Mécanismes d’adaptation post AVC
Après une lésion, le cerveau met en place des mécanismes visant à rétablir une partie des fonctionnalités de la zone cérébrale touchée afin de compenser ou récupérer certains déficits fonctionnels. Il est évident que cette adaptation sera dépendante de la zone lésée ainsi que de la sévérité de la lésion, nous nous intéresserons aux mécanismes de récupération essentiellement moteurs. Il est observé chez les patients un rétablissement, souvent partiel des fonctions perdues. Il existe deux grands mécanismes qui visent à rétablir la fonctionnalité : la compensation et la récupération. C’est deux mécanismes sont cliniquement distincts mais trop souvent mélangés (Levin et al., 2009).
La récupération se définie comme la réapparition de pattern moteur élémentaire présent avant la lésion du SNC. Alors que la compensation se définie comme l’apparition d’un nouveau pattern moteur qui résulte de l’adaptation d’un élément moteur restant ou sa substitution.
Compensation et récupération
En ce qui concerne la compensation, elle va remplacer une fonction perdue en substituant le schéma moteur par exemple, le patient va se servir d’une autre partie de son corps pour effectuer la tâche (ouvrir un paquet de chips avec une main et la bouche au lieu d’utiliser les deux mains). Dans le cas de déficits sévères, ce mécanisme permet au patient de retrouver de la fonctionnalité. Toutefois, chez les patients modérément déficitaires bien que cela permette également de réaliser la tâche à court terme, à long terme cela peut être associer à des réductions dans les gammes de mouvement et l’apparition de douleurs (Levin and Dimov, 1997). De plus, il a été montré que laisser la possibilité au patient d’utiliser la compensation motrice donne la possibilité à un apprentissage du « non-use = non utilisation» qui limite les capacités de retrouver de la motricité pour le membre parétique (Alaverdashvili et al., 2008). D’où l’utilisation de la thérapie contrainte.
En ce qui concerne la récupération, elle est souvent spontanée et peut correspondre à la restitution de la fonctionnalité de la zone de pénombre, à la résolution du diaschisis ou à une réorganisation des projections motrices. Ces processus font partie de la plasticité cérébrale. Un autre processus est la régénération du tissu lésé. Ces phénomènes ne sont bien sûr pas indépendants.
Plasticité cérébrale
La plasticité cérébrale est décrite chez le sujet sain dans l’apprentissage et l’expertise. Chez le sujet lésé le mécanisme est le même, il résulte à l’adaptation du réseau neuronal, soit par la création de nouvelles connexions ou des changements de connexions synaptiques (Xerri et al., 1996). Chez l’homme la première mise en évidence, chez le patient AVC, d’une nouvelle organisation cérébrale, a été faite en imagerie par émission de positons (TEP), qui a montré le recrutement de l’aire de la face pour une tâche de mouvement des doigts (Chollet et al., 1991) . Depuis, cela a été beaucoup étudié chez l’animal et chez l’homme (pour revue, Cheatwood et al., 2008; Murphy and Corbett, 2009).
Par la suite, l’IRM fonctionnelle a permis également d’observer ces réorganisations (pour revue Baron et al., 2004). Cette technique permet une meilleure résolution spatiale pour étudier les modifications des activations cérébrales. Par exemple, chez le patient cérébrolésé, il est décrit en phase aiguë une activation des aires motrices contro-lésionnelles dans une tâche de tapement du doigt (Bütefisch et al., 2005; Tombari et al., 2004). En phase chronique, il est relevé une activation du cervelet ipsilatéral ainsi qu’une reprise d’activité dans le cortex ipsilésionnel mais de manière plus étendue comparativement au contrôle, ce qui pourrait correspondre au recrutement des aires péri-lésionnelles (Cramer and Crafton, 2006) .
Les études chez l’animal sont indispensables pour découvrir les nombreux mécanismes encore non connus de la plasticité cérébrale. Les mêmes schéma d’activation ont été décrits après une ischémie focale chez le rat (Dijkhuizen et al., 2001). La réorganisation des aires motrices observées chez le rat (Carmichael et al., 2001) et le primate non humain (Nudo and Milliken, 1996) ont permis de proposer des processus responsables de la plasticité. D’une part, le démasquage de réseaux neuronaux existants mais initialement inhibés, d’autre part, le renforcement des connections existantes avec des renforcements dendritiques et synaptiques, enfin la création de nouvelles connexions neuronales (synaptogénèse). Un autre processus . Ces processus sont schématiquement récapitulés (Murphy and Corbett, 2009).
Régénération
La régénération du tissu lésé est un processus mis en place spontanément. Bien qu’efficace pour réparer de petites lésions et il n’est cependant pas suffisant pour combler une lésion étendue, ni récupérer l’intégrité du tissu et récupérer les fonctions perdues. La régénération tissulaire concerne à la fois les neurones perdus mais également les cellules de structure et nourricières : astrocytes, cellules gliales et revascularisation. Je n’aborderai ici que la neurogénèse succinctement.
Il y a plusieurs dizaines d’années, on ne pensait pas avoir de cellules souches dans le cerveau, on pensait cet organe figé et voué à perdre ses neurones et fonctions avec le temps. Il a été montré une neurogénèse à l’âge adulte chez l’homme à la fin des années 90 (Eriksson et al., 1998). Elle a lieu dans la zone sous ventriculaire et dans le gyrus denté. Il a été montré chez l’animal et chez l’homme, qu’après une lésion, la neurogénèse est stimulée (Jin et al., 2006; Zhang et al., 2008). Ces cellules souches vont proliférer puis migrer et se différencier en neuroblastes puis en neurones. Les neurones immatures migrent vers la lésion pour se différencier. Cependant, chez le rat, il a été montré que seulement 0,2% de ces neurones survivent (Arvidsson et al., 2002). Une des explications serait que le microenvironnement de la lésion ne serait pas propice à la vie cellulaire. L’ensemble des phénomènes décrits plus haut participent à la mise en place de la lésion et de sa récupération spontanée des fonctions chez le patient. Malheureusement, Trois quart des patients vont garder des séquelles à vie car les mécanismes d’adaptation sont la plupart du temps insuffisants. Il est donc primordial de chercher une thérapie permettant une meilleure récupération des fonctions. Afin de proposer de nouvelles thérapies aux patients, il est nécessaire de tester en amont les stratégies sur des modèles animaux, c’est pourquoi la principale fonction évaluée est la motricité car nous sommes dans l’incapacité à communiquer avec eux.
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Table des matières
Introduction générale
Etat de l’art
I. Ischémie cérébrale
A. Epidémiologie
B. Facteurs de risques, prévention
II. Physiopathologie
A. Etiologie
B. Formation de la lésion cérébrale
III. Motricité
IV. Mécanismes d’adaptation post AVC
A. Compensation et récupération
B. Plasticité cérébrale
C. Régénération
V. Stratégies thérapeutiques
A. Actions en phase aiguë
B. Modulation des circuits moteurs
C. Remplacement cellulaire
VI. Tests comportementaux chez le rat et leurs limites
A. Test d’agrippement
B. Staircase Test
VII. Marmouset
Outils d’évaluation
Echelles neurologiques
Tests de la force
Test de la dextérité
Imagerie par résonance magnétique
Objectifs de la thèse
Etude 1 : Profil de récupération chez le rat, de la force et de la dextérité fine après une lésion du cortex moteur primaire et effet d’une greffe de cellules neuronales
I. Présentation et objectifs
II. Protocole
III. Résumé des résultats
Strength and Fine Dexterity Recovery Profiles After a Primary Motor Cortex Insult and Effect of a Neuronal Cell Graft
IV. Discussion
Etude 2 : Suivi du Faisceau Cortico Spinal chez le marmouset par une technique d’IRM utilisant un agent de contraste : le manganèse
I. Présentation
II. Résumé des résultats
Corticospinal Tract Tracing in the Marmoset with a Clinical Whole-Body 3T scanner Using Manganese-Enhanced MRI
III. Discussion complémentaire
A propos des risques opératoires
A propos de la spécificité du manganèse comme traceur neuronal
A propos de l’artéfact induit par le manganèse
A propos de la diffusion dans le cortex, aux fortes doses avec un volume constant
Concernant la possibilité d’avoir une meilleure définition du faisceau allant du site d’injection aux pédoncules cérébraux
A propos de la profondeur du marquage
IV. Conclusion
Etude 3 : Mise au point d’un nouveau modèle de lésion cérébrale focale chez le marmouset et preuve de concept d’une thérapie par neuro-implants micro-structurés
I. Introduction
II. Matériels et Méthodes
A. Ethique
B. Protocole
C. Hébergement des animaux
D. Chirurgies
Lésion
Chlorure de Manganèse (MnCl2)
Implantation des biomatériaux et traitement à la Chondroitinase
E. Imagerie par Résonance Magnétique IRM, In vivo
F. Analyses d’images et statistiques
Cartes du manganèse à chaque temps donné
Décours temporel du marquage par le MnCl2
Détermination du volume lésionnel
G. Tests comportementaux
Test de l’escalier colline et vallée : “Staircase Hill and Valley”
Test de force de traction du membre supérieur : “Dynamometric pull test”
Echelle Neurologique
H. Sacrifice et Histologie
I. Statistiques
III. Résultats
Réussite chirurgicale
Conclusion générale