellule ATR chauffante
I.1.1. Intérêt
I.1.2. Systèmes étudiés
I.2. Résultats « bruts »
I.2.1. Série de spectres obtenus en fonction de la température
I.2.2. Observations
I.3. Critères de suivi des phénomènes et traitement des résultats bruts
I.3.1. Définition des critères
I.3.2. Traitement de l’information
I.3.3. Reproductibilité
I.4. Suivi des phénomènes se déroulant à l’interphase en fonction du cycle de cuisson
I.4.1. Diffusion d’huile
I.4.2. Réticulation de l’adhésif au sein de l’interphase
I.4.3. Chronologie des phénomènes
I.5. Résidus d’huile à l’interphase
I.5.1. A chaud
I.5.2. Après retour à température ambiante
I.6. Influence des charges
I.6.1. Sur la diffusion d’huile
I.6.2. Sur la réaction de réticulation
I.6.3. Sur la quantité d’huile résiduelle à l’interphase après retour à température ambiante
I.7. Bilan
II. Influence de l’huile sur l’étalement de l’adhésif sur tôle galvanisée
II.1. Influence sur l’évolution des angles de contact
II.1.1. Observation de l’état initial et final
II.1.2. Evolution des angles de contact au cours du cycle thermique de cuisson
II.1.3. Modèle prédictif de l’étalement d’une goutte d’adhésif au cours de sa cuisson
II.2. Démonstration de l’existence d’un film précurseur d’adhésif sur la tôle
II.2.1. Observation d’un halo autour de la goutte d’adhésif déposée sur la tôle huilée
II.2.2. Caractérisation de la nature de ce halo
II.3. Bilan
III. Discussion
Chapitre 5 : Caractérisation mécanique d’assemblages de tôles huilées avant et après vieillissement
I. Essais mecaniques
I.1. Essai de torsion
I.1.1. Principe de mesure
I.1.2. Correction des grandeurs mécaniques mesurées
I.2. Essai de traction cisaillement
II. Caractérisation à l’état initial
II.1. Caractérisation mécanique par l’essai de torsion
II.1.1. Influence de l’état de surface du cylindre
II.1.2. Dispersion des résultats
II.1.3. Influence de l’huile
II.2. Caractérisation mécanique par traction cisaillement
II.2.1. Dispersion des résultats
II.2.2. Influence de l’huile et de sa composition
II.2.3. Influence des charges
II.3. Bilan
III. Caractérisation mécanique des assemblages après vieillissement hygrothermique
III.1. Evolution des caractéristiques en torsion
III.1.1. Influence de l’huile sur les grandeurs mécaniques
III.1.2. Influence de l’huile sur les faciès de rupture
III.2. Evolution des caractéristiques en traction cisaillement
III.2.1. Influence de l’huile et de sa composition
III.2.2. Influence des charges
III.3. Bilan
IV. Discussion
Conclusions et perspectives

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